Spiritualité Chrétienne

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Le Serviteur de Dieu François-Xavier Nguyên Van Thuan 2

Le Serviteur de Dieu François-Xavier Nguyên Van Thuan

1928-2002


«Si personne ne m'écoute plus, Dieu m'écoute encore. Si je ne peux plus parler avec personne, si je ne peux plus invoquer personne, je peux toujours parler à Dieu... Durant treize années de prison, dans une situation de désespoir apparemment total, l'écoute de Dieu, le fait de pouvoir Lui parler, sont devenus pour l'inoubliable Cardinal Nguyên Van Thuan une force croissante d'espérance qui, après sa libération, lui a permis de devenir pour les hommes, dans le monde entier, un témoin de l'espérance – de la grande espérance qui ne passe pas, même dans les nuits de la solitude» (Encyclique Spe salvi, 30 nov. 2007, n. 32). En ces quelques mots, le Pape Benoît XVI décrit le caractère essentiel de la vie du Cardinal. François-Xavier Nguyên Van Thuan est né le 17 avril 1928, près de Huê, ancienne capitale de l'Annam. La famille de son père et celle de sa mère ne sont pas du même rang social: entrepreneurs et commerçants pour la première; hauts mandarins pour la seconde. Mais l'une et l'autre se distinguent, depuis des générations, par la foi catholique et l'amour envers la patrie: on y compte un grand nombre de martyrs. Pendant plus de deux siècles, en effet, entre 1644 et 1888, des vagues de persécutions violentes avaient fait un total de 150 000 martyrs. Ces souvenirs restent très vivants dans la mémoire des deux familles et soutiennent leur foi. Sa lignée maternelle surtout provoque l'admiration de Thuan. Ngo Dinh Kha, son grand-père, avait été l'un des rares catholiques à occuper d'importantes charges auprès de l'Empereur du Vietnam. Il eut six fils et trois filles, auxquels il sut communiquer la passion de sa vie: «l'indépendance du Vietnam est voulue par Dieu». Sous l'influence de sa fille Hiep (Élisabeth, née en 1903, qui deviendra la mère de Thuan), la famille Ngo Dinh restera unie dans la foi ainsi que dans la volonté de promouvoir l'indépendance du pays; Diem, troisième fils de Kha, deviendra en 1955 le premier Président de la nouvelle République du Vietnam. Nguyên Van Am et Hiep, sa femme, mariés en 1924, ont déjà été éprouvés par la maladie et la mort de leur aîné, Xuan. Hiep donne à son second fils – qui sera suivi de sept autres enfants – le nom de Thuan («Volonté de Dieu»). Celui-ci connaît une enfance heureuse; très aimé de ses oncles Thuc et Diem, il leur rend affection et admiration. À l'âge de 13 ans, Thuan demande à ses parents la faveur de continuer ses études au petit séminaire d'An Ninh, où son oncle Thuc, devenu prêtre puis évêque, avait été élève. À An Ninh, haut lieu de la résistance des catholiques aux persécutions, le portrait de Ngo Dinh Kha est exposé avec vénération. Le séminaire est dirigé par les Pères des Missions Étrangères de Paris, auxquels s'adjoignent quelques prêtres vietnamiens. Ces professeurs sèment dans l'âme de Thuan les graines d'une vraie dévotion à la Sainte Vierge et lui donnent des maîtres sûrs: le Curé d'Ars, Thérèse de Lisieux, François-Xavier, son patron.


Les horreurs de la guerre


Surviennent la seconde guerre mondiale, la défaite de la France et la victoire momentanée du Japon. À partir de l'été 1943 – il a 15 ans – Thuan est initié par son oncle Diem à la stratégie politique; mais il lit plus avidement les vies des saints – Théophane Vénard en particulier – et médite le Rosaire; chaque matin, il assiste à la Messe et communie. De retour au séminaire, il poursuit avec facilité l'étude du latin et des lettres chinoises, qui ont façonné le Vietnam. En mars 1945, le Japon met la main sur le Vietnam. Mais, quelques jours après ce coup de force, les habitants de Huê voient des drapeaux rouges flotter dans toute la ville: première manifestation du «Front de libération» communiste... Ngo Dinh Khoi, l'aîné des oncles de Thuan, ennemi déclaré des communistes, est arrêté le 31 août, puis exécuté par eux quelques semaines plus tard avec son fils unique, comme traître à son pays... Thuan est soulevé de fureur: le pardon lui semble impossible. Il ressentira la même angoisse en 1963-64, lorsque meurtres et exécutions achèveront d'anéantir sa famille; ainsi qu'en 1975, dans les premiers temps de sa détention. Apprendre à maîtriser sa colère lui sera long et difficile. En contemplant l'exemple de Jésus-Christ, il comprend qu'aimer ceux qui l'ont cruellement offensé n'a rien de facultatif; mais son coeur reste fermé à tout acte de pardon... La Providence met alors sous ses yeux l'exemple du Père Pro, jésuite mexicain arrêté et exécuté en novembre 1927 par le gouvernement communiste de son pays, mort en pardonnant à ses bourreaux... À l'automne de 1947, Thuan entre au grand séminaire de Phu Xuan. Il se nourrit de la Somme Théologique de saint Thomas, ainsi que du maître ouvrage du Père Garrigou-Lagrange: Les trois âges de la vie intérieure. De cette époque également date sa familiarité avec l'Imitation de Jésus-Christ et le Petit Office de la Sainte Vierge, ouvrages auxquels il restera fidèle toute sa vie.


Le berger face aux loups


Thuan est ordonné prêtre à Huê par Mgr Urrutia, le 11 juin 1953. Trois mois après, un médecin décèle chez lui une tuberculose avancée. Il est transporté d'urgence à l'hôpital central de Huê. Au chevet de leur fils, les parents de Thuan passent des heures à dire le rosaire avec lui. Transféré à Saïgon, il est reçu à l'hôpital militaire français en avril 1954: les médecins décident l'ablation d'un poumon. Le matin de l'opération, dernière radio avant l'anesthésie générale: stupéfaction! plus aucune trace de tuberculose! «C'est un miracle!» s'exclame joyeusement Thuan. Quatre jours après, en parfaite santé, il est de retour à Huê. Au même moment, la radio annonce la chute de Diên Biên Phu. En juillet, malgré les protestations de Ngo Dinh Diem, chef du nouveau gouvernement, les Accords de Genève sont signés: le pays est divisé en deux. Les communistes sont maîtres au Nord. En octobre 1955, la république est proclamée au Sud, avec Diem pour premier président. Près d'un million de vietnamiens du Nord, dont beaucoup de catholiques, émigrent au Sud... C'est alors que Thuan est envoyé à Rome par son évêque; il y passera quatre ans comme étudiant au Collège de la Propagation de la Foi. Pendant les vacances, il voyage dans toute l'Europe; en août 1957, devant la grotte de Lourdes, il murmure, sans trop savoir ce qu'il dit: «Au nom de votre Fils et en votre nom, ô Marie, j'accepte les épreuves et la souffrance»... Il retourne au Vietnam en 1959. L'année suivante, Jean XXIII établit une hiérarchie ecclésiastique vietnamienne; au même moment, le conseil des professeurs élit Thuan à la tête du petit séminaire. Trois ans après, le 1er novembre 1963, un groupe de généraux déclenche un coup d'État. Diem refuse d'user de la garde présidentielle et tente de négocier. C'est un échec: le lendemain, 2 novembre, alors qu'il vient d'assister à la Messe et de se confesser, il est assassiné avec son frère Nhu... Six mois plus tard, Can, frère de Diem, tombe aux mains des généraux rebelles; il est exécuté le 8 mai 1964. Thuan vit un cauchemar: quatre oncles assassinés, deux autres en exil, la santé de ses parents à bout, l'indépendance du Vietnam compromise... Mais la Providence lui vient en aide: il est choisi pour vicaire général, charge qui lui procure une diversion. En avril 1967, Paul VI le nomme évêque de Nha Trang. Situé sur la côte, à environ 400 km de Saïgon, le diocèse de Nha Trang compte alors 1 160 000 habitants, dont 130 000 catholiques. Thuan est consacré évêque à Huê, le 24 juin. En 1968, lors de l'«offensive du Tet», menée par le Vietcong, il devient prévisible que les communistes vont contrôler le Sud Vietnam, malgré la présence américaine. Mgr Thuan décide d'intensifier, outre la formation des paroissiens laïcs, la pastorale des vocations. En l'espace de huit années, le nombre des grands séminaristes, dans son diocèse, passera de 42 à 147; celui des petits séminaristes, de 200 à 500. En avril 1975, l'évêque procède à l'ordination de la dernière grande promotion de séminaristes, peu avant la prise de contrôle de Nha Trang par les communistes. Le diocèse peut affronter les restrictions. Peu à peu, le Vietcong occupe les villes les plus importantes. Des milliers de personnes prennent la direction du Sud, avec leurs malades et leurs vieillards. Mgr Thuan affrète des avions pour parachuter à ces malheureux des tonnes de médicaments et de vivres. Il s'attire ainsi l'hostilité des communistes. Il le sait; mais il fait son devoir d'évêque. Le 23 avril, il apprend que Paul VI l'a nommé coadjuteur (auxiliaire avec droit de succession) de l'archevêque de Saïgon. Sans s'arrêter aux conséquences dramatiques que cette décision aura pour lui, Mgr Thuan se met en route, début mai, pour la capitale du Sud.


« Dieu seul, et non ses oeuvres ! »


Là, des personnalités catholiques influentes, ralliées aux communistes, l'incitent à retourner à Nha Trang; ceux-ci, en effet, ne peuvent accepter qu'un membre de la famille Ngo Dinh devienne archevêque de Saïgon. Le 13 août, Mgr Thuan reçoit l'ordre de se rendre à l'ancien palais présidentiel. Là, on le presse de reconnaître qu'il est l'agent d'un complot du Vatican. N'avouant rien, il est embarqué dans une voiture qui le conduit de nuit dans un village proche de Nha Trang; il y est placé en résidence surveillée chez le curé, avec interdiction de communiquer, sous peine de représailles contre le diocèse. Bientôt, l'impossibilité d'agir pour Dieu et pour les âmes commence à faire souffrir son coeur d'évêque; pendant ses insomnies, il est assiégé de ressentiments contre ses ennemis. Sa prière semble inopérante. Réfléchissant à la captivité de saint Paul à Rome, il a l'idée d'écrire des lettres aux fidèles. Ainsi naît «Sur le chemin de l'espérance». Imprimé sans nom d'auteur, l'ouvrage passe bientôt entre les mains de tous les fidèles, et même en France et aux États-Unis. Furieuses, les autorités transfèrent Mgr Thuan au camp de Phu Khanh. C'est le 19 mars 1976, fête de saint Joseph. On l'enferme dans une minuscule cellule sans fenêtre, pleine de moisissure et de champignons à cause de l'humidité: il y reste neuf mois sans jamais en sortir, sans rencontrer aucun de ses codétenus. Progressivement, l'isolement produit son oeuvre: «De nombreux sentiments confus tournent dans ma tête, écrira-t-il: tristesse, peur, tension nerveuse. Mon coeur est déchiré par l'éloignement de mon peuple... Je ne réussissais pas à dormir, j'étais tourmenté à l'idée de laisser aller à la ruine tant d'oeuvres que j'avais engagées pour Dieu, et mon être se révoltait. Une nuit, une voix m'a dit, au profond de mon coeur: «Pourquoi te tourmenter ainsi? Tu dois faire la différence entre Dieu et les oeuvres de Dieu. Tout ce que tu as entrepris et que tu désires continuer à faire est excellent: ce sont les oeuvres de Dieu, mais ce n'est pas Dieu! Si Dieu veut que tu abandonnes tout cela, fais-le tout de suite et mets ta confiance en Lui. Il fera les choses infiniment mieux que toi... Tu as choisi Dieu seul, et non pas ses oeuvres!» Cette lumière m'a apporté une paix nouvelle, qui m'a aidé à dépasser des moments physiquement à la limite du supportable».


Aimer, même en prison


Son regard sur la prison en est renouvelé. Fixant des yeux le Christ en croix, il réalise que c'est au moment où Il était le plus faible, méprisé et abandonné des hommes (Is 53, 3), qu'Il a accompli la plus grande oeuvre de sa vie, la rédemption du monde. Lui, Thuan, ne peut plus agir pour Dieu; mais aucune geôle, aucun geôlier ne peut l'empêcher d'aimer Dieu! Le 29 novembre 1976, on le conduit dans un camp de travail situé dans les montagnes du Nord Vietnam. Là, il réussit à se faire envoyer par un chrétien un peu de vin, présenté comme un «remède contre le mal d'estomac», et quelques petits morceaux de pain dissimulés dans une lampe torche. Il commence à célébrer la Messe en cachette; dès ce moment, il éprouve en permanence la joie chrétienne. Il donne la communion aux catholiques détenus avec lui; par sa franchise et sa douceur, il se fait des complices même parmi ses gardiens. Aussi, le 5 février 1977, est-il transféré dans une prison plus étroite près de Hanoï; puis, le 13 mai 1978, dans le presbytère délabré d'un village nommé Giang Xa, dont les paroissiens ne pratiquent plus et nourrissent un sentiment anti-catholique. Mgr Thuan est autorisé à célébrer la Messe, mais seul; il ne doit parler à personne. Pourtant, une rencontre fortuite lui révèle que certains villageois sont ses parents par alliance. Dès lors, les paroissiens comprennent qu'on leur a raconté des mensonges et changent d'attitude à son égard. Les communistes avaient mis de longues années à constituer un réseau d'espions au sein même des paroisses du Nord Vietnam; Giang Xa avait les siens, un couple que les paroissiens appelaient «les saints». À force de douceur et de bonté, Mgr Thuan finit par les retourner: avec une sincérité évidente, ils demandent à se confesser à lui. Alors, avec l'accord de l'archevêque de Hanoï, il lève leur excommunication. Exemple contagieux: plusieurs indicateurs d'autres villages viendront auprès de lui pour se réconcilier avec Dieu et l'Église. Inquiet de la tranquillité qui a gagné les paroisses du pays, le gouvernement se rend à l'évidence: le réseau est neutralisé. Le 5 novembre 1982, à l'aube, Mgr Thuan disparaît, emporté dans un fourgon de police... On le conduit là où personne ne songera à le chercher: une résidence des agents de la Sécurité publique! L'évêque ne doit pas sortir de sa chambre; il ne doit parler à personne, ni regarder par la fenêtre. Ce sera son régime pendant les six années qui suivront. Mais il s'est abandonné à Dieu: la solitude ne lui fait plus peur. À force de persévérante gentillesse, il parvient à communiquer avec ses gardiens et à se faire traiter avec humanité. Désarmées devant cette «corruption des innocents», les autorités décident, après quelques mois, de transférer Mgr Thuan dans une prison de Hanoï. Il y reprend la célébration de la Messe: l'Eucharistie est sa force. Par un officier de la Sécurité, il apprend que Jean-Paul II a reçu une supplique des évêques du Vietnam en faveur de la canonisation des martyrs de leur pays; cette démarche rend impossible sa libération, un moment envisagée. Un peu plus tard, Mgr Thuan apprend que le gouvernement, impressionné par la détermination de Jean-Paul II de canoniser 117 martyrs du Vietnam en juin 1988, permet d'organiser quelques manifestations. Dans sa cellule, il chante le Te Deum; la pensée qu'il partage le sort de ces martyrs lui donne courage et force. Il s'offre à Dieu pour endurer, s'Il le veut, la captivité jusqu'à la mort.


« Tu as défait mes liens » (Ps 115, 7)


Le 21 novembre 1988, fête de la Présentation de Marie au Temple, un téléphone sonne dans le couloir. Mgr Thuan fait cette prière: «Mère, si ma présence dans cette prison est utile à l'Église, donnez-moi la grâce de mourir ici. Mais si je peux encore servir l'Église de toute autre façon, faites que je sois libéré». Il vient de terminer son modeste repas, quand la porte de sa cellule s'ouvre violemment: «Prépare-toi! nous allons chez un membre très haut placé du gouvernement! – Je suis prêt». Pendant le trajet, il apprend qu'il va être reçu par le ministre de l'Intérieur, Mai Chi Tho. Celui-ci l'accueille dans un luxueux salon et lui fait servir le thé avec cérémonie sans dire un mot. Puis, se penchant vers Thuan: «Quel est votre lien avec Ngo Dinh Diem? – Je suis son neveu». Après un moment de silence: «Vous savez, pendant la guerre, on identifiait Diem avec les États-Unis. Maintenant, il ne nous crée plus aucun problème... Nous ne devrions plus regarder vers le passé; nous devrions chercher ce que chacun de nous peut faire pour le pays». Il regarde Thuan et lui sourit: «Que désirez-vous aujourd'hui? – Je veux être libre! – Eh bien, quand voudriez-vous être libéré?» Thuan rassemble tout son courage: «Aujourd'hui!» Tho se raidit. «Il y a trop longtemps que je suis en prison, poursuit Thuan: trois pontificats, quatre secrétaires du PC soviétique, cela fait beaucoup!» Tho éclate d'un rire sonore: «C'est vrai!» Il donne ses ordres, puis se lève et serre la main de Thuan. Sur le chemin de la prison à l'archevêché de Hanoï, où il est assigné à résidence, Mgr Thuan, éperdu de reconnaissance, remercie sa Mère céleste: «Sainte Marie, vous m'avez rendu la liberté! Dites-moi ce que je dois faire maintenant». Après quelques semaines, Mgr Thuan demande un visa pour aller visiter ses parents en Australie et rencontrer le Pape à Rome. Curieusement, le visa lui est accordé. Au cours de l'audience pontificale, le prélat est touché de constater que Jean-Paul II a suivi de près ses années de captivité. En parcourant la Ville, il se demande: «Pourquoi suis-je ici? Dieu a protégé ma vie: que veut-Il de moi maintenant?» De retour au Vietnam, les mêmes conditions de semi-liberté lui sont imposées. Vu l'âge avancé de l'archevêque de Saïgon, dont il demeure le coadjuteur en titre, Mgr Thuan peut à tout moment devenir l'un des premiers prélats de l'Église du Vietnam. Cela, le gouvernement ne le veut à aucun prix; d'un autre côté, il répugne à ternir l'image de la «rénovation nationale», qu'il s'efforce de donner au monde... En décembre 1989, un mois après l'effondrement du mur de Berlin, le ministre de l'Intérieur vient signifier aux évêques réunis que le gouvernement n'acceptera l'élection de Mgr Thuan à aucun poste de responsabilité. Embarrassé par ce «cas», le gouvernement finit, en 1991, par suggérer au prélat l'idée «d'aller passer un peu de temps à Rome». En clair, il s'agit d'un «aller simple». Mgr Thuan n'accepte qu'après avoir reçu l'accord du Saint-Siège. Il quitte le Vietnam en décembre; en mars 1992, il saura que toute demande de retour lui serait refusée.


Une certitude apaisante


Pendant les deux premières années de son exil, Mgr Thuan consacre son temps à servir la diaspora vietnamienne. Ses livres, de plus en plus lus, sont traduits en de nombreuses langues; on ne tarde pas à l'inviter à prendre la parole dans les principaux pays européens, lors de retraites ou de rassemblements. En avril 1994, Jean-Paul II le nomme vice-président du Conseil pontifical Justice et Paix, chargé principalement de répandre dans le monde entier la Doctrine sociale de l'Église, et de promouvoir le respect des droits de la personne humaine. Le 2 février 1997, le prélat apporte la touche finale à son livre Cinq pains et deux poissons, dans lequel il publie pour la première fois quelques-uns des souvenirs les plus poignants de ses années de captivité. En décembre 1999, le Pape choisit Mgr Thuan pour diriger, au mois de mars suivant, les Exercices spirituels de la Curie romaine, et l'invite à faire largement appel à son expérience personnelle. À l'issue de cette retraite, Jean-Paul II déclare: «Il a renforcé en nous la certitude apaisante que lorsque tout s'effondre autour de nous, et peut-être même en nous, le Christ demeure notre soutien le plus immuable». Un an plus tard, le 21 février 2001, le prélat reçoit la dignité cardinalice. Le nouveau cardinal célèbre à Boston (États-Unis) le Triduum Pascal; quelques jours après, il subit dans cette ville une intervention chirurgicale. Atteint d'une forme rare de cancer, il vit «au jour le jour», sans se préoccuper de laisser un héritage bien défini. Une de ses dernières homélies, donnée à la mémoire d'un dirigeant politique italien, s'achève ainsi: «Béni soit le dirigeant qui ne craint ni la vérité ni les médias, car au jour du Jugement, c'est à Dieu seul qu'il répondra, et non au peuple ou aux médias». Le Cardinal s'éteint le 16 septembre 2002. «Au cours des derniers jours, alors qu'il était désormais incapable de parler, relatera le Pape Jean-Paul II, il demeurait le regard fixé sur le Crucifix qu'il avait devant lui. Il priait en silence pendant qu'il accomplissait son ultime sacrifice... Maintenant, nous pouvons dire que son espérance était pleine d'immortalité (Sg 3, 4)! C'est-à-dire qu'elle était pleine du Christ, qui est la vie et la résurrection de tous ceux qui mettent en Lui leur foi». Sainte Espérance, soyez l'ancre de notre âme (He 6, 19)!


Dom Antoine Marie o.s.b.

abbé




07/03/2010
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