Spiritualité Chrétienne

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Les Bienheureux de Lisieux

 Les Bienheureux Louis et Zélie Martin

Les Bienheureux de Lisieux

1831-1877 et 1823-1894

Fête le 13 juillet


Pour la seconde fois dans l’histoire de l’Église, un couple sera béatifié, le 19 octobre, à Lisieux. Louis et Zélie Martin ne seront pas honorés parce qu’ils sont les parents de sainte Thérèse, mais parce qu’ils ont préfiguré ce que leur fille a vécu, en donnant tout et en se donnant eux-mêmes.

Pietro Schiliro est sagement assis sur les genoux de son père, au premier rang. Il vient de Monza, en Italie. Il a 6 ans. C’est un garçon fin, d’apparence sage, avec des lèvres ourlées en forme de cœur. Ses grands yeux noirs s’ébahissent devant les mosaïques colorées de la voûte qu’il contemple en posant sa nuque sur l’épaule de Valter, son père, âgé d’une cinquantaine d’années, cheveux gris et lunettes cerclées à la Riccardi.


La basilique de Lisieux est comble, en ce 13 juillet, pour la grand-messe de 10 h 30. Pietro et sa famille sont placés à côté des notables locaux, au pied du chœur immense qui regorge d’excellences et d’éminences, d’enfants et d’encens. De temps à autre, des pèlerins jettent un regard curieux vers le jeune Italien. «C’est l’enfant du miracle», murmurent-ils.


Si Pietro Schiliro ne saisit pas un mot de l’homélie du cardinal José Saraiva Martins, préfet émérite de la Congrégation pour la cause des saints, il sait très bien en revanche que le monsieur et la dame, dont les portraits en noir et blanc sont accrochés de part et d’autre du grand autel, ont une place mystérieuse dans sa vie. La femme a l’air un peu sévère avec ses cheveux tirés, sa raie au milieu, ses yeux noirs teintés de mélancolie, son nez fin, et son col blanc boutonné ; l’homme, prestance d’officier, a un large front, un visage doux qui se venge d’une calvitie lunaire par une barbe courte que souligne sa lavalière.


En cette veille de fête nationale, trois mille personnes célèbrent les 150 ans de mariage de deux défunts : Zélie (1831-1877) et Louis (1823-1894) Martin. Des noces de Ciel ? Des noces trois fois d’or ? Des «noces de granit», selon le mot de Mgr Jean-Claude Boulanger, évêque de Sées ? Ils se marièrent à minuit le 12 juillet 1858, après s’être rencontrés sur le pont d’Alençon (Orne) – on y danse, on s’y fiance. Ils furent heureux, non sans larmes. Ils eurent beaucoup d’enfants : neuf au total, dont quatre moururent en bas âge. Les cinq survivantes – que des filles ! – entrèrent au couvent. Louis et Zélie seraient sans doute demeurés des saints anonymes si leur petite dernière n’avait fait une fulgurante «carrière» : Thérèse, décédée à 24 ans au carmel de Lisieux en 1897, devenue sainte universelle ralliant tous les âges et les suffrages.


«D’incomparables parents»


S’il n’est pas facile d’«être fils de», «être parents de» Thérèse Martin ne fut ni un passe-droit ni un «blanc-saint» : Louis et Zélie durent se faire un prénom. Le 12 juillet 2008 à Alençon, où les époux vécurent – Louis tenait une horlogerie, Zélie assemblait de la dentelle –, le cardinal Martins annonça leur béatification pour le 19 octobre prochain à Lisieux – où Louis se retira avec ses filles après le décès de sa femme. «Ils ne vont pas être béatifiés parce qu’ils sont les parents de sainte Thérèse, explique le prélat avec son fort accent portugais, mais parce qu’ils se sont empressés de faire la volonté de Dieu où il les avait placés. Ils sont saints pour avoir sérieusement transmis la foi dans leur famille. Ce fut une foi vécue et non une série de normes à respecter. Louis et Zélie nous disent simplement que la sainteté concerne la femme, le mari, les enfants, les soucis du travail, et même la sexualité. Le saint n’est pas un surhomme, c’est un homme vrai.»


«La fécondité spirituelle des Martin s’est révélée prodigieuse depuis 1897», précise Mgr Guy Gaucher, évêque émérite de Bayeux-Lisieux, sur le parvis de la basilique, dans la liesse et la carillonnade. «Pour ce qui est de la réputation, la “sainte famille Martin” vient au second rang après la Sainte Famille de Nazareth, ajoute, lyrique, le cardinal Saraiva Martins, dans un envol de tourterelles. La doctrine de la petite voie qui a fait de Thérèse un Docteur de l’Église ès science de l’amour de Dieu, nous la devons à la sainteté et à l’exemplarité de la vie de Louis et Zélie.» Thérèse a braqué le projecteur sur ses «incomparables parents» en affirmant par exemple que «le Bon Dieu m’a donné un père et une mère plus dignes du Ciel que de la terre ». Dès 1925, sortant de sa canonisation, le cardinal Vico déclare d’ailleurs : «Maintenant, on va s’occuper du papa». Les travaux concernant une possible béatification de Louis et Zélie commencèrent en 1957. «En cinquante ans, sept mille témoignages de grâces obtenues par leur intercession ont été reçus à Lisieux», assure Mgr Bernard Lagoutte, recteur du sanctuaire. Vingt-cinq témoins interrogés, neuf mille sept cents lettres réunies permettent à Jean-Paul II de les déclarer vénérables en 1994. Mais pour la béatification, il fallait un miracle. Il va se produire.


Un désir de sainteté pour eux et pour leurs enfants


À quelques encablures de la basilique, dans le cœur de la ville, épargnée comme la cathédrale Saint-Pierre par le déluge de feu du 6 juin 1944, l’église Saint-Jacques accueille une remarquable exposition sur la famille Martin. Dans l’une des vitrines, trône un pavé de mille trente-quatre pages, couvert de tissu rouge. Pas franchement un roman d’été : il regorge de diagrammes, de reproductions de radiographies, de rapports d’examens médicaux. Il montre aussi les photos douloureuses d’un nourrisson, les bras en croix, percés de dix-huit tuyaux : Pietro Schirilo. Le cinquième enfant d’Adèle et Valter naît à Monza le 25 mai 2002, avec de graves problèmes respiratoires. L’enfant reste entre la vie et la mort durant quarante jours. Le 3 juin, ses parents décident de le faire baptiser. Un ami du couple, le Père Sangalli, leur offre une image de Louis et Zélie : «Les parents de Thérèse ont perdu quatre enfants, prions-les !». Les Schiliro, suscitant une immense chaîne de prière, commencent une neuvaine. La biopsie du 5 juin confirme le funeste pronostic : on leur conseille de renoncer à ce qui relève désormais de l’acharnement thérapeutique.


Les Schiliro, encouragés par des amis fervents, entament une seconde neuvaine. Le 29 juin, une infirmière annonce une amélioration soudaine et imprévue : Pietro n’a plus besoin d’oxygène à 100 %. En l’espace de quelques jours, il respire par lui-même. Le 27 juillet, il est rendu à ses parents en parfaite santé. «Vu la complexité du cas et l’évolution clinique, lit-on dans le rapport médical, nous retenons la guérison comme un fait surprenant.» Celle-ci sera reconnue comme miraculeuse, le 10 juin 2003, par l’archevêque de Milan.


Les Martin méritent qu’on dépoussière leurs portraits sépia. «On leur a reproché d’être une famille catho-royalo-ghetto-bigot : or j’ai découvert le contraire de la tristesse et du renfermé», confie Emmanuel Houis, responsable du service Accueil Jeunes, qui a «épluché» deux mille lettres de la correspondance familiale pour monter l’exposition de l’église Saint-Jacques. Ce jeune père de quatre enfants, visage émacié et peau diaphane, évoque Louis et Zélie avec flamme : «Le “petit couvent” n’était pas une prison austère mais un foyer joyeux. C’est une famille chrétienne, avec de l’amour entre les époux, de l’amour pour les enfants, de l’amour entre les enfants, et une étonnante unité».


«Cela n’empêchait pas certaines chamailleries ! ajoute Claire Houis, son épouse. Louis et Zélie ne sont pas des parents parfaits – ils ont fait des erreurs d’éducation – mais le Bon Dieu a “fait avec” car il fait partie intégrante de la famille. Contrairement à ce qu’on a dit, ils n’ont pas voulu que leurs filles deviennent des religieuses, mais des saintes. C’est ce désir de sainteté pour eux et pour leurs enfants qui m’impressionne car il “imbibe” toute la vie familiale.»


«Lisieux va devenir un sanctuaire familial»


Dans le quartier du village du Nouveau Monde, au nord de Lisieux, le sinueux chemin du Paradis mène à une maison de briques roses surmontée d’un «belvédère» : les Buissonnets. C’est dans cette maison de poupée que la famille Martin s’installa après la mort de Zélie en 1877. Thérèse y vécut plus de dix ans, avant d’entrer au Carmel. On peut voir, dans le jardin, cinq jeunes femmes en robe d’époque jouer au cerceau, avec la complicité d’un labrador, et sous l’œil attendri d’un homme en redingote. Elles jouent les cinq filles Martin le temps d’un jour de fête. Il se trouve que la blonde aînée est la mère des quatre autres : Marie-Anne Lucas, elle-même mère de six filles. Chaque semaine, cette Lexovienne se rend en pèlerinage sur la tombe des parents Martin. «Lisieux va devenir un sanctuaire familial, affirme-t-elle. On va venir du monde entier prier les parents de Thérèse. Ils nous montrent qu’une famille unie se construit sur un couple. Ils nous précèdent, nous encouragent et nous soutiennent dans cette aspiration commune que nous avons d’être l’un pour l’autre tremplin vers Dieu. La famille est, par excellence, une école de sainteté ; celle-ci commence par l’exercice du pardon.»


Les épreuves d’un couple moderne


Zélie la dentellière a fait de sa vie un point d’Alençon : une dentelle tissée avec amour dans les moindres détails et dont même les défauts servent la perfection. Louis l’horloger a installé au cœur de son cœur un battement d’amour, un tic-tac lui rappelant, à chaque seconde, la priorité des priorités : «Messire Dieu premier servi». «Ils ont progressé dans la sainteté en traversant les étapes que rencontrent les couples modernes, remarque Henri Quantin, auteur avec son épouse Alice d’une épatante biographie des Martin : ils se marient tard, s’inquiètent de la réussite de leurs affaires – Zélie Martin dirige une vraie PME et connaît la double journée des femmes qui travaillent – ; ils sont soucieux de l’éducation de leurs enfants… Ils vont être terrassés par des maladies contemporaines : le cancer pour Zélie et une maladie neuro-psychiatrique pour Louis. Ils n’ont été ni rose bonbon, ni noir mouroir, ni “étonnamment modernes”, ni “grave ringards”. Ils ont aimé, voilà tout. Ils ont aimé, comme Thérèse l’a défini et vécu : “en donnant tout et en se donnant eux-mêmes”».


Bienheureux après cent cinquante ans de mariage : c’est le vœu que nous formulons à l’égard des couples qui nous lisent. Avec l’assurance que Louis et Zélie vont les aider puisqu’ils ont décidé, à l’image de leur fille, de passer leur Ciel à faire du bien sur la terre. Pietro Schirilo et sa famille en savent quelque chose.

 

Pour approfondir


Exposition «Histoire d’une famille, Louis et Zélie Martin», à l’église Saint-Jacques de Lisieux, jusqu’à fin octobre 2008. Tous les jours de 14 h à 18 h.


Visite guidée par Emmanuel Houis le dimanche à 15 h. Renseignements : www.therese-de-lisieux.com

"Zélie et Louis Martin, les saints de l’escalier", par Alice et Henri Quantin, Cerf.


Renseignements sur le programme de la béatification, le 19 octobre : http://catholique-bayeux-lisieux.cef.fr/08_com_beatification_sanctuaire_lisieux.php

Le 19 octobre, l’agence Bipel, organisatrice de pélerinages, met en place un train pour les pèlerins au départ de Paris (40 euros aller-retour).

Renseignements : 01 45 55 47 52 ;

www.bipel.com


Luc Adrian


Texte extrait du site de Famille Chrétienne

 



15/09/2008
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