Spiritualité Chrétienne

Spiritualité Chrétienne

La Servante de Dieu Mère Scholastique Rivata

La Servante de Dieu Mère Scholastique Rivata

La joie au service de Dieu

1897-1987

 

Présentation

 

Dieu sourit encore sur le visage de Mère Scholastique qui a suivi Jésus Maître comme disciple. Femme humble et ardente, elle nous laisse en héritage le témoignage qu’il est beau de demeurer avec Dieu. Voilà le secret de la beauté souriante que Mère Scholastique a conservée au long des années en dissimulant la souffrance dans les replis de son cœur. Sa joie naît de la foi, abandon confiant dans les mains de Dieu. Mère Scholastique a traversé le désert de la transformation. Du premier choix qu’elle exprime en disant : Toi seul, Seigneur, et c’est tout!, jusqu’à la consommation de son offrande, elle a connu la joie durable de servir dans la gratuité. Même dans la fatigue la plus dure, Mère Scholastique a choisi de ne pas être triste, de ne pas se plaindre, de ne pas se sentir victime, permettant ainsi au dynamisme de la joie chrétienne de se répandre dans son cœur et de se refléter sur son visage. Le secret de cette joie durable, fruit mûr de l’Esprit, réside dans l’amour qui se donne pour la vie des autres, dans l’apostolat. Elle est belle la vie réussie de cette femme consacrée à Dieu; elle ne perd pas son sens parce qu’elle puise à la source de la lumière venant de l’Eucharistie, et qui se revêt de simplicité et de beauté. Mais, est-ce que cette joie de l’Évangile nous intéresse aujourd’hui?

 

S. M. Regina Cesarato
Supérieure générale, des Sœurs Disciples du Divin Maître

 

Un oui pour la vie

 

Nous sommes au 16 avril 1896. Le couple des jeunes époux, Lucie Alessandria et Antoine Rivata, sort de l’église paroissiale Saint Martin de La Morra qui donne sur la place Belvédère dominant le grand bassin des Langhes. Il n’y a pas de voyage de noces au programme. Après le repas frugal mais festif préparé à la maison de l’épouse, en aval du village, dans le hameau Sainte-Marie, il parcourt les quelques kilomètres qui, passant par Alba, les mèneront chez eux, à Guarene, via Luccio 24. Le 12 juillet 1897, un peu plus d’un an après leur mariage, leur première-née voit la lumière. Au baptême célébré le jour suivant la naissance, elle reçoit le nom d’Ursule en souvenir des grands-mères paternelle et maternelle. Ursule se présente à la vie en l’année de la mort de Thérèse de Lisieux (30 septembre). Ces deux vies s’entrecroisent mystérieusement. Sainte Thérèse exercera une force d’attraction sur Ursule grâce à la lecture de “Histoire d’une âme”, et elle sera une figure de référence aux débuts de la congrégation des Sœurs Disciples du Divin Maître. L’année 1897 est aussi celle de la naissance de Jean Baptiste Montini (26 septembre), futur Paul VI à qui, lors d’une audience en 1974, Mère Scholastique rappellera avec fierté qu’ils sont du même âge.

 

Guarene : un coin suggestif du Piémont

 

Le milieu de Guarene offre des images suggestives à la petite Ursule. Sur le roc le plus haut s’élève l’imposante et harmonieuse construction du Château, rappel d’une noblesse qui exerce son influence sur la vie du village depuis des siècles. La chapelle du Château dédiée à Sainte Thérèse d’Avila sera le but fréquent des promenades et des haltes de prière de la jeune Ursule. Plusieurs clochers témoignent d’une religiosité enracinée dans les esprits, et qui n’a pas cédé, même devant les incursions des Sarrasins. Une vue qui va du Roero aux Langhes pousse le regard jusqu’à la chaîne des Alpes; en bas, on contemple la vallée fertile du Tanaro et on peut apercevoir les tours d’Alba. Travaillée à la sueur du front, la terre n’est pas avare; elle offre à la population laborieuse de Guarene les ressources pour vivre dignement, même si c’est dans la sobriété. L’école maternelle confiée aux sœurs du Cottolengo ainsi que les cours jusqu’à la cinquième année élémentaire assurent l’alphabétisation des nouvelles générations. Pendant deux ans, Ursule jouit seulement pour elle des attentions de maman et papa, puis arrivent Joséphine (1899), Clotilde (1900) et Jacques (1903). La famille augmente et tout paraît se passer dans le bonheur simple de toute famille unie et ouverte à la vie.

 

La première grande souffrance

 

La joie causée par la naissance de Jacques est vite offusquée par ce dont Ursule se rappellera toujours, jusqu’à l’âge le plus avancé, comme étant “la plus grande souffrance de sa vie”. Le 3 juillet 1903, maman Lucie meurt, et Ursule, qui ne recevra plus sa bise pour son sixième anniversaire, doit vivre son rôle de fille et de sœur aînée. Les jeux, les chants et les cris de joie qui remplissaient la maison s’éteignent, et papa Antoine doit affronter la dure épreuve. Il reçoit l’aide des familles de la parenté, mais la responsabilité des quatre enfants que Lucie lui a laissés lui revient entièrement. En 1941, Mère Scholastique écrit: «j’étais encore une enfant et la vie me paraissait faite que de roses et de fleurs. Aimée par mes bons parents et entourée de soins empressés, les journées se passaient dans le bonheur. De ma voix argentine, je remplissais la maison de cris festifs et j’agaçais maman avec mes mille questions. Oh! Chère maman! Ces jours étaient trop beaux, il fallait que l’épreuve vienne visiter ce petit être insouciant. Et vint la première grande souffrance!... Maman chérie meurt après une courte maladie! Quelle peine! Qui peut la comprendre? Seule la personne qui l’a éprouvée peut comprendre la souffrance intense, la malchance de perdre cet être si cher! C’est une blessure qui ne se cicatrise plus, même si, avec les années, de nombreux événements peuvent se succéder. Et il a plu au Seigneur dans sa bonté infinie et sa sagesse que la dure épreuve de la souffrance me visite très tôt…».

 

Ursule, qui doit commencer à fréquenter l’école élémentaire en octobre, revient vite à la maison avec son père avec qui elle affermit un rapport particulier. Son petit frère Jacques est à sa merci et ses petites sœurs vivent avec leur grand-mère maternelle. Ursule est une enfant vive et intelligente. Elle aime apprendre à lire et à écrire et cela adoucit sa souffrance tout en la préparant à regarder l’avenir avec sérénité. Comme sa mère le lui avait enseigné, c’est avec confiance qu’elle recourt à Marie qui a son bel autel dans l’église paroissiale et qui, à la maison, lui sourit à partir d’une grande image. En 1904, papa Antoine décide d’amener à la maison une nouvelle maman pour ses enfants. En avril, il épouse Josèphe Bertolotto, une femme forte, aux principes chrétiens solides, même si sa physionomie et son caractère la distinguent beaucoup de maman Lucie. Le petit Jacques meurt à dix mois seulement. Et puisqu’il n’y a pas d’enfants issus des secondes noces, à la maison, il reste les trois petites sœurs. Ursule a du mal à accepter “maman Josèphe” qui prend la place de sa mère, mais elle s’applique à suivre son exemple, à admirer son dévouement à prendre soin de leur corps mais aussi de leur esprit.

 

Petit ange et toute pétillante d’esprit

 

Les personnes de son âge se rappellent qu’elle était parmi les meilleures à l’école; elle étudiait, elle était toujours bien préparée, et elle recevait souvent comme récompense de porter la médaille à l’effigie du Roi, et pendant sept jours, le petit ruban tricolore sur son tablier. À mesure qu’elle grandit, la belle enfant qui ressemble à “un petit ange” paraît aussi aux yeux des personnes de son âge “une jeune toute pétillante, très vivace, habituellement joyeuse, active, qui aime la compagnie, qui module sa belle voix dans le chant; une jeune sincère, franche, d’une franchise qui n’admet pas de compromis”.

 

Paroisse et cheminement spirituel

 

En mai 1904, la rencontre de Jésus eucharistique dans la première communion donne un coup d’aile à la vie d’Ursule. Le sacrement de Confirmation qu’elle reçoit en 1909 des mains de Mgr Joseph Re, évêque d’Alba, renforce son engagement chrétien. La paroisse des Saints Pierre et Barthélemy est très active et les prêtres, qui ont assimilé un grand amour pour l’Eucharistie au Séminaire florissant d’Alba, le transmettent en favorisant la communion fréquente, la catéchèse et le soin pastoral pour tous les âges et toutes les catégories. On organise soigneusement les fêtes patronales avec la prédication confiée aux prêtres du Séminaire d’Alba parmi lesquels se trouve don Jacques Alberione. Ursule participe activement à la Schola cantorum qui contribue à faire goûter la beauté des célébrations. L’église est également bien entretenue, surtout à l’intérieur. Le curé, Don Jean Agnello en entreprend une restauration attentive et fait peindre sur la voûte par Laurent et Constantin Mossello de Montà des anges adorant la très sainte Eucharistie, les Saints Pierre et Barthélemy, Saint Laurent. Avec son petit né retroussé, Ursule a naturellement suivi la création des images qui ont nourri sa prière par la suite. Elle a souvent fixé le regard sur la petite porte du tabernacle qui représente Jésus disant aux disciples: Venite ad me omnes/Venez tous à moi! Elle est attirée par cette invitation de Jésus Maître.

 

Travail et amitiés

 

Ursule grandit, et dans ce climat, dans la texture harmonieuse de la nature et de la grâce, elle forme sa personnalité. Guarene est un petit village mais il est ouvert à l’expérience et à la vivacité spirituelle et culturelle d’Alba, la ville voisine. Malgré sa soif de savoir et de connaître, les possibilités d’études ne sont pas offertes à Ursule après l’école élémentaire. Mais elle s’adonne de son mieux à la lecture pour acquérir une autoformation constante, et non seulement dans le domaine de la religion. Le temps dont elle dispose pour lire, c’est presque seulement les heures de la nuit et elle en profite, à la clarté de la lampe à l’huile, s’attirant parfois le reproche de sa belle-mère : “Tu lis toute la nuit, même ton nez est enfumé!”. Au cours de son adolescence et de sa jeunesse, en plus des milieux domestiques, elle expérimente différents milieux de travail qui la mettent en contact avec des réalités sociales variées et qui contribuent à sa maturité.

 

Le travail aux champs en contact avec les saisons et la beauté de la nature lui donne un cachet “écologique” marqué, alimenté jusqu’aux dernières années de sa vie. Il lui fait aussi expérimenter la fatigue et la constance que la terre exige pour produire des fruits et, pas le moindre, l’abandon à la providence du Seigneur lorsque, à cause de calamités naturelles, comme la grêle, toute la récolte est ravagée en quelques minutes. L’emploi saisonnier à la filature de soie De Fernex à Alba la met en contact avec les problèmes du rapport entre les employeurs et les ouvriers, dans une structure où les ferments sociaux du début du 20e siècle sont très accentués, comme les chroniques d’Alba de l’époque le soulignent. À l’époque du travail à la filature qui engage saisonnièrement des jeunes venant des alentours, leur offrant les repas et l’ébergement nocturne du lundi au samedi, elle rencontre Euphrosine Binello, une jeune fille qui la précède par son entrée dans les files de don Alberione. Dans le sillage des premiers disciples appelés par Jésus, elle reprend pour Ursule l’invitation : Viens et vois! Le service dans une famille bourgeoise d’Alba l’amène à vivre la condition de collaboratrice domestique, occupation assez commune alors pour plusieurs jeunes; ainsi se sent-elle proche de nombreuses femmes, même aujourd’hui.

 

Choix de vie

 

Papa Antoine est fier de ses trois belles filles qui grandissent et que les jeunes garçons du village commencent à remarquer. Après son engagement économique pour la nouvelle maison, via Luccio 22, il commence à rassembler ses épargnes pour préparer leurs dotes. Il désire qu’elles s’établissent bien et qu’elles soient heureuses. Il surveille ceux qui les regardent, et un jour, il appelle Ursule, l’aînée qui, suivant la coutume, doit être la première à s’établir, et il lui dit qu’un certain André a demandé sa main. “C’est vraiment un jeune homme sérieux – souligne le père – et il a des biens; avec lui, tu pourrais mener une vie heureuse”. En bon patriarche, il l’invite à réfléchir, il propose mais n’impose pas, il veut le meilleur pour ses filles et il regarde avec une sensibilité particulière la petite Ursule qui lui fait beaucoup penser à Lucie.

 

La proposition de papa Antoine est comme un éclair qui déchire les nuages et qui provoque une grande décision chez Ursule. En effet, après la messe dominicale, en sortant de l’église, elle regarde André qu’elle connaît mais qu’elle doit maintenant scruter comme la personne à qui elle pourrait lier sa vie. C’est vraiment un beau garçon et il est bon aussi. Mais soudainement, elle se sent profondément bouleversée, elle court vers la via Luccio 22. Le souvenir de ce moment qu’elle évoque après plus de quarante ans est éloquent:“Après la messe, en revenant à la maison, je fus prise par une sorte de peur et en entrant dans la maison, je filai tout droit dans ma chambre où il y avait une belle statue du Sacré-Cœur… Je me plaçai devant le Sacré-Cœur et lui dis: Toi seul, Seigneur, et ç’est tout! Je descendis l’escalier et j’allai dire à papa : non, je n’accepte pas sa main”. Toi seul, Seigneur, et c’est tout! Elle dit son oui à Celui qui l’a choisie le premier et qui, à partir de ce moment, lui demande d’être “le Seul, l’Unique” de sa vie, “dans la joie et dans la souffrance, en santé et dans la maladie, dans la patrie et en exil…”

 

Désormais, la voie se dessine clairement et son style de vie prend des connotations  nouvelles: “À partir de ce moment-là, mon comportement changea beaucoup et je ne me rassasiais pas de me mortifier, de prier constamment, la messe chaque matin, la confession hebdomadaire et la communion. Dans un débarras, je découvris le livre: Pratique d’aimer Jésus Christ qui m’aida beaucoup à bien orienter ma vie vers la piété. Je lus aussi l’Histoire d’une âme qui me fit beaucoup de bien et qui me donna surtout un grand désir de devenir religieuse”. Elle sent que sa vie doit être donnée totalement au Seigneur, même si elle ne sait pas encore où et comment. Elle est majeure maintenant, mais sa décision suscite un certain désaccord dans la famille. Elle l’accueille comme une épreuve qui renforce davantage sa décision et sa pratique du quatrième commandement.

 

La rencontre de don Alberione

 

Elle continue à se former en lisant beaucoup et sa passion pour la lecture, à la recherche de “bons livres”, l’amène à la rencontre d’un grand apôtre des temps modernes : don Jacques Alberione qui, sans détour, alors qu’il cherche le livre qu’elle a demandé, lui dit au terme d’un court dialogue : “Quand viens-tu à Saint-Paul?” De plus, ce samedi-là, entre les étals du marché d’Alba, elle rencontre de nouveau Euphrosine, l’amie du temps de la fabrique de soie, qui fait désormais partie du groupe féminin de la fondation de don Alberione et qui l’invite avec un enthousiasme contagieux à aller voir où elle se trouve. Une autre lumière s’allume sur le chemin d’Ursule. Elle a vingt-quatre ans désormais et elle se sent poussée à rompre les délais ainsi que l’opposition de sa famille qui semble s’intensifier lorsqu’elle manifeste sa volonté d’entrer à Saint-Paul, parce que l’œuvre de don Alberione n’est qu’à ses débuts et qu’on ne voit pas encore d’horizons clairs et de garanties pour l’avenir.

 

Suivre le Maître

 

Ursule a fixé un temps: la fin du travail d’été dans les champs. Finalement, une fois les difficultés réglées, le 29 juillet 1922, accompagnée par son père, elle entre dans l’aventure qui la conduira par les voies insondables du Seigneur. À Alba, dans la première maison qui lui appartient après les différents déménagements des premières années, don Alberione, qui a commencé la Pieuse Société Saint-Paul avec deux jeunes garçons en 1914, possède désormais une bonne troupe d’Apôtres de la Bonne presse. Depuis 1915, il y a aussi un groupe de jeunes filles qui, le 22 juillet de la semaine précédente, avec les vœux privés et la nomination de Thècle Merlo comme Supérieure générale, est constitué officiellement avec le nom de Filles de Saint-Paul. Ursule connaît le programme que le Fondateur a donné à l’œuvre entière : “Gloire à Dieu, paix aux hommes”, annoncer l’Évangile avec les moyens modernes, d’abord avec la presse. Il est certain que “dans la Maison”, toutes les tâches, même nettoyer les légumes, préparer la nourriture, laver et repasser le linge, sont orientées vers ce but. Être un corps unique dans le Christ nous porte tous à atteindre la même fin.

 

Une nouvelle famille

 

Il se peut que dès la rencontre d’Ursule à la librairie, sous la poussée de l’Esprit Saint, don Alberione ait senti que le moment était venu d’agrandir la famille. Lorsque, dans la maturité de ses 25 ans, cette jeune fille entre à Saint-Paul, il lui remet le livre “Les femmes de l’Évangile” comme un instrument qui la met en harmonie avec sa mission future. Don Alberione veut diffuser l’Évangile avec la presse et avec les moyens qui suivront, mais il est convaincu qu’il faut des personnes qui soient par leur vie une annonce et une contagion de la Bonne nouvelle, comme les femmes qui ont suivi Jésus dans son pèlerinage et qui étaient présentes au matin de la résurrection; des femmes qui soutiennent et accompagnent les apôtres d’aujourd’hui avec la richesse de leur féminité et de leur dévouement. Il entend encore les paroles de son directeur spirituel, le Chanoine Chiesa: “Avant de faire des œuvres, assure-toi un groupe proportionné d’âmes qui prient et, si nécessaire, se sacrifient pour les œuvres mêmes; si tu veux qu’elles soient vitales”.

 

Ursule et Methilde

 

Le 21 novembre 1923, par un geste d’une certaine solennité qui rappelle celui de la communauté d’Antioche envers Paul et Barnabé (cf. Ac 13,2), même si, à Alba, le lieu et les moyens paraissent très pauvres (en effet, nous sommes dans la cuisine et l’estrade de l’annonce est une caisse de bois rudimentaire), don Alberione dit: “Mettez à part pour moi Ursule et Méthilde pour une mission que je leur confierai”. Le projet n’est pas encore clair mais il sait qu’il doit lancer l’œuvre de l’Esprit. Méthilde pose alors une question logique: “Que ferons-nous?” Il y répond par un triple impératif : “Vous ferez silence, silence, silence”, comme pour dire : vous devez écouter, écouter, écouter ce que le Seigneur veut nous communiquer, et la Présence qui nous parle n’est pas dans le tremblement de terre ni dans le feu mais dans le murmure d’un vent léger, dans le silence (cf. 1 R 19,11-12). Ursule sent que, avec Méthilde Gerlotto, elle est mise à part du groupe des jeunes présentes dans l’unique maison d’Alba pour une œuvre nouvelle qui exige l’abandon au projet de Dieu que le Fondateur fera connaître. Elle est choisie comme chef de cordée et, en janvier 1924, don Alberione la charge de repérer parmi les jeunes aspirantes, et en communion avec M. Thècle Merlo, quelques compagnes “plus portées à la piété eucharistique en particulier”. Ainsi décrit-il la caractéristique fondamentale du nouveau groupe.

 

Un cierge vivant

 

Tandis le groupe des huit premières se forme, don Alberione commence la “pastorale des vocations” en faveur des futures Sœurs Disciples et, le 24 janvier 1924, il envoie une lettre à tous les curés de l’Italie: “Je me permets d’unir un brouillon de règlement pour une institution de filles pour l’Adoration perpétuelle du Très Saint Sacrement. J’attends de vous une adoratrice, c’est-à-dire une vocation de votre paroisse. Elle sera comme un cierge vivant qui brûlera et se consumera devant le Bon Pasteur, pour vous et votre paroisse. Deo gratias. Avec mon respect. Vôtre, in Domino, Jacques Alberione, prêtre”. Et plusieurs curés partent accompagner leur “cierge vivant” à Alba.

 

Un nom nouveau, une mission nouvelle

 

Don Alberione choisit le 10 février 1924, jour de la fête de sainte Scholastique, pour acheminer la nouvelle fondation avec le premier noyau de huit jeunes qui, le 25 mars suivant, jour de l’Annonciation, se manifeste officiellement par la Prise d’habit religieux et la profession des vœux. Elles reçoivent aussi un nom nouveau, et Ursule devient Sœur Scholastique de la divine Providence. “Leur tâche principale” commence le jour même. C’est l’Adoration eucharistique à toutes les deux heures. Quelques mois plus tard, précisément pour l’Assomption, les nouvelles venues permettent de couvrir aussi les heures de la nuit. Elles doivent “avoir soin de Jésus Maître et de ses ministres” : l’amour à Jésus Maître porte Sœur Scholastique à vivre comme sœur et mère auprès des Prêtres et des Disciples de la Société Saint-Paul, dans un dévouement sans réserve qu’elle étend ensuite au sacerdoce de l’Église entière. Sœur Scholastique a 28 ans. L’enthousiasme ne lui manque pas et la lumière qu’elle reçoit quotidiennement à l’école du Maître eucharistique l’accompagne dans la tâche qui exige un crescendo de prudence et d’initiative. Elle est responsable de la nouvelle famille qui naît auprès des Filles de Saint-Paul, déjà consolidées et guidées par la vénérable Thècle Merlo qui est constamment proche pour accueillir, interpréter et réaliser le projet du Fondateur, et pour conduire sur un chemin difficile, les Sœurs Disciples de Jésus Maître à l’approbation dans l’Église.

 

La première Mère

 

À partir de ce moment-là, nous ne pouvons lire l’histoire de Scholastique qu’en suivant pas à pas le cheminement des Sœurs Disciples. Si chaque personne doit être prise dans le milieu où elle vit, celle qui est choisie pour commencer une congrégation nouvelle auprès de la figure charismatique extraordinaire du Bienheureux Jacques Alberione a besoin d’une lecture, comme en dissolution continue, qui n’efface pas l’identité de la personne mais qui fait d’elle l’incarnation et la communication de cette forme particulière de vie. Ce n’est pas par hasard que, au cours des premières années, alors qu’il n’y a pas encore de règle écrite et que des jeunes sœurs demandent à don Alberione comment être Sœur Disciple, il répond : “regardez Sœur Scholastique”. Les Sœurs Disciples se développent et, guidées par Mère Scholastique, elles parviennent à vaincre plusieurs difficultés, à garder vivante leur identité, même de 1929 à 1947, période au cours de laquelle tout en poursuivant leur formation spécifique, elles vivent juridiquement sous l’unique approbation des Filles de Saint-Paul. Ce sont des années où le dialogue entre charisme et institution écrit des pages qui font toucher du doigt l’action de l’Esprit qui guide et corrige des décisions, bonnes en elles-mêmes, mais parfois suggérées par la sagesse humaine. Il y a l’observance des règles canoniques pour les actes officiels, mais dans la docilité créative aux directives du Fondateur, Mère Scholastique continue à faire grandir les Sœurs Disciples selon leur vocation et mission spécifique centrée sur l’Eucharistie, sur le Sacerdoce et sur la Liturgie, en attendant leur pleine manifestation externe.

 

Mission en Afrique

 

Lorsqu’elles sont vécues dans la lumière de Dieu, les épreuves portent toujours à dilater les horizons. En 1936, la décision de don Alberione paraît humainement inexplicable alors qu’il demande à Mère Scholastique de quitter la direction des Sœurs Disciples pour se transférer d’abord à Rome comme adjointe de la maîtresse des novices et par la suite, de prendre le large pour l’Afrique. En novembre 1936, avec sœur Élia Ferrero, elle part pour Alexandrie d’Égypte dans la perspective d’explorer aussi d’éventuelles implantations en Afrique orientale et en Terre Sainte. En Égypte, elle se trouve dans une condition de minorité ethnique au milieu d’une population musulmane avec qui elle cherche des voies concrètes de dialogue en vivant quotidiennement près d’elle. Sa manière de faire, toujours accompagnée d’un sourire, est bien accueillie, et dans le quartier où elles vivent, tous l’appellent “la brave dame”. À une certaine période, pour la diffusion de l’Évangile, elle n’hésite pas à adopter la tenue civile pour obtenir l’autorisation d’accéder aux paquebots de passage et d’apporter la bonne presse aux passagers.

 

Retour d’Égypte

 

Déjà consistant, le groupe de Sœurs Disciples de Jésus Maître souffre d’être privé de la direction de leur Mère, mais c’est avec détermination qu’il donne aussi la preuve que la semence de leur charisme se développe, se fortifie et qu’il ne se confond pas avec celui des Filles de Saint-Paul, si beau et si grand soit-il. En moins de deux ans, le Fondateur rappelle M. Scholastique de l’Égypte pour qu’elle reprenne son ministère de direction et de présence maternelle, et cela même pour les frères de la Société Saint-Paul, et pour qu’elle prépare le terrain en vue d’obtenir l’approbation de l’Institut dans l’Église. Pour don Alberione, c’est encore un temps de créativité fondationnelle. À partir de 1936, des horizons s’ouvrent pour la pastorale paroissiale et il fonde les Sœurs de Jésus Bon Pasteur, dites Pastourelles. En même temps, il se rend compte que les Sœurs Disciples et les Pastourelles, institutions où les personnes et les œuvres se développent rapidement, exigent aussi une organisation juridique appropriée. Encore une fois, au moins pour la partie féminine, il ne veut pas renoncer à l’idée de “une famille”, avec une approbation unique pour les trois branches engagées dans des expressions apostoliques variées. Cependant, il n’est pas facile d’harmoniser la pensée d’un fondateur avec les règles canoniques. Dans ce cas, émerge ensuite la force puissante de charismes qui ne parviennent pas à se fondre en un seul. Par conséquent, les difficultés du cheminement contribuent à hâter la manifestation du projet de Dieu. À l’époque de la deuxième guerre mondiale, la Famille paulinienne reçoit deux sceaux importants de l’Église : l’approbation pontificale de la Société Saint-Paul (1941) et des Filles de Saint-Paul (1943), tandis que le projet des trois Congrégations féminines dans une même approbation ne peut arriver à bon port.

 

Regard tendu en avant

 

Depuis le jour de son retour d’Égypte, avec un œil qui sait discerner, Mère Scholastique se préoccupe d’abord de donner une formation solide aux générations nouvelles. Elle voit en Sœur M. Lucie Ricci, qui a 25 ans à peine, la personne apte à diriger le noviciat. La formation culturelle a aussi son importance et, avec la collaboration du Bienheureux Timothée Giaccardo, premier prêtre de la Société Saint-Paul, qui a reçu du Fondateur la charge de suivre de près le cheminement des Sœurs Disciples, elle organise des études à différents niveaux. À partir de 1938 naît une œuvre particulière qui fait partie de la mission et qui doit assurer également la subsistance économique, c’est la “Domus Dei” : l’ensemble des activités pour la liturgie. Mère Scholastique promeut avec enthousiasme la préparation des images, la peinture, l’art sacré, la broderie, la confection d’ornements liturgiques; elle oriente aussi des sœurs vers la formation artistique et technique dans les différents secteurs. Les œuvres externes sont utiles et nécessaires, mais M. Scholastique est consciente que c’est une vie donnée qui assure la stabilité. C’est à cette époque-là que Jésus Maître commence à la guider par la voie d’une offrande qui la marque profondément pour le reste de sa vie. En la fête de la Transfiguration de 1941, jour où l’on contemple Jésus en marche vers son Heure, elle écrit: “Aujourd’hui, 6 août, fête de la Transfiguration de Jésus, j’ai fait l’offrande de ma vie pour la congrégation des Sœurs Disciples. J’accepterai du Seigneur tout ce qu’il lui plaira de m’envoyer à cette fin, pour expier tous mes manquements en cette vie et pour obtenir la grâce de mourir dans un acte parfait d’amour de Dieu. Tout cela, avec l’aide de Jésus et de Marie”.

 

Être dans l’Église

 

Il y a d’autres sœurs plus cultivées, mais en 1945, alors qu’il s’agit d’écrire les Constitutions et particulièrement le texte des directives pratiques pour les Sœurs Disciples, don Alberione appelle Mère Scholastique qui, avant de s’adonner à cette tâche, visite toutes les communautés et se met à l’écoute de chaque sœur dans le but de rédiger ensuite un rapport détaillé. Être reconnues dans l’Église est un rêve que Mère Scholastique n’a jamais relégué au tiroir. Elle est consciente que, avec l’expansion géographique et numérique, il est de plus en plus difficile d’harmoniser la vie avec deux plans : juridiquement, être appelées Filles de Saint-Paul, et dans la pratique, dans la vie de chaque jour et dans les œuvres, être Sœurs Disciples. La clarté d’appartenance, l’identité doit avoir aussi le visage juridique. La situation “de droit” et la situation “de fait”, qui ne causent pas de problèmes dans les premières générations, deviennent de jour en jour plus insoutenables, et elle, en tant que Mère à l’écoute de la parole du Fondateur, et toujours soutenue par la sagesse maternelle de M. Thècle Merlo, sent le devoir de s’engager à donner de la stabilité à la voie tracée. Pour maintenir l’unité et favoriser le développement, alors que les Sœurs Disciples sont plus de trois cents, avec des maisons dans différentes régions d’Italie et sur divers continents, il faut avoir une Règle de vie non seulement transmise oralement dans la vie mais écrite et approuvée. Le 9 juillet 1945, la demande d’approbation des Sœurs Disciples est donc présentée au Saint Père en y joignant les Constitutions préparées par don Alberione, avec l’inspiration concrète de Mère Scholastique. Tout semble procéder régulièrement selon les rythmes que ces pratiques exigent, et à la fin de décembre 1945, don Alberione part avec M. Thècle Merlo pour un long voyage de visite aux maisons de l’Amérique du nord et du sud. À Rome, don Timothée Giaccardo et don Frédéric Muzzarelli veillent sur les rapports avec le Saint Siège, mais en particulier, il y a Mère Scholastique qui a le cœur et l’oreille attentive à cette naissance juridique désirée, pour avoir le sceau de l’Église sur ce que le Fondateur a tracé dès les débuts et déposé en elle comme une semence dont elle doit accompagner la germination et la croissance.

 

Espérance de vie et tempête

 

Nous sommes au printemps 1946. Quiconque examine la pratique demeure perplexe parce que, en principe, on ne demande pas l’approbation d’un nouvel institut mais de considérer le groupe des Sœurs Disciples dans la condition juridique actuelle des Filles de Saint-Paul, c’est-à-dire avec l’approbation pontificale. Le droit ne contemple pas cette solution pour une situation “de fait” qui est plutôt lue comme une tentative de scission. On a donc tendance à déposer la requête aux Archives. Mère Scholastique perçoit cela et, en l’absence du Fondateur, se sentant responsable en première personne, après avoir prié et jeûné, avoir demandé conseil et des prières aux sœurs, elle décide de se rendre au Vatican pour soutenir la cause des Sœurs Disciples de Jésus Maître. Elle pense que, dans les documents déposés, on n’a peut-être pas bien expliqué le cas. Par conséquent, qui est mieux placée qu’elle pour clarifier les doutes, pour pouvoir présenter le cas, puisqu’elle a accueilli la semence de la vie des Sœurs Disciples dès les débuts, l’a fait croître, l’a gardée même au milieu de sérieuses difficultés? Elle est consciente de sa petitesse, de ne pas posséder la science des lois canoniques, de ne pas avoir le langage de la diplomatie, mais elle a confiance qu’en exposant les raisons du coeur et de la vie, les experts sauront ensuite les traduire en norme. Il n’est certainement pas facile de communiquer… et sa supplication chaleureuse et passionnée de ne pas enterrer la demande d’approbation des Sœurs Disciples ne fait pas bonne impression à l’autorité du Saint Siège. Son langage ressemble à celui d’une personne qui fomente une division, qui se révolte, qui prétend presque affirmer que ce qu’elle présente est sûrement la volonté de Dieu et que, dans cette affaire, seul don Alberione est l’homme de Dieu qui peut prononcer la parole décisive. Pour Mère Scholastique, c’est le début d’une conformation particulière au Christ dans son mystère pascal précisément alors que la liturgie vit la Passion du Seigneur. À elle et aux Sœurs Disciples, on demande d’attendre un an avant de voir la lumière de la résurrection. Mère Scholastique a 49 ans et dans son cheminement de conformation au Christ, elle est désormais comme l’épi de blé mûr. Pour que la vie continue, il faut que la semence tombe en terre et meure.

 

Exil

 

Le 15 avril 1946 correspond au lundi de la Semaine Sainte. C’est le jour où la liturgie contemple Marie de Béthanie qui oint Jésus de Nazareth d’un parfum de nard. C’est aussi le jour où Mère Scholastique rompt son petit vase d’albâtre en disant oui à une disposition qui déchire son être. En effet, de par une disposition de la Congrégation des Religieux, on l’éloigne du gouvernement des Sœurs Disciples. Nous lisons dans ses mémoires: …“Lorsque je me trouvai seule, en colloque avec le Seigneur, dans le tumulte des pensées et une angoisse à me rompre le cœur, j’offris tout au Seigneur par amour. C’était vraiment un amour pur jaillissant d’un cœur qui saigne et presque agonisant, comme celui de Jésus au jardin de Gethsémani, mais accompagné également de paix, de sérénité, de l’espérance qui accepte tout et offre en remerciement à Dieu ce qui lui plaît pour que les Sœurs Disciples persévèrent dans leur vocation”.

 

Au début, en 1923, elle avait été “mise à part” pour continuer à être le fondement de l’édifice devenu plus grand, pour vivre, comme Jésus Maître, l’amour jusqu’au signe suprême du don de la vie. Une parole touchante du Fondateur la rejoint en cette circonstance: “Tu dois être comme les matériaux qu’on utilise dans les fondations de la Maison : on ne les voit pas, mais la valeur de l’édifice se trouve dans la solidité des fondations. D’autres feront belle figure, comme les murs bien chaulés et peints, comme si le mérite leur appartenait. Au contraire, ce qui compte davantage devant Dieu, c’est ce qui est caché dans les fondations, ce qui soutient tout l’édifice et le rend solide par ses vertus et par l’humilité”.


La certitude que les Sœurs Disciples existeront dans l’Église et que l’Esprit éclairera le cœur des hommes d’Église ne manque pas. Dans un premier moment, il semble que, privé de sa direction, le “petit troupeau” de Sœurs Disciples dévie, se disperse, se désoriente, mais ça ne dure pas… En transmettant ce que le Fondateur lui inculque, Mère Scholastique a fait grandir des personnes chez qui une forte identité est imprimée, et le “petit troupeau” se recompose plus fort que jamais. Devant le père Angelico d’Alessandria, capucin envoyé comme Visiteur Apostolique pour enlever toute velléité d’autonomie du groupe de Sœurs Disciples, les sœurs se montrent tellement décidées et déterminées que l’habile diplomate doit changer de cap. Ses paroles fermes : je suis venu faire les funérailles des Sœurs Disciples, paroles prononcées à la mi-octobre 1946, doivent se traduire en décembre en itinéraire de résurrection qu’il entreprend avec l’aide du Bienheureux Timothée Giaccardo et de don Frédéric Muzzarelli, canoniste compétent. Mère Scholastique ne se replie pas sur elle-même, elle pardonne et prie pour quiconque lui “a infligé cette punition”; elle vit dans l’espérance et dans l’abandon et elle se met à l’écoute plus attentive et continue de la voix de son Maître et Époux. Frémissant pour ses filles qui souffrent, elle continue à offrir son soutien à travers ses écrits et sa parole quand elle le peut.Sur les pas de Marie, Mère de Jésus, la disciple Scholastique partage le sort de son Maître à l’heure de l’épreuve et elle répète : Toi seul, Seigneur, et c’est tout!

 

Lumière de vie

 

Au lundi de la Semaine sainte 1946, Mère Scholastique a accepté l’exil comme un parfum à répandre aux pieds du Maître; un an plus tard, toujours le lundi saint, c’est presque dans une danse de joie qu’elle quitte Nice pour rejoindre avec un brin d’aventure la maison de Bordighera et poursuivre vers Alba où les premières lumières de la résurrection brillent pour les Sœurs Disciples. Le Jeudi saint, 3 avril 1947, les Sœurs Disciples sont approuvées par l’Église avec le décret signé par Mgr Louis M. Grassi, évêque d’Alba. Mère Scholastique est reconnue comme première ex-supérieure générale et le Fondateur demande d’avoir à son égard de la reconnaissance filiale, du respect, de la dévotion, de l’amour; qu’on tienne bien compte de son enseignement, de son conseil, de ses directives, de sa prière. Elle est la première des sœurs à se rendre presque en courant à l’église Saint-Paul à Alba où, devant le délégué de l’Évêque et Mère M. Lucie Ricci, nommée Supérieure générale, elle prononce la formule de profession : selon les Constitutions des Sœurs Disciples de Jésus Maître. Finalement! Mère Scholastique vit la joie de la femme qui oublie la souffrance parce que la vie nouvelle jaillit (cf. Jn 16,21).


Que se passe-t-il dans son cœur ce jour-là? Elle en confie quelques bribes dans un écrit au Fondateur:
…“À présent, je n’ai plus qu’un seul désir, celui de vivre heureuse dans la Maison du Seigneur tous les jours de ma vie, en accomplissant mon devoir quotidien dans le silence et l’effacement, en attendant avec sollicitude l’arrivée de l’Époux et des noces éternelles!... Il me semble que j’ai désormais tout donné à Jésus… Chaque jour, avec l’aide de sa grâce, je veux Lui donner généreusement et avec un amour parfait tout ce qu’il veut de sa très misérable créature…”. Pour les Sœurs Disciples, l’an 1948 marque un autre pas important. L’approbation pontificale arrive 9 mois seulement après l’approbation diocésaine. C’est le 12 janvier. Mère Scholastique l’accueille avec une allégresse particulière: …“On nous a communiqué la belle nouvelle de l’approbation. Elle pense à l’explosion de joie qui jaillissait du cœur de chacune! C’est comme si nous rêvions. Aujourd’hui encore, j’offrais l’adoration pour obtenir cette grâce. Quelle grâce! C’est trop beau pour être vrai! Ce soir, nous avons chanté le Te Deum de tout notre cœur et de toute notre voix. Le Seigneur nous a vraiment montré son amour de prédilection…”.

 

La deuxième patrie

 

La Congrégation a désormais tous les documents en règle pour avancer rapidement et le moment est venu pour la Mère de quitter sa terre natale pour dresser les tentes en Amérique latine, précisément en Argentine où elle arrive le 2 octobre 1948. Quitter sa patrie lui coûte beaucoup, quitter son père âgé qu’elle ne reverra plus, les sœurs, la proximité du Fondateur, mais don Alberione disait que changer de maison, de nation, c’est comme changer de chambre; et c’est dans cet esprit que Mère Scholastique accepte la nouvelle obédience. Dans une situation sociale et politique toute autre que facile, elle se met immédiatement à l’œuvre en s’occupant d’abord des vocations, des jeunes pour qui elle se préoccupe aussi de préparer des demeures accueillantes. Elle pourvoit avec beaucoup de zèle au développement des œuvres apostoliques en mettant en valeur même les ressources locales. L’Argentine devient vite sa deuxième patrie. Sa ferveur, son amour pour la Congrégation et pour les âmes nombreuses à sauver devient une contagion pour toutes et tous.

 

Sans apparaître

 

En 1963, après 15 ans de permanence en Argentine, elle reçoit l’invitation de rentrer en Italie. La Congrégation va célébrer le 40e de fondation et pour répondre aux nouvelles générations qui désirent entrer en relation avec les richesses des origines, Mère M. Lucie Ricci, supérieure générale, demande à Mère Scholastique de rédiger les “mémoires”. En Italie, elle vit comme une sœur parmi les sœurs, sans apparaître, en se laissant même humilier parfois, continuant ainsi à alimenter la racine. Elle confectionne des ornements et des accessoires liturgiques, les parfumant de sa prière continue, tout en travaillant. Son sourire et son amabilité deviennent pénétrants et communicatifs comme le soleil qui rejoint toutes les personnes, sans attendre un merci, heureuse de répandre de la lumière et de la chaleur. Elle vit la saison du Concile Œcuménique Vatican II avec joie et participation; avec le Fondateur, elle voit le Concile comme un sceau de l’Esprit Saint sur la Congrégation.

 

Regard et cœur pour le monde

 

Sa participation aux événements de la société pour les présenter à Jésus  Maître dans l’Adoration eucharistique est très intense. Elle écrit: “Lire les journaux, écouter la radio et la télévision pour connaître les nécessités des âmes et prier pour tous les besoins du pays, de l’Église, des âmes et de l’humanité entière”. En parlant de la contemplation chrétienne qui se déploie au pied de l’Eucharistie et de la Parole, c’est-à-dire de médiations historiques, denses, fortes, bien précises, et en soulignant que la personne qui est plus contemplative par vocation doit être plus enracinée dans l’histoire, le théologien Bruno Forte rappelait comme icône dense et belle, Mère Scholastique qui va faire l’Adoration eucharistique avec le journal sous le bras,… portant ainsi l’histoire à la gloire… Dans la prière, dans des circonstances particulières, elle fait aussi des interventions pertinentes. Par exemple, à l’époque des lois en faveur de l’avortement et du divorce, elle écrit à l’honorable Fortuna en 1976 et à l’honorable Leone, Président de la République en 1978.

 

Investir pour les jeunes

 

Entre 1973 et 1981, années vécues au cœur de la Congrégation à Rome, alors que des contestations à différents niveaux se déchaînent, Mère Scholastique tisse un rapport épistolaire particulier et elle dialogue avec les jeunes en formation. Elle se fait petite avec les petits pour pouvoir répandre une bonne parole, pour les mettre en garde contre les dangers. Elle communique et exhorte à vivre, non pas des choses apprises dans les livres mais de l’expérience de vie avec Jésus, le Livre de la Vie. “Lui seul est le Tout” est une expression qui retentit de plus en plus; et que “l’unique rêve soit d’aimer Jésus, Amour unique, unique Tout”. Le désir de la rencontre de l’Époux aimé et dont elle se sent aimée se manifeste de plus en plus vivement de même que le martelant “se faire des  mérites… se sanctifier” qui n’est rien d’autre que la manière de vivre quotidiennement l’invitation de Jésus à “accumuler des trésors pour le royaume des cieux”, à n’avoir d’autre trésor que Lui (cf. Mt 6,21; Lc 12, 34).

 

Nostalgie du Paradis

 

Mère Scholastique a déjà vu partir pour le dernier voyage plusieurs des sœurs avec qui elle avait commencé à cheminer, mais le 26 novembre 1971, la mort du Fondateur marque particulièrement sa vie. Le père, le guide, l’homme de Dieu qui l’a accueillie et accompagnée pendant plus de 50 ans sur les voies insondables de Jésus Maître termine sa marche terrestre. La nostalgie du Paradis s’accentue en elle. À partir de 1981, elle oriente la parabole de sa vie sur terre vers sa conclusion. Elle participe encore au 3e Chapitre général, et le 8 avril 1981, elle rencontre Jean Paul II, et reçoit de lui le “baiser des petits”. Puis, à cause du déclin progressif de ses forces, elle est transférée à la maison de Sanfrè (CN) où elle passe les dernières années de sa vie.

 

Silence et accomplissement

 

Même si le physique de Mère Scholastique se détériore, sa flamme intérieure est toujours vive, mieux, elle semble s’embraser de plus en plus. À partir de 1984, elle est privée de la parole, mais cette absence de voix se révèle être une communication non verbale très vive avec la lumière de son regard et le mouvement de sa main. Ce sont des années où sa chambrette devient un lieu de rencontre, lieu où la première Sœur Disciple de Jésus Maître dépose dans le cœur de nombreuses filles des cinq continents qui la visitent l’héritage le plus précieux, celui qu’elle a commenté pendant son existence: Toi seul, Seigneur, et c’est tout! Elle a été la première sur qui le bienheureux Jacques Alberione a posé son regard pour donner naissance à la nouvelle fondation et elle est la dernière du premier noyau des huit sœurs à clore, pour ainsi dire, la période de fondation. Le 24 mars 1924, les huit choisies vivaient la veille émouvante de la Prise d’habit du lendemain, fête de l’Annonciation. Le 24 mars 1987, alors qu’on chantait les premières Vêpres en contemplant le oui de Marie, la Disciple Scholastique prononce son ultime oui terrestre. Elle est prête et parée pour célébrer les noces éternelles avec Jésus Maître.

 

Le don continue…

 

Le 13 mars 1993 marque à Alba le début du procès diocésain pour la béatification et canonisation de la Servante de Dieu, Mère Scholastique Rivata, procès qui se poursuit actuellement auprès de la Congrégation des Causes des Saints. Depuis le 3 avril 2008, après la translation du cimetière d’Alba, la dépouille mortelle de Mère M. Scholastique repose dans l’église Jésus Maître, via Portuense 741, Rome.

 

Prière pour obtenir des grâces par l’intercession de la Servante de Dieu Mère Scholastique Rivata

 

O Jésus, notre Maître unique, Voie, Vérité et Vie, nous Vous louons et Vous remercions pour Votre Disciple Sœur Marie Scholastique Rivata. Soutenue par l’Esprit Saint et avec la force de l’Eucharistie, dans les joies et dans les souffrances de la vie quotidienne, elle a dit Fiat à la Volonté du Père. Sur les pas de Marie, Votre Mère et la nôtre, elle s’est donnée avec joie au service de Dieu et du prochain. Que son exemple nous aide à choisir la voie de l’Évangile en chaque circonstance de la vie, et par son intercession, accordez-nous la grâce que nous Vous demandons… Amen.

 

 

Pour approfondir

Site de la Congrégation des Petites Soeurs Disciples du Divin Maître

(Dont ce texte est largement extrait...)

www.pddm.org

 




15/11/2012
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