Saint Robert de Molesme
La vie de Saint Robert
Abbé de Molesme et de Cîteaux
1029-1111
Fête le 30 avril
Prologue
Ici commence le prologue de la vie de St Robert, premier abbé de Molesme et de Cîteaux. Puisque Jésus, le grand prêtre, par son propre sang est entré dans le sanctuaire une fois pour toutes, et a révélé la vie pour les saints, je considère le travail de rédaction des vies et des actions de ces saints comme précieux. Au milieu des tumultes et les tempêtes de la vie présente, ils ont imité notre Sauveur, autant que le permettait la fragilité humaine. Ils ont persévéré vaillamment à travers les labeurs du combat. Ils ont glorifié le Christ Jésus, et ils l’ont porté dans leur corps, et, jusqu’à la fin de leurs vies, ils sont restés fermes dans leur engagement à la sainteté. Ce sont ceux-là dont l'Ecriture parle : "Le chemin des justes se lève comme l’aurore dont l’éclat grandit jusqu’au jour".Ce sont les étoiles que le grand-prêtre suprême a établies dans le firmament de l’Eglise. Leur lumière repousse les ténèbres de l’ignorance humaine, et elles montrent le havre du salut à ceux qui peinent dans cette profonde et immense mer.
Parmi elles, Saint Robert, un homme révéré pour sa vie, brille particulièrement. Il a été le premier abbé de l’église de Molesme, dont la sainteté qui ne s’est pas ternie, est à juste titre réputée glorieuse, surtout de nos jours, où rares sont ceux qui craignent Dieu. J'ai commencé à écrire sa vie en ne présumant pas de mon propre esprit ou de mes connaissances, mais en mettant mon espoir à la fois pour l’avancée et pour l'achèvement du travail maintenant commencé, en celui qui rend éloquente la langue des enfants, et qui,dans l'ancien temps, donna à un animal muet le pouvoir de parler pour corriger la folie d'un prophète.
Ajoutez à ceci, l’ordre donné par le très révérend Seigneur Abbé de Molesme, Odon, et les demandes instantes et pleines de dévotion des frères de ce lieu. J'ai considéré comme totalement inconvenant de refuser quelque chose à de telles personnes, de peur d’apparaître les mains vides devant le Seigneur. Bien que moi-même je n'aie ni la vertu ni le mérite d'être un exemple pour les autres, néanmoins j'ai entrepris cette tâche, pour faire en sorte que [Saint Robert] ne soit pas complètement caché, puisqu’il méritait d’être honoré en sainteté pour l’ornement de la Sainte Église.
Qui que vous soyez, qui êtes venu en tant que lecteur, je vous demande de ne pas vous soucier du nom de l'auteur. Je fuis la gloire humaine et cherche à être récompensé seulement par Dieu. Ainsi, dans ce travail, je ne donne pas mon nom. Ceci pour éviter toute perte de valeur du travail parmi ceux qui n’ont pas d’expérience, parce que le nom d’un pécheur apparaîtrait en tête du travail. Si j’ai dit quelque chose de façon grossière ou inadéquate, j’en demande ici pardon au lecteur. Dans un même temps, j’exhorte toute personne à qui le présent texte parviendrait, de ne pas rechercher des mots imaginés par moi, puisque la vérité est suffisante en elle-même, et qu’elle ne désire pas être colorée par des phrases fines et artificielles, ou peintes avec l’antimoine de la prostituée Jézabel.
Finalement laissons-les écouter le Docteur des Gentils, le disciple de la Vérité-même quand il dit que le Royaume de Dieu n'est pas dans les mots, mais dans la puissance.
Ici commence la vie de Saint Robert, Abbé de Molesmes et de Citeaux
Saint Robert eut son origine dans la région de Champagne. Il a brillé, éclatant comme une fleur des champs, dont la beauté était dans une vie bonne, réjouissant tous ceux qui la voyaient. Le parfum de sa sainte réputation s'étendit loin et partout, et incita bien des gens à l'imiter. Je pense que ce saint homme est à bon droit comparable à une fleur, puisque c’est des saints que l'Ecriture dit : "ils fleurissent dans la ville comme de l’herbe sur la terre". Maintenant nous allons montrer qu’il y avait aussi une certaine noblesse ; bénis soient les parents de qui le saint homme est né.
Son père s'appelait Thierry (Théodoric), et sa mère Ermengard. Tous deux étaient nobles, selon la dignité du monde, et très éminents devant Dieu, à cause de la droiture de leur conduite. Ils avaient abondance de biens temporels, mais ils en usaient plus comme des serviteurs du chef suprême de la famille que comme des propriétaires de ces biens matériels. Sachant que ceux qui ont pitié des pauvres prêtent au Seigneur, ils se sont purifiés eux-mêmes de la poussière de la vie terrestre par la bonté de leurs aumônes.
Bien que leur situation était d’être dans la chair, ils n’ont pas vécu selon la chair, mais dans toutes leurs pensées et leur désir ils demeuraient dans les cieux, ornant leurs couronnes des œuvres de la vertu comme de la gloire de pierres précieuses. Je dis ceci pour démontrer qu’il y avait une sainte racine de laquelle notre saint a tiré sa croissance, comme un bourgeon, de l’arbre de la vie.
Comme nous avons fait mention de ses parents, nous allons brièvement raconter comment le Saint Esprit l’a précédé par la bénédiction de sa douceur, alors qu’il était encore dans le ventre de sa mère. Quand sa mère était enceinte, la Vierge Marie, la glorieuse Mère de Dieu, lui apparut en rêve, ayant dans sa main un anneau d'or. Elle lui dit, "Ermengard, je souhaite que le fils que tu portes en ton sein, m’épouse par cet anneau". A ces mots, la Sainte Vierge laissa la femme endormie et disparut. Quand [Ermengard] se réveilla, elle commença à réfléchir sur ce qu'elle avait vu. La Sainte Mère de Dieu apparut de nouveau à la femme, comme jadis, quand il est dit que le Seigneur apparut une seconde fois à Samuel pour confirmer sa promesse. Quand les jours furent accomplis, la femme mit au monde un fils. Quand il fut sevré, elle lui fit faire des études littéraires. Il y surpassa tous ses contemporains, puisqu’avec un cœur pur, il puisa aux sources du salut, la grâce du salut qui, plus tard, devrait rejaillir sur le peuple.
Quand il eut quinze ans, évitant la contagion du monde, il eut l’idée de se consacrer entièrement au Seigneur. Ainsi, il offrit au Seigneur la fleur de sa plus agréable jeunesse. Il reçut l’habit régulier [au monastère] de St Pierre de Celle. Là, jour et nuit, il s’adonna à la prière et au jeûne, offrant un service agréable au Seigneur, soumettant la chair à l'esprit, et l'esprit au Créateur.
Le temps vint pour Dieu d’être glorifié dans son serviteur, et pour la lampe qui avait été cachée sous le boisseau, d’être placée sur le lampadaire afin d’éclairer l'Eglise. Dieu, qui dans ses mains tient le cœur des hommes, a inspiré aux frères de la maison d’élire l’homme de Dieu Robert, comme leur Prieur. Il en était certainement digne, puisque lui qui, avec le secours de la grâce, avait appris par une longue pratique à veiller sur la direction de sa propre vie, était digne de devenir juge et directeur de la vie des autres.
D'un certain ermite et deux chevaliers qui ont été convertis
Il y avait, en ce temps-là, dans les profonds retraits des forêts, un certain ermite qui désirait servir Dieu, librement et secrètement. Il punissait la chair en jeûnant rigoureusement, et fortifiait son esprit par de ferventes prières. Le Seigneur jeta son regard sur son humilité, et par un grand miracle accrut à travers lui le nombre des serviteurs de Dieu. Il y avait deux frères selon la chair, qui, selon l’esprit, n’avaient pas la même âme. Enthousiastes pour une vaine gloire, et occupés à exhiber leurs prouesses, ils recherchaient une de ces maudites foires, que l’on appelait tournois. Ils étaient en chemin quand ils vinrent à passer par la forêt dans laquelle l’ermite nommé ci-dessus, menait une vie solitaire. Chacun des deux frères commença à penser secrètement à tuer l’autre. Ils étaient dévorés par le poison de l’envie, et ils pensaient comment, si l’un d’eux venait à mourir, le survivant possèderait les biens du défunt. Le Dieu Tout-Puissant, cependant, qui savait qu’ils deviendraient des vases de miséricorde, n’a pas permis qu’ils soient tentés au-delà de leurs forces, mais il donna l’issue avec la tentation, de peur qu’ils ne mettent à exécution la méchanceté qu’ils avaient conçue. La Divine Providence leur permit d’être troublés par une si méchante tentation, pour que par la suite, quand ils auraient progressé en vertu, ils ne puissent s’attribuer fièrement à eux-mêmes ce qu’ils avaient mais l’ orientent vers celui dont la miséricorde les avait libérés.
Quand ils eurent achevé l’affaire qui était l’objet de leur voyage, et qu’ils avaient accomplie avec ardeur, comme le font les gens de cette sorte, ils ramenèrent le fruit de la récompense humaine, de la part de tous ceux qui étaient présents, et s’en revinrent, pleins de succès, dans leur propre région et en ce lieu où ils avaient, tous deux, entretenu la pensée de tuer l'autre. C'était comme si l’endroit lui-même les admonestait. Par l’inspiration de Dieu, plutôt, ils éprouvèrent de la componction et commencèrent à ressentir de la répugnance pour la méchanceté qu'ils avaient projetée, et commencèrent à être troublés intérieurement au sujet du crime qu'ils avaient conçu. Ils se rappelèrent qu’ils étaient près de la cabane de l’ermite mentionné plus-haut, et ainsi, d’un même désir, ils cheminèrent jusqu’à sa petite demeure. Par une humble confession, ils obtirent la domination du mal caché dans leurs cœurs. Une fois que la saleté eut été éliminée, ils préparèrent joyeusement, une demeure intérieure pour Dieu. Finalement, après avoir été blâmés par l’homme de Dieu pour la méchanceté qu’ils avaient projetée, ils le quittèrent, instruits par ses salutaires exhortations.
Le discours brûlant de l’ermite était tout de bienveillance, suscitant des désirs célestes dans leurs esprits, effaçant en eux toute ambition de dignité terrestre, et créant doucement et profondément en eux les prémices des ardeurs de la vertu.
En conséquence, quand ils parvinrent à cet endroit où, auparavant, ils avaient pensé s’élever l’un contre l’autre, ils commencèrent à discuter entre eux et à en parler. Un des deux dit : "Cher frère, à quoi pensais-tu, hier, en ce lieu, quand nous y sommes passés" ? L’autre révéla à son frère la pensée de son cœur. Le premier répliqua, "j’étais moi-même en train de penser exactement la même chose ".Dès lors, le cœur percé de componction, ils retournèrent à l’homme de Dieu, et, méprisant les pompes du monde, foulant aux pieds toute son ostentation, ils commencèrent à vivre une vie spirituelle en sa compagnie, inclinant humblement la nuque de leurs cœurs, afin de prendre sur eux le doux joug du Christ.
Qui douterait que leur conversion soit due aux mérites de Saint Robert ? Comme la suite du récit le révélera, c’était par son enseignement qu’ils furent emplis de la discipline régulière. Et ainsi Dieu, qui console les humbles, multiplia ses serviteurs, et dans un bref laps de temps ils furent au nombre de sept - ce nombre indique les sept dons du Saint Esprit, par lesquels le salut de beaucoup s’accomplit grâce à son serviteur, Saint Robert. Le même Esprit a préparé ces sept hommes pour être les sept colonnes d’une maison spirituelle. Par eux, l’ordre monastique commença à revivre. Ayant plongé ses racines dans les eaux de la grâce, il commença à produire des fruits spirituels. Alors qu’on pensait qu’il avait atteint sa fin, au vent de la grâce il germa encore et produisit du feuillage, comme un jeune plant.
Comment Saint Robert devint Abbé de Tonnerre
Pendant ce temps, la sainteté de Saint Robert et sa faveur auprès de Dieu et des gens devinrent notoires. Il fut élu abbé par les moines du monastère de St Michel à Tonnerre. Ces ermites n’avaient personne qui puisse les instruire dans la discipline régulière. Entendant la réputation du saint homme, ils se donnèrent la peine de lui envoyer deux de leurs frères. Quand ils arrivèrent à l’endroit où l’homme de Dieu le servait fidèlement, ils trouvèrent le Prieur de la maison dans l’auditorium. Ils lui firent savoir le propos et la cause de leur voyage. Ce fut seulement avec difficulté et avec beaucoup de supplications qu’ils réussirent à être conduits jusqu’à l’homme de Dieu. Le prieur avait été percé par l’épée de l’envie, et pensait en lui-même qu’il perdrait quelque chose si le Seigneur pourvoyait à l’avancement des autres par le travail louable de son serviteur. Il essaya donc de persuader les frères de cette maison et les compagnons de l’abbé de ne pas consentir à la requête des frères qui venaient chercher l’homme de Dieu pour qu’il devienne leur supérieur. Saint Robert, quant à lui, pendant ce temps, faisait bon accueil à leur requête et leurs justes espoirs, et allait satisfaire leur désir à la seule condition que les frères du Tonnerre persistent unanimement dans ce désir. Instruits par tant d’exhortations salutaires, accompagnés de prières et fortifiés de bénédictions, il les renvoya à leur monastère. Il leur donna l’espoir qu’aussitôt que Dieu en fournirait l’occasion, vite, il les remplirait de joie par sa présence.
Il désirait réfléchir un moment sur le plan de Dieu. Bien que leur proposition soit sainte et leur désir convenable, il tarda, afin que leur désir s’étende et grandisse et que, ce qu’ils cherchaient avec empressement, ils le chérissent quand ils l’obtiendraient, pour l’observer plus attentivement.
L’homme de Dieu pensait toujours, non pas aux choses du monde, mais à celles qui étaient de Dieu. Quand il vit les frères de cette maison s'affaiblir dans la poursuite d’une vie juste, il craignit que la mauvaise compagnie communique sa propre rouille à qui était radieux et simple, et rende affreux le beau visage de son âme, car la conduite est toujours façonnée par ceux avec lesquels on vit. Aussi il se sépara d'eux et retourna au monastère de Celle. Là, passant son temps à travailler dur, il se réjouissait des embrassement longtemps désirés de la bien-aimée Rachel, tirant sa récompense de la joie venant des fontaines du salut qu'il donnerait après, aux fidèles, pour leur salut.
Comment il fut élu prieur de Saint Ayoul
Une ville bâtie sur une montagne ne peut être cachée. Saint Robert bien enraciné et fondé sur la montagne du Christ fut à nouveau choisi, à la mort du prieur de St Ayoul, afin d'être un berger de l’humble troupeau du Christ. Il fut élu prieur à l’unanimité par les frères de cette maison, et d’un commun désir. Ces ermites, inspirés par l’amour d’une vie divine, quand ils virent comment l’homme de Dieu faisait, de manière constante, des progrès en Dieu et devenait meilleur, ayant pris conseil, envoyèrent deux de leurs frères au Siège Apostolique, afin d’obtenir du Souverain Pontife, par leurs prières, que l’homme de Dieu, Saint Robert devienne le berger et le père du petit troupeau du Christ. Ils savaient que c’était un crime de contredire le Souverain Pontife, ou d’aller, de manière inconsidérée, à l’encontre de ses ordres. Le Souverain Pontife entendit leur projet et se réjouit beaucoup. Il approuva leur requête avec bonté et, les fortifiant de bénédictions apostoliques, les renvoya rejoindre les leurs. Il envoya un rescrit apostolique à l’abbé de Celle, lui ordonnant de par son autorité, que quiconque parmi les frères serait élu, devrait être donné comme abbé. L'abbé de Celle, sachant que le Souverain Pontife donnait un ordre, livra Saint Robert à ceux qui le demandaient. Il était triste et affligé mais il n'osait pas aller à l’encontre du commandement apostolique. Il vit que leur consolation était sa tribulation puisqu’une solide et incorruptible colonne de cèdre serait enlevée de sa maison.
Comment il fut un Supérieur pour ces ermites
Saint Robert accepta volontiers le ministère pastoral, voyant que son travail n’était pas sans fruit parce que le troupeau était unanime dans le mépris des choses terrestres, et dans la recherche de celles du ciel, c’est donc qu’ils obéissaient à ses salutaires exhortations. Il fut encore uni à Léa, durant sa vie active, dans le but d’enfanter des fils spirituels. Intérieurement, il servait le Seigneur avec un esprit humble, mais extérieurement il accomplissait son ministère avec une grande énergie. En ce nouveau lieu, appelé maintenant Colan, ils servaient Dieu dans la faim et la soif, dans la chaleur et la nudité, dans le jeûne et la prière, portant le poids du jour de la chaleur avec égalité d’âme. Ils semaient dans les larmes, se réjouissant de rapporter dans les greniers du Seigneur, des gerbes de justice. Mais la vue de compagnons de labeur est un réconfort pour les travailleurs, alors, Dieu, qui regarde les désirs des humbles, fit grandir le nombre de ses serviteurs, si bien que très rapidement ils furent treize et, autant qu’ils le pouvaient, la sainteté de leurs vies, de même que leur nombre étaient semblables à ceux des Apôtres.
Comment Molesme fut fondé par le Saint homme
Robert, l’homme de Dieu, considérant que l’endroit ne convenait pas, laissa là des gardiens, et, prenant les frères, se retira vers les pâturages boisés nommés Molesme. Là, de leurs propres mains, ils coupèrent des branches d’arbres, et en firent une habitation où ils pourraient vivre tranquillement. Ils construisirent un oratoire, dans le même matériau, et là, ils offraient fréquemment au Seigneur, l’esprit contrit, les sacrifices du salut et les offrandes. Quand ils n'avaient pas de pain pour refaire leurs forces après un long travail physique, ils mangeaient seulement des légumes.
L'évêque de Troyes leur rend visite
Il arriva que l’évêque de Troyes, au cours d’un voyage, traversa le bois dans lequel les hommes de Dieu servaient Dieu dans la plus grande pauvreté et humilité. Il arriva en ce lieu à l’heure du déjeuner accompagné d’une suite nombreuse. Les hommes de Dieu les reçurent de manière attentionnée, mais ils étaient embarrassés par ce qu’ils n'avaient rien à placer devant eux pour manger. L’évêque fut hautement édifié par leur humilité et par leur pauvreté et, ressentant de la componction, il fit ses adieux aux frères et s’en alla.
Comment Saint Robert envoya les Frères à Troyes, pieds nus et sans argent
Après quelques temps, quand les frères n’eurent pas assez, même pour une maigre subsistance, ils trouvèrent refuge dans le conseil de Saint Robert. Lui, qui n’avait jamais fondé sa force sur l’or, ni déclaré à ce qui est en or : "Je mets ma foi en toi", il savait que Dieu ne permet pas à l’âme du juste d’être affligée par la faim pendant un long temps. Quoique sans argent, il les envoya à Troyes acheter de la nourriture, selon ce qu’il est dit dans la lettre du prophète : "Vous qui n’avez pas d’argent, venez, hâtez-vous d’acheter et mangez". Quand ils entrèrent dans la ville de Troyes pieds nus, immédiatement la rumeur en parvint jusqu’à l’évêque. Il s’empressa de les faire venir, les accueillit avec bonté. Il montra son amour pour Dieu dans l’attention dont il fit preuve envers les besoins humains des serviteurs de Dieu. Il les habilla de neuf, en conformité avec la Règle, puis il les renvoya vers leurs frères dans un chariot chargé de pain et de vêtements. Les frères étaient puissamment réconfortés par cette bénédiction. Ils apprirent à être patients quand les temps étaient difficiles, et à dater de ce jour, il y eut toujours quelqu’un pour leur donner la nourriture et le vêtement nécessaires.
Sur son départ à Aux
Ils persévéraient avec beaucoup de constance dans le service divin. Beaucoup de personnes fuyaient le siècle pour venir à eux, et rejetant le lourd fardeau du monde, courbaient leurs têtes sous le joug suave du Seigneur. D’autres leur envoyaient, même de pays lointains, ce qui leur était nécessaire, afin d’avoir part à la récompense du juste en aidant les amis de Dieu durant la vie présente, dans leurs besoins. Mais puisqu’une multitude de choses accroît l’indigence morale, comme ils commençaient à abonder en biens temporels, ils devinrent spirituellement vides et leur méchanceté semblait grandir comme un épi de maïs. Saint Robert ne mettait pas son cœur dans l’abondance de richesses, mais essayait de faire de plus en plus de progrès vers Dieu, et de vivre dans la droiture, en menant une vie pieuse et sobre selon la règle de Saint Benoit. Quand les fils de Belial virent ceci, leur fureur s’éleva contre l’homme de Dieu, provoquant en lui l’amertume et crucifiant l’âme de cet homme juste par leurs méchantes actions. Ne te laisse pas perturber, ô lecteur, en voyant que dans cette communauté la méchanceté a réclamé la place qui lui appartenait, puisque l’orgueil a envahi les esprits angéliques, les appelant loin de leur patrie céleste vers sa propre région, et a caché parmi la poussière et la cendre, ce qui était habitué à paraître dans la pourpre et le lin. Le témoignage enfin, de l'Ecriture, nous apprend qu’un certain jour, les fils de Dieu se tinrent debout en présence de Dieu et que Satan était au milieu d’eux. Ainsi, c’est ce qu’il y a toujours eu dans l'Eglise, à la fois le juste qui progresse et le méchant qui est une tentation. Quand l’homme de Dieu vit que ses corrections étaient sans fruit, et que l’observance de la discipline régulière était mise de côté, chacun marchant selon le penchant vicieux de son propre cœur, il décida de les laisser, de peur que, alors qu’il essayait vainement d’obtenir quelque profit spirituel en eux, il ne souffre la perte de sa propre âme. Quand la discorde s’éleva entre eux, il se retira d’auprès d’eux, et alla en un lieu appelé Aux, où il avait entendu dire qu’il y avait des frères qui vivaient en servant Dieu en esprit d’humilité. Quand il arriva là-bas, ils le reçurent chaleureusement, et il habita avec eux pendant un certain temps, travaillant de ses propres mains, de sorte qu’il avait quelque chose à donner à ceux qui étaient dans le besoin. Il était sans cesse fervent dans les veilles et la prière, et servait Dieu inlassablement. Quoiqu’il les dépassa tous dans la sainteté, il se comportait en serviteur de tous, se considérant lui-même comme le plus petit de tous. Pour cette raison, peu de temps après, il fut élu abbé par les frères. Il eut soin d’exercer sa charge de supérieur en toute modestie, sans dominer le groupe, mais de tout son cœur, servant de modèle pour le troupeau, prenant le plus grand soin des faibles et encourageant les forts.
Comment il fut rappelé à Molesme
Pendant ce temps, les moines de Molesme se repentirent d’avoir offensé l’homme de Dieu, et de l’avoir chassé, sans doute, en lui désobéissant. Maintenant ils s’inquiétaient et pleuraient sur leur ruine à la fois morale et financière. Maintenant, dans le monastère, ils souffraient de privations, là où, par les mérites de Saint Robert, leur Seigneur leur accordait l’abondance, même dans les biens temporels. Ayant pris de sains conseils, ils en appelèrent au souverain Pontife, et appuyés par son autorité, rappelèrent l’homme de Dieu à Molesme. Là, il était absorbé par le jeûne et la prière continuelle, et son zèle envers ceux qui lui étaient inférieurs était un zèle pour Dieu. Dans un court laps de temps, il réforma leur observance de la discipline monastique.
Il y en avait quatre parmi eux, qui étaient des esprits plus forts, parmi lesquels Albéric, Étienne et deux autres, qui après avoir été exercés dans la clôture, désiraient ardemment le combat solitaire du désert. Ils quittèrent le monastère de Molesme et vinrent en un lieu nommé Vivicus. Quand ils eurent vécu là un peu de temps, ils reçurent de la part de Joceran, l’évêque de Langres, à l’instigation des moines de Molesme, une lettre les menaçant d’excommunication, s’ils ne retournaient pas à Molesme.
Comment ils résidèrent pour la première fois à Cîteaux
Comme ils étaient contraints de quitter Vivicus, pour les raisons dont nous avons parlé ci-dessus, ils vinrent habiter une région boisée nommée Cîteaux par ceux qui y vivaient. Là, ils construisirent un oratoire en l’honneur de la Sainte Vierge Marie, Mère de Dieu. Dès lors, ni menaces, ni prières ne purent les détourner de leur dessein. Dans la ferveur de l’esprit, ils servaient Dieu, inlassablement, nuit et jour.
Comment Saint Robert vint à Cîteaux
Quand Saint Robert entendit parler de leur sainte manière de vivre, prenant avec lui vingt-deux frères, il les rejoignit, pour partager leur dessein et les aider. Ils lui firent un accueil des plus chaleureux, et il les conduisit quelque temps avec une sollicitude paternelle, leur enseignant comment vivre et agir selon la Règle, et agissant comme un modèle et un exemple, pour eux, de bonté et d'observance religieuse.
Comment il revint de Cîteaux à Molesme
Les moines de Molesme furent très mécontents d’avoir perdu un si bon berger et aussi ils contactèrent le Souverain Pontife, dans le dessein que Saint Robert, l’homme de Dieu soit forcé de retourner au monastère de Molesme, qu’il avait fondé en premier. Quand le Souverain Pontife entendit que le nouveau rameau des cisterciens était solidement enraciné, ils se réjouit grandement d’apprendre qu’ils grandissaient en une sainte vie, instruits par l’exemple de Saint Robert, qu’ils observaient la Règle de Saint Benoît, avec plus de ferveur. Voyant que les moines de Molesme allaient à la destruction s'ils étaient privés de la présence de l’homme de Dieu, il écrivit à l’archevêque de Lyon afin qu’un autre abbé soit établi à Cîteaux, et afin qu’il impose à Saint Robert de retourner à Molesme.
Lorsqu’il apprit ceci, Saint Robert, qui savait que l’obéissance vaut mieux que le sacrifice, et que refuser d’accomplir est comme commettre un crime d’idolâtrie, ayant fait tous les arrangements convenables pour l’observance du nouvel institut, il leur établit comme abbé, Albéric, un homme juste devant Dieu, qui avait été l’un des premiers moines du monastère de Molesme. Ainsi, ayant pris de bonnes dispositions en toutes choses, il retourna au monastère de Molesme qu’il avait fondé en l'honneur de Sainte Marie. Quand Albéric mourut deux ans plus tard, Étienne lui succéda, établi abbé pour les cisterciens par Saint Robert. De cette façon, puisqu’il était le fondateur de la nouvelle plante, la gestion de deux monastères (Molesme et Cîteaux) relevait de ses compétences.
Il retourna à Molesme accompagné de deux moines : les cisterciens étaient affligés par son départ, tandis que les moines de Molesme se réjouissaient de son retour. Une grande foule l’accueillit avec les honneurs dans la ville de Bar-sur Seine, et le reçurent avec grande liesse et en remerciant Dieu. Robert, toutefois, avec son, -- ou plutôt le minuscule troupeau du Christ, à savoir le groupe de Molesme, prit possession de la place que Dieu lui avait préparée. Il glorifiait dans une grande allégresse la divine providence qui avait tout arrangé pour lui. Avec un amour paternel, il nourrit le troupeau à lui confié, leur enseignant l’observance régulière, ou plutôt, il devint pour eux un exemple de la Règle en vivant parmi eux selon la Règle. Comment le saint homme fut libéré de la prison de la chair et par quels signes le Seigneur montra que sa mort était précieuse à ses yeux, je vais maintenant le faire connaître à votre charité.
La mort de Saint Robert
Saint Robert livra plusieurs batailles en travaillant pour le Seigneur, et il fut souvent inquiet parce que la vie présente ne parvenait pas à le satisfaire, et il désirait très ardemment s’en aller pour être avec le Christ. Dieu entendit son désir et choisit de lui révéler l’heure de son départ pour le ciel, bien des jours à l’avance. Robert, sachant que c’était imminent, le fit savoir à ses frères. Pendant quelque temps, il fut torturé par des faiblesses corporelles et accumula ainsi les mérites de la vertu de patience, dans son infirmité, s’enorgueillissant joyeusement dans la puissance du Christ qui s’était préparé une demeure en lui. Dans sa 83ième année, le 17 avril, son corps retourna à la terre. Son esprit était libre de retourner à Dieu, au service de qui il s’était dépensé sans compter. La terre pleura et le ciel se réjouit. Ses fils, les moines de Molesme, dont il avait été la seule joie et la consolation, assistèrent avec dévotion aux funérailles de leur révérend père, pleurant très amèrement. Ils ne doutaient pas qu’il recevrait la récompense céleste pour ses mérites, ni non plus qu’ils recevraient des faveurs par ses mérites, mais ils étaient très affligés parce que la présence de leur père avait été enlevée de la lumière. Comme, par ses justes actions lorsqu’il était encore sur terre, il avait prouvé qu’il avait été un fils de lumière, Dieu a fait connaître l’étendue de ses mérites par la manière dont il est mort.
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