Spiritualité Chrétienne

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Bienheureuse Anne Catherine Emmerich

La Bienheureuse Anne-Catherine Emmerich

1774-1824

Fête le 9 février

Anne-Catherine Emmerick vécut en cette fin du 18e siècle dans la Westphalie, qui connut un renouveau de l'Église allemande, l'un des plus saisissants de l'histoire chrétienne (même s'il est méconnu dans les pays francophones). L'époque était très troublée par les contrecoups de la Révolution française et les guerres de Napoléon. La Westphalie (capitale Münster) était une principauté ecclésiastique (c'est-à-dire ayant à sa tête un prince-évêque, en l'occurrence le frère de Marie-Antoinette femme de Louis XVI) qui n'allait pas tarder à être laïcisée par les Prussiens puis par les Français. Mais Münster était peut-être la ville d'Allemagne où le catholicisme gardait le plus d'autorité tant intellectuelle que morale. Quant à la bienheureuse, elle avait 19 ans au commencement de la Révolution française.

Anna-Katharina (Anne-Catherine) Emmerick voit le jour le 8 septembre 1774 au hameau de Flamschen près de Coesfeld au sein d'une famille de neuf frères et sœurs. Le père est un petit métayer. Très jeune, elle jouit de la présence de son ange gardien. Elle a des visions de l'Ancien et du Nouveau Testament. Un jour, elle les raconte à son père qui manifeste son étonnement, son émotion, mais il garde le silence. Elle est élevée très sévèrement par sa mère pieuse et austère. Dès sa plus tendre enfance, elle doit aider aux travaux domestiques et agricoles. Elle fréquente peu de temps l'école. Un jour, elle raconte naïvement l'une de ses visions aux autres enfants, croyant que tout le monde avait les mêmes connaissances ; c'était au sujet de la Résurrection. Après s'être moqué d'elle, les enfants vont le rapporter au 'magister' qui lui défend sévèrement de se livrer à de pareilles imaginations. Elle aime la nature, le travail et la lecture, sa seule récréation. Gracieuse, elle prend soin de sa tenue vestimentaire, non pour elle-même mais par amour pour Dieu.

Elle ressent un appel à la vie religieuse, mais elle rencontre mille difficultés. Son père est réticent et sa mère voudrait la marier. D'autre part un couvent de clarisses de Münster ne veut pas l'accepter sans dot. Par contre, le couvent des Augustines d'Agnetenberg près de Dülmen l'accepterait, à condition qu'elle sache jouer de l'orgue. Pour pouvoir prendre des leçons, elle fait un apprentissage de couturière et travaille à la maison. Elle peut alors se rendre chez un organiste, Monsieur Söntgen qui vit à Coesfeld avec sa fille Clara ; mais vite, elle réalise qu'ils sont dans la misère. Dans sa charité, elle passe tout son temps à les servir au lieu d'apprendre l'orgue. De plus, elle dépense toutes ses économies pour les nourrir, et quand elles sont épuisées, il ne lui reste plus qu'à avoir faim avec eux. Ce sont des années très dures. En cachette de son père, sa mère lui apporte de la nourriture, mais quand elle lui reproche sa charité excessive, Anne-Catherine, pourtant très malheureuse, répond que si Dieu la veut au couvent, il trouvera moyen de l'y mettre. De fait, Clara, au contact d'Anne-Catherine, ressent aussi la vocation religieuse. Elle n'a aucune difficulté à trouver un couvent, puisqu'elle sait jouer de l'orgue. Mais M. Söntgen exige qu'Anne-Catherine soit acceptée aussi. Et c'est ainsi qu'en 1802, elles entrent au couvent des Augustines d'Agnetenberg.

Bien qu'elle soit incomprise à cause de ses dons extraordinaires, Anne-Catherine peut prononcer ses vœux l'année suivante. Elle participe à la vie monastique avec ferveur, toujours prête à accomplir les travaux les plus durs que personne ne veut faire. Elle tombe fréquemment malade et doit supporter de grandes souffrances. Malgré cela elle considère ces années de vie religieuse comme les plus belles de sa vie. Mais en 1811 le couvent est fermé par le roi de Westphalie, Jérôme Bonaparte, qui imite son frère Napoléon en supprimant les ordres religieux.

Anne-Catherine devient alors domestique d'un prêtre français qui a fui la Révolution (la Westphalie est très accueillante aux réfugiés). Mais elle tombe à nouveau malade et ne quittera plus son lit. L'une de ses sœurs tient le ménage à sa place. Précédemment, elle avait déjà reçu les stigmates de la Couronne d'épines, mais, dans son couvent, elle avait pu les tenir cachés. En 1812, elle reçoit les autres stigmates de la Passion et ne peut plus désormais les dissimuler. Elle ne se nourrit pratiquement plus que de l'eucharistie. Le docteur Franz Wesener, un agnostique, impressionné par ces phénomènes, se convertit. Il devient son confident et ami. Les rapports qu'il a laissés sont très précieux et hors de tout soupçon d'exagération. Il n'en va pas tout à fait de même avec Clemens Brentano, le dernier des grands écrivains romantiques allemands. Il entend parler d'elle par l'abbé Sailer, futur évêque de Ratisbonne, lequel est à l'origine d'un autre foyer de renouveau catholique en Allemagne du sud (Bavière), mouvement né à peu près à la même époque que celui de Münster. Brentano, récemment converti, va la voir, s'établit à Dülmen et lui rend visite chaque jour pendant six années (1818–1824), jusqu'à la mort de la bienheureuse et lui consacre désormais toute son activité littéraire. Comme elle, il est traîné dans la boue, mais sa notoriété littéraire empêchera l'œuvre d'Anne-Catherine de sombrer dans l'oubli : "La Douloureuse Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ" est publiée en 1833. Elle fera grand bruit. (C'est de ce livre que Mel Gibson s'est inspiré en 2004 pour réaliser son film : "La Passion du Christ"). "La Vie de la Sainte Vierge" est inachevée quand il meurt en 1842. Ses manuscrits seront publiés intégralement en 1860. Le problème est de savoir quelle est la part du transcripteur dans ces récits.

Quant à Anne-Catherine, elle doit subir de pénibles examens pour qu'on puisse juger de sa personne (Jeûne-t-elle vraiment ? etc. ) et de ses visions. Enquête ecclésiastique en 1813, puis, en 1819, beaucoup plus éprouvante encore, enquête du ministère prussien de l'Intérieur. En revanche, de nombreuses personnalités, qui participent au renouveau de la vie de l'Église au XIXe siècle, cherchent à la rencontrer. Ce qui frappe en elle, c'est d'abord son amour de la croix et de Jésus son 'fiancé'. Selon les paroles de Jean-Paul II : « Elle a crié "la passion douloureuse de Notre Seigneur Jésus-Christ" et elle l'a vécue dans son corps. » Ce qui domine ensuite, c'est l'amour qu'elle éprouvait pour le prochain. Elle cherchait toujours à aider les autres, même si elle ne pouvait pas se lever de son lit, elle cousait des vêtements pour les enfants pauvres, elle accueillait généreusement beaucoup de personnes…

Quand la mort approche, elle décide d'unir sa souffrance à celle de Jésus en l'offrant pour la rédemption des hommes. Elle dit : « Seigneur c'est par toi que je vis, c'est pour toi que je meurs. » Elle dit aussi : « J'ai toujours considéré le service du prochain comme la plus haute vertu. Dans ma jeunesse, j'ai prié Dieu afin qu'il veuille bien me donner la force de servir mon prochain et d'être utile. A présent je sais qu'il a exaucé ma prière. » Elle meurt le 9 février 1824.

En lisant Anne-Catherine Emmerich, on y voit décrit la vie de Jésus avec un luxe de détails impressionnant qui contrastent évidemment avec la brièveté des Évangiles. Ce livre eut un succès immédiat et fut non moins abondamment critiqué. Certes, béatifier une mystique n'équivaut pas à reconnaître officiellement ses visions, mais si les livres contenaient quelque chose de contraire à la foi, la cause n'aurait pas passé. Avec le Nouveau Testament se clôt la Révélation. Les visions et révélations particulières ne peuvent qu'expliciter ce qui y est déjà contenu en germe. La Révélation engage notre foi, tandis qu'on reste libre vis-à-vis des révélations particulières. Notons que "la maison de la Vierge" à Éphèse a été découverte grâce aux descriptions d'Anne-Catherine, alors qu'elle n'avait jamais quitté sa Westphalie natale.

Voici à titre d'exemple quatre extraits des Visions :

De la "Vie cachée de Notre Seigneur". Chapitre XII  Naissance du Christ.

Je vis la lumière qui entourait Marie devenir de plus en plus éclatante ; la lueur des lampes allumées par Joseph s'était éclipsée. Vers minuit, la très sainte Vierge entra en extase, et je la vis élevée au-dessus de terre ; elle avait alors les mains croisées sur la poitrine, et sa large robe flottait autour d'elle en plis onduleux. La splendeur qui l'environnait augmentait sans cesse. La voûte, les parois et le sol de la grotte, comme vivifiés par la lumière divine, semblaient éprouver une émotion joyeuse. Mais bientôt la voûte disparut à mes yeux ; un torrent de lumière, qui allait toujours croissant, se répandit de Marie jusqu'au plus haut des cieux. Au milieu d'un mouvement merveilleux de gloires célestes, je vis descendre des chœurs angéliques, qui en s'approchant, se montrèrent sous une forme de plus en plus distincte. La sainte Vierge élevée en l'air dans son extase, abaissait ses regards sur son Dieu, adorant Celui dont elle devenait la mère, et qui, sous l'aspect d'un frêle enfant nouveau-né, était couché sur la terre devant elle.

De la "Vie publique de Notre-Seigneur". Troisième année. Chapitre XXXV  Bonté de Jésus envers les enfants.

Jésus, accompagné de quelques apôtres, se rendit à Bethabara. (…) Beaucoup de femmes arrivaient avec leurs enfants ; il y en avait de différents âges, et jusqu'à des nourrissons que les mères portaient dans leurs bras. (…) Les disciples qui marchaient en avant voulurent les repousser, parce que le Sauveur était fatigué, ayant déjà béni beaucoup de monde. Mais il défendit qu'on les renvoyât. Alors on rangea cette multitude d'enfants de tout âge, les jeunes garçons séparés des petites filles, d'ailleurs beaucoup plus nombreuses. (…) Le Seigneur leur parlait, leur imposait les mains et les bénissait. A plusieurs reprises, il posait une main sur la tête, et l'autre sur la poitrine ; il en serra quelques-uns contre son cœur ; il désigna certains comme des modèles, et tous il les instruisait, les exhortait, les encourageait, les bénissait tour à tour.

De la "Douloureuse Passion". Chapitre XXXI  Les larrons.

Ils étaient accusés d'avoir assassiné une femme juive et ses enfants qui se rendaient de Jérusalem à Joppé. On les avait arrêtés dans un château de Pilate, où ils s'étaient fait passer pour de riches marchands ; on les avait tenus longtemps en prison avant de pouvoir les convaincre de leurs crimes. Le larron de gauche était le plus âgé : c'était un scélérat consommé, maître et corrupteur de l'autre. Ils appartenaient l'un et l'autre à cette bande de brigands chez lesquels la Sainte Famille avait passé la nuit lors de la fuite en Égypte. Dismas (le bon larron) était l'enfant lépreux qui fut guéri lorsque sa mère, sur l'invitation de Marie, le lava dans l'eau où avait été baigné l'enfant Jésus. L'accueil charitable qu'avait fait sa mère à la Sainte Famille fut récompensé par cette purification symbolique, qui reçut son accomplissement lorsque le sang de Jésus en croix purifia son âme. Dismas s'était perdu : il ne connaissait pas Jésus ; cependant ce n'était pas un mauvais cœur, et la patience du Seigneur (crucifié) le toucha.

De la "Vie glorieuse de Jésus sur la terre depuis la Résurrection jusqu'à l'Ascension". Chapitre III  Résurrection du Seigneur.

Je vis l'âme de Jésus, comme une gloire resplendissante, entre deux anges en habit de guerre, et au milieu d'un grand nombre de figures lumineuses, pénétrer à travers le rocher du sépulcre, puis descendre auprès du corps sacré et se confondre avec lui. Je vis alors les membres se remuer sous leur voile, et le corps du Seigneur, uni à son âme et pénétré de sa divinité, s'échapper par un côté du linceul correspondant au côté entrouvert. A cette vue, je songeai à Ève sortant du côté d'Adam. La grotte était toute remplie d'une lumière céleste.

 

Pour approfondir

www.ac-emmerich.fr

 


 



01/10/2007
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