La Famille Soubirous
Lourdes, les Soubirous et les frères
Une page d’histoire
À deux ans à peine de la célébration du 150ème anniversaire des apparitions de Lourdes, le frère Arnaud Aguergaray nous propose une étude sur la famille Soubirous, en particulier sur Jean-Marie, frère de Bernadette, qui entra au noviciat de Lavacan en 1870, et quitta la congrégation à sa sortie de la caserne en 1876. La monographie que voici recoupe des faits par ailleurs connus, et qui ne furent pas étrangers au vécu des FIC du Midi.
Les parents Soubirous
Le 19 novembre 1842, François Soubirous et Louise Castérot se marièrent à la mairie de Lourdes. La cérémonie religieuse fut reportée au 9 janvier suivant. Les conjoints, descendants tous deux de meuniers, s'installèrent au moulin de Boly, non loin de la Grotte. Les témoins des Apparitions souligneront combien était sincère leur amour, et profonde leur foi. Ce qui leur permit de faire face à toutes sortes d'imprévus qui ne manqueront pas de jalonner leur existence.
Les enfants Soubirous
Un an plus tard, le dimanche de l'Épiphanie, naissance de Bernadette (1844-1879). Plus précisément, selon l'État Civil, de Bernarde-Marie, devenue Marie-Bernarde sur les fonts baptismaux, puis Soeur Marie-Bernard au couvent, et tout simplement Bernadette, pour la chrétienté ! Absolument rien ne la destinait à une aventure exceptionnelle. Après elle, huit autres enfants vinrent au monde : cinq moururent trop tôt. Quant aux survivants, ils resteront marqués par la destinée de leur aînée. Et d'abord Toinette (1846-1892), appelée aussi "Marie". Elle alla aux deux premières Apparitions et se maria en 1867. Elle eut quatre filles et deux fils : tous décédés très jeunes, sauf Jean-Alexis, qui sera tué à la Guerre en 1915. Jean-Marie (1851-1919), le troisième, naquit aussi au moulin de Boly. Sa vie a partie liée à l'histoire des FIC placés à Lourdes en 1855 par M. de la Mennais. Il nous guidera durant cette esquisse à lui consacrée, et son regard nous sera précieux pour relire des faits qui prirent de court tant de ses contemporains... Le dernier, Pierre (1859-1931), sera le seul à n'avoir pas vécu les événements. Il étudia dans un collège ecclésiastique et se maria. Mais ses deux enfants moururent aussi à l'aube de leur vie.
À l'approche des apparitions
Les Soubirous connurent alors bien des épreuves et changèrent plusieurs fois d'adresses. En 1856, un cousin leur prêta l'ancienne prison de Lourdes, appelée le "cachot". Qui n'a jamais vu cette pièce unique, humide et peu éclairée, risque de romancer la vie de ceux qui l'habitèrent. Et en ce matin glacial du 11 février 1858, c'est de là que Bernadette, Toinette et Jeanne Abadie, leur camarade, partent pour Massabielle, à la recherche de bois mort. D'autres malheurs avaient précédé. Le choléra sévit à Lourdes en 1855, faisant 38 morts et nombre de malades, dont Bernadette, dès lors sujette à des "crises d'asthme". Pour comble, François, le père, fut réduit à l'état de manoeuvre, obligeant ainsi sa femme à gagner au-dehors un salaire d'appoint. Entre-temps, Bernadette devait garder au foyer, sa remuante fratrie. Jean-Marie n'oubliera jamais ces années passées à l'école de son aînée. "Bernadette nous portait une tendre affection. Elle prenait soin de nous et s'occupait du ménage". Il n'empêche que Toinette et lui battaient parfois leur soeur, en vue de lui extorquer un pain de régime meilleur que le leur. Mais, nos deux témoins ajoutent que, jamais, elle ne riposta, ni ne se plaignit. Voilà le contexte où grandirent les enfants. Il ne doit pas cacher ce climat familial de foi, de discrétion, de générosité et surtout de dureté au mal : on n'entendra jamais se plaindre un Soubirous ! Et même aux pires heures du cachot, on priait en commun, deux fois par jour. Jean-Marie rapporte à ce sujet :"Bernadette exigeait qu'on se tînt bien. Un jour, je m'étais couché trop tôt, voulant faire ma prière paresseusement au lit : elle m'obligea à me lever".
Jean-Marie en 1858
Le garçon n'avait pas encore sept ans. Mais sa mémoire enregistra certains épisodes vécus à côté de Bernadette, en 1858. Il en témoignera au cours de la déposition de 1909, puis de celle de 1916, en vue de la béatification et de la canonisation de sa soeur. "Je me souviens, dit-il, d'avoir assisté personnellement à plusieurs Apparitions. J'ai conservé le souvenir des extases de ma soeur Bernadette." La dix-septième manifestation surtout laissa en lui une trace indélébile : « Ce qui me frappa particulièrement, ce fut le miracle du cierge. Je vis très bien ma soeur poser sa main sur la flamme qui passait entre ses doigts. » L'extase terminée, le Dr Dozous s'approcha d'elle pour voir si ses doigts ne portaient pas de brûlures. Il constata que sa main était entièrement intacte. Alors, ayant allumé une allumette, il l'approcha de la main de Bernadette, qui la retira vivement en disant : « Vous me brûlez! » Le Docteur lui dit alors : "Comment se fait-il alors que tu ne te brûlais pas tout à l'heure quand ta main reposait sur la flamme du cierge ?" Bernadette répondit : "Je n'en sais rien !" Ailleurs, Jean-Marie ajoute : « Je me rappelle très nettement qu'une lumière s'échappait de l'orifice de la Grotte où se trouve actuellement la statue et se projetait sur le visage de Bernadette qu'elle faisait rayonner. Je trouvais ma soeur transfigurée ». À entendre Jean-Marie, ces rendez-vous près du Gave provoquèrent des remous. En premier, chez les Soubirous. « Je me souviens bien que mes parents, impressionnés par les menaces de la Police, défendirent à Bernadette d'aller à la Grotte, en lui disant: "Si tu continues, on nous mettra en prison ! » Bernadette, toujours obéissante, promettait, mais poussée par une force irrésistible elle se disait obligée d'y revenir. M. le Curé Peyramale lui-même - je l'ai entendu dire par Bernadette - lui défendit aussi d'aller à la Grotte, en lui disant qu'elle se rendait ridicule. Elle répondait toujours : « Je suis obligée d'y aller ! » Outre Jean-Marie, le plus jeune de la bande, garçons et filles, de 10 à 14 ans, furent de plus en plus nombreux à suivre Bernadette. Et à son tour, la Supérieure de l'Hospice, ne voulant rien savoir, dissuada les filles de descendre au Rocher. En vain ! Un chroniqueur dit même : « Grande effervescence chez la gent écolière, et beau prétexte pour manquer la classe ! ». De jeunes visionnaires se suscitaient même leurs propres apparitions: qui à la Grotte, qui par le Gave, qui plus confortablement chez eux.
Après les apparitions
Jean-Marie se souvient encore mieux de la suite : Après 1858, Bernadette demeura quelque temps avec nous. En fait, l'espace de deux ans. Mais pour échapper aux indiscrets et ménager sa santé, elle fut reçue comme pensionnaire à l'Hospice de Lourdes par les Soeurs de Nevers vouées au soin des malades et à l'éducation des filles. Elle y resterait six ans, ponctués de visites régulières à la famille. Écoutons son frère évoquer cette période. « En la reconduisant à l'Hospice, je me souviens qu'elle nous arrêtait parfois sur le chemin qui monte afin de respirer un peu. Les crises d'asthme, fréquentes, étaient parfois si violentes qu'on la croyait morte ». Et ceci, qui ne s'invente pas : « on vint plusieurs fois de l'Hospice appeler mes parents pendant la nuit. Tous, nous nous levions et nous y allions. Nous nous mettions près du lit de ma soeur. Et nous priions comme si nous avions assisté à ses derniers moments ». Mais Jean-Marie garde aussi d'autres images de sa sœur : « Elle allait en classe et pour moi elle était une jeune fille qui ne se distinguait pas des autres. Elle était gaie, comme elles, et prenait part à leurs jeux ». Mais déjà avait débuté le temps des curieux, avides de sensationnel, qui auraient tout donné pour approcher la voyante ou les siens. Un jour même, Bernadette gifla son petit frère à qui une dame venait de donner deux francs pour service rendu. Jean-Marie dut non seulement restituer la pièce, mais aussi subir au retour une fouille en règle de la part de son aînée. Dès 1861, on procéda aussi à d'interminables séances de photographies. Tous les membres de la famille y eurent droit. Ce qui nous vaut une belle série de photos. La première servirait de modèle à Jean-Marie pour le portrait de son aînée, signé : Jean-Marie Soubirous, frère de Bernadette. Stylisée avec goût, l'oeuvre (0, 90 x 1, 24) rend avec finesse les traits du personnage : son écoute, sa modestie, sa détermination. L'historien René Laurentin note : « J.-M. Soubirous a peint d'après photo, mais aussi d'après son tempérament de Soubirous, et selon des souvenirs qui expriment quelque chose de Bernadette ». Jean-Marie relate encore deux marques insolites d'attention: dans l'armoire de pensionnaire, Bernadette remisait une fiole de vin blanc que ses parents lui apportaient de temps à autre comme fortifiant et remède, et une tabatière. « Je lui ai apporté plusieurs fois du tabac. Je lui en enverrais même à Nevers : sur ordonnance médicale, en vue d'atténuer les ‘crises d'asthme’ ».
Jean-Marie et les Frères de l'Instruction Chrétienne
En 1858, Jean-Marie fréquentait l'école Saint-Joseph dont le directeur, le Fr. Léobard, témoignera ainsi en 1909. « J'avais dans ma classe J.-M. Soubirous, frère de Bernadette. La première apparition eut lieu un jeudi. Le lendemain matin, lorsqu'il vint en classe, je lui dis : "Dites donc à votre soeur que je serais bien aise de la voir". Et Bernadette vint le jour même dans l'après-midi. Elle me raconta tout ce qui s'était passé à la Grotte. J'ai vu la servante de Dieu de temps en temps jusqu'à son départ pour Nevers, en 1866 ». A ce sujet, son adjoint, le Fr. Cérase, lui fut d'une aide précieuse, car, parlant le dialecte lourdais, il servait d'interprète à l'heureuse voyante et au religieux. Ces deux Frères laisseront d'ailleurs des écrits d'une grande valeur, qui seront étudiés par des spécialistes de renom, comme Cros, Trochu, Laurentin, Ravier... Et la déposition orale du Fr. Léobard, en 1909, en vue de la béatification de Bernadette, occupe cinq folios : autant que celle de Jean-Marie.
Jean-Marie en formation
On a lieu de croire que Jean-Marie étudia chez les Frères, de 1858 à 1864 ou 1865. Mais sans certitude absolue, car, les archives des Frères de Gascogne restent à ce jour introuvables. En février ou mars 1870, il entre au postulat de Lavacan, chez les Frères de Gascogne. Bernadette écrit alors à son frère les lignes suivantes, datées du 21 avril 1870. Elle aura sans cesse à coeur de s'impliquer à plusieurs titres dans sa correspondance. Comme aînée de la famille dont, selon la Coutume des Pyrénées, elle avait la responsabilité. Comme religieuse, puisqu'elle était entrée au couvent de Nevers en 1866. Qu'il est émouvant de voir cet être de cristal, gagné par le mal, tenir une plume primesautière. Les lettres qui suivent - quoique souvent abrégées pour les besoins de la cause - sont retranscrites dans les plus petits détails. Leur style s'explique par le fait que nos correspondants étaient à mille lieues de songer à une publication ultérieure de leurs échanges. Quand Bernadette parle, il nous faut l'écouter : ce qu'elle dit est important, concis, imprégné de prière. Même si sa langue natale ne fut pas le français. Même si elle n'apprit à lire et écrire qu'à quinze ans. Notons aussi les similitudes. Ils sont frère et soeur Soubirous. Elle est Soeur de l'Instruction chrétienne (Nevers). Lui sera Frère de l'Instruction chrétienne (Ploërmel). Enfin, d'un écrit à l'autre, au lecteur de donner un sens aux variantes, et, au delà de certains mots jaunis, de saisir l'esprit du message: « Mon cher et bien aimé Frère, Je voudrais pouvoir t'exprimer le bonheur que mon coeur a éprouvé en apprenant ton entrée au noviciat des chers Frères de l'Instruction chrétienne. Que nous devrions être fervents l'un et l'autre, mon cher frère, pour remercier Notre Seigneur et la très sainte Vierge de la grâce insigne de nous avoir appelés à son service, nous si faibles et si ignorants. Appliquons-nous surtout à étudier la science des saints en imitant leurs vertus d'humilité, d'obéissance, de charité et d'oubli d'eux-mêmes. Rappelons-nous souvent cette parole du divin Maître : 'Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir les autres. Cela paraît dur et difficile à la nature, mais quand on aime bien Notre Seigneur, tout devient facile. Quand quelque chose nous coûte, disons tout de suite : Tout pour vous plaire, ô mon Dieu, et rien pour me satisfaire.' Cette autre pensée m'a fait aussi beaucoup de bien : 'Faire toujours ce qui coûte le plus ' ; cela m'a aidée à surmonter plusieurs petites répugnances (...). Adieu, mon bon frère, ne m'oublie pas auprès des Coeurs Sacrés de Jésus et de Marie. C'est là que je te donne rendez-vous. Ta toute dévouée soeur ».
Le noviciat
Après un postulat écourté on ne sait pourquoi, Jean-Marie entre, le 27 juin 1870, au noviciat contigu, Il prend le nom de Marie-Bernard. Comme d' habitude, il tarde à en informer Bernadette, qui lui répond de Nevers, le 28 décembre 1870: « Mon cher Frère, Je ne puis exprimer le bonheur que j'ai éprouvé en apprenant que tu as le bonheur d'être revêtu des livrées de Notre Seigneur. J'ai remercié ce bon Maître de la grâce insigne qu'il t'a faite. Je prie tous les jours pour que tu les portes saintement et que ces chères livrées t'accompagnent jusqu'au tombeau; c'est aussi ton désir, j'en suis sûre. Ce qui a augmenté ma joie, c'est de voir au bas de ta lettre le nom de Frère Marie-Bernard. J'aime à penser, mon cher frère, que tu fais tout ce qui dépend de toi pour te montrer digne de la confiance que tes vénérés Supérieurs t'ont témoignée en te donnant si tôt le saint habit. Prouve donc, cher ami, ta reconnaissance à Notre Seigneur et à tes vénérés supérieurs en devenant humble et obéissant; demandons tous les jours ces deux vertus l'un pour l'autre à la très sainte Vierge et au saint Enfant Jésus. N'oublions pas que le moyen d'obtenir de nouvelles grâces, c'est de remercier Notre Seigneur et la très sainte Vierge de celles qu'ils nous ont accordées. Je te prie, mon cher frère, d'offrir mon profond respect à tes vénérés Supérieurs, recommande-moi aussi aux prières de la Communauté; je ne vous oublie pas dans les miennes quoique bien faibles; je prie surtout pour votre cher Noviciat. (..) Je termine, mon cher Frère, en te souhaitant une bonne année, je demande au petit Jésus qu'il te donne pour étrennes son amour et un grand esprit de sacrifice. Adieu, mon cher Frère, ne m'oublie pas auprès des Coeurs Sacrés de Jésus et de Marie. C'est là que je te donne rendez-vous. Ta soeur bien dévouée. Soeur Marie-Bernard Soubirous. »
De tristes nouvelles
Trois mois plus tard, Jean-Marie reçoit de Nevers une missive sans en-tête. Nous savons combien la mort rôdait constamment autour des Soubirous. Il en fut encore cruellement ainsi durant ce premier trimestre de 1871: « Je viens aujourd'hui avec toi embrasser les Croix que notre divin Maître nous a envoyées; demandons-lui la grâce de les porter à son exemple, avec soumission et générosité. - Les épreuves que nous avons eues cette année sont grandes, cher frère ; trois membres de la famille nous ont été enlevés dans l'espace de quelques jours. Le bon Dieu a ses desseins, il est vrai, mais le coup a été bien rude : notre pauvre Père nous a été ravi si promptement; nous avons eu la consolation d'apprendre qu'il a reçu les derniers Sacrements : c'est une grande grâce dont nous devons le remercier. Prions néanmoins beaucoup, cher ami, pour le repos de son âme et pour notre bonne tante Lucile dont les pauvres enfants sont bien à plaindre. Je te recommande aussi de prier la sainte Vierge pour notre soeur Marie (Toinette) qui en a bien besoin; tu sais qu'elle a eu le malheur de perdre sa petite Bernadette qu'elle aimait tant, quel chagrin pour une Mère ! Donne-moi bientôt de tes nouvelles, cher frère, je suis inquiète à ton sujet. (...) Adieu, mon bien cher frère, demandons l'un pour l'autre à Notre Seigneur les grâces nécessaires pour devenir des saints. Soyons généreux dans les sacrifices que ce bon Maître nous envoie et offrons-les pour le repos de l'âme de ceux que nous avons perdus. Ta soeur bien dévouée. »
Une surprise
Jean-Marie persistait à se montrer particulièrement négligent dans son courrier. En avril 1872, Bernadette lui décoche une lettre incisive et imprévue, afin que le coup portât une bonne fois pour toutes. On imagine aisément le saisissement éprouvé par le destinataire, vouvoyé en la circonstance! Une "sainte colère" ! « Pardon, si je vous dérange, je voudrais bien savoir si vous avez fait voeu de ne plus m'écrire; voilà un an que j'attends une de vos lettres. Voyant que le temps s'écoule sans en recevoir, je me suis enfin décidée de vous écrire pour vous prier de me donner au moins signe de vie, si toutefois vous n'avez pas fait le voeu. [Suivent les salutations d'usage.] »
Confidence
Le 20 mai 1873, le ton change. Après des semaines de maladie, Bernadette se livre à la confidence. « Mon bien cher frère, Je suis fâchée de n'avoir pu te donner plus tôt de mes nouvelles. Je viens d'être gravement malade. J'ai commencé par avoir une crise, ensuite un fort crachement de sang qui ne me permettait pas de faire le moindre mouvement, sans qu'il se renouvelât. Cela m'a obligé à rester trois mois au lit. J'ai assisté pour la première fois le jour de Pâques à la messe. J'ai eu une petite rechute qui m'a fait garder quinze jours de plus le lit. Ne t'inquiète pas : je n'ai rien à la poitrine ; c'est une maladie de coeur, avec laquelle on peut vivre longtemps, comme aussi je puis mourir en dormant. Je m'abandonne entre les mains de Notre Seigneur et de la très Sainte Vierge. Je vais mieux, les forces reviennent quoique bien doucement; prie pour moi. (...) Adieu, mon cher frère, prie pour moi, afin que je devienne une religieuse selon le coeur de Notre- Seigneur. Je suis ta toute dévouée soeur dans les Coeurs Sacrés de Jésus et de Marie. Soeur Marie-Bernard Soubirous. P.S. - Donne-moi de tes nouvelles le plus tôt possible. »
À Éauze et au service
Après sa formation, Jean-Marie enseigne à Éauze, dans le Gers, où il aura comme élève le futur archevêque d'Albi : Mgr Cézerac. Puis vint le service militaire. Il fut incorporé le 25 janvier 1874. Il quittera l'Armée le 11 novembre 1876. Ce qui induit que le Frère n'émit que des voeux temporaires, qui cessaient à la caserne. De son côté, le P. Ravier écrit : « La sortie de l'Institut de Jean-Marie, en 1876, apparaît tout à fait régulière au point de vue canonique ». Ceci nous aidera à mieux saisir cette lettre du ler juillet 1876, où Bernadette semble tout deviner, alors que son frère-soldat vit ses derniers mois sous les drapeaux: « Mon cher frère, J'aurais désiré répondre plus tôt à ta lettre qui m'a bien fait plaisir, d'autant plus qu'il y avait si longtemps que je n'avais pas eu de tes nouvelles; je t'avoue que cela me faisait bien de la peine. Je ne savais à quoi attribuer ce long silence. J'espère, cher ami que tu ne me feras pas attendre si longtemps cette fois, je te prie de secouer un peu ta paresse. Ma cousine Nicolau me disait dans sa lettre que tu attendais ton congé cette année ; dis-moi un peu ce que tu penses faire, tu n'ignores pas que je te porte autant d'intérêt de loin que de près. Si je fais cette question, sache que ce n'est pas la curiosité qui me la fait faire, non, cher ami, n'ayant plus nos chers parents, il me semble que c'est un devoir pour moi, comme votre aînée, de veiller sur vous; inutile de te dire tout l'intérêt que je vous porte à tous les trois. Je t'avoue que je suis vivement préoccupée de ton avenir et de celui de Pierre; je prie tous les jours Notre Seigneur et la très Sainte Vierge de vous éclairer. Je te recommande surtout d'être bien fidèle à tes devoirs de chrétien, c'est là que tu trouveras force et lumière dans toutes tes peines et difficultés. Je sais que les militaires ont beaucoup à souffrir et en silence; s'ils avaient le soin de dire tous les matins en se levant ces courtes paroles à Notre Seigneur :" Mon Dieu, aujourd'hui je veux tout faire et souffrir par amour pour vous" ; que de mérites n'acquerraient-ils pas pour l'éternité. Un soldat qui ferait et serait fidèle à ses devoirs de chrétien autant qu'il lui serait possible, il aurait autant de mérite qu'un religieux. En effet, un religieux ne peut attendre de récompense de ses travaux et de ses souffrances que tout autant qu'il aura souffert et travaillé pour plaire à Notre Seigneur. Ne crois pas que ce soit indifférence de ma part si j'ai tant tardé à te répondre, non, mon état habituel de souffrance est le seul motif qui m'ait imposé cette privation. Je vais beaucoup mieux. (...) Adieu, mon bon frère, je te quitte en t'embrassant bien affectueusement et en te recommandant d'être toujours bien raisonnable. Ta soeur qui t'aime toujours. Soeur Marie-Bernard Soubirous ».
Après l'armée
Ces mots, écrits à la fin du mois de novembre 1876, s’adressent à Jean-Marie qui vient d’achever le service. Il a décidé de ne plus rejoindre l’Institut des FIC. Commencent alors des disputes qui n’altéreront qu’un temps l’entente familiale: « Mon cher frère, J’ai lu avec peine dans ta dernière lettre, le mécontentement que tu éprouves de la part de mon beau frère et de ma soeur; je crains que tu te montes un peu trop la tête ; ce n’est pas dans un moment de contrariété qu’il faut parler ni écrire; il faut d’abord se « calmer », « réfléchir » et « ensuite agir ». Marie ne m’a parlé absolument de rien, pas plus du rocher que du moulin. Vous ne pouvez rien arranger du moment que Pierre n’a pas l’âge. Je te conseille de te tenir tranquille, je ne parlerai à personne de ce que tu dis dans tes lettres. Je n’ai pas eu de lettre de la maison depuis le mois d’août; Pierre m’écrivit pour m’annoncer la mort de ma chère petite nièce. Il paraît que Marie est bien triste depuis la mort de cette chère enfant; voilà la vie : des peines et des sacrifices, qui doivent nous faire voir que le bonheur n’est pas de ce monde. (...) Je te recommande surtout de ne pas oublier tes devoirs religieux; n’oublie pas que « vouloir c’est pouvoir ». Il me tarde d’avoir de tes nouvelles, donne-m’en le plus tôt possible. Adieu, cher ami, ta toute dévouée Soeur, qui t’embrasse bien affectueusement. Soeur Marie-Bernard Soubirous. »
Un oubli
Jean-Marie épouse Madeleine Escalé le 8 février 1877, mais n’avertit Bernadette qu’après coup. La réponse ne tarde pas: « Je te dirai que j’ai été surprise en lisant dans ta lettre que tu étais marié. J’ai même été un peu peinée. Non pas que je fusse fâchée que tu te maries, non; mais il me semble qu’il aurait été plus convenable que je l’apprisse deux ou trois jours avant ton mariage : ç’aurait été un bonheur pour moi d’unir mes prières, quoique bien faibles, aux vôtres, ce jour-là (.) Je te dirai au tuyau de l’oreille que j’ai trouvé ta lettre passablement froide. Tu me dis pourtant le nom de ta femme ; il semble qu’il ne t’aurait pas coûté beaucoup de me dire si elle est de Lourdes, et surtout si elle appartient à une famille chrétienne. J’espère, cher ami, que tu seras un peu plus aimable à la prochaine fois que tu m’écriras. »
Prendre soin de Pierre
Entre mars et juin 1877, se glisse un fragment de lettre : sans date, sans en-tête, ni texte complet... Car il arrivait que l’on fît cadeau à quelqu’un d’une partie de missive émanant de Bernadette, de la signature, comme ici. En cours de lecture, apparaissent de nouvelles dissensions : Pierre a mis fin à ses études, mais reste sans travail. Il y a tout lieu de croire, avec le Père André Ravier, que le destinataire de ces courtes lignes n’est autre que Jean-Marie: « Pierre ne peut pas rester comme ça. Il est temps qu’il songe à son avenir. Vous voulez faire chacun à votre tête. Vous me dites les choses quand elles sont faites, quand vous avez tout décidé : pourquoi ne pas me dire plus tôt que (.) Je te prie de dire mille choses aimables de ma part à Madeleine, ...et (de) lui offrir mes sentiments les plus affectueux. Adieu, je vous embrasse tous bien affectueusement et me recommande à vos prières ».
Indignation
Le 17 juillet 1877, Bernadette rédige, à l’adresse de Jean-Marie, cette page, où pointe son indignation: « Mon cher frère, Il paraît que c’est toi et ta femme qui êtes cause que Pierre a quitté la maison. (...) Dis-moi le bon effet que ça fait que des étrangers soient obligés de veiller sur notre frère. Pauvre Jean-Marie, fais bien attention, réfléchis... J’ai honte de vous autres : que doivent penser les gens de la ville de vous voir en désunion comme vous êtes, vous autres qui devriez donner le bon exemple ?... A présent que vous avez, aussi bien les uns comme les autres, la tête montée, je vous assure que vous me faites tous beaucoup de peine, en voyant le peu d’union qu’il y a entre vous, tandis que vous pourriez vivre tous heureux et contents, en travaillant et en mettant chacun un peu du sien. (...) »
Une réponse rapide
Cette fois, la réponse - franche - du frère n’attend guère, puisqu’elle est datée du 23 juillet suivant: « Ma chère soeur, Je ne sais à quoi attribuer tes questions si sensibles qui t’ont vivement inquiétée envers moi; sois assurée que cela m’a fait bien de la peine ; d’après ce que tu me dis dans ta lettre que moi et ma femme nous étions cause du départ de notre frère, ainsi que de toutes ces discussions que tu me reproches si sévèrement. Je m’étonne bien que tu viennes me parler de tout ça sans savoir les motifs; tu me fais voir que tu as plus de confiance en ce que te disent les autres que tes frères. Quant à Pierre, s’il a quitté la maison et ainsi que moi, ce n’est pas de notre faute, car quand on donne congé, il faut partir. Pour Pierre, tu me dis qu’il est veillé par les étrangers, mais tu sais bien qu’il est à la Grotte avec le R. P. Sempé et qu’il se trouve bien mieux qu’à la maison. (-) Pour la lettre prochaine, je te donnerai plus de détails de tout cela, puis je te prierai, ma chère soeur, de ne pas écouter tout ce qu’on pourra te dire, car l’intérêt de l’argent fait dire beaucoup de choses qui ne sont pas vraies. Rien de plus à te dire pour le moment. Nous nous portons bien tous les deux, ainsi que Pierre et nous désirons que la présente te trouve de même. Ton frère pour la vie. Jean-Marie Soubirous ».
L’apaisement
Justement, le Père Sempé, Supérieur des chapelains de Lourdes, adresse, le 24 juillet 1877, un courrier d’apaisement à Bernadette. Il lui certifie que ses deux frères travaillent à la Grotte, à la satisfaction de tous ; qu’il faudrait encourager et consoler le jeune Pierre qui «a beaucoup pleuré en recevant la dernière lettre» de Nevers. Le 5 septembre 1877, Jean-Marie rédige le mot qui suit, accompagné d’un petit cadeau: « Ma chère soeur, Je t’avoue que ta dernière lettre me fait bien de la peine : tu juges mal de moi, mais tu pourras demander des nouvelles de moi à qui tu voudras dans Lourdes. Aussi, chère soeur, j’attends une de tes lettres aussitôt que possible ; tu me feras bien plaisir. Je ne te dis autre chose pour le moment. (..) Adieu, ma chère soeur, j’attends ta prompte lettre avec impatience. Je te quitte en t’embrassant bien affectueusement. Je suis ton frère pour la vie. Jean-Marie Soubirous. »
L’au-revoir
La famille suivait le calvaire de Bernadette. Et le «Journal de la communauté» de Nevers relate la visite de Jean-Marie à sa soeur, le 18 décembre 1878. Ils ne s‘étaient pas vus depuis 1866 ! «Oh ! Jean-Marie», s’exclama la voyante. On descend Bernadette dans son fauteuil au parloir de la Mère générale. «L’entrevue souleva une grande émotion de part et d’autre.» Jean-Marie repartit satisfait de sa visite, mais un peu triste de laisser sa soeur alitée... Ils ne devaient plus se revoir. Rien ne filtra de ces retrouvailles. Émile Zola qui suivait les événements vint interroger Jean-Marie dans sa boutique de la Merlasse, près de la Grotte. « Il la trouva bien changée, écrit le célèbre romancier, malade, causant peu, mais affectueusement de la famille, s’intéressant aux siens avec une tendresse tranquille. Elle ne se plaignit pas et lui donna de bons conseils. »
La suite des jours
Le Père Moniquet, dans sa Divine histoire de N. D. de Lourdes (1912), donne des détails précis sur
Jean-Marie qu’il avait rencontré en 1909. « De taille moyenne, plutôt petite ; une tête ronde, un visage plein. Une main trapue où brille une bague. Lent dans sa parole et ses mouvements. Une placidité, un calme à leur maximum. Une affabilité simple, sans apprêt ». En 1911, il habitait la «maison paternelle», dite «Moulin Lacadé», et vendait des souvenirs au quartier de la Merlasse. Mais sur ordre de Bernadette, il n’ouvrait pas le dimanche. Et, au pied du château, il avait bâti un petit chalet qu’il louait durant la saison.
Le départ
Jean-Marie Soubirous rendit son âme à Dieu, au Moulin Lacadé, des suites d’une cruelle maladie chrétiennement supportée. Il avait été marié deux fois. Du premier mariage, étaient nés sept enfants, dont l’aîné, devenu prêtre de Bétharram, est mort missionnaire en 1910, à Buenos-Aires. Veuf en 1890, il se remaria et eut un dernier fils. Le Télégramme évoqua la figure du disparu. « Bon, serviable, simple, il vivait bien effacé, très retiré, ne se plaisant qu’au milieu des siens. Rien ne froissait autant sa modestie que les prévenances respectueuses des pèlerins. Il ne voulut jamais rien être dans sa noble cité, et cependant les sollicitations ne lui firent pas défaut. » Les Annales de Notre-Dame ajoutent : « Ses obsèques, simples et imposantes, ont montré en quelle haute estime le tenaient ses concitoyens; toute la ville de Lourdes était là ». Il repose à Lourdes, au cimetière de l’Égalité, dans le grand caveau familial aux noms enregistrés par l’histoire.
Bibliographie
P. André Ravier : Les écrits de Sainte Bernadette et sa voie spirituelle, Paris, Lethielleux, 1986. (l’essentiel en un volume). Voir aussi les nombreux ouvrages du P. René Laurentin.
Texte du Frère Arnaud Aguergaray, extrait de la Chronique des Frères de l'Instruction Chrétienne Nos 397, 399, 401, site internet:
Lourdes, les Soubirous et les frères
Une page d’histoire
À deux ans à peine de la célébration du 150ème anniversaire des apparitions de Lourdes, le frère Arnaud Aguergaray nous propose une étude sur la famille Soubirous, en particulier sur Jean-Marie, frère de Bernadette, qui entra au noviciat de Lavacan en 1870, et quitta la congrégation à sa sortie de la caserne en 1876. La monographie que voici recoupe des faits par ailleurs connus, et qui ne furent pas étrangers au vécu des FIC du Midi.
Les parents Soubirous
Le 19 novembre 1842, François Soubirous et Louise Castérot se marièrent à la mairie de Lourdes. La cérémonie religieuse fut reportée au 9 janvier suivant. Les conjoints, descendants tous deux de meuniers, s'installèrent au moulin de Boly, non loin de la Grotte. Les témoins des Apparitions souligneront combien était sincère leur amour, et profonde leur foi. Ce qui leur permit de faire face à toutes sortes d'imprévus qui ne manqueront pas de jalonner leur existence.
Les enfants Soubirous
Un an plus tard, le dimanche de l'Épiphanie, naissance de Bernadette (1844-1879). Plus précisément, selon l'État Civil, de Bernarde-Marie, devenue Marie-Bernarde sur les fonts baptismaux, puis Soeur Marie-Bernard au couvent, et tout simplement Bernadette, pour la chrétienté ! Absolument rien ne la destinait à une aventure exceptionnelle. Après elle, huit autres enfants vinrent au monde : cinq moururent trop tôt. Quant aux survivants, ils resteront marqués par la destinée de leur aînée. Et d'abord Toinette (1846-1892), appelée aussi "Marie". Elle alla aux deux
premières Apparitions et se maria en 1867. Elle eut quatre filles et deux fils : tous décédés très jeunes, sauf Jean-Alexis, qui sera tué à la Guerre en 1915. Jean-Marie (1851-1919), le troisième, naquit aussi au moulin de Boly. Sa vie a partie liée à l'histoire des FIC placés à Lourdes en 1855 par M. de la Mennais. Il nous guidera durant cette esquisse à lui consacrée, et son regard nous sera précieux pour relire des faits qui prirent de court tant de ses contemporains... Le dernier, Pierre (1859-1931), sera le seul à n'avoir pas vécu les événements. Il étudia dans un collège ecclésiastique et se maria. Mais ses deux enfants moururent aussi à l'aube de leur vie.
À l'approche des apparitions
Les Soubirous connurent alors bien des épreuves et changèrent plusieurs fois d'adresses. En 1856, un cousin leur prêta l'ancienne prison de Lourdes, appelée le "cachot". Qui n'a jamais vu cette pièce unique, humide et peu éclairée, risque de romancer la vie de ceux qui l'habitèrent. Et en ce matin glacial du 11 février 1858, c'est de là que Bernadette, Toinette et Jeanne Abadie, leur camarade, partent pour Massabielle, à la recherche de bois mort. D'autres malheurs avaient précédé. Le choléra sévit à Lourdes en 1855, faisant 38 morts et nombre de malades, dont Bernadette, dès lors sujette à des "crises d'asthme". Pour comble, François, le père, fut réduit à l'état de manoeuvre, obligeant ainsi sa femme à gagner au-dehors un salaire d'appoint. Entre-temps, Bernadette devait garder au foyer, sa remuante fratrie. Jean-Marie n'oubliera jamais ces années passées à l'école de son aînée. "Bernadette nous portait une tendre affection. Elle prenait soin de nous et s'occupait du ménage". Il n'empêche que Toinette et lui battaient parfois leur soeur, en vue de lui extorquer un pain de régime meilleur que le leur. Mais, nos deux témoins ajoutent que, jamais, elle ne riposta, ni ne se plaignit. Voilà le contexte où grandirent les enfants. Il ne doit pas cacher ce climat familial de foi, de discrétion, de générosité et surtout de dureté au mal : on n'entendra jamais se plaindre un Soubirous ! Et même aux pires heures du cachot, on priait en commun, deux fois par jour. Jean-Marie rapporte à ce sujet :"Bernadette exigeait qu'on se tînt bien. Un jour, je m'étais couché trop tôt, voulant faire ma prière paresseusement au lit : elle m'obligea à me lever".
Jean-Marie en 1858
Le garçon n'avait pas encore sept ans. Mais sa mémoire enregistra certains épisodes vécus à côté de Bernadette, en 1858. Il en témoignera au cours de la déposition de 1909, puis de celle de 1916, en vue de la béatification et de la canonisation de sa soeur. "Je me souviens, dit-il, d'avoir assisté personnellement à plusieurs Apparitions. J'ai conservé le souvenir des extases de ma soeur Bernadette." La dix-septième manifestation surtout laissa en lui une trace indélébile : « Ce qui me frappa particulièrement, ce fut le miracle du cierge. Je vis très bien ma soeur poser sa main sur la flamme qui passait entre ses doigts. » L'extase terminée, le Dr Dozous s'approcha d'elle pour voir si ses doigts ne portaient pas de brûlures. Il constata que sa main était entièrement intacte. Alors, ayant allumé une allumette, il l'approcha de la main de Bernadette, qui la retira vivement en disant : « Vous me brûlez! » Le Docteur lui dit alors : "Comment se fait-il alors que tu ne te brûlais pas tout à l'heure quand ta main reposait sur la flamme du cierge ?" Bernadette répondit : "Je n'en sais rien !" Ailleurs, Jean-Marie ajoute : « Je me rappelle très nettement qu'une lumière s'échappait de l'orifice de la Grotte où se trouve actuellement la statue et se projetait sur le visage de Bernadette qu'elle faisait rayonner. Je trouvais ma soeur transfigurée ». À entendre Jean-Marie, ces rendez-vous près du Gave provoquèrent des remous. En premier, chez les Soubirous. « Je me souviens bien que mes parents, impressionnés par les menaces de la Police, défendirent à Bernadette d'aller à la Grotte, en lui disant: "Si tu continues, on nous mettra en prison ! » Bernadette, toujours obéissante, promettait, mais poussée par une force irrésistible elle se disait obligée d'y revenir. M. le Curé Peyramale lui-même - je l'ai entendu dire par Bernadette - lui défendit aussi d'aller à la Grotte, en lui disant qu'elle se rendait ridicule. Elle répondait toujours : « Je suis obligée d'y aller ! » Outre Jean-Marie, le plus jeune de la bande, garçons et filles, de 10 à 14 ans, furent de plus en plus nombreux à suivre Bernadette. Et à son tour, la Supérieure de l'Hospice, ne voulant rien savoir, dissuada les filles de descendre au Rocher. En vain ! Un chroniqueur dit même : « Grande effervescence chez la gent écolière, et beau prétexte pour manquer la classe ! ». De jeunes visionnaires se suscitaient même leurs propres apparitions: qui à la Grotte, qui par le Gave, qui plus confortablement chez eux.
Après les apparitions
Jean-Marie se souvient encore mieux de la suite : Après 1858, Bernadette demeura quelque temps avec nous. En fait, l'espace de deux ans. Mais pour échapper aux indiscrets et ménager sa santé, elle fut reçue comme pensionnaire à l'Hospice de Lourdes par les Soeurs de Nevers vouées au soin des malades et à l'éducation des filles. Elle y resterait six ans, ponctués de visites régulières à la famille. Écoutons son frère évoquer cette période. « En la reconduisant à l'Hospice, je me souviens qu'elle nous arrêtait parfois sur le chemin qui monte afin de respirer un peu. Les crises d'asthme, fréquentes, étaient parfois si violentes qu'on la croyait morte ». Et ceci, qui ne s'invente pas : « on vint plusieurs fois de l'Hospice appeler mes parents pendant la nuit. Tous, nous nous levions et nous y allions. Nous nous mettions près du lit de ma soeur. Et nous priions comme si nous avions assisté à ses derniers moments ». Mais Jean-Marie garde aussi d'autres images de sa sœur : « Elle allait en classe et pour moi elle était une jeune fille qui ne se distinguait pas des autres. Elle était gaie, comme elles, et prenait part à leurs jeux ». Mais déjà avait débuté le temps des curieux, avides de sensationnel, qui auraient tout donné pour approcher la voyante ou les siens. Un jour même, Bernadette gifla son petit frère à qui une dame venait de donner deux francs pour service rendu. Jean-Marie dut non seulement restituer la pièce, mais aussi subir au retour une fouille en règle de la part de son aînée. Dès 1861, on procéda aussi à d'interminables séances de photographies. Tous les membres de la famille y eurent droit. Ce qui nous vaut une belle série de photos. La première servirait de modèle à Jean-Marie pour le portrait de son aînée, signé : Jean-Marie Soubirous, frère de Bernadette. Stylisée avec goût, l'oeuvre (0, 90 x 1, 24) rend avec finesse les traits du personnage : son écoute, sa modestie, sa détermination. L'historien René Laurentin note : « J.-M. Soubirous a peint d'après photo, mais aussi d'après son tempérament de Soubirous, et selon des souvenirs qui expriment quelque chose de Bernadette ». Jean-Marie relate encore deux marques insolites d'attention: dans l'armoire de pensionnaire, Bernadette remisait une fiole de vin blanc que ses parents lui apportaient de temps à autre comme fortifiant et remède, et une tabatière. « Je lui ai apporté plusieurs fois du tabac. Je lui en enverrais même à Nevers : sur ordonnance médicale, en vue d'atténuer les ‘crises d'asthme’ ».
Jean-Marie et les Frères de l'Instruction Chrétienne
En 1858, Jean-Marie fréquentait l'école Saint-Joseph dont le directeur, le Fr. Léobard, témoignera ainsi en 1909. « J'avais dans ma classe J.-M. Soubirous, frère de Bernadette. La première apparition eut lieu un jeudi. Le lendemain matin, lorsqu'il vint en classe, je lui dis : "Dites donc à votre soeur que je serais bien aise de la voir". Et Bernadette vint le jour même dans l'après-midi. Elle me raconta tout ce qui s'était passé à la Grotte. J'ai vu la servante de Dieu de temps en temps jusqu'à son départ pour Nevers, en 1866 ». A ce sujet, son adjoint, le Fr. Cérase, lui fut d'une aide précieuse, car, parlant le dialecte lourdais, il servait d'interprète à l'heureuse voyante et au religieux. Ces deux Frères laisseront d'ailleurs des écrits d'une grande valeur, qui seront étudiés par des spécialistes de renom, comme Cros, Trochu, Laurentin, Ravier... Et la déposition orale du Fr. Léobard, en 1909, en vue de la béatification de Bernadette, occupe cinq folios : autant que celle de Jean-Marie.
Jean-Marie en formation
On a lieu de croire que Jean-Marie étudia chez les Frères, de 1858 à 1864 ou 1865. Mais sans certitude absolue, car, les archives des Frères de Gascogne restent à ce jour introuvables. En février ou mars 1870, il entre au postulat de Lavacan, chez les Frères de Gascogne. Bernadette écrit alors à son frère les lignes suivantes, datées du 21 avril 1870. Elle aura sans cesse à coeur de s'impliquer à plusieurs titres dans sa correspondance. Comme aînée de la famille dont, selon la Coutume des Pyrénées, elle avait la responsabilité. Comme religieuse, puisqu'elle était entrée au couvent de Nevers en 1866. Qu'il est émouvant de voir cet être de cristal, gagné par le mal, tenir une plume primesautière. Les lettres qui suivent - quoique souvent abrégées pour les besoins de la cause - sont retranscrites dans les plus petits détails. Leur style s'explique par le fait que nos correspondants étaient à mille lieues de songer à une publication ultérieure de leurs échanges. Quand Bernadette parle, il nous faut l'écouter : ce qu'elle dit est important, concis, imprégné de prière. Même si sa langue natale ne fut pas le français. Même si elle n'apprit à lire et écrire qu'à quinze ans. Notons aussi les similitudes. Ils sont frère et soeur Soubirous. Elle est Soeur de l'Instruction chrétienne (Nevers). Lui sera Frère de l'Instruction chrétienne (Ploërmel). Enfin, d'un écrit à l'autre, au lecteur de donner un sens aux variantes, et, au delà de certains mots jaunis, de saisir l'esprit du message: « Mon cher et bien aimé Frère, Je voudrais pouvoir t'exprimer le bonheur que mon coeur a éprouvé en apprenant ton entrée au noviciat des chers Frères de l'Instruction chrétienne. Que nous devrions être fervents l'un et l'autre, mon cher frère, pour remercier Notre Seigneur et la très sainte Vierge de la grâce insigne de nous avoir appelés à son service, nous si faibles et si ignorants. Appliquons-nous surtout à étudier la science des saints en imitant leurs vertus d'humilité, d'obéissance, de charité et d'oubli d'eux-mêmes. Rappelons-nous souvent cette parole du divin Maître : 'Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir les autres. Cela paraît dur et difficile à la nature, mais quand on aime bien Notre Seigneur, tout devient facile. Quand quelque chose nous coûte, disons tout de suite : Tout pour vous plaire, ô mon Dieu, et rien pour me satisfaire.' Cette autre pensée m'a fait aussi beaucoup de bien : 'Faire toujours ce qui coûte le plus ' ; cela m'a aidée à surmonter plusieurs petites répugnances (...). Adieu, mon bon frère, ne m'oublie pas auprès des Coeurs Sacrés de Jésus et de Marie. C'est là que je te donne rendez-vous. Ta toute dévouée soeur ».
Le noviciat
Après un postulat écourté on ne sait pourquoi, Jean-Marie entre, le 27 juin 1870, au noviciat contigu, Il prend le nom de Marie-Bernard. Comme d' habitude, il tarde à en informer Bernadette, qui lui répond de Nevers, le 28 décembre 1870: « Mon cher Frère, Je ne puis exprimer le bonheur que j'ai éprouvé en apprenant que tu as le bonheur d'être revêtu des livrées de Notre Seigneur. J'ai remercié ce bon Maître de la grâce insigne qu'il t'a faite. Je prie tous les jours pour que tu les portes saintement et que ces chères livrées t'accompagnent jusqu'au tombeau; c'est aussi ton désir, j'en suis sûre. Ce qui a augmenté ma joie, c'est de voir au bas de ta lettre le nom de Frère Marie-Bernard. J'aime à penser, mon cher frère, que tu fais tout ce qui dépend de toi pour te montrer digne de la confiance que tes vénérés Supérieurs t'ont témoignée en te donnant si tôt le saint habit. Prouve donc, cher ami, ta reconnaissance à Notre Seigneur et à tes vénérés supérieurs en devenant humble et obéissant; demandons tous les jours ces deux vertus l'un pour l'autre à la très sainte Vierge et au saint Enfant Jésus. N'oublions pas que le moyen d'obtenir de nouvelles grâces, c'est de remercier Notre Seigneur et la très sainte Vierge de celles qu'ils nous ont accordées. Je te prie, mon cher frère, d'offrir mon profond respect à tes vénérés Supérieurs, recommande-moi aussi aux prières de la Communauté; je ne vous oublie pas dans les miennes quoique bien faibles; je prie surtout pour votre cher Noviciat. (..) Je termine, mon cher Frère, en te souhaitant une bonne année, je demande au petit Jésus qu'il te donne pour étrennes son amour et un grand esprit de sacrifice. Adieu, mon cher Frère, ne m'oublie pas auprès des Coeurs Sacrés de Jésus et de Marie. C'est là que je te donne rendez-vous. Ta soeur bien dévouée. Soeur Marie-Bernard Soubirous. »
De tristes nouvelles
Trois mois plus tard, Jean-Marie reçoit de Nevers une missive sans en-tête. Nous savons combien la mort rôdait constamment autour des Soubirous. Il en fut encore cruellement ainsi durant ce premier trimestre de 1871: « Je viens aujourd'hui avec toi embrasser les Croix que notre divin Maître nous a envoyées; demandons-lui la grâce de les porter à son exemple, avec soumission et générosité. - Les épreuves que nous avons eues cette année sont grandes, cher frère ; trois membres de la famille nous ont été enlevés dans l'espace de quelques jours. Le bon Dieu a ses desseins, il est vrai, mais le coup a été bien rude : notre pauvre Père nous a été ravi si promptement; nous avons eu la consolation d'apprendre qu'il a reçu les derniers Sacrements : c'est une grande grâce dont nous devons le remercier. Prions néanmoins beaucoup, cher ami, pour le repos de son âme et pour notre bonne tante Lucile dont les pauvres enfants sont bien à plaindre. Je te recommande aussi de prier la sainte Vierge pour notre soeur Marie (Toinette) qui en a bien besoin; tu sais qu'elle a eu le malheur de perdre sa petite Bernadette qu'elle aimait tant, quel chagrin pour une Mère ! Donne-moi bientôt de tes nouvelles, cher frère, je suis inquiète à ton sujet. (...) Adieu, mon bien cher frère, demandons l'un pour l'autre à Notre Seigneur les grâces nécessaires pour devenir des saints. Soyons généreux dans les sacrifices que ce bon Maître nous envoie et offrons-les pour le repos de l'âme de ceux que nous avons perdus. Ta soeur bien dévouée. »
Une surprise
Jean-Marie persistait à se montrer particulièrement négligent dans son courrier. En avril 1872, Bernadette lui décoche une lettre incisive et imprévue, afin que le coup portât une bonne fois pour toutes. On imagine aisément le saisissement éprouvé par le destinataire, vouvoyé en la circonstance! Une "sainte colère" ! « Pardon, si je vous dérange, je voudrais bien savoir si vous avez fait voeu de ne plus m'écrire; voilà un an que j'attends une de vos lettres. Voyant que le temps s'écoule sans en recevoir, je me suis enfin décidée de vous écrire pour vous prier de me donner au moins signe de vie, si toutefois vous n'avez pas fait le voeu. [Suivent les salutations d'usage.] »
Confidence
Le 20 mai 1873, le ton change. Après des semaines de maladie, Bernadette se livre à la confidence. « Mon bien cher frère, Je suis fâchée de n'avoir pu te donner plus tôt de mes nouvelles. Je viens d'être gravement malade. J'ai commencé par avoir une crise, ensuite un fort crachement de sang qui ne me permettait pas de faire le moindre mouvement, sans qu'il se renouvelât. Cela m'a obligé à rester trois mois au lit. J'ai assisté pour la première fois le jour de Pâques à la messe. J'ai eu une petite rechute qui m'a fait garder quinze jours de plus le lit. Ne t'inquiète pas : je n'ai rien à la poitrine ; c'est une maladie de coeur, avec laquelle on peut vivre longtemps, comme aussi je puis mourir en dormant. Je m'abandonne entre les mains de Notre Seigneur et de la très Sainte Vierge. Je vais mieux, les forces reviennent quoique bien doucement; prie pour moi. (...) Adieu, mon cher frère, prie pour moi, afin que je devienne une religieuse selon le coeur de Notre- Seigneur. Je suis ta toute dévouée soeur dans les Coeurs Sacrés de Jésus et de Marie. Soeur Marie-Bernard Soubirous. P.S. - Donne-moi de tes nouvelles le plus tôt possible. »
À Éauze et au service
Après sa formation, Jean-Marie enseigne à Éauze, dans le Gers, où il aura comme élève le futur archevêque d'Albi : Mgr Cézerac. Puis vint le service militaire. Il fut incorporé le 25 janvier 1874. Il quittera l'Armée le 11 novembre 1876. Ce qui induit que le Frère n'émit que des voeux temporaires, qui cessaient à la caserne. De son côté, le P. Ravier écrit : « La sortie de l'Institut de Jean-Marie, en 1876, apparaît tout à fait régulière au point de vue canonique ». Ceci nous aidera à mieux saisir cette lettre du ler juillet 1876, où Bernadette semble tout deviner, alors que son frère-soldat vit ses derniers mois sous les drapeaux: « Mon cher frère, J'aurais désiré répondre plus tôt à ta lettre qui m'a bien fait plaisir, d'autant plus qu'il y avait si longtemps que je n'avais pas eu de tes nouvelles; je t'avoue que cela me faisait bien de la peine. Je ne savais à quoi attribuer ce long silence. J'espère, cher ami que tu ne me feras pas attendre si longtemps cette fois, je te prie de secouer un peu ta paresse. Ma cousine Nicolau me disait dans sa lettre que tu attendais ton congé cette année ; dis-moi un peu ce que tu penses faire, tu n'ignores pas que je te porte autant d'intérêt de loin que de près. Si je fais cette question, sache que ce n'est pas la curiosité qui me la fait faire, non, cher ami, n'ayant plus nos chers parents, il me semble que c'est un devoir pour moi, comme votre aînée, de veiller sur vous; inutile de te dire tout l'intérêt que je vous porte à tous les trois. Je t'avoue que je suis vivement préoccupée de ton avenir et de celui de Pierre; je prie tous les jours Notre Seigneur et la très Sainte Vierge de vous éclairer. Je te recommande surtout d'être bien fidèle à tes devoirs de chrétien, c'est là que tu trouveras force et lumière dans toutes tes peines et difficultés. Je sais que les militaires ont beaucoup à souffrir et en silence; s'ils avaient le soin de dire tous les matins en se levant ces courtes paroles à Notre Seigneur :" Mon Dieu, aujourd'hui je veux tout faire et souffrir par amour pour vous" ; que de mérites n'acquerraient-ils pas pour l'éternité. Un soldat qui ferait et serait fidèle à ses devoirs de chrétien autant qu'il lui serait possible, il aurait autant de mérite qu'un religieux. En effet, un religieux ne peut attendre de récompense de ses travaux et de ses souffrances que tout autant qu'il aura souffert et travaillé pour plaire à Notre Seigneur. Ne crois pas que ce soit indifférence de ma part si j'ai tant tardé à te répondre, non, mon état habituel de souffrance est le seul motif qui m'ait imposé cette privation. Je vais beaucoup mieux. (...) Adieu, mon bon frère, je te quitte en t'embrassant bien affectueusement et en te recommandant d'être toujours bien raisonnable. Ta soeur qui t'aime toujours. Soeur Marie-Bernard Soubirous ».
Après l'armée
Ces mots, écrits à la fin du mois de novembre 1876, s’adressent à Jean-Marie qui vient d’achever le service. Il a décidé de ne plus rejoindre l’Institut des FIC. Commencent alors des disputes qui n’altéreront qu’un temps l’entente familiale: « Mon cher frère, J’ai lu avec peine dans ta dernière lettre, le mécontentement que tu éprouves de la part de mon beau frère et de ma soeur; je crains que tu te montes un peu trop la tête ; ce n’est pas dans un moment de contrariété qu’il faut parler ni écrire; il faut d’abord se « calmer », « réfléchir » et « ensuite agir ». Marie ne m’a parlé absolument de rien, pas plus du rocher que du moulin. Vous ne pouvez rien arranger du moment que Pierre n’a pas l’âge. Je te conseille de te tenir tranquille, je ne parlerai à personne de ce que tu dis dans tes lettres. Je n’ai pas eu de lettre de la maison depuis le mois d’août; Pierre m’écrivit pour m’annoncer la mort de ma chère petite nièce. Il paraît que Marie est bien triste depuis la mort de cette chère enfant; voilà la vie : des peines et des sacrifices, qui doivent nous faire voir que le bonheur n’est pas de ce monde. (...) Je te recommande surtout de ne pas oublier tes devoirs religieux; n’oublie pas que « vouloir c’est pouvoir ». Il me tarde d’avoir de tes nouvelles, donne-m’en le plus tôt possible. Adieu, cher ami, ta toute dévouée Soeur, qui t’embrasse bien affectueusement. Soeur Marie-Bernard Soubirous. »
Un oubli
Jean-Marie épouse Madeleine Escalé le 8 février 1877, mais n’avertit Bernadette qu’après coup. La réponse ne tarde pas: « Je te dirai que j’ai été surprise en lisant dans ta lettre que tu étais marié. J’ai même été un peu peinée. Non pas que je fusse fâchée que tu te maries, non; mais il me semble qu’il aurait été plus convenable que je l’apprisse deux ou trois jours avant ton mariage : ç’aurait été un bonheur pour moi d’unir mes prières, quoique bien faibles, aux vôtres, ce jour-là (.) Je te dirai au tuyau de l’oreille que j’ai trouvé ta lettre passablement froide. Tu me dis pourtant le nom de ta femme ; il semble qu’il ne t’aurait pas coûté beaucoup de me dire si elle est de Lourdes, et surtout si elle appartient à une famille chrétienne. J’espère, cher ami, que tu seras un peu plus aimable à la prochaine fois que tu m’écriras. »
Prendre soin de Pierre
Entre mars et juin 1877, se glisse un fragment de lettre : sans date, sans en-tête, ni texte complet... Car il arrivait que l’on fît cadeau à quelqu’un d’une partie de missive émanant de Bernadette, de la signature, comme ici. En cours de lecture, apparaissent de nouvelles dissensions : Pierre a mis fin à ses études, mais reste sans travail. Il y a tout lieu de croire, avec le Père André Ravier, que le destinataire de ces courtes lignes n’est autre que Jean-Marie: « Pierre ne peut pas rester comme ça. Il est temps qu’il songe à son avenir. Vous voulez faire chacun à votre tête. Vous me dites les choses quand elles sont faites, quand vous avez tout décidé : pourquoi ne pas me dire plus tôt que (.) Je te prie de dire mille choses aimables de ma part à Madeleine, ...et (de) lui offrir mes sentiments les plus affectueux. Adieu, je vous embrasse tous bien affectueusement et me recommande à vos prières ».
Indignation
Le 17 juillet 1877, Bernadette rédige, à l’adresse de Jean-Marie, cette page, où pointe son indignation: « Mon cher frère, Il paraît que c’est toi et ta femme qui êtes cause que Pierre a quitté la maison. (...) Dis-moi le bon effet que ça fait que des étrangers soient obligés de veiller sur notre frère. Pauvre Jean-Marie, fais bien attention, réfléchis... J’ai honte de vous autres : que doivent penser les gens de la ville de vous voir en désunion comme vous êtes, vous autres qui devriez d
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