Marie des Vallées
Marie des Vallées
laïque, mystique, stigmatisée
1590-1656
Fête le 25 février
Marie des Vallées a, de son vivant et pendant les siècles qui ont suivi, jusqu'à nos jours, presque toujours été discréditée, contestée, critiquée... Marie des Vallées surprend, mais elle ne laisse jamais indifférents ceux qui sont conduits à l'approcher. Sa vie, ponctuée d'évènements mystiques extraordinaires: visions, possessions diaboliques, persécutions de toutes sortes, jugements hâtifs et sans appel, peut surprendre les gens du XXIe siècle, tout autant qu'elle interpella ceux du XVIIe siècle. Mais tous les prophètes ont-ils pas été traités de cette façon ?... Marie des Vallées, pauvre paysanne sans instruction, que Dieu s'est choisie pour nous inviter à redécouvrir la force de Dieu et sa Lumière, Marie des Vallées, dévoilée un peu en son temps puis ensevelie sous un silence étonnant, a-t-elle été spécialement mise en réserve pour nous révéler l'immense et merveilleuse œuvre de Dieu, à une époque où Dieu a été chassé de chez les siens ou mis à mort? Marie des Vallées a-t-elle été préparée pour nous mettre en garde contre les sectes qui se multiplient, et contre les sorcelleries qui se développent et foisonnent en notre temps comme dans le sien ? Les phénomènes étranges qui accompagnent Marie des Vallées nous étonnent, et notre réaction instinctive est de les nier. Pourtant, ne serait-ce pas des enseignements particulièrement adaptés à notre époque qui retourne au paganisme? Les visions de Marie nous déconcertent, mais il faut savoir que toutes les formes qui s'y manifestent, les couleurs, les aspects, sont des symboles que Dieu utilise pour nous expliquer sa gloire, celle de Jésus-Christ, celle des saints, tout en ménageant nos fragilités contemporaines du XXIe siècle, et pour nous révéler sa divinité, l'avenir de l'homme, le pourquoi des souffrances, la valeur de la Rédemption, le sens de nos prières, etc, etc.... Quoi qu'il en soit, Marie des Vallées, mystique de feu, fut un des plus puissants soutiens du Royaume de France, plongé, en ce temps-là, dans une grande décadence des mœurs et les pires abominations. Pour entrer dans la vie de Marie des Vallées sans répugnance, sans dégoût, et surtout sans à-priori, il faut se faire humble, très humble. Humble et tout petit.
Marie des Vallées et son siècle
La situation de la France aux XVIe et XVIIe siècles
Situation économique et politique
Pour comprendre, au moins un peu, la vie étonnante de Marie des Vallées, il est indispensable de la situer dans le contexte de son époque: siècle de corruption, d'indifférence, de cynisme, notamment des milieux ecclésiastiques, de la misère effroyable d'un peuple souffrant et désemparé, de la montée du paganisme, et, pour couronner le tout, de l'emprise spectaculaire de la sorcellerie et de la magie noire, emprise qui n'épargne aucun milieu, et sévit même au sein des monastères. Les trois ordres politiques: noblesse, clergé et tiers-état sont en gestation. L'apostasie de la France est en germe.
Situation religieuse
Sur le plan religieux, le Concordat de Bologne (1516), qui subordonne l'Église de France au roi de France rend les relations avec Rome très difficiles: être évêque, c'est être soumis au roi de la terre et non plus au Roi du Ciel, avec, en prime, des biens matériels, et des bénéfices, souvent non négligeables. Le troupeau, délaissé, n'est plus évangélisé... Marie des Vallées s'élèvera contre ces pasteurs et leurs pratiques indignes. Les libertés de l'Église gallicane sont élaborées: le roi est le chef de l'Église de France, et, désormais, le pape n'a plus de pouvoir disciplinaire sur elle. Mais il y a pire, le Parlement est chargé de contrôler toutes les activités religieuses, y compris dans les monastères.
Situation ecclésiastique
Le XVIIe est resté inscrit dans toutes les mémoires surtout à cause du Roi Soleil, lequel ne serait peut-être pas resté le Roi Soleil s'il n'y avait pas eu les grands écrivains qui ont fait la renommée de la France du Grand siècle de Louis XIV: Corneille, Boileau, Racine, La Fontaine, La Rochefoucault, Molière, etc. En réalité, la grandeur des apparences cachait, hélas! de très graves et nombreuses faiblesses morales: les débauches étaient grandes, les mœurs en pleine déliquescence, le libertinage était fréquent. Quant aux duels, ils pullulaient, car la vanité qui s'étalait partout s'obstinait à vouloir laver dans le sang, des déshonneurs qui ne l'étaient pas vraiment. La déchéance des mœurs n'était pas le seul fait des grands. Le clergé et les évêques étaient sérieusement imprégnés de cette atmosphère nauséabonde. On a écrit à ce sujet: "Ceux qui, par leur condition, étaient obligés de travailler au salut des âmes de cette paroisse, faisaient profession de la perdre, ou étaient en réputation de la plus haute malice et impiété qui puisse être. À raison de quoi, l'ignorance des choses du salut et les plus horribles vices y régnaient au dernier point." Le peuple était donc, spirituellement et matériellement, le plus souvent abandonné à lui-même. La France était déjà pays de mission... Curieusement, c'est du sein de cette lie morale, que des esprits supérieurs, remplis d'humilité et d'amour de leur Seigneur, vont naître, chargés de transformer les esprits appesantis par l'esprit du monde. Le XVIIe siècle fut ainsi le Siècle des saints, malgré la méfiance qui se manifestait déjà contre les mystiques. C'est le siècle de Bossuet, un des plus grands orateurs connus; mais c'est aussi le siècle de Vincent de Paul, de Jean Eudes et de Marie des Vallées, de Bérulle, de Jean-Jacques Olier et d'Agnès de Langeac, de Charles de Condren, de Marguerite du Saint-Sacrement, et de tant d'autres. Ce fut aussi le siècle de vrais dévots laïcs, tels Gaston de Renty ou Mr de Bernières. À cette époque, l'on voit naître de nouvelles spiritualités chrétiennes. Bérulle sera un fervent adepte du culte de l'Enfant-Jésus, culte inspiré par Jésus à la petite carmélite, Marguerite du Saint-Sacrement. Jean Eudes, soutenu par Marie des Vallées, établira le culte du Cœur Admirable de la Vierge Marie, puis du Cœur de Jésus et de Marie. Louis-Marie Grignion de Montfort (mort en 1716) avait eu connaissance des révélations de Marie des Vallées grâce au manuscrit de Gaston de Renty. Est-ce influencé par cette lecture qu'il annoncera, dans son Traité de la vraie dévotion à la Vierge Marie, le Règne de la Très Sainte Vierge Marie et les Apôtres des derniers temps, contemporains des grandes tribulations ? Face à l'immoralité ambiante, les consciences sont en alerte, et l'on se soucie de l'éducation de la jeunesse. C'est à cette époque que Louis XIV crée l'École publique et gratuite (ou peu coûteuse), avec la participation de nombreux bienfaiteurs et le soutien du clergé. Allant dans cette voie, de nouvelles congrégations religieuses se créent: Ursulines, Oratoriens, Lazaristes, Sulpiciens, Eudistes, etc. Les Jésuites et les Oratoriens ouvrent de nombreux collèges. Mais il y a plus. Les décisions du Concile de Trente, en date de 1563, sont encore peu appliquées. Grâce aux efforts, entre autres, de Saint Vincent de Paul, et d'Alain de Solminihac, le saint évêque de Cahors, puis de saint Jean Eudes et de Jean-Jacques Olier, les séminaires vont commencer à se développer dans les diocèses.
La sorcellerie en France et en Europe
La sorcellerie est l'application de la Magie considérée comme la science des lois de la nature. La Magie doit capter et mettre en œuvre les énergies présentes dans chaque homme et dans la nature. Si la magie blanche peut nous paraître (mais paraître seulement) inoffensive, la magie noire est le domaine des sorciers, toujours motivés par une véritable volonté de puissance. La sorcellerie est dangereuse, car elle met en œuvre des forces cachées, inférieures, domaine des suppôts de Satan. La sorcellerie, à cette époque issue de la Renaissance, sévit partout en Europe. L'Italie, l'Allemagne, et même la France sont particulièrement touchées, et en 1586, le pape Sixte-Quint est contraint de promulguer la bulle "Cœli et terra creator Deus" qui interdit toutes les pratiques occultes: divination, astrologie, nécrologie, sorcellerie, etc... Curieusement l'engouement pour ces pratiques, qui vont de pair avec le relâchement des mœurs, sont en grande estime dans les milieux cultivés et même dans les couvents... Quant aux peuples, ils cherchent, par ces moyens, à échapper à leurs misères et à leurs détresses.
La sorcellerie en Normandie
La Normandie est une province violemment touchée par le satanisme, spécialement dans le diocèse de Coutances. Le sinistre bois d'Étenclin était le lieu de sabbats rassemblant des centaines d'adeptes. Or, cela se passait tout près de l'endroit où vivait Marie des Vallées. Le Seigneur l'aurait-Il appelée à plonger dans ces enfers pour sauver les âmes de ces ténèbres horribles?
Le XVIIe siècle, ère des grandes prédictions ?
Les promesses de la Renaissance, née à la fin du XVe siècle et continuée durant la première moitié du XVIe siècle environ, ont bien déçu. L'inquiétude, matérielle ou métaphysique, règne partout. Les guerres continuelles, les famines, les épidémies de peste, etc, ont créé un climat rempli d'angoisses. Et, comme pendant toutes les périodes troublées, à côté de la sorcellerie et du satanisme, les prédictions plus ou moins farfelues vont bon train. Ainsi, on prévoit pour la France, une nouvelle monarchie; le retour du Christ est annoncé pour... 1584; les prophéties de Paracelse, en 1530, ou de Nostradamus, exercent une influence non négligeable sur les hommes de cette époque. Il faut dire que certains de ces textes ont de quoi troubler, même les hommes du XXIe siècle. De même les prophéties de Raban Maur (776-856) couraient toujours au XVIIe siècle, selon lesquelles les Musulmans rejoindraient l'Église. Mieux encore: les prophéties de Saint Césaire d'Arles (470-542) sont rééditées en 1524, décrivant la fin des temps. Un moine de l'abbaye de Prémol (près de Grenoble), fait débuter en 1870 ce qu'il appelle la grande tempête: la France sera envahie, trois villes françaises seront détruites, le Vatican aussi. Le pape sera en fuite, un antipape provoquera un schisme. Surviendra alors le roi d'Europe, qui, avec le pape instaurera la paix générale... Comme ce XVIIe siècle ressemble au nôtre !... Enfin, les phénomènes astronomiques sont aussi étudiés avec passion et interprétés comme des signes de Dieu: par exemple l'apparition d'une étoile nouvelle dans la constellation de Cassiopée, ou de la comète observée par Tycho Brahé..
La vie de Marie des Vallées
L'enfance de Marie des Vallées
La petite enfance
Le 15 février 1590, Marie des Vallées naissait à Saint-Sauveur-Lendelin, près de Coutances, en Normandie, de Julien des Vallées et de Jacqueline Germain. Elle était la troisième enfant du couple. Les parents de Marie étaient croyants, mais peu pratiquants: l'église était assez éloignée. Dans ce contexte peu favorable, Marie sentit pourtant très tôt sa mission spirituelle, et curieusement, Dieu lui ménageait les rencontres nécessaires. Ainsi, c'est un frère Cordelier qui la prépara à sa première communion qu'elle fit vers l'âge de sept ou huit ans. Elle reçut également très tôt le sacrement de confirmation, l'évêque regroupant dans sa cathédrale, quand il le pouvait, c'est-à-dire rarement, toutes les personnes qui devaient recevoir ce sacrement, sans distinction d'âges. Dès ce jour, Marie se livra totalement à la sainte volonté de Dieu.
Les épreuves familiales
26 avril 1604, le père de Marie meurt. Peu après, le 6 mai 1604, c'est son frère Nicolas qui décède. Marie et sa mère se retrouvent seules; sa sœur aînée, Guillemette, était morte quelques années auparavant, en laissant quatre enfants, et un mari, Gilles Capelain, lequel épousera sa belle-mère le 1er mai 1605. De ce couple étrange naîtront deux garçons qui mourront très jeunes. Gilles Capelain était un personnage alcoolique, grossier et violent, et la mère de Marie mourra deux ans plus tard, suite aux mauvais traitements subis. Marie a dix sept ans. Sur les conseils de sa mère mourante, et pour échapper aux avances de son beau-père ex-beau-frère, Marie se réfugie auprès d'un oncle qui la place chez le sieur de la Morinière. Malheureusement, le couple mène une telle vie de débauche, que Marie doit finalement s'enfuir, pour se réfugier chez sa tante, Jacqueline des Vallées, femme d'Yves de Beuvry. Pour des raisons de conflits d'intérêts entre les enfants du couple, Marie doit encore partir. Mais après quelques mois, elle pourra revenir. La jeunesse de Marie fut un calvaire, et cependant, partout où elle dut passer, Marie fut comme un signe de Dieu par sa patience, son courage, sa foi et sa pureté.
Une jeunesse tourmentée
Marie a dix-neuf ans. Elle était belle et intelligente, et plusieurs jeunes hommes demandèrent sa main. Marie ne se décidait pas, car elle attendait celui que le Seigneur lui enverrait: elle pensait alors se marier, car dans sa région on croyait, à l'époque, que le célibat était une malédiction. Mais bientôt, cependant, Marie pensera à conserver sa virginité, tout en se demandant si elle faisait bien... Un jour, elle fut attirée par un jeune homme d'une grande beauté; elle voulut bien accepter le mariage, à condition qu'ils vivraient comme frère et sœur. Le jeune homme accepta. Quand il revint, Marie comprit que c'était un ange de Dieu, et elle déclara : "Je remercie le Fils de Dieu, et vous aussi; dites-Lui, je vous prie, que je me donne tout à Lui: je Le prie de disposer de moi dans le temps et dans l'éternité en la façon qui lui sera la plus agréable." C'est alors qu'un prétendant éconduit eut recours à une sorcière. Le jeune homme lui communiqua le "charme", et Marie, durant trois ans, violemment tourmentée, souffrit de vraies tortures physiques. Marie des Vallées fut également, à cette époque, la proie de plusieurs satanistes, dont un prêtre. Marie, victime de charmes puissants se débattait dans des douleurs telles que sa tante, avec qui elle vivait, l'emmena à Coutances chez l'évêque du lieu, Mgr de Briroy, qui procéda sur elle à des exorcismes. Ces séances furent très pénibles, et les exorcistes furent, de leur côté, témoins de manifestations étranges. Marie était victime non seulement des persécutions démoniaques mais également de sortilèges lancés par les assemblées de sorciers. On alla jusqu'à faire traduire Marie des Vallées comme sorcière, au Parlement de Rouen. Après des semaines d'emprisonnement et de sévices terribles, Marie fut innocentée et libérée. Marie, toujours possédée, retourna à l'évêché avec sa tante, et les exorcismes purent reprendre, mais toujours douloureusement, les démons refusant de quitter les lieux. En effet, les sorciers s'étaient ligués contre Marie. Saint Jean Eudes, qui eut à confesser un sataniste repenti, relate : "Je connais un homme qui a été malheureusement engagé dans ce détestable parti, l'espace de dix ans... Il m'a assuré que quand il se fait quelque ouvrage en la terre qui est à la gloire de Dieu, ses plus grands ennemis sont les sorciers qui tiennent conseil... pour aviser aux moyens de l'empêcher, de le détruire... c'est ce qu'ils ont essayé de faire au regard de l'œuvre que la divine Bonté fait en la sœur Marie." On ne peut comprendre la vie de Marie des Vallées, sans tenir compte de cette information. Les sorciers ne s'avouèrent pas vaincus, et les persécutions se multiplièrent. Marie comprit alors ce que devait être sa vraie vocation, et elle s'offrit en victime expiatoire pour tous. Elle savait que pour faire front aux forces démoniaques, il fallait se mettre dans la situation de faire parfaitement la volonté de Dieu. La rage de Satan se déploya: elle devait annoncer une aurore dont elle serait, sans le savoir, le prophète. Marie réclame à Jésus la grâce de vivre totalement la folie de la Croix. Dès lors, Marie, croix vivante, fut, par amour, configurée au Christ. Incontestablement, elle aurait dû servir de modèle de sainteté pour ses contemporains et pour les hommes des siècles qui suivraient. Or, curieusement, la leçon qu'elle devait nous donner, et qu'elle donna, fut complètement occultée après sa mort. Mystère de Dieu... Un jour, alors que Marie se plaignait de son impuissance, Jésus lui répondit: "Quand il y a une hostie consacrée entre plusieurs autres non consacrées, il n'y a que celui qui l'a consacrée qui la discerne; et quand il voudra, il la fera voir et connaître." De 1609 à 1614, soit pendant cinq ans, Marie fut l'objet d'attaques constantes de la part des sorciers, multipliant charmes et maléfices. Aujourd'hui ces phénomènes nous étonnent moins, mais leur multiplication peut nous inquiéter, et à juste raison. "La magie noire dispose aujourd'hui de moyens puissants et ses tenants ont considérablement amélioré leur image de marque. Quant aux sorciers de bas étage, ils ne sont que l'illustration dérisoire de la banalisation du mal face à la désertion spirituelle." Quoi qu'il en soit, en son temps, c'est à dire au début du XVIIe siècle, le corps de Marie des Vallées est l'arène où se joue le combat des ténèbres contre la Lumière. De par la volonté de Dieu les exorcismes ont peu d'effets sur elle, car elle doit rester possédée autant que Dieu le jugera utile. Tout cela peut nous déconcerter, mais nous savons qu'il y a eu, dans l'histoire de l'Église, un certain nombre de saints possédés ou exceptionnellement tourmentés par le démon. Parlant d'elle-même, Marie disait: "Pourquoi est-ce que je suis possédée? D'où vient cela? Je suis bien certaine que je ne me suis pas donnée à l'esprit malin... Mais,... ni mes parents ni moi n'y avons contribué; c'est une marque que c'est Dieu même qui a choisi lui-même pour moi cet état, comme celui qui m'est plus propre pour mon salut." Cependant Marie prie pour les sorciers, ses plus cruels ennemis, ceux qu'elle appelle "les religieux" de Satan. Marie vivait à cette époque près de l'évêché. En 1614, sa chambre est envahie par des démons hurleurs et vociférants. Marie les chasse avec des signes de croix et de l'eau bénite. Peu à peu les charmes décroissent, mais la possession demeure malgré les exorcismes réguliers. Marie affirme ne pas craindre les démons, "les plus impuissantes de toutes les créatures." Il semble que sa mission soit, entre autres, d'anéantir les effets des sortilèges et de convertir sorciers et libertins. Ainsi, Catherine de Bar, en religion Mère Mechtilde du Saint Sacrement, fondatrice des Bénédictines du Saint Sacrement, fut en relation avec Marie des Vallées, car sa communauté de Paris eut beaucoup à souffrir des sorciers et des sortilèges. Est-ce à cause de cela que Mère Mechtilde confia à sa congrégation: les Bénédictines du Saint Sacrement, comme une mission importante, la réparation pour les crimes des sorciers?
Les sacrifices de Marie des Vallées
L'offrande de sa volonté
Marie ne désirait que Dieu, son unique amour. Son esprit était perpétuellement appliqué par l'Esprit de Dieu à la contemplation des mystères de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ. Son seul but, c'était le salut de ses frères. En 1615, ou 1616, Marie s'offrit à Dieu: "je renonce de tout mon cœur à ma propre volonté et me donne à la très adorable volonté de mon Dieu afin qu'elle me possède si parfaitement que je ne l'offense jamais." Désormais Marie sera empêchée de faire ce que Dieu n'a pas décidé pour elle. Ainsi, pendant trente trois ans environ il lui sera impossible d'aller communier malgré tout l'amour qu'elle vouait au Saint Sacrement, et elle s'en plaignait longuement à Jésus:
– Pour avoir votre divine Volonté, faut-il se priver de la communion? Jésus répondit, parlant de ses saints:
– Non, au contraire. À proportion qu'ils meurent à leur volonté, la communion les vivifie de la haine qu'ils portent à leur volonté... Ils allument un grand feu de l'Amour divin qui les consume et anéantit comme le suif et la mèche dans une chandelle.
– Pourquoi suis-je privée de la communion?
– C'est une autre chose à part. C'est que ma Passion vous a été donnée au lieu du Saint Sacrement, et que la divine Volonté veut vous faire vivre dans la mort.
Tout était crucifié en Marie. Un jour Jésus lui confia: "Ceux qui me donnent leur cœur pour y faire ma demeure, Je leur donne le mien pour y faire la leur. Ceux qui se donnent à moi, Je Me donne à eux. Ceux qui me donnent leur Volonté, Je leur donne la mienne, mais il y en a très peu qui Me la donnent.
Marie s'était livrée à Dieu pour l'Église et la Gloire du Christ. Même de cela la postérité lui tiendra rigueur. Marie sera la cible de nombreux hommes d'église, au nom de principes qui ne paraissent pas venir de l'Esprit-Saint.
Vivre l'Enfer pour sauver les âmes
Dieu demande parfois à des saints de vivre des épreuves exceptionnelles, déconcertantes, et qu'il vaut mieux ne pas trop désirer: elles seraient beaucoup trop dangereuses pour nous. Mais il y a tant d'âmes à éloigner de l'Enfer. Voici ce que Marie des Vallées confie: "... L'Amour divin, caché derrière un rideau, me fit voir, en me les montrant du doigt seulement, un nombre incalculable d'âmes telles qu'elles sont quand elles sortent des mains du Créateur, avant d'être souillées par le péché originel. Je les voyais, ornées d'une si grande beauté que l'homme n'est pas capable de le comprendre et de l'expérimenter. Oh! je ne m'étonnais pas si Dieu est descendu du Ciel pour racheter de si belles créatures." Elle s'écrie aussi: "Ô beauté incompréhensible des âmes! Ô admirable beauté! Oh! quelle est cette beauté? Qu'est-ce donc? Je n'en sais rien, car elle est si merveilleuse qu'il n'y a point de paroles, ni de comparaisons capables d'en exprimer la moindre partie!" Pour sauver ces âmes, Marie redouble de prières et supplie Dieu de lui faire connaître, et subir, les peines de l'Enfer... Le Seigneur ne l'exaucera pas tout de suite. Mais, en novembre 1617, le dernier jour de l'octave de la fête de Saint Martin, Marie, épouvantée, "entend" une voix terrible lui dire : "Ce n'est pas tout, il faut bien passer outre : il faut mourir aujourd'hui et descendre en Enfer!" Puis une voix plus douce l'encourage : "Allez! C'est moi qui vous y envoie." Marie subit longtemps (probablement plusieurs années) les tourments de l'Enfer, avec quelques interruptions (notamment de 1618 à 1621) lui permettant de reprendre des forces. En effet, quoique la nature des tourments de Marie fût intellectuelle, leurs effets s'en faisaient ressentir sur son corps. L'épreuve fut terrifiante, et Marie dut subir aussi la déréliction la plus totale: l'abandon de Dieu, car le péché n'est pas une réalité banale. Ce mystère est grand et l'intelligence humaine ne peut le comprendre.
La coupe de soufre et de feu: le mal des douze ans
Les peines de Marie des Vallées étaient jusqu'ici intellectuelles. C'est intellectuellement que Marie subissait la rage, la faim, la mort et le désespoir. Elle vivait dans le doute et dans des angoisses mortelles. L'épreuve qui s'annonça à la mi-carême 1621, dépassera de très loin les peines d'Enfer déjà éprouvées. "C'est un Enfer tout nouveau que l'Amour fera pour elle. " Le "mal de douze ans" commence, à la suite du vœu de Marie, afin de sauver toujours davantage d'âmes : "Je fais vœu de souffrir tout ce que mon Époux a fait vœu pour moi que je souffre lorsqu'il était sur la Croix." Le matin de Noël 1621 Marie fut saisie d'un épouvantable mal de tête "si cruel, si horrible... que j'aurais, raconte-t-elle, mieux aimé souffrir les peines que j'endurais en Enfer. Ce terrible tourment me dura toute la journée: je l'ai bien éprouvé toujours pendant ce mal de douze ans, mais il n'était pas si cruel que le premier jour. Et il est à remarquer qu'aussitôt que je fus prise de ce mal de tête, j'oubliai entièrement la demande que j'en avais faite. Si je m'en fusse souvenu, cela m'eût donné quelque consolation." Au cours de cette épreuve, Marie sera travaillée par sept sortes d'étranges fièvres figurant les sept péchés capitaux dont elle devait porter la malédiction pendant douze ans. De nombreux témoignages relatent également la stigmatisation de Marie des Vallées. Marie vivait la Passion du Christ, "et achevait, en sa chair ce qui manque aux souffrances du christ, pour son corps qui est l'Église." Les épreuves et les souffrances de Marie des Vallées ont été terribles, et exceptionnelles, et on peut se demander comment une simple femme a pu les souffrir ? C'est que Marie des Vallées n'était pas seule: la Sainte Vierge la guidait jusqu'à "la perfection de son sacrifice." La Vierge Marie était présente dans la plupart des visions de sa fille de prédilection, comme elle l'est avec tous ceux qui se conforment à son Fils Jésus et à ses souffrances. Car Jésus avait prévenu Marie des Vallées que son "mal de douze ans", c'était le renouvellement de sa propre Passion. Ces supplices ne sont pas l'œuvre de la mort, mais de l'Amour. Ils sont véritablement une participation aux souffrances du Christ dans sa Passion, en vue de la Rédemption du monde. Et le Christ, voyant l'amour de sa servante, est "ivre de joie". Et lorsque le Christ s'adresse à Marie des Vallées, Il s'adresse à chaque homme dont Il a pris sur Lui toutes les souffrances et toutes les peines. Il convient aussi de remarquer qu'en Marie, c'est Jésus qui souffre. Comme chez de nombreux autres mystiques, Jésus, pour poursuivre sa Passion, investit certaines âmes, et vient souffrir en elles. Ce qui suit le prouve aisément : "Le 27 décembre 1619, Marie voit en elle-même Notre Seigneur souffrant plus cruellement que jamais. Elle en éprouve une telle douleur, une telle compassion qu'elle appelle la Très Sainte Vierge: 'Ayez donc pitié de votre divin Fils, lui dit-elle, retirez-le donc d'ici!' Au même instant, elle est elle-même subitement retirée de l'Enfer." Ce texte met également en évidence le rôle essentiel de la Sainte Vierge. Le Père est le "bras", la Vierge Marie est la "main". La mission de Marie est de hâter l'achèvement de l'œuvre de Dieu. La Vierge Marie est chargée d'acheminer les hommes jusqu'à leur terme. Elle se choisit avec son Fils, des hosties pour l'élévation du monde. La Vierge Marie avait d'ailleurs dit à Marie des Vallées: "La Passion est une Messe, et souffrir, c'est y assister." La Rédemption du monde est un mystère; la co-rédemption en est un également, tout aussi impénétrable. C'est ce que semble confirmer le dialogue qui suit, après que Marie se fût plainte à Jésus de l'excès de ses souffrances:
– "Réjouissez-vous, dit Jésus, car votre récompense est grande dans les cieux.
– Quelle est cette récompense ?
– C'est le salut des âmes pour lesquelles nous souffrons et que nous gagnerons au Ciel."
Avant chaque épreuve, Marie verra Notre-Dame, en larmes, pour lui annoncer de nouvelles douleurs. Car le cœur de Marie de Vallées ne fait plus qu'un avec le cœur de la Mère de Jésus, de Jésus qui lui dit, le 8 février 1652: "Voilà votre cœur. C'est celui de la Mère, mais c'est aussi le vôtre, car, enfin, Moi, ma Mère et vous, nous n'en avons qu'un que voilà." Marie des Vallées, que l'on appelait couramment la Sœur Marie bien qu'elle ne fût pas religieuse, fut très probablement stigmatisée à cette époque, car des traces de plaies sanglantes et douloureuses furent visibles "pendant dix neuf ans et cinq mois" (selon Saint Jean Eudes). Les linges ayant essuyé le sang furent d'ailleurs distribués comme reliques, par Saint Jean Eudes, après la mort de Marie. On en trouve la preuve dans ses lettres, notamment à Monsieur Mannoury.
L'anéantissement de Marie
Des mystiques que Dieu suscite, on a dit le meilleur et le pire. Marie des Vallées ne fut pas une "illuminée" au sens péjoratif du terme. Elle fut, douloureusement "la fille lumineuse et illuminante de Dieu." Marie est au cœur de la Passion du Christ. Sa lumière, c'est la Croix. Pour sauver les âmes, en communion avec le Christ, elle acceptera d'aller au plus profond de l'agonie et de la Croix de Jésus. Crucifiée, plongée dans les supplices, elle n'est pas malheureuse car elle sait qu'elle répond pleinement au dessein de Dieu sur elle. Sa joie est réelle, mais tellement au-dessus des joies humaines qu'elle ne peut pas être comprise par le monde qui la juge sans valeur :
"Vous êtes ma Croix vivante, lui dit un jour Jésus. Je me suis revêtu de votre chair, c'est pourquoi vos souffrances sont d'une valeur presque infinie." C'est l'inhabitation du Christ en Marie qui rend ses souffrances comparables aux siennes. Comme Saint Paul, Marie achève en elle, dans son corps que le Christ s'approprie, ce qui manque à la Passion du Christ, pour son Corps qui est l'Église. Saint Jean Eudes rapporte une vision à laquelle il assista en 1649.
Le Christ demanda à Marie :
– Qui êtes-vous ?
– Je n'en sais rien.
– Dites, dites, insiste Jésus.
– Je suis la plus misérable des créatures.
– Non, ce n'est pas cela, reprend le Christ.
Alors Marie déclara :
– Le Verbe s'est revêtu de ma chair, et c'est Lui qui souffre en moi.
Oui, c'est cela, la mission de Marie des Vallées. Émile Dermenghem pense que Marie des Vallées représente "comme la partie pour le tout, l'ensemble des saints." Marie figure l'Église au sein de laquelle chaque chrétien, cellule de ce Mystérieux Corps, doit être configuration au Christ, quelle que soit sa condition existentielle, parce qu'il y est appelé par une force plus forte que lui-même. L'homme converti, et donc, rendu à lui-même, reproduit les œuvres de l'Amour. Jésus est la cause première de la conversion, les saints y coopèrent comme causes secondes. Marie des Vallées verra toutes les puissances de son âme agoniser et mourir l'une après l'autre: d'abord l'esprit, puis la mémoire, ensuite l'entendement, et enfin la volonté. C'est le travail d'anéantissement de soi qui peut durer de longues années. Le 8 juillet 1653, c'est, pour Marie, l'expiravit de l'esprit; le 30 mars 1654, c'est l'expiravit des sens. Marie ne sait plus ce quelle est devenue. Les sens intérieurs de Marie entrent dans une agonie qui durera sept ans. C'est la nuit noire décrite par Saint Jean de la Croix. Marie vit des "incertitudes effroyables" Elle ne sait plus si Dieu existe... Dorénavant Jésus peut dire à Marie: "Je suis Tout et vous n'êtes que mon habit dont Je suis revêtu... Mais comme l'habit n'a aucun mouvement que celui qui lui est donné par la personne qui en est revêtue... ce sera Moi qui serai Tout et qui ferai tout Cela en vous, et non vous." Jésus est donc le mouvement de Marie. Marie est comme un tissu ajusté sur le Corps de Dieu. Peu de gens ont compris la mission de Marie et l'inhabitation de Jésus en elle. Elle fut critiquée de toutes les façons, et les polémiques suscitées autour d'elle furent d'une rare violence, mais "c'est une particularité de l'esprit des ténèbres que de se servir de la vérité pour proclamer le mensonge..."
Le Mal de cœur
En 1654, Marie connut le mal du cœur, du cœur de l'âme. Elle souffrit dès lors, de quatre maux: les péchés d'autrui, les flèches de la divine Charité que la Justice lui plantait dans le cœur, la colère de Dieu, le combat entre la Toute Puissance et l'ire de Dieu. Durant six semaines, Marie vit la Mère de Dieu pleurer sur la nature humaine, épouse de son Fils, lui disant que la Toute Puissance seule pouvait s'opposer à son anéantissement par la Colère divine. Mais la Miséricorde veille et apaise la Justice. Après les paroles de la Vierge Marie, Marie des Vallées perdit l'usage de son bras droit. Le 12 avril 1654, Marie eut une vision du Christ en Croix; sa tête était hérissée d'un églantier, ce qui, d'après saint Jean Eudes, signifierait qu'il y a encore beaucoup de mystères cachés qui nous serons révélés en leur temps. Gaston de Renty nous révèle: "Le corps de Marie en toutes ses parties est tout en douleur... Mais l'œuvre de Dieu se fait bien en secret du monde en elle." Les œuvres de Dieu en Marie des Vallées ne furent connues que de seulement sept personnes, celles que Dieu avait désignées à Marie.
Les dernières années et la mort de Marie des Vallées
Marie des Vallées a souffert toute sa vie, en union avec le Christ, pour le salut des âmes. Ce que l'on appelait sa possession, a cessé en 1655, et Marie se sent bien. Puis, curieusement, des premières vêpres du premier dimanche de l'Avent 1655, au 2 février 1656, soit tout le cycle de Noêl, à cette époque, Marie fut plongée dans un état d'enfance, privée de l'usage de son esprit, et de ses membres. Mais quand on lui parlait de Dieu, ses réponses étaient toujours sensées. Puis Marie redevint comme à son ordinaire, moins la souffrance. Marie a 66 ans et elle sait qu'elle va bientôt mourir. Elle ne cesse de répéter: "Je veux aller en ma maison,... Je veux aller en ma maison, il y a gloire et délices à ma maison." Huit jours avant sa mort, elle répétait continuellement: "Je m'en vais, je m'en vais." Et à quelqu'un qui lui demandait où elle allait, elle répondit: "À ma maison, il y a gloire et délices à ma maison." Pourtant Marie se portait bien... Le 24 février 1656, elle tomba malade et le Père Jean Eudes resta près d'elle. Le lendemain, 25 février, après avoir suivi la récitation du Rosaire avec ceux qui l'assistaient, après quarante sept ans de souffrances terribles et inexplicables, Marie s'en allait vers Celui qu'elle avait tant aimé. Durant sa vie, Marie avait constamment dû subir des attaques de toutes sortes. Cela continua, et immédiatement après sa mort, chanoines, dominicains, missionnaires eudistes, etc, se disputèrent la possession de son corps. Finalement, Marie des Vallées fut enterrée dans la chapelle Saint Joseph de l'Église Saint Nicolas de Coutances. Après l'enterrement de Marie, les disputes reprirent. Finalement, dix mois plus tard, avec l'accord du Parlement, le corps de Marie fut enlevé de l'Église Saint Nicolas, et placé, selon le désir de Saint Jean Eudes, dans la chapelle du séminaire des missionnaires eudistes. Le corps de Marie était intact et dégageait une odeur très suave... Cependant, on continuera à se battre et à ester en justice, pour la possession du corps de Marie, la sainte de Coutances. Mais cela ne suffisait pas; d'autres procès allaient bientôt se développer autour de la pensée de Marie des Vallées, et de ceux qui lui restaient fidèles.
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