Spiritualité Chrétienne

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Les Martin, une famille qui nous parle

 Les Martin, une famille qui nous parle

En quoi sainte Thérèse et sa famille peuventils nous aider dans notre vie de famille aujourd'hui ? En avant-première de notre journée-rencontre du 3 octobre à Lisieux (1), nous avons posé cette question conjointement au Père Conrad De Meester, carme à Louvain (Belgique), et au Pr Claude Tricot, de l'université de Genève.

Anne Lorrain

Père Conrad De Meester :

«Leur visée embrasse l'éternel»

Au premier abord, il n'est pas facile de répondre à une telle question. Chaque cellule familiale est différente, on ne peut donc pas calquer. Et nous ne vivons plus en 1875. Toutefois, la famille Martin a de toute évidence vécu selon des valeurs qui peuvent inspirer notre propre créativité familiale. J'en énumère trois.

D'abord, l'unité. Voici une famille fondamentalement unie. C'est à la maison que Thérèse a appris sa devise : «Faire plaisir». Dans cette famille, on souscrit unanimement au principe

selon lequel il faut savoir s'oublier pour les autres. Un élément essentiel de l'ascèse de Thérèse, au temps où elle vivait en famille, était de dominer «ma volonté toujours prête à s'imposer». L'autre passe en premier.

Zélie et Louis échangeront, différeront parfois d'opinion au sujet de l'éducation ou dans les décisions à prendre, mais reviennent toujours à l'unité de cœur et non pas de force. Zélie, qui est la plus entreprenante des deux, écrira au sujet de Louis : «C'est un mari comme j'en souhaite un à toutes les femmes». Elle travaille dur pour sa fabrication de dentelle, mais raffole des enfants qui jouent dans la pièce attenante, la porte ouverte. Voilà une famille où l'on rit, où l'on chante, et où l'on prie ensemble. La variété sait se retrouver dans l'unité.

Car la claire visée guide cette famille. Ils savent ce qu'ils veulent et ils veulent ce qu'ils savent. Tout est ordonné à un but final. Il faut vivre, et les deux commerçants que sont Louis et Zélie poursuivent une prospérité matérielle suffisante pour envisager l'avenir et celui de leurs cinq filles (la dot de mariage !) avec une certaine sérénité. Mais ni le gain ni le travail ne dominent l'horizon familial. Le regard sait se porter avec souci sur les pauvres et la main gauche des Martin ne contrôle pas ce que donne la main droite.

Pour engagés qu'ils soient dans les affaires matérielles, où ils réussissent bien, ces enfants de lumière ne pensent pas à s'installer dans le temporel. Leur visée embrasse l'éternel. Le dimanche est sacro-saint. Dans l'Eucharistie et la prière, le regard se plonge dans ce qui perdure.

Pour Thérèse et sa famille, le Ciel est le point d'orgue absolu et le lieu de la réunion familiale définitive. C'est ce qui aide à dépasser la souffrance, les deuils successifs, la séparation des enfants pour leur formation ou l'appel du Seigneur, la maladie (cancer et détresse mentale) qui frappera les parents. «Chez nous, la confiance était vertu ancestrale», écrira Céline.

Je voudrais enfin souligner leur souci de beauté. La maison est agréable et propre, les enfants bien habillés, selon les convenances et le goût de l'époque. Dans la famille Martin, on aime le chant et la poésie pour les sentiments élevés qu'ils inspirent ; on regarde la nature et sa beauté ; on voyage et on n'a pas assez d'yeux pour admirer la splendeur de la mer, des montagnes suisses et de la gracieuse Italie. Thérèse chantera toute sa vie les merveilles de la nature, qu'elle saura découvrir même sur l'unique petit hectare qui lui reste au Carmel.

Les parents savent transmettre à leurs enfants leur propre idéal de beauté intérieure : il faut être beau au regard de Dieu. Non pas parce que ce regard n'est pas rempli de miséricorde. Mais pour sa pure joie. Parce qu'on aime. Parce que l'Amour même est beau.

Pr Claude Tricot :

«Progresser ensemble»

Je crois que l'on peut répondre de deux manières : en évoquant la prière et l'exemple.

On peut considérer les membres de la famille Martin comme des intercesseurs naturels. Car ce groupe, qui comprend les parents, Thérèse et ses quatre sœurs (et il faut ajouter les quatre petits morts en bas âge, si présents dans cette famille), est très attaché au but premier de la famille : progresser ensemble. Ils sont donc forcément sensibles aux difficultés actuelles qui génèrent l'éclatement de la famille.

Ce souci de progresser ensemble, on le constate dans la correspondance familiale. Singulièrement avec Céline, avec qui Thérèse partage toutes ses expériences spirituelles, ou avec Léonie, vis-à-vis de laquelle Thérèse reprend la tâche de Mme Martin interrompue par la mort.

Un passage de L'Histoire d'une âme dépeint bien l'esprit de cette famille : «Comment peut-on dire que c'est plus parfait de s'éloigner des siens ? A-t-on jamais reproché à des frères de combattre sur le même champ de bataille, leur a-t-on reproché de voler ensemble pour cueillir la palme du martyr ?» (Manuscrit C, 8v.)

C'est bien une vocation de la famille Martin de veiller sur nos familles et de garantir leur cohésion.

Parler de l'exemple qu'ils sont pour nous semble plus risqué, car le contexte social est bien différent aujourd'hui de ce qu'il était à la fin du siècle dernier. Aujourd'hui, la plupart des femmes travaillent à l'extérieur de leur maison. Zélie travaillait beaucoup à sa petite entreprise, mais chez elle. A l'époque, l'activité paroissiale est plus importante, et il semble que la vie chrétienne se développe, dans ce contexte, plus naturellement. Le chrétien est moins isolé.

Cependant les difficultés croissantes, les impossibilités fréquentes au développement harmonieux des familles, propres à cette fin de siècle, nous inclinent à mettre notre confiance en Dieu. C'est là que nous rejoignons les Martin. Thérèse, bien sûr, par la confiance et l'abandon, mais aussi Zélie : «Je me préoccupe beaucoup moins et me résigne à tous les événements fâcheux qui m'arrivent et peuvent m'arriver. Je me dis que le Bon Dieu permet cela et puis je n'y pense plus».

Enfin, les Martin sont des personnes qui s'aiment. Zélie écrit : «C'est un saint homme que mon mari». Thérèse appuie ce jugement : «Je n'avais qu'à le regarder pour savoir comment prient les saints». C'est le principe d'union.

La confiance en Dieu, l'amour réciproque et la sainteté des parents - c'est le principal de la recette Martin.

On peut y ajouter une discipline assez stricte, quoique sans brutalité, une éducation de la volonté et le sens du devoir : «On est bien plus heureux même dans la vie présente quand on fait bravement à son devoir» (remarque de Zélie à sa fille Pauline). Sur quoi viennent se greffer la prière familiale, la vie des saints et une extrême attention donnée à la préparation de la première communion.

Peu de distractions, peu de voyages. Au fond : une information en rapport avec la vie. Ce qui est peut-être le principal de l'éducation.

(1) Informations au 02 31 63 15 53.

Lisieux : lieu d grâces pour les familles

«Pour l'immense majorité des pèlerins et des visiteurs, Lisieux c'est principalement sainte Thérèse de l'EnfantJésus et sa basilique. Or avant d'être mondialement connue sous son nom de carmélite, cette jeune fille s'appelait tout simplement : Thérèse Martin. Rappeler cette évidence, c'est se souvenir que Lisieux c'est aussi l'histoire d'une famille et qu'à ce titre, le premier sanctuaire de cette ville c'est d'abord la maison familiale des Buissonnets.

«[...] [La] famille Martin, apparemment toute ordinaire, [y] a vécu en fait quelque chose d'assez extraordinaire. Chacun pressent qu'il s'agit là d'une famille authentiquement et éminemment chrétienne. L'Eglise elle-même en a acquis la certitude lorsqu'au terme d'une longue enquête, elle a reconnu, le 26 mars 1994, que les parents de Thérèse, Louis et Zélie, pouvaient être "vénérés" en attendant un signe du Ciel qui permettra de les déclarer, ensemble, bienheureux et saints. [...]

«Si l'Histoire se doit d'inventorier le passé, de revenir aux sources, elle doit aussi éclairer le présent pour mieux préparer l'avenir. [...]

«A l'aube de l'an 2000, et dans la perspective de la nouvelle évangélisation qui passe par le renouveau spirituel de la famille, Lisieux apparaît bien comme un lieu providentiel de grâces pour les familles.»

Extrait de l'éditorial du Père R. Zambelli, recteur de la basilique de Lisieux, in Thérèse de Lisieux n° 471, juillet-août 1999.

 



14/04/2008
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