Saint Guillaume Pinchon 02
Saint Guillaume Pinchon
Second patron du Diocèse de Saint Brieuc
1184-1234
Fête le 29 juillet
Saint Guillaume était d'une noble famille du Diocèse de Saint Brieuc. On lui donne pour père Olivier Pinchon, de la paroisse de Saint Alban, près de Lamballe et pour mère, Jeanne Fortin, de la paroisse de Plenée-Jugon, dans le même diocèse, ou de celle du Pleurtuit, dans le Diocèse de Saint Malo.
La chasteté admirable, et toutes les autres vertus qui brillèrent dans Saint Guillaume, nous font assez juger que ses parents lui donnèrent une bonne éducation. Il était bien fait, d'une belle figure; il avait la persuasion sur les lèvres, et une douceur de mœurs qui lui gagnait l'affection de tout le monde, avantages qui pouvaient être dangereux pour lui et propres à l'exposer de bonne heure à la perte de son innocence, s'il n'avait été soutenu d'une grâce puissante. Il en éprouva le secours et y répondit fidèlement, dans la maison d'un homme riche, où une fille, profitant des ombres de la nuit, ne rougit pas d'aller le provoquer au crime. Le saint homme, persuadé que la fuite est le remède le plus efficace dans cette sorte de guerre, où les domestiques sont d'intelligence avec l'ennemi, s'éloigna sans balancer de la malheureuse personne, avec la même vivacité qu'on se retire du milieu des flammes dans un incendie, et qu'on prend la fuite devant un serpent. Guillaume eût toujours depuis, le même attachement pour cette aimable vertu.
La piété de ce vertueux jeune homme lui inspirait de l'attrait pour l'état ecclésiastique, et son mérite le rendait digne d'être admis dans le sanctuaire. Josselin, Évêque de Saint Brieuc, lui conféra la tonsure ecclésiastique, les ordres mineurs et le sous-diaconat; et voyant le si grand bien qu'on pouvait se promettre d'un jeune clerc si prudent et si sage, il le prit dans sa maison, le retint auprès de lui et lui conféra les ordres du Diaconat et de la Prêtrise. Les deux successeurs de Josselin, Pierre V et Sylvestre, fixèrent également Guillaume auprès d'eux, mais on ignore quels emplois ils lui donnèrent. Il fut pendant ce temps nommé a un canonicat de l'église de Tours, sans qu'on sache s'il put aller résider dans cette ville. Sylvestre mourut en 1220, après un an et demi d'épiscopat selon le Père Albert le Grand, où plutôt après avoir tenu le siège huit ans, si on se rapporte aux anciennes chroniques, et Guillaume fut élu pour succéder à Sylvestre, dans un temps où l'Eglise de Bretagne, inquiétée par le Duc Pierre de Dreux, avait besoin de pasteurs qui eussent le courage de la défendre. Alors ce saint Prélat ne se contenta pas d'avoir les reins ceints par la Chasteté, il crut qu'il était de son devoir de prendre à la main la lampe ardente par laquelle nous sont désignées les œuvres de Charité. Il se regardait comme un père pour les pauvres, en cette qualité, obligé de les nourrir et de soulager les misérables dans leurs nécessités. Il ne se croyait pas quitte envers eux par les libéralités de son aumônier; il portait lui-même une bourse pour ne pas s'exposer à la douleur de rencontrer quelque indigent auquel il ne pût faire du bien. Sa sollicitude pour eux était si grande, que quand on leur distribuait les restes de sa table, il se tenait à une fenêtre, attentif à ceux qui donnaient et à ceux qui recevaient, et veillant à ce que cette distribution se fit de manière à contenter tout le monde. Si le nombre des pauvres se trouvait trop grand, par rapport à ce que l'on avait à distribuer, il y faisait suppléer sur le champ. Dans une année de cherté, Saint Guillaume voyant les pauvres languir de faim, leur ouvrit ses greniers et leur fit distribuer tout son grain; et comme il n'y en avait pas encore assez pour fournir à leurs besoins, il emprunta le blé de ses chanoines pour en faire l'aumône. Enfin, il poussa la libéralité envers les miséreux jusqu'au point qu'il ne lui resta même plus de quoi faire un testament. Heureux en cela d'avoir mieux aimé se faire un trésor qui l'a suivi dans le Ciel, que d'amasser des richesses qui l'auraient abandonné à la mort.
Ses occupation extérieures n'excluaient pas en lui l'attention intérieure à écouter Dieu et à Lui parler dans la prière. Guillaume, appliqué à entendre la voix Divine dans le secret du recueillement, employait aussi la sienne à célébrer sans cesse Ses louanges; car outre les heures canoniales et les autres prières « ordinaires », il ne se passa pas de jour qu'il ne récitât tout le Psautier, qu'il savait par cœur. C'est ainsi que le Feu Céleste de la lampe dont il se servait pour éclairer les autres pénétrait jusqu'à son âme.
Sa dignité n'était pas une raison qui le dispensât des services les plus bas, quand il s'agissait de se rendre utile aux pauvres ; on l'a vu prosterné par terre pour souffler de sa propre bouche, le feu destiné à faire cuire la nourriture qu'il leur destinait. Il vint un jour chez lui un homme emprunter une cuve pour donner un bain à une pauvre femme. Il était alors seul à la maison avec son chapelain. Il ne différa pas pour autant de s'occuper de cette bonne œuvre, il alla ôter le blé dont la cuve était remplie, et avec l'aide de son chapelain, il la chargea sur les épaules de celui qui était venu la chercher. Allant se coucher un soir, il aperçut qu'on avait dressé par terre le lit d'un religieux qui était logé dans la maison épiscopale, pendant que le sien était dressé dans un lieu plus élevé et plus commode. Cette différence choqua son humilité; il fit aussitôt venir du monde et ne se coucha point tant que l'on eût mis les deux lits égaux. Mais quand il était sans témoins, il couchait souvent sur la dure, pendant que ses serviteurs croyaient qu'il reposait mollement. Il traitait son corps comme un ennemi dangereux, et employait les rigueurs de la pénitence à diminuer ses forces et sa vigueur, qui ne sont que trop souvent préjudiciables à celles de l'âme. Son rang et sa dignité l'engageaient, en beaucoup d'occasions, à donner des repas où régnait une honnête, quoique modeste, abondance; mais il goûtait peu des viandes que l'on servait aux autres, et les pauvres en profitaient plus que lui. Sa boisson habituelle était de l'eau pure, et, s'il y mêlait du vin, c'était en très infime quantité.
Ses entrailles étaient toujours émues quand il voyait les peines et les misères des autres. Une femme hydropique lui demandait un jour l'aumône. Le saint, la voyant dans un état si digne de compassion, ne se contenta pas de soulager sa pauvreté; il voulut aussi apporter quelque soulagement à son mal. L'évêque, à son repas, se souvint d'elle, et lui envoya le meilleur plat de sa table, auquel il avait à peine goûté. Celui qui fit la commission chercha longtemps cette pauvre femme dans les rues, et la trouva enfin chez elle, couchée et souffrant des douleurs qui la mettaient à l'extrémité. A cette nouvelle affligeante, le Saint Prélat s'en alla à l'église offrir à Dieu le sacrifice de ses larmes et de ses prières, et il y demeura jusqu'à ce qu'on lui dise que la femme était levée et parfaitement guérie. Il en eût une joie extrême et se fit amener cette femme. Quand il la vit, il avait peine à s'en rapporter au témoignage de ses yeux, tant il était hors d'apparence qu'une personne qu'il avait vue le même jour dans un état si déplorable eût en si peu de temps recouvré une santé si parfaite. Mais on ne douta point que ce changement si surprenant ne fut l'effet des prières du Saint et de l'égard que Dieu avait eu pour ses larmes et sa Charité.
Pendant la guerre que la mauvaise conduite du Duc Pierre de Dreux attira à la Bretagne, la ville de Saint Brieuc n'étant pas fermée, était au pouvoir, tantôt des Bretons, tantôt des Français, et exposée à mille ravages. C'était des ces occasions qu'éclatait tout le zèle et toute la tendresse du Pasteur, occupé sans cesse à rassembler ses ouailles dispersées et à les consoler. Combien de fois s'est-il présenté au milieu des brigands! Combien de fois a-t-il exposé sa vie pour conserver la vie et les biens de ceux dont la Providence lui avait confié le soin! Combien de fois des hommes de sang ont-ils mis sur lui leurs mains sacrilèges, levé sur lui l'épée, accablé d'injure et tâcher d'épouvanter le Saint et Vénérable Pasteur, qui ne leur opposait qu'une fermeté inébranlable et un courage invincible! Il ne pouvait quelques fois refuser aux instantes prières de son clergé d'user du glaive spirituel, en retranchant du sein de l'Eglise ces ennemis sanguinaires et des cruels brigands; mais ce n'était que l'âme pénétrée de douleurs, et les yeux baignés de larmes, qu'il exerçait dans ces extrémités fâcheuses la puissance des Clefs.
Le Duc, pendant ce temps-là, persécutait l'Eglise et s'en déclarait l'ennemi, sous prétexte de retrancher les usurpations, et de la réduire au terme de modestie qu'il s'imaginait lui convenir mieux que l'extérieur trop brillant et le faste auquel il prétendait qu'elle s'était insensiblement livrée. Les exécuteurs de ses ordres trouvèrent dans l'Evêque de Saint Brieuc un mur d'airain, qui arrêta leur progrès et déconcerta leurs entreprises. Il essuya leurs injures et leurs menaces avec une fermeté qui les irrita. Il eût volontiers donné sa vie pour cette cause; mais on se contenta de le chasser de sa province. Le Saint, persuadé que tous les pays sont également la Patrie de l'homme vertueux, et que le Chrétien qui possède Dieu, possède tout, endura sans peine l'exil, la honte, la perte des biens, dans l'espérance d'avoir part à la béatitude promise à ceux qui souffrent persécution pour la Justice. Il se retira dans le Diocèse de Poitiers, où l'Evêque, accablé par la maladie et hors d'état d'agir, le pria de prendre soin de son troupeau. Saint Guillaume y passa quelques années, pendant lesquelles il édifia merveilleusement ces étrangers par la sainteté de sa vie; il fit les ordinations, dédia les églises, consacra des autels, administra le Sacrement de Confirmation, remplit tous les autres devoirs du Pasteur en chef et se rendit agréable aux hommes, comme il l'était à Dieu.
Enfin, quand il eût plu au Seigneur d'adoucir la férocité du prince et de rendre la paix à l'Eglise de Bretagne, Guillaume revint en 1230 prendre soin de son propre troupeau. Non content de l'édifier par sa sainte vie, de le nourrir spirituellement et corporellement, de le défendre et de le protéger, il voulut aussi embellir la ville d'un temple matériel, et commença à bâtir l'église-Cathédrale que l'on y voit encore aujourd'hui et qui n'est pas des moins belles de la province. Soit impression de l'Esprit de Dieu qui la parole dans la bouche des Prophètes, soit du mouvement du courage et de la résolution du saint homme, on rapporte que, pensant sérieusement à la difficulté de l'entreprise, aux frais de l'exécution, à la longueur du travail, il dit avec assurance: « J'achèverai pourtant mon église, vif ou mort ».
Le Seigneur voulut récompenser une vie si pure et si remplie de bonnes oeuvres, en appelant à Lui son serviteur pour le faire jouir des récompenses éternelles. Saint Guillaume, après avoir rempli tous les devoirs d'un bon pasteur, mourut le 29 juillet (1234), qui est le jour où l'Eglise célèbre sa fête. Son corps fut inhumé dans son église-cathédrale, sous une tombe plate, au côté droit du haut de la nef. Il demeura là, caché comme une pierre précieuse, jusqu'à ce que deux ans après sa mort, Philippe, son successeur, ayant le dessein de continuer le bâtiment de l'église, fut obligé, pour en suivre les alignements, de faire creuser dans l'endroit où le Saint avait été enterré. Il rassembla pour cet effet le clergé et le peuple, et quand on eût découvert le corps saint, on le trouva aussi entier que le jour de son décès, il en sortait une odeur aussi agréable que si on eût soin d'employer à l'embaumer d'aromates les plus précieux.
Depuis ce moment, il se fit un si grand nombre de miracles par l'intercession de Saint Guillaume, que la réputation de sa sainteté fut portée, non seulement dans toute sa province, mais encore dans les pays les plus éloignés; et le concours des peuples fut si grand à son tombeau, que les offrandes qu'ils y firent et leurs libéralités donnèrent à l'Evêque Philippe le moyen de finir l'ouvrage que son prédécesseur avait commencé. Ainsi fut accompli ce que le Saint avait dit, qu'il bâtirait cette église, vif ou mort.
L'Evêque Philippe eût soin de dresser un recueil authentique des miracles qui se firent au tombeau du saint, et le porta à Lyon, au Pape Innocent IV. Ce Pontife eût une joie sensible d'apprendre des merveilles si touchantes, et envoya en Bretagne un Cardinal, qu'il chargea du soin de dresser une enquête juridique. Le jour même que le Cardinal avait marqué pour l'ouverture de l'enquête, il y eût une affluence étonnante d'étrangers, de pays forts éloignés, qui vinrent, outre les témoins qui avaient été assignés, rendre eux-mêmes témoignage, de l'épreuve qu'ils avaient faite, en particulier, du pouvoir qu'avaient auprès de Dieu les suffrages du Saint Evêque. Le Pape, après avoir vu l'enquête, entendu le rapport du Cardinal, ainsi que de tous les Prélats qui étaient présents, inscrivit Guillaume au Catalogue des Saints, et lui décerna un culte public, par sa bulle du 15 avril 1274.
Le Pape commanda à tous les Évêques du Royaume de France d'en célébrer la Fête le 29 juillet, jour de son décès, et d'ordonner qu'elle soit célébrée par tous les fidèles. A ces dispositions, il ajoute des indulgences d'un an et de 40 jours pour ceux qui visiteront son tombeau le jour de sa fête et pendant l'octave.
Culte et reliques
Le corps du Saint fut solennellement levé de terre en 1248. L'autorité ecclésiastique de Saint Brieuc lui érigea un tombeau sur le lieu de sa sépulture, et établit au 15 avril, une fête particulière de sa canonisation, qui se célèbre encore aujourd'hui, outre la fête du 19 juillet. Ce tombeau se voit encore aujourd'hui dans l'église-Cathédrale; il se trouve entre deux piliers devant la chapelle dite du Saint Sacrement. Sur le monument est la statue du Saint en habits pontificaux, couchée et tenant sa crosse. Quant aux reliques de Saint Guillaume, son crâne était autrefois dans un buste en argent qui a été enlevé lors de la spoliation des églises en 1793. Le reste du corps se trouvait dans une châsse, placée au dessus de l'autel dont nous venons de parler. Ce précieux trésor fut préservé de la profanation dans le temps de la Révolution par un prêtre constitutionnel, nommé Pincemin, qui en a laissé le certificat; mais il paraît que l'on à pas trouvé son témoignage assez important, et que l'on conserve ces reliques dans la sacristie, sans oser les exposer à la vénération des fidèles. Le crâne du Saint est à présent joint aux reliques de Saint Brieuc dans le beau reliquaire en bronze doré donné en 1820 par Monseigneur de Quelen. On voit aussi dans la même église huit dents du Saint Evêque. On lui dédia après sa canonisation, l'ancienne église Notre Dame de la Porte, qui est à l'entrée de la ville de Saint Brieuc, du côté de la route de Lamballe. Cette église, qui était collégiale, a porté jusqu'à la Révolution, le nom de Saint Guillaume, mais elle est profanée depuis cette déplorable époque. On peut dire que le culte de ce Saint a été universel dans toute la Bretagne, puisque sa fête se trouve marquée dans tous les anciens calendriers au 29 juillet, à l'exception de celui de l'Eglise de Vannes, où elle est avancée au 19, et de celui de Léon, où elle est différée au 30. Le Diocèse de Rennes, a depuis longtemps supprimé la fête de Saint Guillaume sans qu'on en connaisse la raison; mais on la célèbre encore dans ceux de Nantes, de Vannes et de Quimper. Elle est à Saint Brieuc, de rite solennel majeur avec octave. (Extrait des Vies des Saints de Bretagne, par Dom Lobineau)
Texte intégralement extrait des Petits Bollandistes, Tome 9
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