Spiritualité Chrétienne

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Saint Basile d'Ancyre

 Saint Basile d'Ancyre

Prêtre et Martyr

+ en 362

Fête le 22 mars


Ancyre, l'ancienne métropole de la Galatie, est encore aujourd'hui, sous le nom d'Ankara, l'une des cités les plus importantes de l'Asie Mineure. Cette ville industrielle, située sur un affluent du Haut Sakaria et qui compte 75 000 habitants, fut choisie, comme on sait, en 1923, pour être la capitale de la République Turque, à la place de Constantinople, où Istanbul. L'une de ses plus pures gloires est d'avoir porté dans son sein un intrépide défenseur de la religion Chrétienne, Saint Basile, Prêtre et Martyr, qu'il ne faut pas confondre avec l'un de ses homonymes, l'Évêque Basile d'Ancyre, personnage d'ailleurs diversement apprécié, et chef principal des semi ariens contre lesquels nous verront le Saint Prêtre combattre énergiquement.


Fidélité constante de Saint Basile


Basile ne nous est connu que dans ses luttes et dans son martyre. Ses Actes ne nous disent rien de sa naissance et de la première partie de sa vie. Il dut être témoin dans sa jeunesse des beaux exemples de son Evêque, Marcel, qui, en 336, fut, à cause de son attachement à la Foi de Nicée, déposé par un synode Arien et ensuite exilé. Au milieu des défection nombreuses, multipliées autour de lui dans les rangs du Clergé, en face de la lâcheté grandissante de fidèles découragés, ce Prêtre mena toujours une vie irréprochable et sainte, se montrant digne des grands hommes qui l'avaient formé à la pratique des vertus Chrétiennes. Il fut surtout assidu au ministère de la prédication, et sa parole apostolique produisit de merveilleux fruits dans L'Église d'Ancyre. Sans souci des troubles que l'hérésie suscitait autour de lui, ni des adversaires qui le surveillaient, prêts à l'accuser s'ils avaient pu découvrir en sa parole ou dans sa conduite quelque point faible, il se livrait tout entier à ses devoirs de Prêtre avec un calme que rien n'altérait.


La persécution Arienne


Basile vivait au temps ou l'Arianisme exerçait ses ravages et obtenait ses triomphes les plus éclatants. Jusqu'à sa mort, il eût à lutter, avec les Chrétiens résolus à demeurer fidèles, contre les fauteurs de cette hérésie, particulièrement nombreux et puissants à Ancyre. Constance, le troisième fils de Constantin, était alors au pouvoir. Il fit cause commune avec les hérétiques, se constitua leur protecteur tout-puissant, fit condamner, au synode arien d'Antioche, l'illustre Saint Athanase, champion intrépide des doctrines Catholiques contre les erreurs d'Arius, et, poursuivant violemment sa victoire, il plaça sur le siège de Constantinople, en 342, l'intrus semi Arien Macédonius, malgré une émeute qui coûta la vie à 3 150 personnes, d'après une tradition rapportée par l'historien Socrates. Sous son égide protectrice, les Ariens de toutes les villes d'Orient respirèrent à l'aide. La persécution s'ouvrit contre le noyau de Chrétiens de chaque localité restés fidèles. Des scènes lamentables se produisirent en plusieurs points; le sang fut versé; les partisans de l'orthodoxie de la Foi virent leurs églises renversées, leurs biens confisqués, et furent voués à l'exil ou aux supplices. Certains Ariens modérés, qu'on appelle, à cause de leur doctrine flottante et dangereuse « semi-ariens », sans nier, comme les hérétiques déclarés, la divinité de Jésus-Christ, n'osaient cependant pas confesser avec l'Église Catholique que Jésus-Christ est en tout égal à Son Père. Ils pensaient concilier tous les partis, satisfaire à la fois Catholiques et Ariens, l'empereur Constance et l'Évêque Saint Athanase, rendre la paix aux Églises et mettre fin à la persécution par le changement d'un seul mot, l'insertion d'une seule lettre grecque, un iota, c'est à dire un i, dans le terme, omoousios (consubstantiel), dont ils faisaient omoiousios. Changement peu important, en apparence seulement. De cette façon, au lieu de dire Jésus-Christ est une même substance avec Son Père, un même Dieu, les semi-ariens disaient: Jésus-Christ est d'une substance semblable à celle de Son Père. C'était une compromission faite avec l'ennemi, une conciliation fâcheuse à tous les égards pour le Catholicisme. Basile vit le piège qu'on tendait au peuple fidèle; il ne mit pas moins de zèle à démasquer le semi-arianisme qu'il n'en avait apporté à combattre l'arianisme formel. Les Ariens, qui le regardaient comme le plus dangereux ennemi de leur secte, lui défendirent, en 360, de tenir des assemblées, mais, fort de l'appui des Évêques de Palestine, qui, toujours attachés à la Vérité, le soutenaient de leurs exhortations, il n'eût aucun égard à cette injuste défense, et continua toujours de combattre l'erreur, même en présence de l'empereur Constance.


Julien l'Apostat et la renaissance du paganisme


Julien, surnommé l'Apostat, succéda à Constance. A son arrivée au trône impérial, le paganisme, humilié sous le gouvernement Chrétien des précédents empereurs, Constantin le Grand et ses trois fils, releva la tête. L'Apostat se proclamait, en effet, adorateur du soleil; il ne dédaignait pas de descendre lui-même jusqu'aux fonctions les plus basses du culte païen. On le vit, revêtu des habits pontificaux, apporter lui-même le bois pour les sacrifices, souffler le feu, plonger ses mains dans le sang des victimes, au risque de se couvrir de ridicule aux yeux même des païens qui trouvaient ce zèle intempestif. Aussi, dès les premiers mois qui suivirent son entrée à Constantinople, le nouveau César fit rouvrir les temples païens en même temps qu'il prescrivait le culte officiel des faux dieux. Lui-même, non content de passer pour le protecteur de l'idolâtrie, se donna pour le plus fervent de ses pontifes. Un temple s'éleva dans son palais, et ses jardins furent consacrés à de vaines divinités. A son exemple, les gouverneurs païens des provinces s'enhardirent à réparer ou réédifier les temples, à célébrer les antiques sacrifices, processions, fêtes et mystères du paganisme.


Un proconsul confondu


Dans la lutte contre la religion païenne comme dans les combats livrés à l'hérésie, Basile d'Ancyre se montre jusqu'au bout l'intrépide soldat du Christ. A la vue des sacrilèges attentats des païens triomphants, le zèle indigné de ce Saint Prêtre ne connaît plus de bornes. Il court par toute la ville, exhorte les fidèles à combattre courageusement pour la cause de Dieu et à ne point se souiller par les cérémonies abominables des idolâtres. C'en est assez pour exciter la rage des ennemis. Un jour qu'il gémissait tout haut de tant d'iniquités, et demandait à Notre Seigneur de dissiper ses ennemis et d'anéantir l'empire du Démon, un païen, nommé Macaire, le surprit dans sa prière et le dénonça au proconsul Saturnin. Bientôt, l'accusé était cité devant ce magistrat. « Voici, disaient les délateurs, celui qui renverse nos autels, excite tout haut les habitants à s'opposer au rétablissement des temples et tient depuis longtemps des propos injurieux contre notre divin empereur et sa religion ». Ainsi chargé, Basile garda une attitude fière et indépendante. Le proconsul lui demanda s'il regardait comme véritable la religion établie par le prince. « La croyez-nous telle vous-même? Répliqua le Confesseur de la Foi, pouvez-nous sainement vous persuader que des statues muettes soient des dieux? » Saturnin prolongea son interrogatoire, mais ne put obtenir de l'accusé que des réponses brèves, fermes, humiliantes pour lui: « L'empereur que vous me vantez, disait Basile, est de terre: Il tombera sans retard entre les mains du Roi suprême. Quant à l'impiété que vous avez établie, Dieu la détruira bientôt. » Le proconsul essaya par des promesses, puis par des menaces, d'ébranler la constance de Basile. Déconcerté dans toutes ses tentatives et vexé de voir ce faible Prêtre lui résister en face, il l'envoya au chevalet, et, insultant aux tourments du martyr: « Apprenez, lui dit-il, ce qu'il en coûte de désobéir à l'empereur. Encore une fois, obéissez au prince, sacrifiez aux dieux ». Sur son refus persistant, Basile sut jeté en prison, et l'on informa l'empereur de tout ce qui s'était passé.


Saint Basile reproche sa conduite à un apostat


Julien envoya aussitôt de Constantinople, où il résidait, vers Ancyre, deux officiers supérieurs de sa maison, tous deux apostats comme lui, Elpidius et Pégasius, récemment passés au paganisme pour plaire à leur maître. Pégasius seul alla trouver Basile dans sa prison, espérant le gagner par de séduisantes promesses. Il fut fort mal reçu et eût la confusion de s'entendre reprocher en termes indignés son apostasie. Basile ne dédaigna même pas répondre à son Salut: « Puis-je saluer, dit-il, celui qui a trahi son Dieu et sa Foi, celui qui autrefois puisait largement à la Source d'Eau Vive qui est le Christ, et maintenant s'abreuve d'iniquités; qui autrefois participait à nos divins Mystères, et mange maintenant à la table de Satan; autrefois guide des âmes vers la Lumière, aujourd'hui cause de leur perte et marchant à leur tête vers les abîmes ténébreux de l'Enfer! Malheureux! Qu'as-tu fait des trésors qui t 'étaient départis? Que répondras-tu au Seigneur au jour de Sa visite suprême? » Pégasius, confus, ne savait que répondre. Il s'en revint honteusement près di proconsul et de ses deux collègues, à qui il fit part de son échec. Ceux-ci, indignés, exigèrent que le prisonnier comparût devant eux, et, Saturnin le fit aussitôt amener. On l'étendit de nouveau sur le chevalet et on l'y tourmenta plus cruellement encore que la première fois; il fut ensuite chargé de chaînes pesantes et reconduit en prison.


Julien l'Apostat à Ancyre


Sur ces entrefaites, Julie partit de Constantinople pour aller à Antioche, où il comptait se préparer à la Guerre de Perse. On était aux premiers jours de juin de l'année 362. Sa marche fut lente. Toutes les villes de quelque importance, où les temples païens avaient été réédifiés, arrêtaient l'empereur au passage pour lui demander de sacrifier. Les lettrés de l'endroit organisaient en corps pour offrir au prince savant, célèbre par de multiples écrits, et très pénétré de son mérite littéraire, les louanges officielles. L'empereur n'était pas fâché de leur répondre et de faire admirer les élégances de ses propres discours. C'était donc, d'étape en étape, autant de scènes étudiées, autant de harangues académiques, un peu longues, il est vrai, au gré des courtisans, qui devaient subir debout, sous le soleil brûlant, les déclamations de leur souverain. Mais la vanité de Julien y trouvera sa pleine satisfaction. A l'occasion, l'empereur se détournait du parcours le plus direct pour recevoir des hommages. Nicomédie, Pessinonte le virent successivement. Enfin, il arriva à Ancyre, où les prêtres païens vinrent à sa rencontre avec l'idole d'Hécate portée sur un brancard: pieux empressement, qui leur fut payé par de grandes largesses immédiates et la promesse de jeux publics pour le lendemain. Julien fit un aimable accueil à cette population sympathique. Son tribunal était ouvert à tous, et il prêtait aux plaintes, aux réclamations, aux demandes de toutes nature une oreille attentive et bienveillante. Cette douceur calculée ne se démentait que quand, par hasard, une question se présentait qui avait trait à la religion.


Saint Basile tient tête à l'empereur


On lui présenta Basile, ce Prêtre Chrétien qui troublait tout le pays et avait été récemment mis aux fers par le proconsul. Les deux officiers apostats, piqués au vif, avaient en effet, ménagé à leur prisonnier les honneurs d'une audience impériale: « Qui êtes-vous, lui dit Julien, et quel est votre nom? Le voici, dit Basile. Tout d'abord, je m'appelle « Chrétien », et c'est là un nom grand et plein de gloire, car le Nom du Christ est éternel et ne périra point. Ensuite, je m'appelle aussi Basile, et c'est sous ce nom que je suis connu parmi les hommes. Mais si je conserve le premier, j'aurai l'immortalité bienheureuse pour récompense. Julien saisissant avec bonheur l'occasion d'entreprendre devant l'assemblée une discussion que la fierté de son interlocuteur promettait de rendre intéressante, affecta un air de compassion et dit doucement à Basile: « Vous vous trompez, Basile. Vous savez que j'ai quelque connaissance de vos Mystères. Je puis vous assurer que celui en qui vous mettez votre confiance est mort, et bien mort, au temps où Pilate était gouverneur de la Judée. » « Je ne me trompe pas, répond Basile. C'est vous, empereur, qui vous trompez. C'est vous qui avez renoncé à Jésus-Christ, dans le temps même où il vous donnait l'empire; mais je vous avertis en Son Nom qu'Il vous ôtera bientôt cet empire avec la vie, et vous connaîtrez, mais trop tard, quel est Celui que vous abandonnez. Il renversera votre trône, comme vous avez renversé ses autels. Vous avez pris plaisir à fouler au pied Sa Loi, cette Loi que vous-même vous aviez si souvent annoncée aux peuples; votre corps sera même foulé aux pieds, et votre cadavre restera sans sépulture, après que votre âme en aura été arrachée par les plus atroces douleurs ». Toute l'assemblée frémit en entendant ces menaces proférée avec une assurance et une énergie surhumaines par l'accusé. Une brillante discussion dans laquelle il eût produit ses talents de rhéteur aurait convenu à l'empereur: l'anathème le mit en fureur: « Je voulais vous sauver, dit-il avec une indignation encore soutenue. Mais puisque vous rejetez mes conseils et que vous manquez de respect à mon rang, il faut bien que je venge la majesté de l'empire outragée ». Il leva la séance, en ordonnant à Frumentin, capitaine de ses gardes, de châtier cet insolent et de lui appliquer des coups de fouet.


Injure sanglante faite à l'empereur


Le fouet dont se servit Frumentin était plus terrible peut-être que Julien ne l'avait prévu. Néanmoins, celui-ci ne retira pas les ordres donnés. L'instrument de torture était tel que chaque coup enlevait une lanière de chair, de sorte que le patient ne pouvait, sans périt, en endurer plus de six ou sept par jour. Basile supporta les premières incisions avec une patience admirable. Puis il demanda à parler à l'empereur. Frumentin, le bourreau commis à sa garde, ne douta point que son courage fût ébranlé, et, se flattant de le voir enfin se rendre et sacrifier, il informa même Julien de la demande du martyr. On choisit dont le temple d'Esculape pour salle d'audience, afin que le nouvel apostat pût sacrifier avec l'empereur et les prêtres. « Je pense, dit Julien, que vous êtes devenu sage, que vous avez reconnu votre erreur, et que vous voilà prêt à sacrifier avec nous ». « N'y comptez pas, dit Basile. Je suis venu pour vous apprendre que vos prétendus dieux ne sont rien. Ce sont des statues de bois, ce sont des idoles sourdes et aveugles ». Puis ouvrant ses vêtements et déchirant ses plaies, il prend une des lanières de peau fumante que le fouet venait de détacher et la jette au visage de Julien: « Tenez Julien, dit-il, nourrissez-vous de mon sang, puisque vous avez soif; pour moi, je me nourris de Jésus-Christ. On se jeta sur l'accusé et on l'entraîna, tandis que l'empereur pâle de colère, lançait des regards menaçants au courtisan maladroit qui l'avait exposé à cette humiliation en introduisant ce prisonnier audacieux dans le temple d'Esculape.


Le dernier supplice


Frumentin comprit qu'il n'avait qu'un moyen d'apaiser son maître irrité. Pour qu'on ne le rendît pas responsable de ce qui venait d'arriver, il résolut de venger d'une façon éclatante l'outrage fait à l'empereur. Dès le lendemain, sans qu'il soit fait mention d'aucun ordre de l'Apostat, Basile comparaissait encore devant son bourreau. Les tourments infligés redoublèrent de cruauté. Le capitaine des gardes fit plusieurs jours d'inutiles efforts pour vaincre le martyr, renouvelant le supplice du fouet pour assouvir sa fureur; il lui fut impossible de changer les dispositions de Basile. Au moment où on enlevait au martyr ses vêtements pour le frapper du dernier coup, on remarqua que toutes les traces des blessures précédentes avaient miraculeusement disparues et que son corps se présentait au bourreau sain et pur comme son âme devant le Seigneur. « Sachez, dit Basile, que Jésus-Christ m'a guéri cette nuit. Vous pouvez le mander à Julien, votre maître, afin qu'il apprenne quel est le pouvoir du Dieu qu'il a renié ». Le bourreau fait coucher sa victime sur le ventre, afin qu'on lui enfonce dans le dos des pointes de fer rougies au feu. Basile, au milieu de ces horribles souffrances, rendait grâce à Dieu: l'amour qui consumait son Cœur lui faisait supporter avec joie les brûlures atroces qu'il souffrait en son corps pour le nom de Jésus-Christ. Il pensait sans doute à ces paroles du Roi Prophète: « Que désiré-je dans le Ciel et sur la terre, sinon Vous, ô mon Dieu? Vous êtes mon partage pour l'éternité? » C'est dans ces admirables sentiments qu'il expira, le vingt-neuvième jour de juin 362. Les grecs et les Latins l'honorent le 22 mars.


Texte extrait de « Saint Basile d'Ancyre », édité par le Monastère Orthodoxe de l'Archange Saint Michel (47230 Lavardac, France)

 



17/12/2008
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