Vénérable John-Henry Newman 2
Le Vénérable John-Henry Newman
La raison au service de la Foi
1801-1890
Fête le 11 août
Newman, Anglican, découvre le Catholicisme, notamment par l'étude des Pères de l'Église. Fidèle à sa conscience, il entre dans l'Église Catholique, quitte à être incompris de son entourage. Abandonné à Dieu, il atteint des sommets de sainteté et sera élu Cardinal à la fin de sa vie.
Le 19e siècle baigne dans le rationalisme. L'étude historico-critique des Ecritures fait perdre alors le sens spirituel de la Parole et cette saveur que l'on retrouvait dans l'exégèse des Pères de l'Église.. De plus, le libéralisme de nos frères anglais conduit à un refus de l'autorité, du dogme et de la transcendance de Dieu. Le fidéisme de son côté donne un rôle illimité au surnaturel... Jean Paul II écrit au sujet de John-Henry Newman: « Dans un tel monde, Newman en est arrivé à une synthèse remarquable de la Foi et de la raison qui étaient pour lui « comme deux ailes grâces auxquelles l'esprit de l'homme s'élève à la contemplation de la Vérité ». »
Enfance et famille
John-Henry Newman naît en plein cœur de Londres, dans la Old Band Street, le 21 février 1801. Peu après, sa famille part s'installer à Ham, dans la banlieue. Son père est banquier et sa mère, Jemina Fourdainier, est descendante d'une famille française de Huguenots. Baptisés, il est inscrit sur le registre de l'Église Anglicane. Sa demeure paternelle est imprégnée d'une atmosphère religieuse: il y découvre la Bible par les lectures familiales, elle est pour lui sa première nourriture spirituelle. John-Henry est l'aîné de six enfants. Ses deux frères n'ont jamais partagé sa Foi ni ses convictions religieuses, à l'opposé de ses soeurs qui sont restées pour lui une grande consolation. Son éducation scolaire est marquée par la formation du caractère, de la raison et de la volonté. C'est un élève particulièrement doué, même en musique, ce qui n'est pas étonnant vu sa grande sensibilité. Mais sa supériorité intellectuelle et son sérieux, peu commun pour un enfant, l'isolent de ses semblables; souvent il se montre plongé dans ses pensées.
Ses conversions
Durant l'automne de l'année 1816, John-Henry Newman vit un grand tournant qui lui permet de prendre une direction de vie et de pensée nouvelles, décisives pour tout le reste de son existence. Par l'influence d'un clergyman, sa Foi ne s'est pas perdue dans un sentimentalisme éthéré, elle cesse d'être un amas d'impressions. Il conçoit alors les vérités du Christianisme comme un don amoureux de Dieu à l'homme et se demande: « Seigneur, que voulez-Vous que je fasse? » Il parlera souvent de cet événement tout au long de sa vie, de sa conversion qui va le transformer jusqu'à faire de lui un tout autre homme. Plus tard sa demande de passer à l'Église Catholique reste le fruit d'une évolution débutée en 1816. En 1845, il prononce un adieu final à l'Anglicanisme qu'il considère comme un organisme qui ne peut plus, selon sa réflexion théologique, justifier d'être en lui-même la véritable Église du Christ. Il déclare alors solennellement que seule l'Église Romaine reste, au cours de l'histoire, la fidèle gardienne de la Tradition Apostolique, la messagère du dépôt de la Foi Chrétienne. Jean Paul II, dans sa lettre, sur Newman, écrit: « En méditant sur le mystérieux plan de Dieu enveloppant sa vie, Newman conçut un sentiment profond et constant que Dieu l'avait créé pour lui rendre un service précis. La mission particulière qui lui a été confié par Dieu garantit que John-Henry Newman appartient à toutes les époques, tous les lieux, tous les peuples ». Sa mission est en effet d'allier Foi et raison de telle sorte que chacune soit un appui pour atteindre à la contemplation de la Vérité. Pour lui, la personne du Christ est cette Lumière inaltérable sur laquelle s'attacher en tout temps. Avant d'arriver au Catholicisme, Newman vit dans le milieu universitaire d'Oxford et connaît dans son entourage toutes les nombreuses formes de Protestantisme. L'Anglicanisme est pour lui une via media entre le Catholicisme et le Protestantisme dur. Jusqu'en 1845, il essaie de justifier cette voie moyenne dans laquelle on puise aussi dans le trésor des Pères de l'Église. A travers ces textes patristiques, il découvre progressivement les richesses de la catholicité et va jusqu'à dire que son église (Anglicane) est « une coquille vide » où il manque Jésus, la Présence Réelle... Sur le chemin de cette découverte, un autre lieu important pour Newman sera le Mouvement d'Oxford dont il fut le chef de file, mouvement d'universitaires réfléchissant sur la nature primitive de l'Église, l'Église primitive... John Keble, autre Anglican, déclenchera ce mouvement en s'insurgeant dans l'un de ses sermons contre le pouvoir civil supprimant des postes Anglicans en Irlande. Par leurs fameux Tracts, les membres du mouvement veulent affirmer le pouvoir surnaturel de l'Église, son identité surnaturelle. Newman a un sens profond du pas en avant que son Église, la Hight Chruch, doit faire vers un Anglo-Catholicisme.
Tribulations et incompréhensions
La conversion de Newman à l'Église Catholique lui demandera d'immenses sacrifices. Il perd son poste à l'Université d'Oxford, l'influence dont il jouit dans son pays, la majeure partie de ses revenus et presque la totalité de ses amis. Il dira: « Quand j'étais protestant, ma vie était paisible, mais ma prière bien malheureuse, et depuis ma conversion, c'est l'inverse ». Au cours de son séjour à Rome, on lui fait faire des études de théologie qui le préparent à la prêtrise. Après un noviciat Oratorien, devenu Prêtre Catholique en 1848, il rentre en Angleterre pour fonder le premier Oratoire selon Saint Philippe Néri dans ce pays. Son centre est établi à Birmingham et plus tard dans sa banlieue, à Edgbaston. Une polémique contre Achilli, ancien Dominicain, l'entraîne dans un procès qu'il perd en 1853. De 1854 à 1858, il est recteur de l'Université Catholique de Dublin, mais celle-ci ne connaît pas un essor brillant. Il démissionne alors et créée en 1859, à Egbaston, une école Catholique pour les jeunes gens en classe supérieure. Il s'investit dans cette entreprise jusqu'à sa mort. Elle a été un point fort pour soutenir le Catholicisme Romain en Angleterre. L'apologie pro Vita Sua (1864), l'un de ses ouvrages les plus connus, a été rédigé après certaines incompréhensions avec le romancier et pasteur Anglican Charles Kingsley. Il a aussi été longuement suspecté par Rome, à la suite de diverses diffamation, de ne pas être fidèle au dépôt de la Foi. Cette « apologie » est une analyse de 45 années de vie intime: remarquable autobiographie exposée avec une puissante dialectique qui a réhabilité Newman en partie auprès de Rome et qui lui a surtout conféré un grand respect de la part de ses adversaires. Peu favorable à l'ultramontanisme, il se rallie toutefois en 1870, année du Concile Vatican 1, au Dogme de l'infaillibilté papale, par esprit d'obéissance et de soumission. De 1868 à 1881, il édite la plupart de ses écrits. Le 12 mai 1879, Léon XIII le réhabilite totalement et le nomme Cardinal avec exemption du devoir de résidence à Rome. Ce titre lui est conféré en reconnaissance de tout ce qu'il a apporté à l'Église Catholique en dépit de toutes les souffrances et humiliations subies. Il décède le 11 août 1890, à l'âge de 89 ans, au sein même de l'Oratoire de Birmingham, qu'il a lui-même fondé.
Son oeuvre, une spiritualité de l'abandon
Newman nous fait part de sa pensée et de sa réflexion théologique dans les nombreux ouvrages qu'il a édités et de ses talents de prédicateurs qui a le souci des âmes. Son oeuvre comprend des sermons, des ouvrages théologiques, historique, avec aussi une Autobiographie souvent mise en parallèle avec les Confessions de Saint Augustin. Il a aussi rédigé deux romans, des poèmes, des journaux intimes, des prières et méditations. Il est considéré comme l'un des plus grands écrivains de langue anglaise. Cette conviction de la présence de Dieu dans sa vie est omniprésente dans toute son oeuvre. Elle révèle qu'il vit sans cesse ce double mouvement d'abandon, se sachant entre les mains de son Créateur et se mettant en totale dépendance de son divin dessein sur lui. Cette attitude se fonde sur un acte de Foi sans cesse renouvelé. Il écrit: « Quoi qu'il en soit, où que j'aille, je ne serai jamais perdu, ni rejeté de Dieu... la providence de Dieu a été merveilleuse envers moi à travers toute mon existence ». Cet abandon, reflet d'une grâce toute particulière, lui a sans cesse fait attendre le recours de Dieu dans la paix, quelles que soient les circonstances: calomnies, diffamations...: « O mon Dieu, je veux me remettre sans réserve entre tes mains. Richesse ou pauvreté, chagrin ou joie, amitié ou isolement, bonne ou mauvaise réputation, vie douce ou pénible. Ta présence ou l'épreuve de ton absence, tout sera bon s'il vient de toi ». Cette disposition, selon le Cardinal Jean Honoré, « l'établit aux frontières de l'expérience mystique, malgré sa plainte si souvent rappelée de ne connaître que sécheresse et aridité dans son oraison », oraison à laquelle il s'est toujours plus attaché (ses dernières années sont marquées par la fréquence de ses prières devant le tabernacle). Ce mouvement intime et profond d'abandon fait émaner de lui une atmosphère de douceur et de sérénité, se sachant toujours dans la main de Dieu, aimé et soutenu par lui.
Message d'une brûlante actualité
La sainteté de Newman n'est pas le fruit d'une recherche de perfection stéréotypée et abstraite. Elle s'enracine dans le concret de son existence, dans la vie quotidienne, dans une relation intime avec Dieu en se laissant conduire par Lui. Pour Newman, « le signe d'une spiritualité qui ne relève pas de l'angélisme se situe dans la constance à garder jalousement l'attention à toute chose, petite ou grande (...), la plus grande mortification étant de bien faire chaque jour les devoirs ordinaires ». Cette sainteté doit rester sans cesse au cœur de la conduite du Chrétiens, de son zèle apostolique. Aujourd'hui encore, d'après de nombreux témoignage, il reste ce guide « d'une multitude de cœurs reconnaissants en dehors même de sa confession. (...) il a enseigné des principes de vie et d'action plutôt que des dogmes. » (Lord Coleridge). Il a surtout marqué la pensée de l'Église, surtout au 20e siècle. Son influence sur le dernier Concile a souvent été soulignée; Jean Guitton a défini Newman comme « le penseur invisible de Vatican II ». Newman parle toujours à notre esprit, il s'adresse à chaque cœur. Ses écrits mettent en lumière les vérités de la Foi, sa vie reste le reflet d'un homme qui s'est laissé façonner par la grâce, qui s'est toujours placé en toute simplicité sous le regard de Dieu, en toute droiture et confiance filiale. En 1991, Jean Paul II le déclare vénérable; son procès de canonisation est ouvert.
Extrait du magazine « Feu et Lumière » n° 247, de février 2006
Vers la Béatification de John Henry Newman
Source: www.zenit.org
Vendredi 3 juillet 2009 Le cardinal Newman pourrait être bientôt béatifié : Benoît XVI vient d'approuver les décret reconnaissant un miracle dû à son intercession. Le pape reconnaît aussi trois autres miracles dus à l'intercession d'une bienheureuse du Pays Basque espagnol, à un prêtre carme italien et à la fondatrice, palestinienne, des Sœurs du Rosaire. Benoît XVI a reçu ce matin en audience le préfet de la congrégation romaine pour les causes des saints, Mgr Angelo Amato, s.d.b., et a approuvé les décret concernant la reconnaissance de quatre faits retenus miraculeux et dus à une bienheureuse et trois serviteurs et servantes de Dieu. Le deuxième décret concerne une guérison miraculeuse attribuée à l'intercession du serviteur de Dieu le cardinal anglais John Henry Newman (1801-1890), fondateur des Oratoires de Saint-Philippe Neri, en Angleterre. Il avait été déclaré « vénérable » par Jean-Paul II en 1991. La reconnaissance de ce miracle ouvre la porte à sa béatification. John Henry Newman est « l'un des grands penseurs chrétiens et l'un des grands maîtres et guides spirituels des temps modernes », souligne le site Internet de l'Association Française des Amis de Newman. C'est surtout au XXe siècle que sa pensée marquera profondément l'Église, au point que Jean Guitton l'appellera « le penseur invisible de Vatican II », indique la même source.
John-Henry Newman, un des grands maîtres de l'Église
Par le Cardinal Joseph Ratzinger, Benoît XVI
Le 15 mai 1879, le pape Léon XIII élevait John Henry Newman à la dignité de cardinal, reconnaissant ainsi son influence extraordinaire non seulement auprès des fidèles de l’Angleterre mais aussi de ceux de l’Eglise entière. Pour commémorer cet événement, nous publions la conférence dans laquelle le cardinal Joseph Ratzinger, maintenant le pape Benoît XVI, révèle son approche personnelle de Newman, tout en soulignant la pertinence de l’œuvre de ce grand maître pour l’Eglise de notre temps. Cette conférence a été donnée à l’occasion du centenaire de la mort de Newman (1990) lors du symposium organisé par le Centre international des amis de Newman, dirigé par la famille spirituelle de «L’Œuvre».
Je ne me sens pas compétent pour parler sur l’influence et les œuvres de Newman, il pourrait cependant vous intéresser de dire quelque chose de mon approche personnel sur Newman, où se manifeste, en quelque sorte, l’actualité de ce grand théologien anglais dans les controverses spirituelles de notre temps. Quand en 1946, après le chaos de la guerre, le séminaire de Freising ouvrit finalement ses portes et que je commençai mes études théologiques, fut désigné comme préfet de notre groupe un étudiant un peu plus âgé, qui, déjà avant la guerre, avait commencé à travailler sa dissertation sur la théologie de la conscience chez Newman. Pendant les années de guerre il n’abandonna pas son thème, et la guerre finie, il recommença son travail avec enthousiasme et énergie. Dès le début, s’établit entre nous une solide amitié autour des grands problèmes philosophiques et théologiques. Comme on pouvait s’y attendre, Newman était toujours présent. Alfred Läpple - c’était le nom du préfet - publia son travail en 1952 sous le titre ‘L’individu dans l’Eglise‘ (Der Einzelne in der Kirche).
La doctrine de Newman sur la conscience fut pour nous la base du personnalisme théologique qui nous attirait tous par son charme. Notre image de l’homme et notre concept de l’Eglise furent signés par ce point de départ. Nous avions expérimenté la prétention d’un parti totalitaire qui se comprenait lui-même comme la plénitude de l’histoire et qui niait la conscience individuelle. Quelqu’un vint à dire de son chef : « Je n’ai pas de conscience ; ma conscience, c’est Adolphe Hitler » L’énorme désastre humain qui suivit tout cela était devant nos yeux. C’est pourquoi, il fut pour nous libérateur et fondamental de savoir que le ‘nous’ de l’Eglise ne se basait pas sur l’élimination de la conscience, au contraire : il pouvait seulement se développer à partir d’elle. Cependant, précisément parce que Newman comprenait l’existence de l’homme à partir de la conscience, c’est-à-dire, à partir de la relation Dieu - l’âme, il était clair que ce personnalisme n’était pas une concession à l’individualisme et que son lien avec la conscience ne signifiait pas une concession à l’arbitraire, mais plutôt le contraire.
Chez Newman, nous avons compris le primat du pape : liberté de conscience, disait Newman, ne signifie pas « se dispenser d’elle … ou ignorer le Législateur et le Juge et se libérer de toute obligation intérieur ». De là le fait que la conscience, dans son sens authentique, est le vrai fondement de l’autorité du pape. Son pouvoir lui vient de la Révélation qui parfait la conscience naturelle, éclairée de façon imparfaite. « La défense de la loi morale et de la conscience est la ‘raison d’être’ du pape. » Cette doctrine sur la conscience m’est apparue au long de l’évolution de l’Eglise et du monde chaque fois plus importante. Je vois avec plus de clarté qu’elle ne se comprend pleinement qu’en relation à la biographie du Cardinal qui reflète tout le drame spirituel de son siècle. Newman est un converti en tant qu’il est homme de conscience. Ce fut sa conscience qui le conduisit, à partir de ses anciens liens et certitudes, au difficile et déroutant monde qui était pour lui celui du catholicisme. Cependant, ce même chemin de conscience est totalement différent d’un chemin de subjectivité qui s’auto affirme lui-même. Il est, au contraire, un chemin d’obéissance à la vérité objective.
Le deuxième pas dans le chemin de conversion - qui chez Newman dura toute sa vie - fut le dépassement du subjectivisme évangélique au bénéfice de la conception d’un christianisme basé sur l’objectivité du dogme. A ce propos, fut toujours pour moi significative, et plus encore ces jours-ci, l’expression tirée de l’un de ses premiers sermons de l’époque anglicane. Le vrai christianisme se manifeste dans l’obéissance et non pas dans un état de conscience, « de sorte que le devoir et la tâche du chrétien s’ordonnent autour de ces deux éléments : la foi et l’obéissance ; ‘il (le chrétien) regarde vers Jésus’ (Héb. 2, 9)… et agit selon sa volonté. Il me semble qu’aujourd’hui nous risquons de ne pas juger comme il faut aucun de ces éléments. Nous jugeons stérile ou comme une méticulosité technique toute réflexion véritable et profonde sur le contenu de la foi… En conséquence, nous faisons consister le critère de notre religiosité dans un certain ‘état d’âme’ spirituel… ». En relation à ceci, quelques phrases tirées de ‘Les Ariens du quatrième siècle‘, qui de prime abord m’étonnèrent, me semblent importantes : « La paix se fonde sur les Ecritures… pour se soumettre au commandement de la vérité qui constitue en tant que telle une autorité primordiale dans la conduite politique ou privée ; pour comprendre… que dans la succession des grâces chrétiennes, la ferveur précéderait la générosité. »
Je m’étonne toujours à nouveau en constatant et en méditant comment précisément ainsi et seulement ainsi, grâce à son lien avec la vérité - avec Dieu -, la conscience acquiert valeur, dignité et force. Dans cette ligne, j’aimerais ajouter encore une autre phrase tirée de l’Apologie et qui montre le réalisme de cette conception de la personne dans l’Eglise : « L’activité des mouvements ne provient jamais des comités. » Maintenant, j’aimerais retourner quelques instants à ma référence autobiographique. Quand en 1947 je reprenais mes études à Munich, je trouvais dans le professeur de théologie fondamentale, Gottlieb Söhngen - mon vrai maître en théologie - un connaisseur et un adepte enthousiaste de Newman. Il nous révéla la ‘Grammaire de l’Assentiment’ et avec elle, le mode spécifique et la forme propre de la certitude dans la connaissance religieuse. L’étude publiée par Heinrich Fries, à l’occasion du Jubilée de Chalcédoine, me marqua plus profondément encore. Je trouvais là l’accès à la doctrine de Newman sur ‘l’évolution du dogme‘, que je considère être, ensemble avec sa doctrine sur la conscience, sa contribution décisive au renouveau de la théologie. Ainsi, il mit entre nos mains la clé qui nous permit d’inclure la pensée historique dans la théologie, mieux, il nous apprit à penser la théologie historiquement, nous donnant la possibilité de reconnaître l’identité de la foi à travers ses changements. Ici, je dois m’abstenir d’approfondir cette question. Je pense que l’apport de Newman n’a pas été encore pleinement exploité par la théologie moderne. Il contient des possibilités fécondes qui attendent d’être développées. Maintenant, je veux uniquement souligner, encore une fois, le fond biographique de cette conception.
On sait que la vision de Newman sur l’évolution (du dogme) marqua son cheminement vers le catholicisme. Il ne s’agit pas uniquement d’un développement cohérent des idées. Dans le concept de l’évolution se joue la vie personnelle de Newman. Ceci apparaît clair, il me semble, dans ses mots bien connus : « Vivre c’est changer ; être parfait, c’est avoir changé souvent. » Newman a été quelqu’un qui s’est converti pendant toute sa vie, quelqu’un qui s’est transformé sans cesse et, dans ce sens, qui est resté toujours lui-même, se réalisant toujours davantage. Je pense ici à saint Augustin, qui a tant de choses en commun avec Newman. Quand saint Augustin se convertit dans le jardin de Cassiaco, il comprenait encore sa conversion selon le schéma de son vénéré maître Plotin et celui des philosophes néoplatoniciens. Il pensait que sa vie pécheresse antérieure avait été définitivement dépassée, que le converti serait dorénavant une personne complètement nouvelle et diverse, ce qui lui restait de chemin ne serait qu’une montée continuelle vers un sommet de proximité à Dieu, chaque fois plus pure. Quelque chose de semblable à ce que décrit Grégoire de Nice dans son ‘Ascension de Moïse‘ : « De même que les corps, une fois reçu une première impulsion vers le bas, tombent d’eux-mêmes dans l’abîme sans besoin d’une nouvelle impulsion…, de même, mais au sens inverse, l’âme qui s’est libérée de ses passions terrestres, s’élève constamment au-dessus d’elle-même avec un rapide mouvement d’ascension… un vol qui tend continuellement vers le haut. »
L’expérience d’Augustin était différente : il apprendra qu’être chrétien signifie plutôt parcourir un chemin toujours plus difficile avec ses hauts et ses bas. L’image de la montée est remplacée par celle de ‘l’iter‘, un chemin pendant lequel nous sommes consolés et soutenus par les quelques instants de lumière que parfois nous recevons. La conversion est un chemin, une route qui dure toute la vie. C’est pourquoi la foi est toujours développement et précisément à cause de cela, maturation de l’âme vers la vérité, vers Dieu, qui ‘est plus intérieur à nous que nous-mêmes’. Newman, dans son idée d’évolution a présenté sa propre expérience de conversion, jamais achevée ; il nous a offert ainsi l’interprétation non seulement de la doctrine chrétienne, mais aussi de la vie chrétienne. Je crois que le signe caractéristique d’un grand maître dans l’Eglise est qu’il enseigne non pas seulement par ses idées et ses paroles mais aussi par sa vie car en lui pensée et vie se compénétrent et se déterminent mutuellement. Si cela est vrai, Newman appartient en vérité au nombre des grands maîtres de l’Eglise car il touche notre cœur et illumine notre intelligence.
Texte extrait du site www.newmanfriendsinternational.org
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