Spiritualité Chrétienne

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Saint Jean Discalceat

Saint Jean Discalceat

Prêtre, Recteur, et Religieux de l'Ordre de Saint François

(vers 1279-1349)

Fête le 16 Décembre


Le Bienheureux Jean, surnommé Discalceat, ou « le Déchaussé », du fait qu'il marchait toujours pieds nus, naquit de parents pauvres, gens de bien, craignant Dieu, et qui habitaient dans le diocèse de Léon, en Basse Bretagne. On raconte qu'un jour, tandis que sa mère était enceinte de lui, elle fut éprise du désir de manger une certaine espèce de viande d'oiseau ne se trouvant pas dans le coin, et ce désir allant toujours plus tellement grandissant, elle encourut le risque de perdre le fruit de son sein ; quand Dieu la préserva d'une façon extraordinaire : se trouvant un jour dans sa chambre, en compagnie de quelques femmes du voisinage, l'oiseau qu'elle désirait tant entra soudainement dans la chambre et se laissa sans aucune difficultés. C'est ainsi qu'elle pu ainsi satisfaire pleinement son appétit. Elle accoucha de l'enfant béni, aux environs de l'an de grâce 1280, sous le Pontificat de Nicolas III, l'Empire de Rodolphe 1er et le règne de Jean 1er du nom, Duc de Bretagne, fils de la Duchesse Alix et de Pierre de Brenne, ou de Dreux, dit Mauclerc, son mari. Sur les fonds sacrés, il fut nommé Jean, mais, par humilité, il voulut toute sa vie, être appelé Yannick, qui est un diminutif breton de Jean, voulant dire « Petit Jean ».


Une fois passées ses années d'enfance, il s'embaucha auprès d'un de ses cousins, fort bon artisan, et travaillant de ses mains, pour éviter l'oisiveté et gagner son pain à la sueur de son front. Il trouvait beaucoup de plaisir à élever des Croix aux carrefours et à la croisée des chemins, et à bâtir des ponts et des arcades sur les ruisseaux et torrents, pour le bien-être du public. Il travailla si bien près de son cousin, qu'il gagna beaucoup d'argent et fut rapidement aisé. Mais Dieu, qui le voulait à son service et qui voulait en faire l'instrument d'un grand nombre salut, lui inspira de quitter le siècle pour embrasser l'état clérical, et pour se consacrer au service de l'Eglise, ce qu'il se résolut rapidement à faire, mais le diable, voulant faire obstacle à sa conversion, leva son cousin contre lui, se moquant de son dessein et faisant tout son possible en empêcher l'accomplissement, mais Dieu le punit sévèrement, car il perdit alors tous ses biens, devint lépreux et pire encore, mourut excommunié, et, en tant que tel, fut enseveli en terre profane. Jean donc, méprisant les menaces et les moqueries de son cousin, quitta son Pays et s'en alla à Rennes, où il étudia (comme il est crédible), puis reçut les Ordres sacrés jusqu'à la Prêtrise, vivant dans une grande austérité, simplicité et sainteté. Il jeûnait trois fois pendant la semaine, au pain et à l'eau, était simplement et pauvrement habillé (toujours décemment toutefois), visitait et assistait les malades et y faisait beaucoup d'autres œuvres de piété.


Le 52 évêque de Rennes, Yves, ayant repéré ce Trésor caché sous la poussière d'une grande humilité, ne put accepter que la lumière ne resta plus longtemps cachée sous sous le muids et voulut l'élever sur un chandelier afin qu'elle d'éclaire toute l'Eglise, le fit un jour venir en son manoir, et le nomma Recteur d'une Paroisse de son Diocèse, mais face aux réticences que le bon personnage manifestait, l'Evêque le lui commandant par obéissance, il en prit donc possession en l'an 1303 et rapidement, il s'y distingua par ses bons exemples, ses prédications et l'assistance paternelle qu'il portait à son peuple. Il servit dans cette Paroisse pendant 13 années, sous l'épiscopat de trois Evêques de Rennes, Yves, Gilles et Alain de Châteaugiron, 1er de ce nom, qu'il assistait lors de leurs visites, allant à pied à leur rencontre, pour prédisposer les populations par ses prédications et l'administration du Sacrement de Pénitence, à recevoir la Confirmation, ne voulant aller ni à cheval ni chariot, mais toujours pieds-nus, et distribuant aux plus pauvres les revenus de sa Paroisse.


Ayant gouverné son peuple jusqu'à l'an 1316, Dieu lui inspira alors d'embrasser la Règle du Séraphique Père Saint François. Il demanda congé à son Evêque, qui pleura amèrement de la perte d'un tel Ecclésiastique, et lui remit entre les mains son bénéfice. Au moins voulut-il donner la Cure à son frère, mais le bon Prêtre le supplia de ne pas le faire, en raison de quelques défauts qu'il reconnaissait en lui et qu'il manifestait secrètement, le suppliant de ne pas abandonner ses brebis à un tel homme. L'Evêque le crut, et, après l'avoir tendrement embrassé, le congédia en lui donnant sa bénédiction. Il reçut donc l'habit, et avec, comme un autre Elisée, l'esprit du Père Séraphique. Il affectionnait particulièrement la sainte pauvreté et, à l'imitation de son Père Saint François, il portait un habit, un manteau, une capuce, des brayes et une tunique intérieure, le tout recouvert d'une grosse et vile étoffe grise, et jamais ne portait deux habits de même sorte ; car il les rapiéçait de pièces d'étoffes provenant de vieux sacs, pro benedictione Regulæ ad litteram promerenda (indique le manuscrit de sa vie). Étant un jour interrogé sur la raison pour laquelle il portait un habit plus vil et plus rapiécé que les autres, « c'est parce, répondit-il, que je suis le plus imparfait de tous ».


S'il affectionnait particulièrement la pauvreté volontaire, il chérissait également les pauvres, pour lesquels il fut un vrai Père nourricier. Quand il se rendait à l'Eglise ou ailleurs, ils s'amassaient prés de lui pour recevoir ses aumônes, ou quelques autres consolations spirituelles, et quand il n'avait plus rien à leur donner, il leur donnait son propre manteau, ou parfois même son capuchon. En l'an 1346, il y eut une cruelle famine qui ravagea le Comté de Cornouaille, pendant laquelle, le saint Homme allait de maison en autre afin d'exhorter les riches à gagner le Ciel en donnant largement leurs aumônes, et à ne pas rater une si belle occasion de le faire. Il ne restait jamais sans rien faire, mais était toujours occupé à quelques saints exercices, ou au travail. Il se levait la nuit avant les autres Frères, et allait à l'Eglise longtemps que les cloches n'appellent aux Matines, et il y restait en Oraison le plus souvent jusqu'au lever du jour ; une fois la Messe dite, il se mettait au Confessionnal, ou alors, il allait en ville pour visiter les malades. Après avoir dîné, il retournait en oraison ; et après les Complies, il passait une bonne partie de la nuit à l'Eglise en Oraison. Il récitait, deux fois par jour, l'Office Canonique au Chœur avec la communauté. Quand il prêchait ou parlait dans l'intimité avec quelques bons religieux, il avait toujours la tête découverte, et parlait avec une telle attention et avec une telle révérence que l'on avait l'impression qu'il parlait visiblement à Dieu et à ses Saints, de sorte que, si quelqu'un lui voulait parler, pendant qu'il disait son Service, il fallait attendre qu'il ait terminé. Outre l'Office Canonique, il disait celui de la Croix, du Saint-Esprit, les Psaumes Graduels et Pénitentiels, l'Office des Défunts, plusieurs Litanies et nombre d'Hymnes et Cantiques à Notre Dame. Par ses prières, il préserva une de ses pénitentes, d'un avortement inévitable, et il obtint à cette même femme la grâce d'accomplir un conseil qu'il lui avait donné en Confession, pour lequel elle avait auparavant une grande répugnance. Une dame de l'Evêché de Rennes, étant malade et condamnée par les médecins, voulut le voir ; il vint et ayant dit trois fois l'Evangile sur la malade, elle se leva soudainement guérie, et lui prépara le dîner.


Le diable rageant de se voir si glorieusement surmonté par le Frère Jean, lui livra de furieux assauts, non seulement par des tentations intérieures dont il le vexait, mais aussi par des vues de faits, l'excédant dans sa personne. Un jour de Pâques, se trouvant fort exténué par les jeûnes et autres macérations dont il s'était affligé pendant le Carême, l'ennemi lui apparut et s'efforça de lui faire désespérer de son Salut, ravalant les mérites de ses Pénitences et de ses actions vertueuses. Mais, voyant que le bon Père lui résistait courageusement, il le battit furieusement en présence de son gardien et de plusieurs Religieux, auxquels il montrait du doigt l'ennemi visible (toutefois à lui seulement) ; mais il se défendit vigoureusement, ayant toujours à la bouche ces Versets du Psautier : « Erue à framea, Deus, animam meam et de manu canis unicam meam » (« O Dieu, délivrez mon âme du glaive, et délivrez de ce chien furieux cette âme désolée » (Psaume 21, 21) (et, pour dépiter le diable, il répétait plusieurs fois ce mot « canis »,  (« chien »).) ; et cet autre : « Nolite tangere Christos meos, et in Prophetis meis nolite malignari » (« Ne touchez pas à mes oints et ne faites pas de mal à mes prophètes » (Psaume 104, 15).) ; et encore cet autre : « Discedite à me omnes qui operamini iniquitatem, quoniàm exaudivit Dominus vocem fletûs mei » (Retirez-vous de moi, vous tous qui commettez l'iniquité, car le Seigneur a entendu la voix de mes larmes » (Psaume 6, 9).) ; et, « Erubescant et conturbentur vehementer omnes inimici mei » (« Que mes ennemis rougissent et soient dans un trouble extrême, qu'ils prennent la fuite et soient couverts de honte » (Psaume 6, 11).).


Pour se garantir des assauts de ses ennemis, du diable et du monde, il dominait sa chair, qui était son ennemi domestique, en l'assujettissant à l'esprit par des austérités étranges. Il passa seize années entières sans boire de vin (excepté lors de la Messe), ni manger de viande, seulement lorsqu'il était malade, par ordonnance de médecin, commandement de ses Supérieurs, ou importunité de ses amis, et n'a jamais usé ni de l'un ni de l'autre, sans craindre de donner un mauvais exemple à son prochain et sembler être singulier, ou superstitieux. Il mangeait très rarement du poisson, se contentant de gros pain d'orge, d'avoine, ou de fèves, qu'il laissait moisir et se corrompre, afin d'être plus insipides. Il versait dans l'eau qu'il buvait quelque liqueur aigre et amère, pour se souvenir du fiel et vinaigre que son Sauveur avait bu pour lui sur l'arbre de la Croix. Il ne mangeait qu'une fois le jour, et s'il n'était malade au lit. Il jeûnait presque toute l'année, qu'il avait partagée en huit période de Carêmes et pendant la plupart desquels il jeûnait au pain et à l'eau. Le premier commençait le lendemain de l'Epiphanie et se poursuivait 40 jours durant, pendant lesquels, il ne mangeait que du pain le plus souvent sec, parfois trempé en un bouillon de potage, et ne buvait que de l'eau. Le second était le grand Carême de l'Eglise, pendant lequel il jeûnait au pain et à l'eau. Le troisième, qu'il appelait « Carême de Moïse », commençait après Pâques et durait 40 jours, souvent au pain et à l'eau. Parfois, trois fois la semaine, il prenait un potage, mais les onze jours précédant la Pentecôte, il jeûnait au pain et à l'eau . Le quatrième Carême, en l'honneur des Saints Apôtres Pierre Paul, commençait 40 jours avant leur Fête, jeûné parfois au pain et à l'eau. Avec la même austérité, il jeûnait le sixième Carême, en l'honneur des Saints Anges, qui durait jusqu'à la Saint-Michel, puis, commençait le septième, qui durait jusqu'à la Toussaint, et en leur honneur, la plupart du temps, il jeûnait au pain et à l'eau. Le huitième et dernier, qui est commandé aux Frères, était jeûné au pain et à l'eau, commençant le jour des Défunts et continuant jusqu'à la Noël. Il était bien aisé lorsqu'il se blessait aux pieds, allant par les villages ou pour quêter, se réjouissant de pouvoir endurer quelque chose pour l'amour de Dieu. Une jour, alors qu'il s'était enfoncé un clou dans le pied, ne voulant pas l'en retirer, son pied avait enflé et commencé à pourrir, quand son Gardien lui ordonna commanda de se le laisser retirer, ce qu'il fit, endurant la douleur avec patience. Il ne voulait pas purger ni nettoyer ses habits de la vermine qui les recouvraient, et ne voulait jamais se trouver avec les autres Frères à ce qu'ils appellent la secotte. Quand il voyait que quelque bête domestique, grises ou noires, se trouvaient sur son habit, il les mettait aussitôt dans sa manche ou dans son capuchon. Il avait trois sortes de Cilices dont il se servait ; l'un était tissu de grosses étoupes, ou de reparon, rude et piquant ; l'autre était tissé de crins de cheval, et le troisième était composé avec de la peau d'un porc, dont il avait à moitié tondu les poils, afin que ces pointes le piquent vivement et pénètrent en sa peau.


Dieu lui avait donné le singulier don des larmes, qu'il versait abondamment quand il priait et lorsqu'il entendait les Confessions, excitant par son exemple ses Pénitents à la contrition. Concernant la guerre civile qui eut lieu en Bretagne entre le comte de Montfort et Charles de Blois, au cours de laquelle les Rois de France et d'Angleterre furent engagés, chacun pour défendre son allié, étant un jour au Réfectoire, il se prit à pleurer si fortement, qu'il ne put manger, et ne cessa de pleurer toute la journée, prédisant, comme on le pensait, les malheurs que causerait cette guerre. Dieu lui révéla que la ville de Kemper-Korentin (Quimper) serait prise et pillée, et qu'à la suite de cette prise, il y aurait une grande famine. Il en avertit hautement et publiquement les Kemperrois, les avisant à se convertir à Dieu et à faire pénitence ; mais ils ne tinrent pas compte de ses avertissement salutaires, se fièrent à leurs forces. Et la chose arriva comme le bon Père leur avait dit, car, après Pâques, sur le commencement de l'année 1344, le Roi d'Angleterre, ayant défié le Roi de France, pour ce qu'il appelait une infraction de trêves, la guerre se raviva en Bretagne ; et, pour premier exploit, Charles de Blois, s'autoproclamant duc de Bretagne, mena toute son armée devant Kemper-Korentin, qu'il assiégea étroitement, et combattit si furieusement avec toutes sortes d'engins et de machines, qu'il se fit des brèches dans six endroits de la muraille des remparts ; enfin, la ville fut prise d'assaut, et plus de quatorze cent personnes furent tuées, autant d'hommes, que de femmes et d'enfants.


L'année 1349 la ville de Kemper-Corentin et le Pays avoisinant furent affligés d'une épidémie de peste si contagieuse, qu'on ne faisait qu'enterrer les corps. Dieu révéla cette calamité à son serviteur, avant qu'elle n'arrive, de sorte que, le jour des Octaves de Saint François de l'année précédente, étant à Vêpres dans le Chœur avec ses Confrères, il se prit à pleurer tendrement. Interrogé sur la raison qu'il avait de pleurer, il répondit que la ville recevrait, sous peu de temps, une grande calamité ; ce qui fut vérifié car, l'été suivant, la maladie s'y installa et emporta une grande partie de la population. Le Bienheureux Père Jean allait par la ville assistant les malades, leur donnant la communion, et leur administrant les autres Sacrements nécessaires. Et, pendant qu'il s'occupait à ce charitable exercice, Dieu, voulant l'appeler à lui, permit qu'il fut lui-même frappé de ce mal, dont il décéda, et alla jouir de la vie éternelle, après avoir vécu dans l'Ordre pendant 46 ans, et avoir été Recteur de Paroisse pendant 13 ans, âgé d'environ 69 ans. Son Corps fut inhumé dans le Couvent de son Ordre en la dite ville de Kemper-Korentin, dans la Chapelle qui est à coté de la porte du Choeur, sous le Jubé, du coté de l'Evangile. Et, depuis, il a été levé d'une vieille châsse dans laquelle il se trouvait, et a été mis dans une autre, plus honorable, conservée sous un petit Dôme en forme de Chapelle, composée de treillis et de grilles en fer. D'où on a encore transféré ces reliques dans la Chapelle qui fait l'aile droite du Choeur, et déposées sur l'Autel dans un petit Tabernacle, couvert d'un voile de riche étoffe ; et, devant ce Tabernacle, se trouve le portrait du Saint, sur un tableau bien ouvragé, qui a été donné par Dame défunte, Blanche de Lohéac, Dame de Missirien. Il est en grande vénération dans la ville, et plusieurs personnes, souffrant de grandes infirmité, y ont été délivrées par ses mérites. Il y a un mot dans le manuscrit de sa vie, qui contient tous les éloges qu'on lui pourrait donner : « De puritate Reguloe non est inventus transgredi unum Iota », ce qui me fait souvenir du dire d'un grand Pape : Qu'on lui nomma un Frère Mineur qui n'aurait transgressé sa Règle, il ne voudrait pas d'autres miracles pour le Canoniser ».


Ce texte a été réactualisé en français moderne, d'après le texte original, en vieux français, datant de 1636, et est extrait de « Vies des saints de la Bretagne Armorique » d'Albert Le Grand.



07/04/2014
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