Vie de Saint Viateur 1/2
Vie de Saint Viateur
Confesseur et Lecteur de l’Église de Lyon
par Mgr Ignace Bourget, Évêque de Montréal
Montréal
Imprimerie de l'Institution des Sourds-Muets
Rue Saint-Dominique, Mile-End, 1897
Avant propos
Le 22 octobre 1855, après avoir célébré, veille, la fête patronale de l'Institut des Clercs Paroissiaux ou Catéchistes de Saint Viateur, à Vourles, au berceau même et auprès du Fondateur de la jeune communauté, le vénéré Mgr Bourget, évêque de Montréal, daignait adresser au R. Étienne Champagneur, fondateur de l'Institut en Canada, la belle lettre qu'on peut lire page 77 avec le Mandement et la vie de Saint Viateur qui forment ce petit volume. Huit ans auparavant le pieux Pontife avait fait les démarches pour obtenir l'envoi de trois religieux à l'Industrie, où les appelait l'honorable Barthélemi Joliette, ce grand chrétien et ce grand citoyen qui, pour servir sa patrie par la fondation, l'organisation et le développement de sa ville, crut que son premier soin devait être de servir les droits de Dieu. Mgr Bourget avait lui-même choisi les trois missionnaires; avec eux il avait fait le voyage de Paris à New York, il avait daigné les recevoir dans son évêché à leur passage à Montréal, le 27 mai 1847. Dépositaire de toute l'autorité du T. R. P. Querbes, fondateur et premier Supérieur de la nouvelle société, le saint évêque ne l'accepta que pour travailler de tout son pouvoir au progrès de l’œuvre naissante; on ne dira jamais assez la bonté, la sagesse, le dévouement, le zèle et la charité avec lesquels il exerça cette autorité. Surtout préoccupé d'imprimer fortement à cet établissement l'esprit et le caractère de son Fondateur, le vénéré Prélat, au milieu des travaux et des fatigues de sa lourde charge pastorale, n'épargnait rien pour attacher les religieux et les novices à leur Institut et à leur saint Patron.
Dans ce but, lors de son retour de Rome, après les ineffables joies que sa piété filiale envers la Très Sainte Vierge avait trouvées dans la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception, il voulut s'arrêter quelques semaines à Vourles, près de Lyon, à la Maison-Mère de l'Institut, pour composer et écrire de sa propre main, la « Vie de Saint Viateur » qu'il destinait à ses Catéchistes du Canada. Infatigable pour la gloire de Dieu et le bien des âmes, comme il le fut toujours et dans toutes ses œuvres, cet illustre Pontife se livra aux recherches les plus actives pour appuyer son récit sur des documents authentiques. Il fit plusieurs voyages à Lyon, visita les bibliothèques, consulta les traditions et rédigea cette petite Vie qu'il s'appliqua à écrire dans le style le plus simple, afin d'être à la portée de tous, jusque des plus petits et des plus humbles. Mais quel parfum de douce et suave piété s'exhale de chacun des mots ! De quelle onction religieuse le vénérable écrivain a pénétré chacune de ses phrases ! A ce caractère on reconnaît la main qui traçait avec tant d'éloquence, de vigueur et d'amour ces admirables mandements où l'âme de l'évêque apparaît toute entière. La « Vie de saint Viateur » précieusement conservée dans l'Institut n'a guère été connue, jusqu'à présent, que des membres de la Congrégation et de leurs élèves. En cette année jubilaire de l'obédience canadienne on a cru convenable, par reconnaissance pour le Pontife, qui fut son père, son soutien et, aux heures d'épreuves et d'ennuis, son protecteur et son défenseur, de profiter de cette circonstance pour la livrer à la publicité, selon le vœu de son auteur.
On la retrouvera telle que l'écrivait ce grand évêque. Son mérite n'est pas dans son style, elle n'a pas été composée pour être offerte aux applaudissements des littérateurs; elle est faite pour les âmes qui cherchent dans la vie des saints des modèles à imiter et des protecteurs à invoquer. Sous ce rapport la vie du jeune saint Viateur convient bien aux maîtres chrétiens et aux enfants qu'ils instruisent. Ce n'est pas sans un dessein providentiel que, par le choix du Vicaire de Jésus-Christ, N. S.-P. le Pape Grégoire XVI, le nom et le culte de saint Viateur, de tout temps honorés dans l’Église de Lyon, ont été attribués à une congrégation religieuse, vouée à l'enseignement de l'enfance et de la jeunesse et au service du saint autel. Daigne Mgr Bourget nous faire connaître et aimer le jeune lecteur, modèle des Clercs, par son application à l'étude des saintes Lettres, par son attachement héroïque et son inébranlable fidélité à son évêque, enfin par le zèle toujours croissant avec lequel il opéra sa propre sanctification et procura celle des fidèles qu'il catéchisait.
Outremont, le 28 mai 1897.
Introduction
Cette vie est principalement écrite pour l'édification des clercs paroissiaux établis au Canada et pour celle de leurs nombreux élèves. L'on s'est cru obligé pour cette raison, de la faire précéder d'une courte notice sur les saints de Lyon, parce que cette célèbre Église étant la mère de leur Institut, il est tout naturel qu'ils aiment, comme de bons enfants, à la bien connaître, et cela pour pouvoir s'attacher le plus intimement à la maison de Vourles (1) qui les a engendrés à la vie religieuse. Les sources auxquelles on a recouru pour puiser les faits qu'on rapporte ici sont le martyrologe romain, le bréviaire de Lyon et l'excellent ouvrage du P. Raymond, jésuite. (2) Nous nous sommes fait un devoir de développer ces faits avec toute la simplicité qui caractérise la vérité, les entremêlant de réflexions propres à fixer l'attention du lecteur. Saint Viateur, étant le patron des clercs paroissiaux, est en quelque sorte leur fondateur, en ce sens que leurs statuts directoire, coutumier, se trouvent comme tout imprégnés de son esprit, personne ne sera surpris si les réflexions que font naître les faits, à mesure qu'ils se présentent, se reportent ordinairement sur eux.
Cependant tous les lecteurs, laïcs comme religieux, trouveront de quoi s'édifier, car la vie d'un saint est un bien commun dans l’Église de Dieu, et les vertus qu'il a pratiquées sont toujours un sujet de grande édification pour tous les fidèles, dans quelque état que les ait placés la divine Providence. Néanmoins, il semble que ce soient les enfants qui fréquentent les écoles de saint Viateur qui auront le plus à gagner à lire cette touchante histoire, car, pour eux, les jeunes saints sont ceux qui excitent davantage les vives imaginations de leur esprit et attirent avec plus de suavité les tendres affections de leur cœur. Il est donc très important qu'ils connaissent bien le très saint jeune homme (3), le patron de leurs maîtres, et le beau modèle des vertus qu'il faut pratiquer dans le jeune âge, afin de parcourir avec honneur toute la carrière de la vie. S'ils sont fidèles à imiter ce parfait modèle, ils seront infailliblement des enfants chastes, respectueux pour leurs parents, des écoliers sages et studieux, des chantres pieux et dévots, des clercs modestes et intelligents au service des autels et, plus tard, des citoyens honnêtes et paisibles.
Il s'ensuit que les parents auront le plus grand intérêt à rendre leurs enfants dévots à Saint Viateur. Ils aimeront pour cela à leur faire lire sa vie en famille. Ils leur rappelleront à l'occasion ses beaux exemples, afin de corriger en eux les défauts du cœur, qui naissent les uns après les autres, et qui, s'ils ne sont arrachés de suite, ne peuvent manquer de s'y enraciner, au risque de leur faire perdre les fruits de la bonne éducation qu'ils auront reçue sous le toit paternel et à l'école. Enfin, il convient de dire, en finissant, le moyen que l'on a cru devoir prendre pour donner à ce petit ouvrage la vogue qu'il me semble devoir obtenir, à cause de l'influence bienfaisante qu'il peut exercer sur la société, en contribuant en quelque chose à conserver l'enfance dans sa pureté et à la former à la pratique de la vie religieuse et civile.
Ce moyen a été tout simplement de le dédier à Saint Viateur lui-même, en l'honneur de qui il a été écrit, et de le lui recommander pour qu'il en assura la diffusion dans toutes les classes du peuple, dont jusqu'ici il n'a guère été connu que de nom. Il est temps, après quinze siècles d'oubli, que ce fervent lecteur de l’Église, cet inséparable compagnon de l’Épiscopat, cet humble solitaire de la Thébaïde, apparaisse au monde comme le tendre ami des enfants du peuple, que l'impiété voudrait à tout prix démoraliser pour perpétuer la génération des méchants. Mais Dieu, qui est admirable dans ses Saints, réserve à chacun d'eux une gloire spéciale, celle de secourir quelque besoin particulier de l'humanité souffrante. Celle de Saint Viateur, il faut l'espérer, sera de guérir la plaie hideuse de la mauvaise éducation. Qu'il daigne donc accepter ce faible tribut de reconnaissance et d'amour qui lui est respectueusement offert dans cet écrit simple et familier, en harmonie avec ses vertus humbles et modestes.
Chapitre 1
Ce qui relève la sainteté de Viateur.
Il brille au milieu de Saints de Lyon. Origine des bonnes œuvres de Lyon. Saints Pothin et Saint Irénée.
On peut en toute vérité appliquer au saint dont nous entreprenons d'écrire la vie, ces belles paroles de la divine Écriture: « En vivant peu de temps, il parcourut de longues années », sa vie, en effet, quoique très courte, a été si sainte, qu'elle s'est trouvée pleine de mérites, comme s'il fut parvenu à une extrême vieillesse. Certaines circonstances particulières servent à faire connaître son éminente sainteté, c'est qu'elle brille d'un éclat extraordinaire dans un humble rang de la cléricature, un siècle où l'on n'appelait que des saints au service des autels, et dans une ville qui compte ses saints par milliers. En cela, comme dans tout le reste, Dieu montra qu'il est vraiment admirable dans ses Saints, dont la justification est son œuvre par excellence et qui se plaît singulièrement à élever en gloire les humbles et les petits à leurs propres yeux. Il sera donc à propos pour nous de jeter en commençant, un coup d’œil sur les grandes vertus qui ont illustré la célèbre Église de Lyon. Car le modeste Lecteur que la Providence a donné pour patron à une société naissante destinée à marcher sur ses traces, paraîtra d'autant plus digne d'admiration qu'il occupe un rang distinguée parmi les apôtres, les martyrs, les confesseurs et les vierges de cette antique Église.
On ne sera pas d'ailleurs fâché de bien connaître l'origine de toutes les grandes et belles œuvres qui distinguent si éminemment la ville de Saint Pothin et qui font l'étonnement du monde entier. On va le trouver, en effet, dans la vie des saints pontifes qui y ont semé la foi, le seul et unique principe de la charité, et qui l'y ont conservé au prix des plus pénibles sacrifices: car leur esprit s'est ardemment propagé d'âge en âge dans cette Église privilégiée que Dieu a destinée à remplir une espèce d'apostolat, et pour peu que l'on veuille y faire attention, on le retrouve partout, et dans toutes les œuvres qui s'y multiplient à l'infini. Il suffit, pour s'en convaincre, de jeter d'abord un regard sur les saints pasteur de Lyon et de les reporter ensuite sur les institutions de tout genre que l'on y rencontre à chaque pas, pour être frappé des traits de ressemblance qui se trouve entre les pères et les enfants. La physionomie de Lyon n'est donc, s'il est permis de parler ainsi, si religieuse, que parce qu'elle a conserve les formes que lui ont donné successivement les saints évêques qui l'ont gouvernée depuis les temps apostoliques.
Saint Pothin, qui touche à cet âge d'or, et qui en avait la foi et les œuvres, fut envoyé dans les Gaules par saint Polycarpe, disciple de Saint Jean, l'apôtre bien-aimé, pour y annoncer la bonne nouvelle de l’Évangile. Lyon (Lugdunum) était célèbre par ses richesses et par le concours des étrangers qui venait y faire le commerce, le saint évêque y établit son siège, jugeant que cette ville pourrait devenir par sa position le centre de ses opérations évangéliques. Il travailla en conséquence à fonder, par dessus tout, une ville religieuse, et l'histoire des siècles passés prouve que ses travaux ont été couronnés d'un heureux succès; car cette ville s'est toujours montrée plus grande par ses œuvres de foi et de charité que par son commerce, son opulence, ses industries et les autres avantages terrestres dont la Providence l'a singulièrement favorisée.
A la vie de Saint Pothin se rattache la dévotion de la Bienheureuse Vierge Marie, qui distingue si particulièrement Lyon, car en même temps qu'il arborait l'étendard de la croix au sommet de la montagne, sur laquelle cette ville était alors assise, le même apôtre fit briller l'image de la Mère du Dieu crucifié. Cette salutaire dévotion y est devenue un héritage de famille, si bien que l'on peut dire, jusqu'à un certain point, que l'auguste Vierge demeure avec Lyon, comme elle demeurait avec le disciple bien-aimé.
On est saisi de cette pensée à la vue de Fourvière (4) qui, en élevant jusqu'aux nues la magnifique statue dont la piété lyonnaise a couronné sa cime majestueuse semble répéter jour et nuit à la ville: « Voilà ma Mère! » On se convainc que cette douce parole est bien comprise par cette fille chérie, quand on voit chaque jour la multitude de pieux pèlerins, que la confiance conduit à ce sanctuaire vénéré, gravir cette sainte montagne par toutes les voies qui y aboutissent, quand on entend du matin au soir les chants sacrés des heureux chapelains de la glorieuse Reine des Anges, quand enfin on s'y trouve comme embaumé du parfum exquis des continuelles prières qui s'y déposent pour le soulagement de toutes les misères.
Saint Irénée continue, après la mort de saint Pothin, arrivée l'an 177, à donner à Lyon, par ses discours et par ses exemples, toutes les formes religieuses que nous lui voyons encore aujourd'hui. On peut dire que ce saint évêque s'est peint lui-même comme dans un grand tableau qui, pendant quinze siècles, a conservé vives et fraîches toutes ses couleurs. Pour comprendre que l'on reconnaît encore saint Irénée à ses traits demeurés empreints dans Lyon et dans ses œuvres, il suffit de recueillir ici quelques-unes des vénérables traditions qui le concernent. Il fut la lumière des occidentaux, et en particulier des Gaulois. Il avait si bien écouté et copié saint Polycarpe que, dans sa vieillesse même, il conservait le souvenir de tout ce qu'avait dit et fait ce bon maître. Sa foi et sa science brillèrent d'un tel éclat qu'il fut jugé digne d'aller représenter à Rome ceux qui avaient confessé la foi à Lyon. Après avoir converti les quelques païens qui restaient encore dans sa ville, il montra un zèle ardent pour la conservation de la vérité et le maintien de la paix. Il sut implorer la miséricorde du siège apostolique en faveur des chrétiens d'Asie qui se trouvaient engagés dans des erreurs funestes. Il se fit des disciples qui se distinguèrent dans plusieurs Églises par d'éclatantes vertus. Il fut dévoré de zèle pour la gloire de Dieu et les intérêts de sa religion. Il fut embrasé des saintes ardeurs de la charité pour le prochain. Un glorieux martyre vint couronner cette vie si précieuse par une mort plus précieuse encore, qu'il reçut avec dix-neuf mille de ses enfants, généreux athlètes du Christ qui scellèrent en même temps que leur pasteur, leur foi de leur sang, l'an 202 de Jésus-Christ.
Saint Irénée revit, en quelque sorte, dans son Église par l'esprit qui l'anime encore aujourd'hui. On en peut juger par l’œuvre sublime de la Propagation de la foi qui y prit naissance, par le zèle de ses évêques qui, tous les jours, donnent leurs meilleurs sujets pour aller répandre le royaume de Dieu dans tous les pays lu monde, par le dévouement de ses prêtres qui se consacrent aux plus pénibles missions, par le feu sacré qui embrase ses séminaires et ses congrégations religieuses, semence de tant de vocations à la vie apostolique, par la générosité de ses communautés de femmes que la faiblesse de leur sexe n'empêche pas de se livrer aux travaux de l'apostolat, par le courage de tant d'âmes ardentes qui sacrifient tout pour la gloire de Dieu et le salut du prochain, par la libéralité de tant de cœurs bienfaisants, qui s'imposent les plus beaux sacrifices en faveur de l'humanité souffrante, enfin par cette soif insatiable du bien qui crée des secours pour tous les besoins, trouve des soulagements pour toutes les misères, des consolations pour tous les chagrins. Enfin toutes ces grandes et belles œuvres sont couronnées par le martyre que vont chercher, dans des contrées lointaines et barbares les enfants de ce sol qui, dès le principe, fut un champ si fertile en confesseurs
de la foi.
Ce fut de même, qu'après saint Pothin et saint Irénée, les évêques de Lyon continuèrent d'imprimer le sceau de leur sainteté, de leur charité, de leur humilité et de toutes les autres vertus sur l'esprit public de cette ville religieuse, pour en faire vraiment la ville des aumônes, la ville des bonnes œuvres, la ville des dévouements et des sacrifices. Quelques traits épars empruntés aux vies de ces saints pasteurs suffiront pour faire toucher du doigt cette vérité. Nous les prenons à peu près dans l'ordre ou nous les trouvons dans le calendrier lyonnais.
Chapitre 2
Les Saints évêques de Lyon
Saint Étienne. Saint Nizier. Saint Lambert. Saint Julien. Saint Rustique. Saint Viventiole. Saint Elpide. Saint Patient. Saint Serdot. Saint Loup. Saint œucuménon. Saint Ethère. Saint Antiochus. Saint Rémi. Saint Genest. Saint Agobard. Saint Eucher. Saint Lupicien. Saint Alpin et Saint Just.
Saint Etienne conserva le dépôt de la foi en confondant les ariens qui, forts de l'appui du roi Gondebaud, menaçaient d'envahir son troupeau, et en ramenant à l'unité de la foi beaucoup de ceux qui étaient tombés dans l'erreur. Saint Nizier fut un ange de chasteté. Il fait voir son amour pour son peuple dans la peste qui ravage Lyon, préside le deuxième concile provincial de cette région, résiste courageusement aux prétentions des nobles qui ne respectent pas les immunités ecclésiastiques, fait construire un grand nombre d'églises, fonde une école épiscopale et il a la gloire d'avoir pour disciple l'illustre saint Grégoire de Tours. Saint Lambert se montra un pontife affectueux dans sa compassion, ferme dans sa foi, sage dans ses conseils, affable dans ses discours et remarquable par sa bonté. Saint Julien mit tous ses soins à conserver la dignité de son Eglise, qui était la première de toutes les Gaules, et à la faire briller surtout par les vertus du clergé et du peuple.
Saint Rustique envoya au pape saint Gélase d'abondantes aumônes pour soulager le peuple de Rome dans une affreuse misère. Il sut si bien tirer partie de la charité de Lyon que l'on porte à quatre mille le nombre des prisonniers dont il assura le rachat: il était aidé dans son oeuvre sainte par une noble dame, nommée Syagrias qui se dévoua à la rançon des captifs qu'elle pouvait soustraire aux exigences des vainqueurs. Saint Viventiole luit comme un astre éclatant par sa science et sa piété, aussi a-t-on eu de justes raisons de dire de lui qu'il était plein de bonnes oeuvres et brillant de lumières. Saint Elpide se distingua de même par son éminente sainteté et par sa science profonde que Dieu releva encore en le favorisant du don des miracles. Aussi toutes ses entreprises pour la gloire de la divine Majesté eurent-elles un succès étonnant.
Saint Patient se rendit remarquable par son zèle à bâtir de nouvelles églises et à réparer celles qui tombaient en ruines. Il eut surtout un soin admirable des temples spirituels de Jésus-Christ qui sont les pauvres, car il se montra singulièrement compatissant à leurs misères dans un temps de cruelle famine, et cette charité s'étendit jusque sur les pauvres des contrées étrangères. Il ne permit jamais à l'hérésie d'atteindre son troupeau. Saint Serdot rétablit la discipline en tous lieux et bâtit à grand frais l'église de Saint Georges qui était autrefois sous le vocable de saint Paul et de sainte Eulalie. Saint Loup se fit une grande réputation de science et de vertu. On venait de toutes parts se mettre à son école pour se former à la piété et aux connaissances humaines. Il présida le troisième concile d'Orléans, en 538. On conserve encore précieusement sa tête dans l'Eglise primatiale de St Jean.
Saint œucuménon sut se rendre agréable aux rois et aux grands de la terre pour mieux ménager les intérêts supérieurs de la religion. Aussi en obtenait-il tout ce qu'il voulait. Il passe pour être le fondateur du monastère des religieuses de Saint Prime; du moins est-il certain qu'il y fit faire de grandes réparations. Saint Ethère a mérité d'être loué par saint Grégoire le Grand qui dit de lui qu'il se fit remarquer par son tendre amour pour l'ordre ecclésiastique, et qu'il fut dévoré du zèle pour le maintien de la discipline et de l'observation des saints Canons. Il eut la consolation d'exercer l'hospitalité envers Saint Augustin, apôtre de la Grande-Bretagne, qui lui avait été recommandé par ce saint pape et il put contribuer ainsi en quelque chose à la conversion de l'Angleterre qui est encore l'objet des prières de Lyon, puisque chaque communauté chante un salut tous les jeudis (5) pour demander la réconciliation de cette grande nation à la sainte Eglise Romaine, qui est doublement sa mère.
Saint Antiochus, n'étant que prêtre, se fit remarquer par son grand amour pour son évêque, saint Just. Lorsque celui-ci se fut retiré secrètement dans la Thébaïde, ce bon prêtre n'eut pas de repos qu'il ne l'eût retrouvé. Il devint alors le fidèle imitateur de sa pénitence, de son humilité. Il recueillit son dernier soupir et vint ensuite annoncer sa mort aux fidèles de Lyon. Il n'eut pas peu de part aux honneurs que l'on rendit à ce saint évêque de Lyon et à son fidèle Lecteur, Saint Viateur. Saint Rémi s'arracha à toutes les grandeurs du siècle pour se consacrer à Dieu. Devenu évêque de Lyon, il fit servir à l'avantage de son Eglise la faveur dont il jouissait à la cour de l'empereur Lothaire et à celle de Charles-le-Chauve. Par le crédit qu'il eut auprès de ces princes, de riches fonds furent ajoutés aux domaines de son Eglise pour le besoin de la religion et le soulagement des pauvres.
Saint Agobard ne cessait d'exciter le zèle pour la maison de Dieu, le chant de l'office divin, et les fonctions du culte sacré dont il voulait que l'on s'acquittât toujours avec une modestie angélique et une crainte religieuse. Saint Eucher vécut longtemps dans le grand monde qu'il édifia toujours par une singulière piété. Il eut deux fils à qui il sut inspirer les sentiments de sa profonde religion. Il quitta le monde avec eux et ils furent, tous trois, appelés à l'épiscopat et tous trois, furent des modèles de vertus. Les homélies de saint Eucher sont toutes remplies de l'esprit de Dieu, mais il se surpassa lui-même dans le panégyrique qu'il composa en l'honneur des martyrs de Lyon. Saint Lupicien et saint Alpin (6) ne sont connus que par leurs noms inscrits au calendrier Lyonnais et dont on fait mémoire à l'office.
Quant à saint Just, sa vie est tellement liée à celle de saint Viateur que nous donnons ici, que nous nous sommes réservés d'en parler quand nous ferons l'histoire de son cher disciple qui ne fit qu'un avec lui. L'Eglise de Lyon compte dans le catalogue de ses saints, vingt-deux de ses vénérables évêques, d'où il est facile de conclure que l'esprit qui animait ces saints a pu se communiquer et s'enraciner dans le cœur de cette ville qui a été l'objet de leur sollicitude pastorale et le centre de leurs merveilleuses opérations. Ce bon esprit s'est d'ailleurs propagé dans cette ville privilégiée d'autant plus facilement qu'elle a été arrosée du sang de plusieurs milliers de martyrs. Car, comme on le sait, le sang versé pour la religion a toujours été une semence féconde de foi et de charité. Ainsi l'on ne se ferait pas une idée complète de cette vénérable Eglise si l'on ne la considérait pas encore comme la ville des martyrs. Ce glorieux titre lui appartient, à coup sur et le Mont Saint-Irénée, si justement appelé la Terre Sainte, en serait seul la preuve incontestable.
Chapitre 3
Les Martyrs de Lyon
Saint Epipode. Saint Alexandre. Saint Minerne. Saint Marcel. Saint Valérien. Sainte Blandine. Saint Félix. Saint Fortunat. Saint Achillée. Saint Feréol. Saint Ferjeux. Saint Andéol. Saint Galmier. Saint Pérégrin. Saint Privain.
Les Martyrs de Lyon sont innombrables, aussi peut-on dire à la gloire de cette ville religieuse, qu'il n'en est pas dans le monde entier, après la ville éternelle, qui ait été arrosée de tant de sang chrétien. Dans cette troupe glorieuse des confesseurs du Saint Nom de Jésus, on voit paraître les quarante-sept martyrs qui obtinrent la palme avec Saint Pothin et les dix-neuf mille disciples ce saint Irénée, mis à mort en même temps que lui. De ce nombre, Saint Epipode répondait à son juge, qui voulait le séduire par de flatteuses promesses, que « sa compassion était pour lui une cruauté et que vivre sur cette terre dans les délices est s'exposer à mourir éternellement dans les supplices de l'enfer ». Saint Alexandre mourut en croix avec une fermeté héroïque. Saint Minerne ne fit pas paraître moins de force et de constance. Saint Marcel fut d'abord écartelé par des branches d'arbres, puis enterré jusqu'à la ceinture et ainsi exposé aux injures du temps pendant trois jours qu'il vécut en chantant les louanges de Dieu. Saint Valérien demeurait comme impassible pendant qu'on le déchirait avec des ongles de fer et il finit par avoir la tête tranchée. Et combien d'autres dont les tourments ne nous ont pas été racontées !
On ne peut toutefois passer sous silence la glorieuse Sainte Blandine, l'illustre vierge martyre, humble esclave livrée pour sa foi aux plus cruelles tortures, qui triomphe de son âge et de la faiblesse de sa complexion et devient un modèle de grandeur chrétienne, animant de ses exhortations enflammées autant que de son exemple ses compagnons à ne pas faiblir devant la douleur. Il convient que nous fassions une mention particulière des Saints de Lyon qui appartiennent à l'ordre ecclésiastique, car ils furent de dignes instruments dont Dieu se servit pour conduire et multiplier cette armée de martyrs. On doit surtout rendre hommage à la mémoire de ceux qui, à cette époque, se consacrèrent à la belle oeuvre des missions, parce que Lyon fut dès lors, comme elle l'est encore, la ville des missionnaires. Saint Félix, prêtre et les saints diacres Fortunat et Achillée étaient lyonnais et disciples de saint Irénée. Ils allèrent prêcher l'Evangile à Valence où, pour l'honneur de la religion, ils eurent es mains liées derrière le dos, les jambes cassées après qu'on leur eut fait souffrir la torture du chevalet.
Saint Feréol, prêtre, et saint Ferjeux, son frère, diacre, appartenaient aussi au clergé de Lyon. Dévorés du zèle de la gloire de Dieu, ils se dévouèrent au salut des âmes dans la ville de Besançon où, après avoir fait connaître le nom adorable de Jésus, ils furent fouettés et mis en prison. Puis, après qu'on leur eut coupé la langue, on les décapita. Saint Andéol, sous-diacre de Lyon, alla évangéliser le bourg qui porte son nom et cueillit la palme du martyre à Carpentras. Saint Galmier, aussi sous-diacre de Lyon, brilla d'un éclat d'autant plus vif que son élection fut plus singulière, car il fut d'abord forgeron et ce fut à cause de son admirable charité qu'il se vit appelé à la sainte milice du sanctuaire. Il ne respirait que le bon plaisir de Dieu et avait sans cesse dans la bouche ces belles paroles: « Rendons toujours grâces à Dieu au nom du Seigneur ». Ce fut le Bienheureux Vivent, abbé de Saint Just qui découvrit, sous la poussière de la forge, cette perle précieuse. Saint Pérégrin, prêtre de Lyon, dont le corps reposa longtemps à coté de celui de saint Just. Saint Privain fut la gloire de la solitude et se rendit remarquable par son amour pour la pauvreté religieuse, car tout son bien consistait en une misérable cellule, bâtie dans un jardin.
Cette courte notice devait nécessairement précéder la vie de saint Viateur, car pour tous les catéchistes, à quelques pays qu'ils appartiennent, l'Eglise de Lyon est une mère qu'ils doivent connaître et aimer tendrement. En effet, c'est elle qui, après avoir été le berceau de saint Viateur, leur patron, et le théâtre de ses vertus simples et modestes, les a engendrés à la vie religieuse, afin qu'ils puissent marcher sur les traces de cet aimable Saint; car ce fut dans une des succursales de ce vaste diocèse qu'origina leur pieuse Association et c'est là encore (7) que se trouve le centre de leur Institut. L'amour filial qu'ils auront pour cette mère si bonne, si bienfaisante, les portera à s'instruire de tout ce qui peut relever sa gloire, et surtout à bien connaître les saints qui s'y sont sanctifiés, les considérant vraiment comme leurs pères, leurs patrons et leurs modèles.
Chapitre 4
Enfance de Saint Viateur
Naissance de Saint Viateur. Son nom. Il est fait lecteur. Qualité qu'il montre dans cet office.
Saint Viateur vécut dans le IV e siècle de l'Eglise qui donna au monde étonné le spectacle des plus admirables vertus. On ne sait pas au juste le lieu ni la date sa naissance; mais il est croyable qu'il naquit à Lyon, dans la seconde moitié du IVe siècle, vers l'an 370; c'est ce que l'on peut inférer par les documents consultés. Il est hors de doute que Viateur se sanctifia dès le bas âge (8) et que jeune encore (9), il était arrivé à une haute perfection. Adon, chroniqueur et martyrologiste, qui a fait son portrait en deux mots, rapporte qu'il était un « jeune homme très saint » (10). Viateur a donc pour lui l'attrait puissant d'une haute vertu à la fleur de la jeunesse. Aussi est-il pour l'Institut, établi sous son patronage, ce qu'est saint Louis de Gonzague pour les collèges et saint Stanislas de Kotska pour les noviciats.
Ce que nous savons de la vie de saint Viateur justifie pleinement le jugement qu'en a porté ce savant martyrologiste, lequel d'ailleurs se trouve confirmé par la tradition de l'Eglise de Lyon, comme on peut le voir par l'office qu'elle célébre en l'honneur de ce saint (11). Le martyrologe romain qui, en cette matière, est la plus grande autorité qui soit ici-bas, sanctionne le culte qui lui est rendu en inscrivant son nom (12) parmi les Saints dont l'Eglise Romaine tient une liste si fidèle. On l'y trouve le vingt et un d'octobre qui fut le jour de sa naissance au ciel. Son culte, par conséquent, repose sur de solides fondements et c'est quelque chose d'heureux pour l'association naissante (13), que de pouvoir placer sur ses autels ce jeune saint dont l'ardeur pour le bien a de quoi, sans doute, l'embraser d'un feu toujours nouveau.
Par une disposition admirable de la Providence, notre saint, en naissant, reçut le nom de Viateur (14) ou Voyageur; car l'événement à fait voir qu'il a rempli merveilleusement toute la signification de ce nom, puisqu'il a été voyageur à la suite d'un Juste dont il a si parfaitement imité (15) les vertus extraordinaires. D'ailleurs par son détachement absolu de toutes les mondanités, on peut bien dire que sa vie tout entière a été celle d'un voyageur sur une terre étrangère. Saint Viateur parait donc avoir été du nombre de ces élus privilégiés qui ont reçu un nom prophétique annonçant, dès le berceau, leur céleste vocation. La dévotion au nom de ce saint patron doit être particulièrement cher à toute la congrégation, qui doit travailler avec zèle à le rendre grand et vénérable en tous lieux. Viateur montra dès la plus tendre enfance d'heureuses dispositions, et on le voit avec admiration faire des pas rapides dans les sentiers de la vertu à un âge où, d'ordinaire, on songe qu'aux jeux et aux amusements. C'est qu'à l'exemple de Tobie, il n'y eut jamais chez lui rien de puéril; on le conclut tout naturellement du choix que fit saint Just de cet enfant de bénédiction pour l'élever à l'ordre de lecteur, le second des quatre ordres appelés Mineurs.
Ce choix, en effet, ne se fit pas par cette affection toute humaine que l'on est quelquefois tenté de prodiguer aux enfants qui, par leur enjouement, savent se rendre aimable. Car d'abord le bréviaire de Lyon dit positivement que saint Just, son évêque, « l'aimait beaucoup à cause de ses éminentes vertus ». Ce que nous apprend Surius de ce saint évêque est bien de nature à confirmer dans la pensée qu'il n'agissait en cela, comme dans tout le reste, que par l'esprit de Dieu dont il était rempli. Saint Just, nous dit cet écrivain, gouverna pendant un très grand nombre d'années l'Eglise de Lyon avec une si grande pureté, intégrité, modestie, piété et patience, il eut un soin si compatissant des pauvres, il observa avec tant de fidélité les divins commandements, qu'il surpassa par toute la grâce de ses vertus les prêtres les plus remarquables et les plus distingués en sainteté.
On ne peut donc douter que Viateur n'ait été élevé saintement et que son éducation domestique ne l'ait préparé admirablement aux fonctions de la cléricature à laquelle, dans ces temps de ferveur, on n'appelait que ceux dont la sainteté était bien connue et bien prouvée. Sa vocation fut ensuite décidée par saint Just qui, trouvant en cet enfant toutes les qualités requises par les saints canons, l'ordonna lecteur. Il ne faut plus s'étonner après cela si Viateur reçut avec l'ordination tant de grâces et de dons excellents. Car, quoique le sacrement de l'ordre, comme tous les autres sacrements, produise son effet « ex opere operato » comme l'enseigne la théologie, il n'en est pas moins certain aussi que ses grâces se confirment à raison des dispositions de celui qui les reçoit. On peut en juger surtout à la fidélité avec laquelle le ministre s'acquitte ensuite de ses saintes fonctions. La-dessus on ne saurait douter que notre jeune saint ne se soit rendu parfait dans la pratique de toutes les vertus que l'Eglise, dans son Pontifical, recommande à ceux qu'elle élève à cet ordre qui, à cette époque surtout était d'une haute importance.
Chapitre 5
Vertus de Saint Viateur
Haute idée qu'on doit se former des vertus de Saint Viateur. Son application à s'instruire de ses devoirs de Lecteur. Fidélité avec laquelle il s'acquitte de ces devoirs. Son zèle dans l'étude de l'Ecriture Sainte. Religieuse modestie avec laquelle il remplit ses fonctions publiques. Grande considération dont il jouit.
Afin de mieux connaître les vertus qui distinguèrent Saint Viateur dans son office de Lecteur, il convient de remarquer les dispositions qu'exige l'Eglise de ceux qu'elle ordonne et qu'elle élève aux fonctions de la sainte milice. Car il est clair que Viateur dut remplir parfaitement cet état puisqu'il y acquit la sainteté. Nous allons donc donner la substance de ce qui se lit là-dessus dans ce vénérable livre liturgique, le Pontifical, qui est évidemment imprégné de l'esprit de Dieu. Celui donc qui est élu Lecteur dans la maison du Seigneur doit connaître son office, s'il veut s'en acquitter fidèlement. Grande et importante leçon qui nous montre l'absolue nécessité de l'étude, non pour apprendre ce qui peut piquer la curiosité mondaine, mais uniquement ce qui mène à la pratique des devoirs de son état. Or, pour s'y rendre habile, l'application de toute la vie suffit à peine. Car il est ici question d'un ministère dont la fin est le salut des âmes par l'instruction religieuse. Mais ce sublime ministère est au jugement de Grégoire le Grand, l'art des arts. A l'imitation de ce beau modèle, les clercs catéchistes étudieront toute leur vie leurs saintes règles, et tout ce qui se rattache au devoir de leur état.
Il faut à celui qui est élu Lecteur, la grâce de la perfection éternelle. (16) Cette singulière expression dont use l'Eglise en ordonnant le Lecteur fait assez voir la haute vertu qu'elle attend de lui. Ce fut celle de saint Viateur que Dieu prépara d'avance à être le modèle du sanctuaire et que, pour cela, il fit marcher dans toutes les voies de la perfection. En s'exerçant ainsi dans l'humble office de Lecteur, qui est une préparation nécessaire pour arriver aux ordres sacrés, il est devenu un parfait modèle des novices, qui se préparent à la profession religieuse dans la congrégation des clercs catéchistes. Il y a chez eux différents degrés qui constituent une espèce de hiérarchie qui leur donne moyen de s'affermir dans la solide pratique des vertus religieuses.
L'enfant qui a vocation dans cet institut entre d'abord dans un Juvénat, (17) qui est une école spéciale pour le former à la science, et un asile sacré pour le préserver de la corruption du monde. Il passe ensuite au Noviciat, où il s'exerce pendant un an (18) dans tous les genres de devoirs qu'impose la vie religieuse. Après cela, le jeune homme est admis à faire des voeux pour cinq ans et il devient alors Catéchiste Mineur; il les renouvelle ensuite pour cinq ans encore puis, s'il est admis aux voeux perpétuels, il prend le nom de Catéchiste Formé. Enfin s'il en est jugé digne, il passe au rang des Catéchistes Majeurs, ce qui le fait entrer dans l'administration de la société qui se compose d'un Directeur Principal, assisté d'un Discrétoire ou conseil pour gouverner toutes les maisons de l'institut, dans quelque pays qu'elles soient situées, afin d'assurer l'unité de direction: la société toute entière se divise en Provinces, en Maîtrises et en Régences.
Telle est l'organisation de l'Association des Clercs Paroissiaux ou Catéchistes de Saint Viateur établie (19) par un Décret d'approbation de Sa Sainteté Grégoire XVI, le 21 septembre 1838, et confirmé par un Bref Apostolique du même Souverain Pontife le 31 mai 1839. Le Lecteur y verra la sagesse de l'Eglise qui a approuvé cette Congrégation naissante (20) et se convaincra par lui-même que les plus grandes précautions sont prises pour former de bons maîtres d'écoles, afin de répandre par eux, dans les villes et les campagnes, les vrais principes qui font les bons chrétiens et les bons citoyens. En faisant ainsi connaître l'association des Catéchistes de Saint Viateur, on a cru faire l'éloge de ce saint qui se trouve glorifié dans les oeuvres de ses bons serviteurs. On a pensé aussi que les parents aimeraient à savoir le genre de vie que mène ceux à qui ils confient ce qu'ils ont de plus cher au monde, savoir: leurs enfants, dont ils auront à rendre à Dieu un compte si rigoureux.
Une des importantes fonctions du Lecteur était autrefois de lire l'Ecriture Sainte avant que le prédicateur en donna l'explication au peuple. Il devait aussi chanter les leçons dans la récitation de l'office divin et bénir le pain et les fruits nouveaux. Son principal soin devait être de bien exposer les paroles de la Sainte Ecriture pour l'intelligence et l'édification des fidèles, évitant scrupuleusement toute fausseté, de crainte que, par sa faute, la vérité des leçons divines, qui sont pour l'instruction de l'auditeur, ne fut falsifiée. Il lui fallait instruire les autres autant par ses exemples que par ses paroles, de manière à montrer à tous qu'il pratiquait ce qu'il enseignait et qu'ainsi sa conduite était parfaitement d'accord avec ses discours. Cet admirable enseignement de l'Eglise fut invariablement la conduite de saint Viateur.
On peut conclure de là avec combien de raison on a proposé ce saint Lecteur pour patron et modèle aux Clercs Catéchistes, puisque leurs Statuts approuvés par l'Eglise ne sont, pour ainsi dire, que le développement de ses sublimes leçons. L'exemple de ce parfait modèle devra être pour eux un puissant motif de s'y conformer fidèlement.
L'Eglise plaçait autrefois le Lecteur dans un lieu élevé pour qu'il put être vu et entendu de tous. Ce lieu élevé devait être pour lui une invitation pressante à travailler à acquérir une haute perfection, dont cette position corporelle n'était que la figure. C'est alors que notre saint offrait le plus ravissant spectacle par son agréable modestie, par la grâce de son maintient et la douce onction de sa voix; quand il faisait la lecture des Livres Saints, les regards de tout un peuple fixés sur lui faisaient davantage ressortir l'humilité qui parait son âme pure. Aussi s'attacha-t-il tous les cœurs, mérita-t-il de son vivant la vénération publique. C'est ce qu'il est aisé de conclure des honneurs que la ville entière voulut lui rendre après sa mort en l'associant à saint Just dans les démonstrations pompeuses qu'elle fit en recevant leurs saints corps.
Dans son ordination, le Lecteur touche le livre de la Sainte Ecriture qu'il aura à étudier et à lire aux fidèles, et l'Eglise, en lui recommandant d'exposer les divines paroles avec zèle, lui promet une part honorable avec ceux qui, dès le commencement, ont bien administré la parole de Dieu. Ceci s'est vérifié à la lettre, et d'une manière toute merveilleuse, à l'égard de Saint Viateur que Dieu a voulu, ce semble, identifier avec Saint Just, dans les honneurs comme dans les travaux, pendant la vie comme après la mort. Il en est de même de ces clercs qui, en marchant sur ses traces, finissent toujours par se concilier tous les cœurs, et obtiennent une influence honorable dans les villages qu'ils édifient en sanctifiant les petits enfants. La raison est évidente; c'est que, en instruisant ces tendres petits, en les rendant bons, dociles, respectueux envers leurs parents, ils gagnent l'estime et la confiance des pères et des mères eux-mêmes pour les porter à Dieu et à la pratique des saints devoirs de la religion. Il est ici une chose digne de remarque, c'est que, dans l'ordination du Lecteur, l'Eglise demande pour lui, avec instance, le don d' intelligence.
Saint Viateur, dont le cœur était si pur, reçut, il n'y a pas à en douter, ce don excellent qui lui fit découvrir d'admirables secrets dans les Saintes Ecritures. Il le reçut avec d'autant plus de plénitude qu'il était destiné, dans les adorables desseins de Dieu à être le dépositaire de ce riche trésor de sciences célestes en faveur des Clercs qui, en prenant son nom, devaient recueillir ce précieux héritage. Ce sera par la ponctualité à faire leur Légende (21), par la piété que les Catéchistes y apporteront, qu'ils mériteront de participer à ce bien ineffable, et ce sera surtout alors que saint Viateur se fera leur Maître pour les diriger dans une étude qui demande les leçon d'un si habile précepteur.
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