Bienheureux Guillaume-Joseph Chaminade
Bienheureux Guillaume-Joseph Chaminade
Fondateur de la Famille Marianiste
1761-1580
Fête le 22 janvier
Visionnaire et réaliste
Les étapes principales d'une longue carrière
1761 - Guillaume Chaminade est né à Périgueux. le 8 avril 1761 de Blaise et Catherine Béthon. A sa Confirmation, il ajoute à Guillaume le prénom de Joseph, un saint qu’il vénère. Son frère aîné, Jean-Baptiste, ainsi que deux autres frères - Louis et Xavier - seront prêtres. 1771 - Guillaume est interne au petit séminaire de Mussidan, que dirige son frère Jean-Baptiste. Il prononce à 14 ans les vœux privés de pauvreté, chasteté et obéissance. 1785 - Il est ordonné prêtre et travaille au collège de Mussidan comme professeur et économe. 1789 - C’est la Révolution. G.-Joseph refuse le serment à la Constitution Civile du Clergé. 1792 -Proscrit, s’installe à Bordeaux et fait du ministère clandestin au péril de sa vie. 1797 - Il doit s’exiler à Saragosse (Espagne). 1800 - Il rentre et fonde une Congrégation mariale de laïcs. 1801 - Il aide M. Thérèse-Charlotte de Lamourous à fonder la Miséricorde pour la réinsertion des filles de la rue. 1809 - Napoléon supprime la Congrégation. Des congréganistes forment en privé un Institut séculier (Alliance Mariale). 1816 – Avec la jeune Adèle de Batz de Trenquelléon fonde, à Agen, l’Institut des Filles de Marie, (Immaculée) Sœurs Marianistes, 1817 - Nait à Bordeaux, le 2 octobre, la Société de Marie “Sœurs marianistes”. (Religieux Marianistes). 1839 – Décret de Louange des deux instituts religieux de la part du pape Grégoire XVI . 1850 - A 89 ans il meurt à Bordeaux le 22 janvier. 2000 - Béatifié par Jean-Paul II, le 3 septembre à Rome.
Chaminade: visionnaire et réaliste... les pieds sur terre, la tête au Ciel...
Il avait vingt-huit ans lorsqu’en 1789 son premier grand rêve, de contribuer à la prospérité d’une école-séminaire éduquant de jeunes chrétiens pour l’avenir de sa chère France, fut brisé par la Révolution Française. Il avait quarante sept ans lorsque son rêve de refaire chrétienne la France par le moyen d’un nouveau type de Congrégation fut étouffé par Napoléon. Il avait soixante neuf ans lorsque son rêve de convertir la France grâce à un réseau d’écoles normales fut stoppé par un gouvernement anti-clérical. Il avait finalement quatre-vingt quatre ans lorsque la réalisation du plus grand de ses rêves, celui d’un institut religieux d’hommes et de femmes consacré à étendre la mission de Marie dans le monde, faillit d’être compromis par les disciples même qu’il avait choisis. Or chaque fois, Guillaume-Joseph Chaminade, comme éducateur, prêtre et apôtre, refusa d’accepter la défaite. C’était un visionnaire et il réussit à s’accrocher à sa vision malgré tous les événements contraires. Chaminade était aussi un homme réaliste. Chaque fois que sa vision était contrariée, il trouvait un nouveau moyen de s’élancer vers la réalisation de ses rêves. L’histoire de sa vie pourrait être résumée en une série de revers et en une série correspondante de victoires sur tous les obstacles rencontrés. Lui-même aimait à se comparer à un paisible ruisseau qui finit, à force de patience, par franchir tous les obstacles qu’il rencontre sur son passage, en passant tout doucement par-dessus ou en les contournant, sans jamais se décourager. Tout comme l’histoire et la politique de son temps, avec leurs revirements, leurs avancées et leurs récupérations, la vie du P. Chaminade, longue de presque quatre-vingt dix ans, demeure un défi et une inspiration pour beaucoup de gens, aujourd’hui encore.
Les premières années (1761-1796)
Guillaume était le quatorzième des quinze enfants de Blaise Chaminade et Catherine Béthon. Il est né le 8 avril 1761 à Périgueux, une ville petite mais fière du Sud-Ouest de la France. Son père, verrier de formation mais devenu marchand de tissus et d’habits après son mariage, était issu d’une famille de citoyens et il y avait du sang protestant dans sa lignée. Ce n’était pas vraiment un riche mais un homme suffisamment aisé pour assurer une bonne éducation à ses nombreux enfants. C’est ainsi qu’il envoya Guillaume dans le collège-séminaire de la bourgade voisine de Mussidan, où se trouvaient déjà deux de ses y était frères: l’aîné, Jean-Baptiste, professeur et l’autre, Louis, élève.
Après un premier cycle d’études, Guillaume rejoignit ses frères parmi le personnel de l’école. Il devint intendant et professeur, et après son ordination sacerdotale, en 1785 il en devint également aumônier. Les trois frères finirent par avoir la charge de tout l’établissement et consacrèrent beaucoup de temps, de créativité et une grosse part de leurs revenus pour étendre et améliorer encore leur école. Bien vite elle attira des élèves de loin, même de Bordeaux et de Pau. L’avenir semblait brillant et Guillaume, n’en doutons pas, était déterminé à consacrer sa vie à cette œuvre de son cœur: l’éducation chrétienne des jeunes gens de France.
Jeune encore, il avait décidé de se donner à Dieu par des vœux privés de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Il ne cessait d’approfondir l’intelligence qu’il avait de sa foi chrétienne et de la place que la Mère de Jésus occupait dans le mystère chrétien. Le petit garçon, qui aimait à rester des heures en prière à la chapelle, devint un jeune prêtre célébrant l’Eucharistie et engageant ses élèves dans des associations religieuses. Durant tout ce temps, il se laissa guider et influencer par l’exemple de son frère aîné, Jean-Baptiste, lequel avait été Jésuite pendant quelques années, avant la suppression de la Compagnie en France. L’influence de Jean-Baptiste resta sensible durant toute la vie de Guillaume-Joseph, comme on le perçoit dans les associations chrétiennes et les instituts religieux que ce dernier allait fonder et animer.
Mussidan était loin des centres du pouvoir en France. Les événements politiques de Paris ou les problèmes économiques de grands ports comme Bordeaux ou Marseille ne faisaient guère de vagues dans la vie paisible de l’école. La Révolution américaine, qui s’était achevée en 1783, avait éveillé des sentiments antimonarchistes et anticonformistes dans d’autres régions du monde, la France y compris. Cette dernière avait soutenu les colons contre l’Angleterre ; certes, l’endettement de la monarchie française était à peu près aussi grand que le coût de son implication dans la guerre.
En 1787, le roi Louis XVI réalisa que la royauté française, après avoir été entre les mains de ses ancêtres pendant deux siècles, menaçait faillite si on ne trouvait pas de quoi renflouer les caisses. Il avait épuisé toutes les possibilités d’emprunts si bien que le seul recours restait la levée de nouveaux impôts. Il convoqua en assemblée générale les trois états qui représentaient le peuple du royaume : le haut-clergé, la noblesse et, le tiers-état, celui-ci comprenant le bas-clergé et le reste du peuple. Une telle assemblée n’avait plus été réunie depuis 1614. Le décret de convocation parvint également à Mussidan. Guillaume et Louis Chaminade participèrent comme délégués aux premières assemblées, chargées d’élire des représentants aux États Généraux à Paris. Personne, et certainement pas les frères Chaminade, ne pouvait prévoir alors les conséquences de cette convocation, qui allait peser si lourd sur leur propre destin comme sur celui de la France et de l’Europe.
La Révolution Française (1789-1799)
Avec le déclenchement de la Révolution, en 1789, et les lois anti-cléricales qui suivirent rapidement, il devint impossible pour Guillaume-Joseph Chaminade de rester à Mussidan. L’école fut nationalisée et les prêtres, dispersés. Les frères Chaminade prirent position contre le gouvernement en rejetant le serment à la Constitution Civile exigé de tout le clergé. Ils furent parmi les nombreux opposants qui pensaient que le serment coupait le clergé français du pape et plaçait l’Eglise catholique sous la coupe d’un gouvernement a-religieux, et qui allait bientôt se montrer violemment anti-clérical.
Guillaume-Joseph se rendit à Bordeaux, où il installa ses parents. Il était plus facile pour lui de passer inaperçu dans cette ville affairée qu’à Mussidan. Membre d’un clergé clandestin de plus en plus nombreux, il continua son ministère sacerdotal à Bordeaux. Peut-être espérait-il que la tempête passerait rapidement et qu’il pourrait retourner à Mussidan. Mais avant la fin de la décade, il avait compris qu’il n’y aurait plus de retour possible pour lui.
Pendant que la violence révolutionnaire frappait de toutes parts, particulièrement durant la Grande Terreur, Guillaume continuait son ministère, risquant à tout moment la guillotine. Il se dépensait au service des fidèles de Bordeaux sous divers déguisements, vivant tantôt dans des cachettes tantôt au grand jour, pendant les moments de répit que laissait la pression du gouvernement, occupé à démanteler et à démembrer l’Eglise. Chaminade jouait un rôle clé dans le clergé clandestin, ce qui lui valut la confiance et le respect de la part du vicaire général de l’archevêque, Mgr de Cicé, en exil à Londres. Chaminade gardait le contact avec le clergé et avec les laïcs, faisant des baptêmes, célébrant des mariages en cachette, prêchant des retraites, visitant malades et mourants; il se lançait dans toutes sortes d’opérations financières pour secourir le clergé clandestin – autant d’activités interdites par le gouvernement révolutionnaire.
Avec l’intention de renforcer l’Eglise face à un avenir incertain, il contacta et organisa de petits groupes de laïcs engagés : des hommes et surtout des femmes, d’anciens religieux et aussi des jeunes bien décidés qui désiraient préserver et partager leur foi dans des circonstances fort semblables à celles des premiers siècles de la chrétienté. Il y avait surtout, parmi ces personnes, une femme particulièrement courageuse et efficace, Mlle Marie-Thérèse Charlotte de Lamourous, qui restera sa plus proche collaboratrice jusqu’à sa mort, quarante ans plus tard. Caché par beaucoup de familles fidèles et prêtes à risquer leur vie, fortifié par sa propre vie de foi et de prière et soutenu par une indéfectible confiance en Dieu et en la protection de Marie, Guillaume-Joseph réussit à échapper d’innombrables fois à la police.
L’exil et le retour (1797-1800)
En 1797, il fut surpris par un revirement soudain de la politique gouvernementale. Par erreur, la police inscrivit son nom sur une liste d’émigrés rentrés sans autorisation en France et il fut obligé de quitter Bordeaux. Il partit pour l’exil, parmi des milliers d’autres prêtres français, dont deux de ses frères : Blaise, parti en Italie et Louis, en Espagne. Au terme du délai consenti pour quitter le pays, il rejoignit la frontière la plus proche et se rendit en Espagne. Il resta trois ans durant à Saragosse, au milieu de centaines d’autres prêtres français, qui, dans la mesure du possible, exerçaient leur ministère auprès des Français en exil, priaient, réfléchissaient, discutaient, se préparaient à un retour
dans leur patrie à la fois espéré et incertain. Par des correspondances clandestines et avec l’aide de voyageurs dignes de confiance, tout ce monde se tenait au courant de ce qui se passait au pays. Entre eux, pendant ce temps, ils discutaient pour préparer la rechristianisation de la France. Le rêve de Mussidan n’était pas mort mais il allait se réaliser à Bordeaux et prendre des proportions que le jeune Chaminade n’aurait jamais imaginées.
A Saragosse, Chaminade vit plus clairement quelle serait l’œuvre de sa vie et il décida de s’y consacrer : à savoir, assister la Mère de Jésus dans sa mission permanente de donner son fils au monde et de l’y rendre vraiment présent. Il approfondit dans l’oraison le mystère de la relation existant entre Jésus et Marie. Il entrevit de plus en plus clairement comment il pourrait participer lui-même à la vie et à l’œuvre du Christ, fils de Marie, et comment tous les chrétiens, frères du Christ et fils de Marie en lui, devraient également prendre part à sa mission. Devant la statue de N.D. del Pilar, Chaminade saisit plus clairement l’étendue et la beauté de la mission apostolique de Marie et entrevit les formes concrètes que cela pourrait prendre, s’il lui était donné de rentrer en France…
Il retourna de fait en France en novembre 1800, grâce à l’avènement de Napoléon, et il trouva un pays spirituellement à terre. Pendant près d’une décennie, le peuple français n’avait plus reçu d’instruction religieuse et la pratique religieuse était tombée très bas. Les enfants avaient grandi sans voir de prêtre et sans célébration régulière des sacrements. Les jeunes avaient été soumis à la pression d’une culture anti-chrétienne ou athée et n’avaient guère pu trouver d’encouragement pour leur épanouissement spirituel ; les personnes plus âgées s’étaient trouvées isolées, avaient été persécutées et dispersées, dans un climat de méfiance et de suspicion.
La tâche était donc énorme : il fallait reprendre contact avec les chrétiens convaincus, les regrouper dans des semblant de communautés – pour remplacer les paroisses pratiquement inexistantes, et pour les encourager dans leurs efforts à mener une vie chrétienne sans peur ni honte.
Pour des raisons qui nous échappent, Guillaume-Joseph choisit de retourner à Bordeaux plutôt qu’à Mussidan. Son ancienne école avait été saisie par le gouvernement, divisée en trois parts et vendue. Il n’y avait donc pratiquement pas d’espoir de pouvoir renouer avec le rêve de Mussidan d’avant la Révolution. A Bordeaux, par contre, Chaminade avait noué des contacts avec le clergé aussi bien qu’avec les laïcs, pendant les années de persécution. Il les avait entretenus depuis Saragosse, pendant son exil, et il pouvait compter sur ces personnes une fois de retour au pays. A part quelques déplacements pour diverses affaires et un second exil de cinq ans a Agen consécutif à la Révolution de 1830, Chaminade allait passer le reste de sa vie dans la ville portuaire de Bordeaux.
Aussitôt après son retour, en 1800, il reprit contact avec divers amis, collaborateurs et disciples qu’il avait connus pendant les années de clandestinité dans la ville. Il ouvrit un petit oratoire dans une maison particulière. Certaines paroisses étaient au point zéro, dans d’autres régnait le désordre et beaucoup demeuraient sans prêtre. La communauté fondée par Chaminade, la Congrégation de l’Immaculée Conception (la Congrégation de Bordeaux), n’était pas une entité territoriale. Elle regroupait des personnes provenant de tous les quartiers de la ville. Beaucoup de membres y trouvaient une vie quasi paroissiale, une vie qui leur avait manqué pendant de nombreuses années.
Mise en place de la Congrégation (1800-1809)
Avec la Congrégation, on peut dire que Chaminade avait en mains un nouveau moyen de réaliser son grand rêve : rechristianiser la France. Au lieu d’une école pour enfants, son rêve se transposa dans la construction d’une communauté chrétienne capable de refléter l’Eglise tout entière. D’abord centrée sur les jeunes, filles et garçons, en vue de l’avenir de l’Eglise, son attention se porta bien vite aussi sur les adultes, sur les hommes et les femmes mariés, sur les prêtres et sur les personnes qui avaient quitté la vie religieuse.
Le 8 décembre 1800, à peine un mois après son retour d’Espagne, il accueillit un groupe de jeunes gens décidés à se consacrer à la rechristianisation de la France sous la conduite et l’inspiration de Marie, la Mère de la jeunesse. Le 2 février 1801, le groupe des jeunes gens pouvait sérieusement se former, avec douze membres. Le 2 février de l’année suivante, ils étaient 100 membres. Le 25 mars 1801, sous la direction de Marie Thérèse de Lamourous, fut fondée la section des jeunes filles. Trois autres sections ne devaient pas tarder. Confirmé dans son œuvre par un décret papal le nommant Missionnaire Apostolique pour toute la France, Chaminade continua à faire grandir la Congrégation. L’oratoire qu’il occupait se révéla rapidement être trop étroit.
Le vicaire général du nouvel archevêque de Bordeaux, Mgr d’Aviau, fit à ce dernier un rapport des plus élogieux sur Guillaume-Joseph qui l’impressionna. Il avait connu le P. Chaminade au moment des persécutions. En 1804, l’archevêque mit donc la chapelle de la Madeleine à sa disposition ; elle devint ainsi une chapelle auxiliaire pour les fidèles des paroisses voisines et le siège de sa Congrégation. En 1809 l’ensemble des branches de la Congrégation représentait environ 1000 chrétiens convaincus et engagés. Une fois encore, le P. Chaminade pouvait envisager un avenir prospère pour son œuvre.
La Congrégation de Bordeaux se distinguait des Congrégations d’autrefois par un certain nombre de traits originaux. C’était avant tout un mouvement à orientation apostolique. Cette Congrégation ne voulait pas seulement développer la vie spirituelle de ses membres mais elle entreprit, sous les auspices de Marie et avec l’intention de partager sa mission apostolique, un grand nombre d’activités en vue de rechristianiser les structures sociales. En outre, à la différence de beaucoup de Congrégations anciennes, celle-ci était ouverte à tous. Elle combinait avec bonheur le rôle d’une ‘élite’, chargée de diriger l’ensemble et de servir de référence et de modèle, avec le souci du grand nombre, typique des mouvements de masse. De cette manière, pensait Chaminade, cette Congrégation présenterait le spectacle impressionnant d’un peuple de saints, du peuple de Dieu ; elle formerait une authentique communauté chrétienne et montrerait comme un modèle réduit de l’Eglise.
Une des expressions favorites du P. Chaminade en ce domaine était : «union sans confusion». Moyennant un système d’interdépendance très développé, toutes les classes, toutes les conditions sociales, tous les états de vie, des deux sexes, et beaucoup de bonnes œuvres coopérèrent, sous sa direction, comme des membres à part entière de la Congrégation – désormais «de la Madeleine». Les congréganistes ne donnaient pas seulement un remarquable témoignage de foi mais en outre, leur présence et leur exemple servaient à élever le niveau spirituel de la vie chrétienne dans les paroisses auxquelles ils appartenaient. Comme le dira plus tard le cardinal Donnet, archevêque de Bordeaux : à la tête de toutes les bonnes œuvres de son diocèse il trouvait le nom de Chaminade.
Chaminade collabore aux œuvres de Marie-Thérèse et d'Adèle
Loin de réserver son activité et son inspiration à la Congrégation, Chaminade encourageait, conseillait et aidait aussi beaucoup d’autres personnes et de groupes qui travaillaient à restaurer la foi à Bordeaux. La première d’entre elles est certainement Mlle Marie-Thérèse Charlotte de Lamourous, qui partageait avec Chaminade la direction de la Congrégation, comme responsable de sa branche féminine. En même temps, il prit part au démarrage de la nouvelle œuvre dans laquelle Marie-Thérèse se lançait: la Miséricorde.
En effet, après bien des hésitations, Marie-Thérèse prit en mains, avec beaucoup de conviction et d’énergie, une œuvre entreprise par une de ses amies, Mlle de Pichon de Longeville et elle la fit prospérer. La Miséricorde est une maison pour prostituées désireuses de changer de vie, ouverte pour les éduquer ou les rééduquer, pour leur apprendre un métier productif dans la société et, surtout, pour les aider à mener une vie chrétienne. Marie-Thérèse et Chaminade rédigèrent la première règle pour cette fondation. Chaminade en était le directeur spirituel et l’archevêque le nomma en outre supérieur ecclésiastique de la Miséricorde, une fonction qu’il continua d’exercer jusque dans les dernières années de sa vie, encourageant et conseillant Marie-Thérèse, cherchant des fonds pour cette œuvre, confesseur personnel de l’œuvre, conférencier et prédicateur de retraites spirituelles à la communauté de la Miséricorde; il s’investit vraiment dans cette œuvre, qui finit par attirer l’attention de beaucoup de gens, même loin de Bordeaux.
Entré en relation épistolaire avec Mademoiselle Adèle de Batz de Trenquelléon en 1808, G.-J. Chaminade élargit l’horizon de ses rêves au-delà du diocèse de Bordeaux. Adèle, de son côté, avait déjà bien travaillé : elle avait fondé et dirigeait tout un réseau de jeunes filles et de femmes chrétiennes dont l’idéal et les pratiques ressemblaient fort à ceux de la Congrégation de la Madeleine. La plus grande différence entre la Congrégation du P. Chaminade et l’Association d’Adèle résidait peut-être dans le fait que la première était centrée sur la ville et pouvait organiser d’assez fréquentes réunions générales, tandis que l’autre formait plutôt un mouvement rural dont les membres étaient dispersés, habitant loin les uns des autres ; ils se réunissaient donc plus souvent par petits groupes tandis que les réunions générales étaient plus rares. Dans les débuts, les deux mouvements se distinguaient également par des différences d’accents dans la vie spirituelle mais peu à peu Adèle adopta l’ensemble du rêve chaminadien : former une milice de Notre-Dame, participant à la mission de Marie.
De nouvelles difficultés (1809-1815)
Une année à peine s’était écoulée qu’une nouvelle catastrophe s’abattit sur le rêve de Chaminade. En 1809, en effet, un décret personnel de Napoléon supprima la Congrégation de Bordeaux. Grâce au travail de sa police secrète, Napoléon était informé des tentatives des monarchistes de ramener les Bourbons sur le trône de France. A cause des conflits entre Napoléon et le Pape et de l’emprisonnement de ce dernier, de nombreux catholiques menèrent une campagne animée contre Napoléon. Il y avait des monarchistes et des catholiques loyalistes parmi les membres de divers groupements religieux, en particulier de la Congrégation de Paris. Napoléon ne tarda pas à supprimer toutes les Congrégations, coupables, au minimum, de compter dans leurs rangs des opposants recherchés par la police.
Cinq années durant, la Congrégation de la Madeleine dut donc demeurer dans la clandestinité, mais elle poursuivait ses activités autant que cette situation le lui permettait. Le P. Chaminade continua son ministère d’administrateur de la Madeleine et de directeur spirituel de nombreux groupes de la Congrégation. Il continua également, avec prudence, à écrire à Adèle, évitant d’attirer l’attention sur son Association, que les décrets de Napoléon n’avaient pas encore frappée.
Pendant cette suppression officielle, certains congréganistes de Bordeaux, ainsi que certains membres de l’Association d’Adèle, décidèrent de vivre explicitement selon les conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, traditionnellement liés à la vie religieuse. Certains prononcèrent des vœux privés pour expliciter cet engagement.
La Congrégation vit donc se développer en elle trois courants, selon trois types différents de consécration de ses membres : les congréganistes «ordinaires», les congréganistes pratiquant les conseils évangéliques et les congréganistes engagés par des vœux privés de religion. Le P. Chaminade encouragea cette évolution, avec prudence cependant, pour éviter tout zèle excessif comme aussi toute publicité indiscrète. S’il n’y faisait pas attention, la police secrète de Napoléon ne manquerait certainement pas de considérer tout ce bouillonnement comme suspect. Un de ses agents n’avait-il pas infiltré la Congrégation quelques années auparavant?
La chute de Napoléon en 1814, le retour du pape à Rome la même année, et la Restauration de la monarchie en 1815 ouvraient de nouvelles perspectives au P. Chaminade, toujours désireux de réaliser sa vision. La Congrégation refit surface, grandit en nombre et en ferveur et poursuivit son œuvre de rechristianisation. Parallèlement, divers membres, des jeunes des deux mouvements – l’Association d’Adèle (désormais reconnue comme la troisième division de la Congrégation féminine) et la Congrégation de Bordeaux – réclamaient ouvertement la renaissance, sous: une forme à définir, de la vie religieuse communautaire.
Tous les Ordres monastiques de France avaient été dispersés par la Révolution et leurs propriétés confisquées. Cependant, beaucoup d’entre eux réussirent à se reconstituer. Entre 1800 et 1815 apparurent en même temps des centaines de nouvelles associations, de nouveaux instituts religieux, voués à la prière, à l’apostolat en milieu hospitalier ou dans les orphelinats, à l’enseignement (particulièrement de la religion), dans des écoles de toutes sortes. Dans bien des cas, la vie des membres était codifiée par une règle adoptée par tous ; d’autres menaient la vie commune. Beaucoup de fondations religieuses nouvelles surgirent de groupes de laïcs préoccupés par les besoins immédiats des gens.
Fondation des Instituts Religieux
Les Filles de Marie (1816)
Une des caractéristiques de l’Association d’Adèle est que ses membres travaillaient à leur propre progrès spirituel sous la conduite d’un directeur spirituel; cependant, elles se consacraient aussi, chacune selon ses moyens et sa situation, à toute une série d’œuvres de miséricorde, physiques aussi bien que spirituelles. Certaines, comme Adèle elle-même, ouvrirent de petites écoles dans leurs maisons ; d’autres visitaient les malades et les personnes âgées à domicile; pratiquement toutes étaient engagées, à des titres divers, dans leurs paroisses. A partir de 1810, Adèle et certaines de ses compagnes songèrent sérieusement à se consacrer à Dieu dans un Institut religieux, tout en continuant l’apostolat qu’elles avaient entrepris dans le cadre de l’Association ou de la Congrégation.
Le 25 mai 1816, elles fondèrent l’Institut des Filles de Marie dans la ville épiscopale d’Agen. Peu après, les rejoignirent des membres féminins de la Congrégation de Bordeaux. Le P. Chaminade les avait aidées en leur donnant des Constitutions et, par ses lettres, il avait encouragé et guidé Adèle dans ce nouveau domaine. A la demande du P. Chaminade, Marie-Thérèse de Lamourous se rendit à Agen pour aider la nouvelle communauté à s’organiser à ses débuts. Le P. Chaminade la suivit de peu et c’est alors qu’il rencontra Adèle pour la première fois en personne ; il donna à la communauté une série de conférences sur «l’esprit de l’Institut, qui est l’esprit de Marie».
La Société de Marie (1817)
Une année plus tard, le 1er mai 1817, Jean Lalanne, Congréganiste de Bordeaux, d’abord attiré par la Compagnie de Jésus qui venait de se reconstituer, proposa ses services au P. Chaminade pour l’accomplissement de son œuvre.
Le 2 octobre, - lui et plusieurs compagnons furent prêts à commencer une communauté religieuse sous la direction du P. Chaminade. Cette nouvelle Société de Marie – ou Famille de Marie, comme Chaminade aurait préféré l’appeler – poussait comme une branche nouvelle sur l’arbre de la Congrégation. Celle-ci se reflétait dans les constitutions et dans l’apostolat de la nouvelle fondation : certains membres étaient enseignants, d’autres ouvriers, d’autres appartenaient au clergé, d’autres encore étaient commerçants : tous étaient animés par le désir d’accomplir la mission
de Marie dans le monde.
Dans l’esprit du P. Chaminade, les Filles de Marie et les Frères de Marie formaient un seul et même Institut parce qu’ils avaient un but commun, utilisaient les mêmes moyens, travaillaient selon les mêmes méthodes, étaient organisées de la même manière ; ils avaient en outre un même Supérieur Général : le P. Chaminade lui-même. Ces marianistes, femmes et hommes, allaient s’inspirer, comme Chaminade l’écrira au pape en 1838, de la Règle de Saint Benoît, mais en l’adaptant autant que possible aux nécessités urgentes du monde contemporain. Les membres des deux Instituts allaient l’assister dans son rôle de Missionnaire Apostolique en étant eux-mêmes, comme il l’écrivit à Adèle, « de petits missionnaires ». Pas plus que la Congrégation, les deux communautés religieuses n’avaient pour objectif quelque œuvre apostolique particulière. A l’exemple des serviteurs de Cana, ils auraient à faire « tout ce que Jésus leur dirait ».
La Mission dans les écoles
(1817-1830)
Bien qu’aucun des deux Instituts marianistes n’ait été fondé pour répondre à un besoin particulier, il se fit que les deux se trouvèrent très tôt engagés dans le monde scolaire. Le système éducatif français avait été ruiné par la Révolution, surtout parce qu’auparavant la plupart des écoles avaient été tenues par des ordres religieux, supprimés ou disparus dans la tourmente.
Les écoles qui ont fonctionné durant la Révolution étaient dirigées par des éducateurs anti-cléricaux ou athées. Bien que la situation ait été moins tendue sous Napoléon, les tentatives du gouvernement pour prendre le contrôle des écoles furent souvent le fait d’éléments anticléricaux et anti-papistes. Par ailleurs, le gouvernement voyait dans les écoles moins des lieux d’éducation servant à la promotion des citoyens que des moyens de propagande. Chaminade aussi voyait l’école comme un instrument de propagande – mais en l’occurrence, de l’annonce de l’Evangile du Royaume de Dieu. Il écrit au pape Grégoire XVI, en septembre 1838, pour demander l’approbation des constitutions et il lui explique ce qu’il avait fait jusque là : J’ai cru devant Dieu, qu’il fallait fonder deux Ordres nouveaux, l’un de vierges et l’autre de jeunes gens qui, tout en prouvant au monde, par le fait de leurs bons exemples, que le christianisme n’est pas une institution vieillie et que l’Evangile est encore praticable aujourd’hui comme il y a 1800 ans, disputassent à la propagande, cachée sous ses mille et une couleurs, le terrain des écoles, en ouvrant des classes de tout degré et de tout objet, spécialement à la classe du peuple, la plus nombreuse et la plus délaissée.
Beaucoup de nouvelles congrégations, y compris celles du P. Chaminade, se trouvaient devant un défi très clair : il fallait remédier au manque d’éducation religieuse et profane et se battre pour conquérir les esprits et les cœurs des générations montantes. C’est pourquoi les deux branches de l’Institut engagèrent le plus gros de leurs forces, cependant sans grands moyens, dans la direction et le développement d’écoles, primaires et secondaires. De ce fait la Société de Marie se répandit rapidement dans beaucoup de petites villes du sud-ouest et de l’est de la France.
Dans cette dernière région l’établissement de Saint-Remy devint un centre de rayonnement pour de multiples œuvres : il y avait là une communauté religieuse d’allure quasi monastique, une ferme, un pensionnat et un externat. Fondé en 1823, Saint-Remy attira assez rapidement des enseignants de tous les environs pour des sessions d’été pensées pour eux : combinant la retraite spirituelle et le recyclage pédagogique. Le P. Chaminade réalisait bien les potentialités que cet institution offrait : la formation des instituteurs de toutes les écoles secondaires de France. Quel moyen merveilleux et rapide, pensait-il, pour réaliser son rêve ! Avec ses collaborateurs, il cherchait à créer tout un réseau d’écoles normales, au moment où l'État, de son côté, comprenait de quel instrument il pourrait ainsi disposer pour étendre son emprise sur la jeunesse.
En 1830 les communautés du P. Chaminade avaient déjà créé ou repris en mains l’administration de beaucoup d’écoles élémentaires et de quelques écoles secondaires et avaient ouvert la première école normale officiellement reconnue. En même temps, entre 1815 et 1830, la Congrégation de la Madeleine continuait à prospérer ; elle s’étendit à cinquante autres villes ou diocèses, voire plus. Le rêve du P. Chaminade pour la rechristianisation de la France semblait sur le point d’aboutir.
Obstacles au rêve de Chaminade
Une fois encore des changements politiques empêchèrent le rêve apostolique du P. Chaminade de se réaliser parfaitement. En 1830, appuyée et manipulée par des éléments anti-cléricaux, la Monarchie de Juillet vint au pouvoir avec Louis Philippe. Seules les écoles normales d'État furent tolérées, les autres, supprimées. La Congrégation aussi fut supprimée. Même la Madeleine dut fermer et le P. Chaminade, partir de Bordeaux pour un exil intérieur de six ans. Il en passa cinq à Agen, puis il fit une tournée de visites aux communautés du nord-est de la France.
Il arrivait à soixante dix ans. Cette période de sa vie lui apportait également son lot de peines personnelles profondes : en 1828 était morte Adèle et en 1836 allait mourir Marie-Thérèse. En outre, il voyait plusieurs religieux des premiers temps ou même des membres fondateurs quitter la Société de Marie, en désaccord avec sa façon de voir les choses ou redoutant l’évolution politique de la situation. Certains étaient persuadés que la Société de Marie n’allait pas tarder à disparaître. Tout en tâchant de faire face à ces revers, le P. Chaminade continuait à renforcer et à développer toutes les œuvres qu’il pouvait, tout en se préparant à des circonstances plus favorables et qui lui permettraient de redonner, une fois encore, un nouvel élan à ses projets.
Il put rentrer à Bordeaux en 1836, sous de meilleurs auspices. Les Filles de Marie vivant toujours une forme de vie monastique rénovée, avec, en particulier, la clôture, le P. Chaminade avait projeté avec Adèle, avant sa mort, un autre institut, une branche des Filles de Marie qui partagerait leur esprit et leurs œuvres, en particulier dans les zones rurales, dans les petites villes et les villages. Elles auraient à faire classe dans les écoles primaires communales, soigner les malades et s’occuper des orphelins. Huit ans après la mort d’Adèle, le moment semblait venu de réaliser ce projet. En 1836 un Tiers-Ordre Régulier fut fondé à Auch et confié à la responsabilité des Filles de Marie d’Agen. Ce nouvel Institut grandit rapidement et se répandit dans tout le sud-est de la France et en Corse.
On pourrait bien dire que c’est à ce moment de sa vie que le rêve du P. Chaminade atteignait son zénith. En 1838, il écrivait à Rome pour demander l’approbation des Constitutions de la Société de Marie et de celles des Filles de Marie. Tout en reportant l’approbation elle-même, le Saint-Siège faisait parvenir au P. Chaminade un Décret de Louange, daté du 12 avril 1839, qui félicitait le P. Chaminade pour ses œuvres et qui le confirmait dans la conviction qu’elles étaient très utiles à l’Eglise. Le décret précisait : « Sa Sainteté a exprimé le désir que l’esprit de cette œuvre toute de piété fût inculqué à ses membres, de sorte qu’ils progressent de jour en jour dans la joyeuse carrière qu’ils avaient entreprise sous les auspices de la Bienheureuse Vierge Marie ».
La lettre aux Prédicateurs de Retraites (24 août 1839)
Le Fondateur se sentit tellement touché et plein de reconnaissance en recevant cette réponse de Rome qu’il décida de profiter des retraites annuelles des Frères et des Sœurs pour leur communiquer les souhaits du pape. A la date du 24 août 1839, il adressa une lettre aux trois prêtres chargés de prêcher les retraites de cette année. Il y présentait ce qui fait la vie religieuse commune à tous les ordres (la pratique des conseils évangéliques, à laquelle on s’engage par vœux), puis il expliquait ce qu’il considérait comme des traits caractéristiques propres de la Société de Marie et des Filles de Marie. Débordant de confiance en la Providence et d’un grand amour pour Marie, le P. Chaminade écrivit dans un style étonnamment enthousiaste et optimiste pour un homme qui approchait de ses quatre-vingt ans.
« … Nous nous sommes empressés d’offrir à Marie nos faibles services, pour travailler à ses ordres et combattre à ses côtés. Nous nous sommes enrôlés sous sa bannière, comme ses soldats et ses ministres et nous nous sommes engagés par un vœu spécial, celui de stabilité, à la seconder de toutes nos forces, jusqu’à la fin de notre vie, dans sa noble lutte contre l’enfer. Et, comme un Ordre justement célèbre a pris le nom et l’étendard de Jésus Christ, nous avons pis le nom et l’étendard de Marie, prêts à voler partout où elle nous appellera, pour étendre son culte et, par lui, le Royaume de Dieu dans les âmes.
Et voilà bien, mon respectable fils, le caractère distinctif et l’air de famille de nos deux Ordres : nous sommes spécialement les auxiliaires et les instruments de la très sainte Vierge dans la grande œuvre de la réformation des mœurs, du soutien et de l’accroissement de la foi, et, par le fait, de la sanctification du prochain. Dépositaires de l’industrie et des inventions de sa charité presque infinie, nous faisons profession de la servir fidèlement jusqu’à la fin de nos jours, d’exécuter ponctuellement tout ce qu’elle nous dira, heureux de pouvoir user à son service une vie et des forces qui lui sont dues.…
Ce que je regarde comme le caractère propre des nos ordres et ce qui me paraît sans exemple dans les fondations connues, c’est que, pour le répéter, c’est [au] Nom [de Marie] et pour sa gloire que
nous embrassons l’état religieux ; c’est pour nous dévouer à elle corps et biens, pour la faire connaître, aimer et servir, bien convaincus que nous ne ramènerons les hommes à Jésus que par sa très sainte mère, parce que nous croyons, avec les saints Docteurs, qu’elle est toute notre espérance, notre mère, notre refuge, notre secours, notre force et notre vie. Parmi ces congrégations nombreuses, formées dans tous les siècles et sous tous les climats, les unes sont appelées à telle fin particulière et les autres à telle autre.
Or nous, les derniers de tous, nous qui nous croyons appelés par Marie elle-même pour la seconder de tout notre pouvoir dans sa lutte contre la grande hérésie de cette époque, nous avons pris pour devise, comme nous le déclarons dans nos Constitutions (art. 6), ces mots de la très Sainte Vierge aux serviteurs de Cana : « faites tout ce qu’Il vous dira » (Jn 2, 5). »
Les dernières années
(1842-1850)
On peut dire que vers la fin des années trente, les œuvres du P. Chaminade - celles des laïcs comme celles des religieux et religieuses - étaient prospères, en phase de croissance et d’extension, dynamiques. Or une fois de plus, à peine deux années plus tard, de nouvelles oppositions, de nouvelles forces de destruction assombrissaient l’horizon. En l’occurrence, il ne s’agissait plus de remous politiques ni d’attaques anti-cléricales ni d’intrigues dues à la jalousie ou à la rivalité du clergé local ; les ennuis ne venaient pas des autorités civiles de quelqu’une des nombreuses localités où se développaient les implantations marianistes. Cette fois-ci c’est de l’intérieur même de ses fondations que sortaient les forces hostiles menaçant d’anéantir le rêve du Fondateur ; certains de ses propres Frères, de ses plus proches collaborateurs, s’opposaient au P. Chaminade, eux en qui il avait placé le plus de confiance et avec qui il avait partagé le plus profondément son grand projet.
Ce qui s’est passé durant ces années était vraiment troublant et dur pour lui, peut-être encore plus éprouvant pour sa foi que la persécution et les suppressions par les autorités politiques. Pour essayer de dépêtrer la jeune Société de Marie d’un certain nombre de graves problèmes financiers, le conseil général demanda au P. Chaminade de démissionner sur le plan civil de sa fonction de supérieur général ; on espérait ainsi se débarrasser devant la justice de certaines plaintes portées contre la Société de Marie. Malgré son désaccord avec le Conseil sur son attitude à l’égard de la loi, le P. Chaminade accepta de démissionner pour laisser les mains libres au Conseil.
Entre temps, il continuait à exercer sa fonction de Supérieur des deux Instituts. Le problème fut soumis à l’arbitrage et au jeu de la justice. La position du P. Chaminade finit par être reconnue comme juste. Mais alors, à l’inverse de ce qu’il avait eu l’intention de faire par sa « démission civile », celle-ci fut interprétée par ses conseillers comme une démission pure et simple. Le P. Chaminade protesta et recourut à l’arbitrage de l’archevêque et même du Saint-Siège.
Lorsque l’archevêque de Bordeaux transmit à Rome son rapport sur ce conflit interne, il demanda si, le poste de supérieur général étant vacant, la Société de Marie ne devait pas procéder à l’élection d’un nouveau supérieur général, bien que le fondateur fût encore vivant. Rome ne reçut que cette version simplifiée et même faussée de la situation; les arguments du P. Chaminade n’avaient pas été transmis à Rome par le nonce à Paris – une erreur qu’on ne devait découvrir qu’un siècle plus tard! Le Saint-Siège déclara donc que le poste de supérieur général était vacant et réclama la convocation d’un chapitre général pour élire un successeur au P. Chaminade – en dépit du fait que les Constitutions réservaient au fondateur le droit de nommer son successeur.
Des délégués des diverses communautés de la Société de Marie se rendirent donc à Saint-Remy en 1845, comme cela avait été demandé, et ils élirent supérieur général le P. Georges Caillet. Il avait été le premier assistant et le conseiller du P. Chaminade. Après la ratification de cette élection par le Saint-Siège, le P. Chaminade manifesta ouvertement sa soumission et son obéissance à la nouvelle autorité. Cependant, il y eut bien des frictions entre les deux hommes parce que Chaminade se battait pour défendre la pureté et l’intégrité de son inspiration de fondateur contre ce qu’il percevait comme des tentatives du P. Caillet de la restreindre et même, disait-il, de la bâtardiser. En tant que fondateur, le P. Chaminade exerçait sa responsabilité en vue de préserver l’inspiration originelle de son œuvre ; en tant que supérieur général, le P. Caillet voyait dans l’attitude du P. Chaminade une rébellion et une tentative de limiter sa propre autorité.
Ce qui a pu donner l’impression à certaines personnes qu’elles étaient témoins d’agissements regrettables et étroits de la part d’un vieillard refusant une nouvelle autorité était en réalité un dernier effort de sa part pour garder intacte son inspiration fondatrice, car il demeurait persuadé que ses fondations contribueraient à faire de la France un pays plus chrétien. Le 22 janvier 1850, après une réconciliation de dernière minute avec son successeur, le P. Chaminade mourut en paix. Son attitude durant ses dernières années, si mal comprise par tant de ses contemporains, finit par être reconnue comme juste. La Sacrée Congrégation des Évêques et des Religieux réclama un réexamen de l’histoire des faits, sur la base d’une documentation plus complète.
Béatification du P. Chaminade
Le 18 octobre 1973, la Congrégation pour les Causes des Saints décréta que Guillaume-Joseph Chaminade était «vénérable ». On reconnut qu’il avait pratiqué les vertus chrétiennes d’une manière héroïque, sa longue vie durant, et qu’il pouvait être considéré comme un bon modèle et un bon guide pour d’autres chrétiens. La Béatification, qui précède la canonisation, exige la reconnaissance
d’un miracle et de la pratique héroïque des vertus chrétiennes. En octobre 1999 l’assemblée ordinaire des cardinaux et évêques de la Congrégation pour les Causes des Saints, réunie au Vatican, reconnut à l’unanimité la guérison miraculeuse d’une dame, une Argentine, attribuée à l’intercession du P. Chaminade. La Béatification a eu lieu le 3 septembre 2000, sur la place Saint-Pierre à Rome. Depuis la Béatification, qui est le plus grand honneur, à part la canonisation, que l’Eglise catholique peut décerner à quelqu'un de ses membres, le P. Chaminade reçoit le titre de Bienheureux.
La famille Marianiste dans le monde aujourd'hui
La Famille Marianiste - gardienne du charisme du P Chaminade est aujourd’hui répandue en 40 Pays du monde et se compose d’environ 10.000 membres. Elle est composée de 4 Branches: C.L.M. (Communautés Laïques Marianistes ou Fraternités Marianistes)- A.M. (Alliance Mariale-Institut séculier)- F.M.I. (Filles de Marie Immaculée ou Sœurs Marianistes)- S.M. (Société de Marie – Religieux Marianistes). La collaboration entre les Branches est un sceau de la vie Marianiste aujourd’hui ; tous les membres travaillent ensemble pour répondre aux besoins de notre temps et œuvrer à la croissance spirituelle au sein de la Famille Marianiste. Un élément spécifique de l’histoire de cette Famille est que la Branche laïque a été fondée plusieurs années avant celles des Religieux consacrés, Frères et Sœurs Marianistes. Les premiers membres des deux Instituts religieux proviennent des communautés laïques, qui étaient appelées Congrégations (aujourd’hui Fraternités). Prenant Marie comme modèle, les Marianistes cherchent à incarner ses mots au festin des noces de Cana: “Faites tout ce qu’il vous dira” (Jn 2:5), portant ainsi son fils, Jésus, au monde d’aujourd’hui. Le charisme Marianiste met un accent particulier sur la communauté, la formation aux valeurs évangéliques, la prière, et le service (la mission).
Prière pour la canonisation du Bienheureux Chaminade
Seigneur, tu es continuellement à l’œuvre dans ton Église, et, à travers les personnes et les communautés, tu manifestes ton Esprit pour le bien de ton peuple. Tu as accordé ton Esprit d’une manière spéciale au Bienheureux Guillaume-Joseph Chaminade, pour qu’il vive dans la plus grande fidélité à l’Évangile et se dévoue avec ardeur au salut des hommes ; et tu as inspiré à plusieurs groupes d’hommes et de femmes de se mettre à sa suite en se consacrant à toi, pour servir l’Eglise sous la conduite de Marie. Donne-nous les signes visibles de sa sainteté en accordant les grâces que nous sollicitons par son intercession... Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen.
Que le Père et le Fils et le Saint-Esprit soient glorifiés en tous lieux par l’Immaculée Vierge Marie
Pour d’autres renseignements ou la communication de grâces reçues:
Directeur de la Maison Chaminade
7, rue Canihac,
F- 33000 Bordeaux
Postulateur des Causes Marianistes
Marianisti
Via Latina, 22-
I00179 Roma, Italie
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