Spiritualité Chrétienne

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Bienheureux Henri Suso

 Bienheureux Henri Suso

« Suivre nus, dépouillés, le Christ nu, dépouillé... »

1295-1366

Fête le 23 janvier


Le Serviteur de la Sagesse éternelle partit un jour du sud vers Notre-Dame d’Aix-la-Chapelle. C’est ainsi que nous partirons bientôt non seulement du sud, mais de l’ouest, du nord, de l’est. Des quatre coins du monde nous allons cheminer vers Cologne à l’appel de la voix du successeur de Pierre. Quelques grandes figures de sainteté nous y attendent. « En vous rencontrant à Cologne, vous apprendrez à mieux connaître certains d'entre eux, écrit Jean-Paul II  dans son message pour la Journée de la Jeunesse, comme saint Boniface, l'apôtre de l'Allemagne, et les saints de Cologne, en particulier Ursule, Albert le Grand, Thérèse-Bénédicte de la Croix (Edith Stein) et le bienheureux Adolph Kolping. Parmi eux, je voudrais particulièrement citer saint Albert et sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix qui, avec la même disposition intérieure que les Mages, ont passionnément recherché la vérité. » Sur ce chemin nous rencontrerons d’autres amis qui, comme les Mages, ont cherché la Vérité, le Christ Jésus, Sagesse éternelle : saint Thomas d’Aquin qui étudia ici quelque temps auprès de saint Albert le Grand, Maître Eckhart, lui aussi dominicain, l’une des grandes figures de ceux que l’on appelle les mystiques rhénans.


Le disciple fidèle et courageux d’Eckhart


C’est auprès de ce « Maître » que vint étudier un jeune frère dominicain du couvent de Constance. Ce fut pour ce  frère une grâce car il trouva en Maître Eckhart, non seulement un grand professeur, un Lesemeister , mais encore, et plus encore peut-être un « maître de vie », un Lebemeister . Il en a laissé un témoignage à la fois pudique et vibrant dans l’un de ses ouvrages qui est une sorte d’autobiographie. Dans la liste de ses oeuvres on le désigne communément sous le titre de La Vie . Mais le livre débute ainsi : « Ici commence la première partie de ce livre qui se nomme Suso. » Nous apprenons ainsi le nom de celui qui sera connu dans l’Europe entière sous les noms d’Henri Suso (ou Suzo) et Heinrich Seuse (ou Süss). L’un de ses livres, le seul rédigé en latin, l’Horloge de la Sagesse, Horologium Sapientiae, sera le livre de spiritualité le plus lu avant l’Imitation de Jésus-Christ. Ce « serviteur de la Sagesse éternelle », c’est  ainsi qu’il se nomme dans ses écrits, partit donc, lui aussi un jour pour Cologne, au Studium generale, le grand couvent d’étude de la Province de Teutonie de l’Ordre des frères prêcheurs. Un couvent où saint Albert avait enseigné, saint Thomas d’Aquin étudié. Mais à Cologne le jeune frère Henri arrive l’âme lourde.
Il souffre depuis plusieurs années de peines intérieures. C’est à cette heure-là qu’il trouve sur son chemin un frère et un père tout à la fois, Maître Eckhart. Le chapitre XXI de La Vie est aussi émouvant qu’utile pour nous. « Parmi ses autres épreuves, trois souffrances intérieures lui furent bien pénibles… Mais la troisième souffrance intérieure était une tentation qui le portait à croire que son âme ne pouvait être sauvée, qu'il serait damné éternellement, si bien qu'il agît, tant de peine qu'il se donnât : tout cela ne servirait à rien, il serait parmi les réprouvés, tous ses efforts étaient d'avance inutiles. Cette pensée l'accablait jour et nuit. Lorsqu'il devait se rendre au chœur ou faire quelque acte louable, la tentation revenait et lui disait très tristement : "À quoi bon servir Dieu ? Il n'y a pour toi que malédiction, jamais tu ne seras sauvé. Abandonne donc tout, tu es perdu, quoi que tu fasses."II pensait alors : "Ah ! malheureux que je suis, où me tourner ? Si je sors de l'Ordre, l'enfer sera mon partage; si j'y reste, je ne ferai pourtant pas mon salut. Ah ! Seigneur Dieu, homme fut-il jamais plus malheureux que moi ?" II demeurait parfois plongé en lui-même et poussait maints soupirs en répandant des larmes ; il frappait sa poitrine en disant : "Hélas ! mon Dieu, ne pourrai-je jamais être sauvé ? Quelle chose lamentable c'est là ! Dois-je donc demeurer dans la détresse ici comme là-bas ? Malheur à moi d'être sorti du sein de ma mère !" Cette tentation lui venait d'une crainte désordonnée : on lui avait dit que son entrée dans l'Ordre avait été obtenue en donnant un bien temporel ; c'est là le péché qu'on nomme simonie, qui consiste à acheter un bien spirituel au moyen d'un bien temporel. Cette pensée demeura dans son cœur jusqu'à ce qu'il fût délivré de cette souffrance. Lorsque cette cruelle épreuve eut duré environ dix ans pendant lesquels il ne se considéra jamais autrement que comme un damné, il alla trouver le saint maître Eckhart et lui confia sa souffrance. Celui-ci l'aida à se libérer et il fut délivré de l'enfer où il était si longtemps demeuré. » « Ein gelassener mensch muss entbildet werden von der creatur, gebildet werden mit Cristo, und ùberbildet in del gotheit. / Un homme qui s’est renoncé doit être détaché des formes créées, formé avec le Christ et transformé dans la déité. » Le bienheureux frère Henri restera toute sa vie attaché à la personne, la figure et la pensée de Maître Eckhart, quand bien même celui-ci devra affronter les attaques qui aboutiront à la condamnation de certaines propositions tirées de ses ouvrages. Mais notons-le ni lui, ni son disciple Henri ne se poseront en révoltés ou victimes. Maître Eckhart manifestera jusqu’au bout sa soumission au magistère de l’Église et son profond désir de rectitude d’âme. Au plus fort de la tempête, avec courage, Frère Henri prendra la défense de la pensée de son maître, frère et ami en rédigeant un petit ouvrage : Le livre de la Vérité. Ce ne sera pas sans répercussion au sein même de son Ordre ! Mais jamais Henri Suso n’adoptera une position de rebelle ou de contestataire.


La contemplation de la Passion de Jésus


C’est que notre frère vit au plus profond de son être un authentique amour de la Sagesse éternelle, qui est Jésus et Jésus dans sa Passion,  Jésus crucifié. En maints endroits frère Henri met en garde contre un mysticisme qui prétendrait faire l’économie de l’humanité de Jésus et son humanité souffrante : « En ses commencements, Dieu l'avait longtemps gâté par des consolations divines, et il en était très avide : ce qui touchait à la déité lui était agréable, mais lorsqu'il devait considérer la Passion de Notre Seigneur et s'appliquer à l'imiter, il en éprouvait de la peine et de l'amertume. Il en fut un jour sévèrement réprimandé par Dieu ; il entendit en lui-même une voix qui disait : "Ne sais-tu pas que je suis la porte par laquelle sont contraints de pénétrer tous les vrais amis de Dieu qui doivent accéder à la véritable béatitude ? Tu dois passer par mon humanité qui a souffert pour parvenir véritablement à ma pure déité" » (Vie ch. XIII). Cet amour de Jésus l’entraîne à embrasser le saint et profond abandon. « Sa Passion est le trésor de ses pauvres. Oh ! que de richesses sont données ici à plus d’un ! » (Lettre XXVIII). Un passage de La Vie où le bienheureux Suso voit deux frères en vision manifeste combien la pratique de l’abandon est une pièce maîtresse de la spiritualité d’Henri Suso, disciple de Maître Eckhart. « À cette même époque, il eut de nombreuses visions de choses futures et cachées, et Dieu lui donna quelque connaissance sensible, autant que faire se peut, du ciel, de l'enfer et du purgatoire. Il était fréquent que beaucoup d'âmes lui apparussent lorsqu'elles avaient quitté ce monde et lui fissent savoir quel était leur sort, quelle expiation elles devaient subir et comment on pouvait les secourir, ou bien quelle était leur récompense devant Dieu. Parmi celles-ci lui apparut le bienheureux Maître Eckhart (Maître Eckhart est mort peu avant avril 1328)  et le saint frère Johannes der Futerer, de Strasbourg. Du Maître, il lui fut montré qu'il était dans une gloire ineffable où son âme était absolument divinisée en Dieu. Alors le serviteur désira savoir de lui deux choses. D'abord comment étaient en Dieu ceux qui avaient satisfait à la plus haute vérité sans nulle tromperie, dans un véritable abandon. Il lui fut montré que personne ne pouvait exprimer leur absorption dans l'abîme sans mode. Il demanda encore quel était l'exercice le plus favorable à celui qui voulait y parvenir. Il lui fut répondu : "II doit renoncer à son moi propre avec un profond abandon, accepter toutes choses comme venant de Dieu, non de la créature, et s'établir dans une patience silencieuse à l'égard de tous les hommes pareils à des loups." Jean, l'autre frère, lui montra aussi en vision la délicieuse beauté dont son âme était transfigurée. De lui aussi il désira qu'il répondît à une question : "De tous les exercices que l'on peut faire, lesquels sont les plus pénibles et les plus utiles ?" II répondit que le plus pénible et le plus utile était que l'homme sorte de lui-même avec patience envers lui-même dans l'abandon de Dieu et qu'il laisse Dieu pour Dieu. » C'est là une pensée développée par Maître Eckhart dans le sermon 12 Qui audit me (tome I dans la grande édition des sermons allemands). Il s'appuie sur le texte de l'épître de saint Paul aux Romains (8, 3).


Blotti dans les bras nus ouverts de Jésus


Celui qui s’abandonne ainsi s’en remet aux mains du Père en lui présentant son Fils Jésus, le Sauveur : « Père céleste, je te remercie du plus profond de mon cœur, je te prie de regarder ton aimable Fils unique que tu as livré par amour à une mort cruelle, et d'oublier mon grand péché. Souviens-toi, Père céleste, du serment que tu as fait à Noé : "Je tendrai mon arc dans la nue, je le regarderai et il deviendra signe d'alliance entre moi et la terre." Ah ! regarde- le, tendre Père ! comme il est écartelé et distendu, au point qu'on pourrait compter tous ses os et ses côtes ! Vois comme l'amour l'a rendu sanglant, verdâtre et blême ! Oh ! contemple, Père céleste, les mains, les bras et les pieds lamentablement distendus de ton tendre et aimable Fils unique, vois son noble corps rouge et martyrisé, et oublie ton courroux contre moi ! Souviens-toi : pourquoi te nommes-tu le  Seigneur miséricordieux, le Père de miséricorde, sinon parce que tu pardonnes ? C'est là ton nom. À qui as-tu donné ton très cher bien-aimé ? Aux pécheurs ! Seigneur, il est à moi, Seigneur, il est vraiment à nous ! Je me blottis aujourd'hui entre ses bras nus ouverts, le tenant embrassé avec toute ma ferveur, du fond de mon cœur et de mon âme, et je ne veux plus jamais être séparé de lui ni dans la vie ni dans la mort » (Livre de la Sagesse éternelle, ch. V). … suivre nus, dépouillés, le Christ nu, dépouillé. Grand livre des lettres. Lettre XXVIII


Thérèse et Henri…


On est ici très proche des accents qui retentissent à la fin du Manuscrit autobiographique C de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face. Il est intéressant de noter que la sainte du Carmel de Lisieux a eu connaissance de quelques passages du bienheureux Henri Suso dont elle gardait une image offerte par sa maîtresse des novices.


un amour dévorant pour Jésus


Serait-ce s’aventurer beaucoup d’affirmer qu’entre la sainte du XIXe siècle et le mystique du XIVe, le trait d’union c’est l’amour dévorant pour Jésus et pour son nom ? C’est l’amant de la Sagesse éternelle et du Nom de Jésus  que nous suivrons encore la prochaine fois.


Repères biographiques


1295 : Naissance un 21 mars sur les bords du Lac de Constance. Peut-être  à Überlingen ? À l’âge de 13 ans, il entre au couvent des frères prêcheurs (dominicains) de Constance. Vers 1325 : séjour au Studium generale de l’Ordre à Cologne auprès d’Eckhart. 1330 : il doit abandonner sa charge de lecteur et il se consacre à la prédication itinérante,  à la rédaction de livres et à la direction spirituelle notamment au monastère de Töss. 1338-1348 : Périodes de grandes épreuves.  Il est envoyé à Ulm où, vers 1360, il met la main au recueil de quatre de ses  livres intitulé l’Exemplaire. Il meurt au couvent d’Ulm le 25 janvier 1366. Le culte populaire qui lui est rendu aussitôt est confirmé par le Saint-Siège le 16 avril 1831. Sa fête, primitivement fixée au 2 mars dans le calendrier de l’Ordre des prêcheurs, a été transférée au 23 janvier.


Prions


Seigneur Dieu, tu as couronné le bienheureux Henri Suso pour l'ardeur de sa pénitence et de sa charité ; accorde-nous d'être les témoins de la croix du Christ en vivant de son amour. Par Jésus Christ.

 

Texte extrait du site www.rosaire.org

 



03/08/2008
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