Saint François Solano
Saint François Solano
Missionnaire de l'Ordre des Frères Mineurs
+ en 1610
Fête le 24 juillet
Saint François Solano naquit à Montilla, en Andalousie, diocèse de Cordoue, au mois de mars 1549. Son père et sa mère, distingués par leur rang et leur piété, lui inspirèrent, dès la première enfance, la crainte et l'amour de Dieu. Il fit ses études chez les Jésuites, où il s'attira l'affection de tous ceux qui le connurent, par sa modestie et sa douceur. Sa présence seule prévenait les jeux et les paroles déshonnêtes. Il aimait tant la paix, qu'il s'empressait de concilier les querelles de ses condisciples. Un jour même, voyant deux hommes se battre en duel, il alla hardiment à eux, et leur dit avec une douceur extrême: « Pour l'amour de Dieu ne vous battez pas d'une manière si dangereuse car il n'y a personne pour vous et certainement réconcilier, vous vous blesserez à mort ».Touchés de cette remontrance ingénue, les deux hommes remirent l'épée dans le fourreau et se quittèrent en paix.
Les heures qui n'étaient point données à l'étude, le jeune François les employait à cultiver le jardin de son père, et il charmait ce travail par le chant des cantiques. Pour croître en piété, non moins qu'en science, il fréquentait assidûment les sacrements de Pénitence et d'Eucharistie. A l'âge de vingt ans, il entra chez les Franciscains de Montilla. Les austérités du noviciat ne suffisaient point à sa ferveur. Sous ses vêtements ordinaires, il portait un rude cilice, observait un jeûne presque continuel, couchait sur des sarments, avec un bloc de bois pour oreiller, pendant l'Avent et le Carême, et se donnait fréquemment la discipline jusqu'au sang. Après sa profession, il suivit les études de philosophie et de théologie. A mesure qu'il comprenait ces sciences, il les tournait, en méditations accompagnées de prières et de larmes, en sorte qu'il devint à la fois le plus savant et le plus saint. Nommé maître des novices, puis supérieur d'un couvent, il instruisait et commandait plus par ses exemples que par ses paroles. Ayant obtenu d'abdiquer ces charges, il se donna tout entier au salut des âmes, prêchant avec beaucoup de foi, de charité et de fruit le pauvre peuple de la contrée. Quand il était envoyé à la quête, il assemblait autour de lui les petits enfants, et récitait avec eux les principales vérités de la doctrine chrétienne. La peste s'étant déclarée dans le pays, François se dévoua au service des malades, tant pour l'âme que pour le corps. Il leur apprenait à sanctifier leurs peines, et tâchait d'y porter remède. Ceux qui échappaient à la mort, il les habillait à neuf, et les reconduisait chez eux au chant des cantiques. Le religieux qui le secondait étant mort, François fit tout seul l'office de deux. Il fut atteint lui-même mais, à peine rétabli, il retourna servir ses chers malades, jusqu'à ce que le fléau eut cessé. Sa foi et sa charité obtinrent plus d'une guérison extraordinaire.
Comme les populations reconnaissantes lui témoignaient une grande estime et affection, l'humble François cherchait à s'y dérober. Il demanda la permission d'aller prêcher les barbares de l'Afrique, espérant y verser son sang pour la foi. Il obtint seulement d'aller dans l'Amérique méridionale, en 1589. Sur les côtes du Pérou, le vaisseau fut assailli d'une furieuse tempête, qui le poussa contre un banc de sable et y fit une voie d'eau. Le pilote, n'y voyant pas de remède, engagea les principaux passagers à se sauver dans la chaloupe François Solano était du nombre. Mais, considérant que la multitude ne pouvait en profiter, il s'écria tout haut: « A Dieu ne plaise que, pour l'amour de la vie temporelle, je me sépare de mes frères que voilà et qui sont en péril et de la vie temporelle et de la vie éternelle ». Aussitôt, élevant la croix, il les exhorta à implorer la miséricorde divine. Comme, dans le nombre, il y avait des nègres encore infidèles, il les instruisit en peu de mots de la foi chrétienne, et leur conféra le Baptême. Quelques moments après, un coup de vent rompit le navire en deux. La moitié, dans laquelle se trouvaient la plupart des néophytes, disparut dans les flots. L'autre moitié, dans laquelle se trouvait saint François, se mit à surnager. La terreur était au comble parmi ses compagnons de naufrage seul sans crainte, le saint homme les exhorte à mettre leur confiance en Dieu, à mériter son secours par la prière et la pénitence, assurant que la chaloupe reviendrait les prendre après trois jours. Dans l'intervalle, il leur prêcha la pénitence sur le débris du navire, leur donnant lui-même l'exemple en se frappant avec des cordes sur les épaules nues. Après qu'ils eurent ainsi passé trois jours et trois nuits entre la vie et la mort, ils virent apparaître la chaloupe. François allait y monter le dernier, quand la partie du navire qui les avait sauvés pendant trois jours vint à s'engloutir. Comme les vagues avaient éloigné la chaloupe, le saint homme la joignit à la nage son habit fut emporté par les flots, mais il le retrouva à terre, sur le rivage.
Quand les missionnaires se furent un peu remis de leurs fatigues à Lima, François Solano fut envoyé à plus de sept cents lieues, dans la province de Tucuman, autrement Rio de la Plata, pour évangéliser les peuplades errantes dans les forêts et les déserts. Leurs langues étaient diverses et très-difficiles il les apprit en peu de temps, moins par les efforts de l'esprit et de la mémoire, que par la grâce de Celui qui a dit « Ceux qui croiront en moi parleront des langues nouvelles». Car, au bout de quinze jours, il parlait une de ces langues, de manière à surpasser les indigènes. Ceux-ci, dans les commencements, attribuèrent ce prodige à la magie mais bientôt ils remarquèrent quelque chose de plus merveilleux. Comme à la première Pentecôte, tandis que le Saint parlait dans une seule langue, il était compris dans toutes les autres. Mais ce à quoi le nouvel apôtre s'appliquait encore plus qu'à la parole, pour la conversion des âmes, c'était à la prière, aux jeûnes, aux austérités volontaires. Les voyages, les fatigues, les périls à travers les forêts, les déserts, les fleuves, rien ne lui coûtait pour gagner à Jésus-Christ les pauvres sauvages, les instruire, les baptiser, entendre leur confession. Avec le temps, il n'eut plus besoin de courir après eux ils venaient le trouver d'eux mêmes, et par grandes troupes. Et ce que n'avaient pu obtenir d'eux les magistrats par la rigueur de la justice et la crainte des peines, le Saint n'avait qu'à dire un mot, et ils l'exécutaient à l'instant avec joie. Voici entre autres une preuve de l'autorité que son humilité et sa charité lui avaient acquise.
Un jour de Jeudi saint, pendant que les fidèles étaient occupés aux divins offices, survint une armée de barbares leur apportant la guerre et la mort. L'épouvante fut extrême. François Solano marcha seul au-devant des ennemis et, quoiqu'ils parlassent des langues bien diverses, il leur annonça dans une seule langue la paix et la concorde. Ils le comprirent si bien, que plus de neuf mille de ces barbares demandèrent et reçurent le Baptême. Leur changement fut tel, que cette nuit-là même un grand nombre d'entre eux se mêlèrent aux fidèles catholiques pour se donner la flagellation, en l'honneur de Jésus flagellé à la colonne. Tous ces peuples, retournés chez eux, assurèrent, avoir entendu toutes leurs langues dans celle du saint homme. D'autres miracles augmentèrent encore sa renommée. Un jour qu'il prêchait dans le Tucuman, il apprit que ces peuples, à cause du manque d'eau, étaient sur le point de quitter le pays, à leur grand regret et préjudice. Éclairé d'en haut, il leur assura que tout près était une source d'eau vive. Les habitants ne pouvant y croire à cause de la longue sécheresse, il sortit avec eux dans un champ, et, désignant avec son bâton un endroit tout à fait aride, il leur ordonna d'y creuser. A peine eurent-ils enlevé un peu de terre, qu'il en coula une fontaine considérable d'eau douce. Aujourd'hui encore elle est si abondante, qu'elle fait tourner deux moulins et les habitants, Espagnols et Indiens, n'ont cessé de l'appeler la fontaine de Saint Solano.
Nommé successivement Custode de la province de Tucuman, et supérieur du monastère de Lima, François fit tant par ses humbles supplications, qu'il fut déchargé de ses emplois, afin de pouvoir s'appliquer uniquement à la prédication et au salut des âmes. Dieu le favorisait de grâces extraordinaires, de la connaissance surnaturelle des cœurs, du don de guérison, de l'esprit de prophétie. Comme on voyait ses prédictions s'accomplir exactement, ses menaces faisaient une impression terrible. En 1603, prêchant dans la ville de Truxillo, non loin de Lima, il annonça expressément, quinze ans d'avance, que la première de ces villes serait détruite avec l'église où il prêchait, mais non pas la chaire, qui resterait intacte au milieu des ruines. Ce qui s'accomplit à la lettre, par un tremblement de terre, le 14 février 1618. L'année qui suivit cette prédiction, c'est-à-dire en 1604, étant à Lima, il sortit un jour du monastère vers le soir, s'avança sur la grande place, devant le peuple, qui accourut bientôt de toute part. Il se mit à parler fortement contre la corruption des moeurs, et prenant pour texte cette parole de saint Jean: « Tout ce qu'il y a dans le monde est convoitise de la chair, convoitise des yeux et orgueil de la vie », il annonça d'une manière menaçante la prochaine perdition, non pas de la ville matérielle, mais des âmes de ceux qui l'habitaient. Cette prédication fut pour le peuple de Lima ce que la prédication de Jonas fut pour le peuple de Ninive. Quoique le Saint n'eût point parlé de la ruine de la ville, mais de celle des âmes, tous les auditeurs l'interprétèrent dans les deux sens. La ville entière se revêt de deuil tout le monde se frappe la poitrine et implore la divine Miséricorde; les églises sont ouvertes, le Saint-Sacrement exposé; on se confesse avec grande componction; les confesseurs de la ville ne peuvent y suffire. Cette terreur salutaire se répandit jusque dans les maisons des religieux ceux de Saint-Dominique pratiquèrent sur eux-mêmes des pénitences extraordinaires et chantèrent des litanies pour apaiser la justice du ciel. Le vice-roi du Pérou, étonné de cette commotion soudaine de toute la ville, se consulta la nuit même avec l'archevêque de Lima, saint Thuribe. Une commission fut nommée pour en rechercher les causes. Elle appela saint François qui répéta devant elle son serment. L'effet en fut le même, tous les auditeurs furent saisis de crainte et fondirent en larmes. En même temps, le Saint donna une déclaration par écrit qu'il n'avait point parlé de la destruction matérielle de la ville, mais de la ruine spirituelle des âmes par le péché. Cette déclaration fut rendue publique mais elle n'empêcha point que la componction et la terreur ne vinssent encore à augmenter. Alors le vice-roi dit « Ne prenons pas de peines inutiles c'est ici l'œuvre de Dieu, qui a voulu, par ce moyen amollir les cœurs jusqu'alors endurcis ».
Ce que saint François Solano avait été toute sa vie, un modèle de foi, de patience, d'humilité, de charité et de dévotion séraphique, il le fut particulièrement les deux mois qui précédèrent sa mort. Exténué par une fièvre continue, il regardait le Sauveur sur la croix et le bénissait de ce qu'il voulait bien suppléer par les douleurs de la maladie à la discipline qu'il ne pouvait plus se donner. Il s'entretenait continuellement avec Dieu, ou de Dieu avec ses frères. Souvent il était ravi en extase. A la fête de la Sainte-Trinité, il sortit de sa cellule, malgré sa faiblesse, et entonna d'une voix forte: « Bénissons le Père et le Fils, avec le Saint-Esprit » Son aspiration familière était: « Glorifié soit Dieu » A la fête du Saint-Sacrement, il eut des entretiens extatiques avec l'Agneau de Dieu, sur son lit de douleur. Il prédit qu'il mourrait le jour de saint Bonaventure, son saint de prédilection. Trois jours avant sa mort, regardant le religieux qui le servait, il fondit en larmes et dit: « Seigneur Jésus, d'où me vient ceci ? Vous êtes attache à croix, et moi je suis soulagé par le ministère de vos serviteurs; vous êtes nu, et moi couvert; vous êtes frappé de soufflets et couronné d'épines, et moi comblé de tant de biens et consolé de tant de manières! »
Le jour de saint Bonaventure, 14 juillet, la fièvre cessa tout à coup, l'haleine du malade répandit une odeur suave, ses mains perdirent leurs rides. Comme les religieux récitaient l'office divin, le malade éleva ses mains au Gloria Patri, et dit son aspiration accoutumée « Glorifié soit Dieu! » On chanta ensuite le Symbole de la foi. Quand on fut à ces mots « Et en Jésus-Christ, notre Seigneur qui a été conçu de l'Esprit Saint, est né de la Vierge Marie », la cloche de l'église tinta l'élévation de la messe solennelle aussitôt, le saint homme, regardant le crucifix et croisant ses mains, aspira pour la dernière fois sa prière « Glorifié soit Dieu » et il expira, le 14 juillet 1610, à l'âge de soixante et un ans. Des miracles sans nombre attestèrent aussitôt sa sainteté. Les actes en citent plus de cent pour sa béatification. Le procès de canonisation en cite encore plus de vingt. Il fut béatifié par Clément X, et canonisé par Benoît XIII, en 1726. On le représente baptisant des populations locales, et tenant à la main un chapelet.
Texte extrait des Petits Bollandistes, volume 9
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