Notre Dame du Refuge d'Anglet
Notre Dame du Refuge d'Anglet
Diocèse de Bayonne
France
L'histoire de ce merveilleux établissement est un peu en dehors du cadre que je m'étais tracé; mais il est situé aux confins des Landes en vue de la chaîne des Pyrénées, qui forme son horizon méridional. Il m'a semblé qu'on ne pourrait fermer ce livre sur une meilleure impression que sur celle que j'essaierai de transmettre, en faisant le récit des oeuvres admirables accomplies par le vénérable Abbé Cestac, aidé de sa sœur, laquelle porta en religion le nom de sœur Madeleine, et qui est morte en odeur de sainteté, ainsi que son frère, au milieu de ceux qu'ils avaient tant édifiés par leurs vertus.
Le refuge est si près de Biarritz, qu'il n'est personne, parmi les étrangers réunis pour la saison des bains, qui ne s'y rende avec un sentiment de curiosité, et n'en revienne avec un sentiment d'admiration. Il y a trente-huit ans environ que l'abbé Cestac, ayant terminé ses études ecclésiastiques au séminaire de Saint-Sulpice, fut nommé vicaire à la cathédrale de Bayonne, sa ville natale. Il avait visité Buglose dans ses toutes jeunes années, et c'est là qu'il avait reçu ce premier souffle inspirateur qui lui fit plus tard accomplir de ai grandes choses. Pendant tout le temps de son ministère à Bayonne il ne manqua pas d'aller de temps en temps demander à ce saint autel les forces et les grâces qui lui étaient nécessaires pour accomplir ce qu'il méditait.
En 1858, un terrible hiver s'appesantit sur les pauvres de Bayonne les orphelins étaient devenus si nombreux qu'on en ramassait dans les rues et sur les routes. Avec la permission de l'évêque, l'abbé de Cestac commença à les recueillir dans une sorte de grange où sa sœur et quelques femmes pieuses en prirent soin. Quelque temps après, le maire assigna une maison, contre le cimetière dont personne ne voulait devenir acquéreur ni locataire à cause de sa situation. C'est là, tout à côté de la mort, que se forma cette œuvre de vie. Mais ce n'était pas seulement la vie de ce monde qui devait jaillir de cette source de charité. Les petits êtres arrachés à la mort furent-ils par leur innocence ce qui attira la grâce sur les pécheresses? Bientôt les jeunes filles que la misère avait jetées dans le vice furent recueillies par l'abbé et sa pieuse sœur. On lès plaça dans les combles de là maison, et, malgré la vie austère et mortifiée à laquelle on les habituait, elles se trouvaient si heureuses que leur exemple attirant un grand nombre de repenties, il fut bientôt impossible de les loger. Un pieux habitant de Bayonne offrit une maison qu'il possédait dans un des faubourgs; il la fit approprier pour recevoir quarante pénitentes; mais, le jour où il en apporta les clefs à l'abbé, il fut fort étonné de l'entendre lui dire qu'ayant consulté la Vierge, il en avait reçu l'ordre de refuser cette maison dont la situation était trop rapprochée de la ville et d'attendre une circonstance prochaine qui lui fournirait un établissement selon ses vues ayant grande foi dans sa « Mère » il était décidé à attendre.
Quelque temps après, visitant un propriétaire des environs de Bayonne, comme son visage exprimait ses anxiétés intérieures au sujet de son troupeau de pécheresses, son hôte le questionna. Il raconta toute l'histoire. Son auditeur lui apprit qu'une ferme était à vendre, tout près de là. « Venez-y avec moi ajouta-t-il; voilà certainement l'occasion qui vous a été annoncée ». Ils y allèrent. La ferme était située au milieu d'une plaine de sable, sur le sommet d'une montagne bordée par une forêt de pins; son ami lui avait dit : « Vous aurez cela pour peu de chose »; mais ce peu de chose était 40 000 francs et il ne savait où prendre la somme. Il allait renoncer à ce projet, lorsqu'il aperçut appendue à la muraille une image de sainte Madeleine, la patronne des femmes pénitentes il en fut frappé comme d'un avertissement céleste; et s'engagea à signer l'acte de vente le samedi suivant. On était au mardi il rentra à Bayonne fort inquiet de ce qu'il venait de faire mais un sentiment de foi intérieure le fortifiait et les dons lui vinrent si bien en aide que le jour dit il versa la somme tout entière entre les mains du notaire, qui lui remit l'acte de vente.
Bien des fois il fut assisté presque miraculeusement dans ses entreprises par des secours inattendus. La haute opinion qu'on avait de sa sainteté la certitude du bien qu'il accomplissait, lui ouvraient toutes les bourses, et sans jamais qu'il sollicitât, car « sa mère » le lui avait défendu, l'argent affluait au moment nécessaire. Plusieurs fois pressé par une dette urgente, il allait se décider à écrire à des riches charitables lorsqu'il se rappelait cette défense et s'abstenait. Presque aussitôt lui arrivait quelque donation importante, un legs pieux, une aumône confiée à ses mains.
Avant la fondation de son orphelinat, l'abbé Cestac avait projeté de fonder une congrégation de femmes sous le nom de « Servantes de Marie » dont la principale occupation serait d'enseigner les petits enfants et de cultiver la terre. Il installa ce nouvel ordre avec ses orphelines et ses pénitentes dans sa nouvelle ferme, à Anglet. Aujourd'hui cette congrégation se compose de quatre cents religieuses de plus de soixante orphelines et de cent cinquante repenties. Le produit de la ferme et le travail d'aiguille nourrissent tout ce monde. Les pénitentes ont un bâtiment à part., à l'extrémité ouest de la ferme. Les servantes de Marie labourent, sèment, récoltent elles ont cent vaches six attelages de boeufs; on les voit dans leur longue robe bleue, tenant en main la longue perche qui guide les boeufs attelés. C'est un intéressant spectacle de suivre ces pieuses femmes dans toutes leurs occupations rurales, accomplies en silence et avec un ordre admirable. Pendant la construction des bâtiments elles aidaient aux maçons préparaient le mortier. Toutes les palissades sont leur ouvrage. L'abbé Cestac travaillait lui-même, et leur montrait ses mains toutes durcies comme celles d'un manœuvre. Outre leurs attelages de bœufs, elles ont six paires de chevaux de ferme, neuf ânes de la grande race espagnole; elles n'élèvent pas moins de cent porcs chaque année. La population de la fer me est de sept cents personnes. Les ouvrages d'aiguille sont une de leurs industries les plus productives. Le voisinage de Biarritz amène continuellement des commandes de toutes sortes. Les orphelines et les pénitentes font une espèce de broderie que les visiteurs s'empressent d'acheter.
Anciennement Biarritz avait eu une grande prospérité amenée par un établissement pour la pêche de la baleine. C'est au XIe siècle que les Basques capturèrent pour la première fois une baleine dans le golfe de Gascogne; aussitôt s'établit un commerce important d'huile de morue et de baleine, et Biarritz devint si riche, que la dîme de ses revenus formait la plus importante partie des revenus de l'évêché de Bayonne. Au XIIle siècle, un château fort avait été construit pour la défense du port et des côtes environnantes. Il arriva que les baleines désertèrent la baie de Gascogne les pêcheurs basques ne purent les poursuivre dans le nord de l'Océan, où des navigateurs plus exercés avaient sur eux tant d'avantages. Leur commerce tomba, la fortune de Biarritz commença à décliner la forteresse abandonnée s'écroula et boucha le port. Ce lieu redevint un humble village jusqu'au jour où, poursuivant la santé et le plaisir des groupes fashionables découvrirent à cette plage toutes les qualités propres à en faire une délicieuse station de bains de mer.
Outre leurs fonctions rurales, les servantes de Marie vont encore inspecter les écoles des petites communes autour de Bayonne; elles sont souvent appelées comme gardes-malades, et elles visitent non-seulement les catholiques, mais aussi les protestants et les juifs. Quelqu'un s'étonnait qu'il n'existât pas une clôture de murailles autour du refuge; « bon père », comme on l'appelait, répondit qu'il était entendu que les repenties avaient toute liberté de quitter l'établissement mais qu'une fois rentrées dans le monde elles ne seraient plus admises au refuge; cette liberté a eu un effet salutaire, puisque les exemples de filles retournées à leur mauvaise vie ont été fort rares.
Nous avons encore à décrire un des établissements les plus remarquables fondés par l'abbé Cestac; en voici l'histoire. Quelques-unes des pénitentes étaient occupées à ramasser du bois que le vent de mer avait apporté de la forêt voisine, quand elles entendirent un gémissement lointain; elles s'avancèrent dans le bois, et trouvèrent dans une pauvre cabane un vieillard alité et presque mourant. Elles coururent en avertir les servantes de Marie; celles-ci lui portèrent à manger et le soignèrent. Au bout de quelque temps le malade leur dit: « Mes bonnes sœurs, il vaudrait mieux pour moi, et pour vous épargner tant de fatigues, que je fusse transporté dans votre maison ». On répéta cette parole au bon père; il dit : « Bien ! qu'il vienne ». On transporta le vieillard à la ferme. Quelque temps après il dit à sa gardienne : « Maintenant que vous avez pris tant de soin de moi qui prendra soin de mon jardin? Si on n'y sème rien il n'y poussera rien ». La sœur se retourna vers le bon père, qui dit encore : « Bien, cultivez son jardin ». Plusieurs pénitentes furent envoyées pour cultiver le petit jardin dans le silencieux désert; là elles furent saisies d'une ferveur qui les porta à s'interdire de prononcer une parole pendant leur travail, afin de mieux s'identifier avec leur nouvelle solitude et d'élever leurs pensées vers Dieu sans aucune distraction. Elles trouvèrent tant de douceurs dans ce travail manuel uni à la contemplation qu'elles souhaitèrent de ne plus quitter ce lieu mais la servante de Marie qui les gardait leur dit : « Mes chères enfants, tout cela est fort beau, mais il faut que ce soit un acte d'obéissance; nous demanderons permission au saint père ». Elles racontèrent à l'abbé combien elles avaient été heureuses dans le calme profond de ce silence absolu. Il fut frappé de leur récit, et leur permit de se construire chacune une hutte en roseaux et en bois où elles vivraient isolées; mais il leur enjoignit de causer ensemble le dimanche, craignant qu'un silence trop continu ne leur devînt impossible. Elles obéirent quelque temps à l'abbé puis bientôt elles le supplièrent de leur permettre le silence perpétuel, excepté au confessionnal, à l'office, ou lorsqu'une servante de Marie les interrogerait.
Cette requête fut encore reçue avec faveur par le bon père, et ces saintes filles devinrent un sujet d'édification pour toute la colonie par leur extrême mortification. La sœur de l'abbé Cestac, sœur Madeleine obtint de son frère la permission de se mettre à la tête de cette nouvelle fondation, pour laquelle fut adoptée la règle de Saint-Bernard. Les maisonnettes de roseaux qu'elles avaient bâties n'avaient d'autre plancher que le sable. Le jour n'entrait que par la porte, leur lit était de feuilles sèches; mais les rhumatismes et les maladies de poitrine devinrent si fréquents, qu'il fallut adopter un mode de logement plus salubre. On, leur construisit des cellules en brique à plancher boisé une des huttes originaires a été conservée comme témoignage de leur ardeur pour la mortification. La chapelle en terre qu'elles avaient bâtie a été conservée aussi, et la messe y est encore dite de temps en temps; elle ressemble à une de ces églises des wigwams de Las Casas dans les forêts de l'Amérique du Sud. Une nouvelle église, claire et spacieuse, est maintenant élevée à la suite des cellules près du cimetière. Sur l'autel est une statue de Notre-Dame des Sept Douleurs, sur laquelle j'ai recueilli une intéressante particularité.
Quinze ans auparavant, une religieuse expulsée d'Espagne par suite des troubles qui déchirent presque constamment ce malheureux pays était venue faire une retraite au refuge elle fut si frappée de tout ce qu'elle avait vu et de toutes les austérités des bernardines qu'elle voulut témoigner sa satisfaction et son édification au bon abbé Cestac et lui dit en lui faisant ses adieux : « Je vous enverrai une statue de la sainte Vierge ». Quelque temps après, arriva une grande caisse contenant la belle statue qui fait l'admiration et la joie des filles de saint Bernard ». L'abbé aurait bien voulu remercier la religieuse, mais il ne savait pas de quelle province d'Espagne elle était venue il savait seulement à quel ordre elle appartenait et quelle en était la supérieure.
Longtemps après, l'ahbé Cestac fut appelé à Madrid pour y fonder une maison des servantes de Marie; dans une de ses courses aux environs, il remarqua de grands bâtiments à quelque distance, et demanda au conducteur ce que c'était celui-ci nomma précisément un couvent de l'ordre auquel appartenait la religieuse qui avait envoyé la statue. L'abbé descendit aussitôt, et demanda à parler à la supérieure. Au bout de quelques instants celle-ci parut; l'abbé la pria de vouloir bien lui dire où était la religieuse qui avait visité le refuge. Il raconta l'histoire de la statue. Tandis qu'il parlait, la supérieure paraissait agitée et étonnée. « Ainsi dit-elle à la fin c'est vous qui avez notre statue, notre chère statue ? » Et elle lui raconta comment la supérieure générale de l'ordre était venue un jour en grande hâte disant : « Ma mère, j'ai à vous demander un grand sacrifice je vous prie de me donner
votre statue de Notre-Dame des Sept Douleurs. Je désire l'envoyer quelque part ». Nous ne pouvions refuser, continua-t-elle, mais c'était le plus grand sacrifice qu'on pût nous demander; cette statue faisait nos délices, et nous obtenions en priant à ses pieds la divine Vierge qu'elle représente toutes sortes de grâces main tenant vous l'avez ».
En 1849 est morte la sœur Madeleine; son tombeau est à l'entrée du cimetière sous un berceau de rosiers et de fleurs grimpantes. Une croix porte ces mots : « A notre mère ». Les doux parfums qui s'exhalent de cette tombe sont une faible image du parfum de vertus et de grâces qu'elle a répandu autour d'elle pendant sa vie; c'est elle qui avait guidé ses filles dans la voie de pénitence extraordinaire qu'elles avaient suivie.
La vue de ces pénitentes dans leur désert, dans un siècle où le bien-être matériel est l'objet de tant de poursuites de tant de convoitises, inspire de salutaires réflexions sur notre mollesse. Ces femmes sublimes dévouent leurs jours et leurs nuits à la prière, à la méditation, au travail, sans aucun des adoucissements que s'accorde même le pauvre elles n'ont que des lits de planches, elles ne mangent jamais de viande, et le vendredi elles prennent à genoux leur repas de légumes cuits à l'eau. Une émotion profonde saisit l'âme peut- être s'y mêle-t-il une sorte de terreur, lorsque l'on compare à leurs mortifications nos existences dissipées. Des gens légers disent : « A quoi bon tant de mortifications? à quoi servent ces sœurs grises? ». « Elles travaillent, dit le docteur Ozanam à dompter le corps elles prient pour sauver les âmes. Intermédiaires entre le Ciel et la terre qui peut savoir combien de grâces elles ont obtenues pour la France? Lorsque le peuple d'Israël combattait pour entrer dans la terre promise, Moïse, son chef et son guide, priait sur une haute montagne, tenant ses mains tendues vers le Ciel; quand, vaincu par la fatigue, il les baissait, l'ennemi était vainqueur; quand il les relevait, Israël reprenait l'avantage. Ces sœurs grises et voilées tendent les bras vers Dieu, et, par elles, Dieu pardonne au monde et le bénit ». Leur thébaïde est fermée à tout ce qui peut même récréer la vue. Tout autour d'elles la nature a des scènes variées, la mer, les forêts les montagnes; mais là l'uniformité règne quand on a pénétré dans l'enceinte de leur terrain, on ne voit plus que le sable et le ciel elles vaquent en silence à leurs devoirs, portant sur le dos de leur vêtement blanc une croix d'étoffe noire, en signe de leur volonté de porter la croix du divin Sauveur.
Ce monastère, annexé au couvent des servantes de Marie, complète ce qu'on peut rêver de plus par fait dans les ordres religieux le travail constant, la prière non interrompue une activité qui embrasse tout, une foi qui rapporte tout à Dieu, qui concentre tout en lui. Ainsi, dans un espace restreint, toutes les vocations trouvent leur emploi. Tous les âges de la vie, tous les degrés de vertu forment comme une échelle de Jacob, où les anges vont et viennent, reliant la terre avec le ciel.
En 1868, l'abbé Cestac annonça à ses amis qu'il ne vivrait pas au delà de deux mois. Il paraissait cependant en pleine santé et activité. Le 27 mars, il avait causé gaiement avec de bons prêtres de ses amis, et rien n'annonçait qu'il fût malade lorsqu'ils se séparèrent. La nuit, un bruit fut entendu par les sœurs qui habitaient au-dessous de lui; elles coururent à sa chambre, et le trouvèrent mourant. « C'est fini de moi, leur dit-il, faites venir l'abbé Duclos ». Ce jeune prêtre qu'il avait baptisé, ne le croyant pas si mal, ne voulait pas l'administrer; mais l'infirmière, plus expérimentée, s'aperçut du changement rapide de ses traits, et l'extrême-onction fut donnée au fervent abbé, qui s'écria lorsque tout fut fini : « Ma mère, je vous donne tout, je m'abandonne à vous! » Ce furent ses derniers mots; il détourna la tête pendant qu'on frictionnait ses mains, et rendit son dernier souffle sans que l'abbé Duclos et les sœurs s'en fussent aperçus. Le froid de marbre de ses mains les avertit qu'il n'était plus dans ce monde, et que son âme s' était envolée vers Dieu.
Le 28 et le 29, son corps fut exposé à la vénération des fidèles dans ses vêtements sacerdotaux, de couleur violette à cause du temps du carême. Plus de six mille personnes visitèrent cette étroite chambre où brûlaient quelques cierges auprès du corps. Les sœurs avaient tressé des couronnes de feuillage, et de temps à autre un sanglot étouffé témoignait de leur douleur d'avoir perdu leur bon père. La foule entrait et s'écoulait avec le plus grand ordre et le plus grand respect. Cet imposant spectacle me rappela les obsèques de l'abbé Desgenettes, curé de Notre Dame des Victoires à Paris, auxquelles j'avais assisté dans ma première jeunesse.
La chapelle du refuge était si remplie le jour du service funèbre, que je ne pus saisir un mot de l'oraison funèbre; mais je pouvais juger de l'éloquence du prédicateur par l'émotion profonde de toute l'assistance. Les servantes de Marie avaient obtenu de l'évêque que le corps de leur fondateur serait enterré dans leur jardin, et non dans le cimetière des bernardines, qui possédaient les restes vénérés de sa soeur. Toute la communauté était agenouillée autour des parterres, le long des allées; les bernardines, leurs capuchons fermés et la tête penchée presque jusqu'à terre, occupaient le fond du jardin. Les pénitentes en robes noires et voiles noirs, les orphelines en robes blanches et voiles blancs, une longue file de prêtres, l'évêque à leur tête, enfin sa famille et ses amis, tous chantaient le Dies irae, auquel répondait la foule innombrable venue de tous côtés pour honorer en l'abbé Cestac, l'exemple le plus touchant de l'abnégation chrétienne et du zèle apostolique. Un triste incident signala la dernière cérémonie des funérailles le caveau était trop étroit pour le cercueil il fallut le reporter à la chapelle jusqu'à ce que le travail nécessaire fût accompli. L'évêque resta longtemps en prières devant le corps de son ami retiré de la tombe comme pour avoir un dernier entretien avec lui. Dieu sait quelles effusions saintes, quelles communications précieuses furent échangées dans ce colloque funèbre.
Le mercredi 1er avril, j'assistai à une messe solennelle de requiem pour le bon père dans la cathédrale de Bayonne. Mgr Lacroix, malgré son âge de soixante-quatorze ans, monta en chaire, et dépeignit admirablement le caractère si remarquable de l'abbé Cestac, son zèle pour le bien et le salut des pauvres, sa charité infatigable pour tous. Son vœu était l'union et la solidarité de tous les chrétiens en Notre-Seigneur Jésus-Christ. L'évêque raconta toutes les difficultés qu'il avait vaincues pour ses établissements religieux, ses actes innombrables de dévouement. « Il n'avait rien à lui; des sommes considérables avaient passé par ses mains, et au jour de sa mort il ne possédait rien! » Une nouvelle église fut commencée, et le maître-autel devait recouvrir le tombeau du vénérable abbé. C'était par une permission spéciale que jusque-là le bon père était resté à la tête de ses religieuses, et avait gouverné leur établissement à Anglet. Après sa mort, selon la règle établie à Rome, une supérieure fut nommée. Puisse cette belle fondation ne pas dégénérer de l'esprit qui a guidé son pieux fondateur ! puisse-t-elle continuer longtemps à recueillir les pénitentes à instruire les orphelines, à édifier le monde et à glorifier Dieu.
Prière à Notre Dame du Refuge
O bonne mère la meilleure et la plus tendre des mères! Votre Cœur maternel est le vrai, l'unique refuge des âmes innocentes qui viennent à vous, loin des perfides séductions du monde; il est aussi l'asile mille fois béni des âmes qui, livrées aux passions orageuses, et emportées hors de la voie sainte, se reconnaissant, viennent à vos pieds pleurer leurs malheurs et retremper dans la pénitence leur vie, vouée désormais aux larmes du repentir et de l'amour; et moi aussi, ô mère compatissante, je suis votre enfant; je viens à vous, daignez me recevoir dans ce coeur maternel et tout miséricordieux vous m'y garderez tous les jours de ma vie et surtout à l'heure si redoutable de la mort. Ainsi soit-il.
Texte extrait du livre : « Les Sanctuaires des Pyrénées, Pèlerinage d'un Catholique Irlandais », de Lawlor Denys Shyne, Mame, Tours, 1875)
Pour approfondir
Site de Notre Dame du Refuge d'Anglet
http://notredamerefuge.over-blog.com
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