Saintes Perpétue et Félicité
Saintes Perpétue et Félicité
Martyres à Carthage
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Fête le 7 mars
Elles sont fêtées par les Eglise d’Orient le 1er février. Perpétue est une jeune patricienne, Félicité une jeune esclave. Elles avaient toutes deux demandé le baptême à l’évêque de Carthage. L’empereur Septime Sévère ayant interdit le christianisme, le groupe des catéchumènes, dont elles faisaient partie, est arrêté, avec Sature, Saturnin, Révocat et Secondule. Pendant plusieurs mois, ils connurent la prison dans des conditions très dures, d’autant qu’ils étaient dans l’incertitude du sort exact qui les attendait. Félicité était enceinte et Perpétue, jeune mariée, allaitait son enfant. Le père de la jeune femme tenta en vain de la faire sacrifier aux dieux au nom de l’amour maternel. Quant à Félicité, elle mit au monde une petite fille dans sa prison. Trois jours après la naissance, elle était martyrisée et l’enfant fut adoptée par une chrétienne de la ville. Comme leurs compagnons, Perpétue et Félicité furent livrées aux bêtes du cirque, enveloppées dans un filet, et livrées à une vache furieuse. Elles attirèrent la pitié des spectateurs devant ces jeunes mères torturées. On les acheva en les égorgeant. Selon les "acta" de leur martyre, des témoins disaient :"Leur visage était rayonnant et d’une grande beauté. Il était marqué non de peur mais de joie." Le culte des deux jeunes femmes connut très vite une grande popularité : leur jeunesse, leur situation de mère de famille, leur courage, le fait qu’elles soient des catéchumènes les font figurer en tête des martyres mentionnées dans la première prière eucharistique de la liturgie latine.
La Passion des Saintes Perpétue et Félicité et de leurs compagnons
Le récit de ce martyre nous est connu par un texte grec et un texte latin : la Passion de Perpétue et Félicité. Les érudits qui ne sont intéressés que par les formes extérieures se sont longtemps disputés pour savoir si le texte grec prédatait le latin ou l'inverse. Peu nous importe : Le récit a connu une diffusion rapide : il est cité par Tertullien. Par la suite saint Augustin, évêque d'Hippone, y fit plusieurs fois référence. Cette "Passion" est en plusieurs parties. La première nous est parvenue sans nom d'auteur, comme bien souvent à cette époque bénie pour la vie de l'Église. Elle encadre les pages écrites par Perpétue et Saturus durant leur captivité avant l'exécution. Le rédacteur anonyme ajoute le récit du déroulement des jeux, qui se concluent par la mort des martyrs et une réflexion finale. Les partie écrites par Perpétue et Saturus sont essentiellement consacrées aux visions qu'ils eurent durant leur captivité. Entre toutes leurs discussions stériles, les érudits se sont tout de même mis d'accord sur une chose : Cette Passion, ces récits de Perpétue et de Saturus, ce sont des récits originaux, ce qui en fait la valeur historique. Le récit de Perpétue est de plus un des rares textes écrits par une femme durant l'empire romain en Occident.
Si les exemples de foi donnés par les anciens, dans lesquels éclate la grâce de Dieu et où les hommes trouvent sujet à s'édifier, sont soigneusement enregistrés afin que leur lecture et leur méditation procurent honneur à Dieu et réconfort à l'homme, pourquoi ne pas recueillir aussi des pièces plus récentes mais non moins précieuses à ces mêmes points de vue ? Est-ce parce que ces antiques modèles deviendront quelque jour des modèles nécessaires pour la postérité, que dans le temps où nous vivons on ne leur accorde qu'une moindre importance, par suite d'un culte exagéré par l'antiquité? Mais qu'ils consentent donc à reconnaître la force toujours semblable du Saint-Esprit,toujours le même, ceux qui prétendent faire une différence entre tel ou tel temps, tellement que les derniers et les derniers des derniers doivent être tenus pour les plus fameux, en proportion du débordement de grâce dans la dernière période de ce siècle. « En ces derniers jours, dit le Seigneur, je répandrai mon esprit sur toute chair, vos fils et vos filles prophétiseront, je répandrai mon esprit sur vos serviteurs et vos servantes, vos jeunes gens auront des visions et vos vieillards des songes. » En ce qui nous regarde, nous reconnaissons et honorons les nouvelles prophéties et les nouvelles visions, suivant la promesse divine qui en a été faite, et nous tenons les autres manifestations de l'Esprit-Saint comme utiles à l'Eglise, à laquelle il est envoyé, lui qui répartit tous les dons entre tous les hommes, suivant la mesure que Dieu a accordée à chacun. C'est pourquoi nous faisons ce récit dont la lecture fera rendre gloire à Dieu, afin que l'ignorance ou le découragement n'aillent pas s'imaginer que la grâce divine n'habita qu'avec les anciens, soit en ce qui regarde les martyrs, soit en ce qui concerne les révélations; car Dieu exécute toujours ce qu'il a promis, pour que cela serve de témoignage aux infidèles et d'encouragement aux fidèles. Quant à nous, nous vous annonçons ce que nous avons vu et touché, afin que vous, nos frères et nos enfants, qui fûtes témoins de ces choses, vous ayez souvenir de la gloire du Seigneur, et vous qui les apprenez par le récit que l'on en fait, vous soyez en communion avec les saints martyrs, et par eux avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la splendeur et la gloire dans les siècles des siècles. Amen.
Les arrestations
On arrêta des catéchumènes c'étaient Révocat et Félicité, deux esclaves; Saturnin et Secundule, deux jeunes gens ; enfin Vibie Perpétue, de naissance distinguée,élevée avec recherche, devenue matrone par son mariage, ayant encore son père et sa mère et deux frères, dont l'un était également catéchumène, et un enfant à la mamelle. Elle avait vingt-deux ans. Elle a écrit le récit entier de son martyre de sa propre main.
Récit de Perpétue
« Tandis que nous étions encore mêlés aux persécuteurs, raconte-t-elle, et que mon père s'acharnait à me détourner et à me perdre — il n'écoutait que son affection : « Mon « père, lui dis je, vois-tu à terre ce vase ou cette fiole, ou de « quelque nom qu'il te plaira de l'appeler? » Il 'dit : « Je le « vois. » Je repris : « Peux-tu lui donner un autre nom quecelui de vase? » Il dit : « Non. — Eh! bien, dis je, moi je ne puis me dire autre chose que chrétienne. » A ces mots, mon père, hors de lui, se jeta sur moi pour m'arracher les yeux, mais il me maltraita seulement et il se retira vaincu avec ses arguments diaboliques. Il ne reparut pas de plusieurs jours et j'en rendis grâces à Dieu ; son absence m'était un soulagement. Ce fut précisément pendant, ces quelques jours que nous reçûmes le baptême. En ce qui me regarde, l'Esprit-Saint me fit connaître, tandis que j'étais plongée dans l'eau, de ne demander autre chose que l'endurance du corps. Quelques jours plus tard nous fûmes mis en prison, et j'en étais épouvantée, car jamais je n'avais supporté de pareilles ténèbres. O jour pénible ! Par suite de l'entassement des prisonniers, on vivait dans une chaleur épaisse ; de plus, il fallait supporter les bourrades des soldats, enfin j'étais dans l'angoisse à la seule pensée de mon enfant. Tertius et Pomponius, les chers diacres qui prenaient soin de nous, obtinrent, à prix d'argent, qu'on nous accordât chaque jour une promenade de quelques heures. Une fois sorti de la prison, chacun songeait à soi. Pour moi, j'allaitais mon petit enfant à demi mort de faim. Anxieuse pour lui, je parlais à ma mère, je fortifiais mon frère, je recommandais mon fils. Je souffrais de voir les antres souffrir à mon sujet. Cela se prolongea de la sorte pendant de longs jours, enfin j'obtins que l'enfant demeurât avec moi dans la prison, alors je ne souffris plus, toutes mes peines et mes inquiétudes se dissipèrent. et le cachot devint pour moi comme une maison de plaisance que je préférais à tout autre séjour.
Première vision
« Ce fut vers ce temps que mon frère me dit : « Madame ma soeur, tu es maintenant élevée à une grande dignité : demande à Dieu de te faire voir si tout ceci se terminera par votre mort ou par votre acquittement. » Moi qui avais des entretiens avec Dieu de qui j'avais éprouvé les bienfaits, je lui répondis avec confiance : « Je te dirai cela demain. » Alors je priai, et voilà ce qui me fut montré : Je vis une échelle d'or, très haute, puisqu'elle montait jusqu'au ciel, et très étroite. on n'y montait qu'un seul de front ; sur les montants de l'échelle étaient attachées des ferrailles de toute sorte. On voyait des glaives, des lances, des crochets, des coutelas, disposés de façon que si quelqu'un fût monté avec négligence et sans regarder au-dessus de sa tête, il eût été mis en lambeaux et sa chair fût restée accrochée à toutes ces ferrailles. Au pied de l'échelle se tenait couché un énorme dragon, qui préparait des embûches à ceux qui gravissaient l'échelle et les épouvantait pour les empêcher de monter. « Saturus monta le premier — il s'était livré lui-même à cause de nous, car il était absent lorsque nous fûmes arrêtés ; il arriva au sommet de l'échelle, se tourna vers moi et me dit : « Perpétue, je veille sur toi ; mais prends garde que, le dragon ne te morde. » Je répondis . « Au nom de Jésus-Christ, il ne me fera pas de mal. » Comme s'il m'eût craint, le dragon leva lentement la tête, mais une fois arrivée sur le premier échelon, je la lui écrasai. Je montai donc, et je découvris un immense jardin au milieu duquel un homme à cheveux blancs, vêtu en pasteur, de haute taille; il était assis et occupé à traire ses brebis, autour de lui plusieurs milliers de personnes en robes blanches. Le pasteur leva la tête, me regarda et me dit : « Te voilà venu sans encombre, mon enfant. » Il m'appela et me présenta un morceau de lait caillé, je joignis les mains pour le recevoir et je le mangeais pendant que tous les assistants répondaient : Amen. Le bruit qu'ils firent me réveilla et j'avais encore dans la bouche quelque chose de très doux. Je rapportai aussitôt tout ceci à mon frère et nous comprîmes que c'était le martyre qui nous attendait ; dès lors, nous commençâmes de ne plus rien espérer des hommes.
Entrevue de Perpétue avec son Père
Bientôt le bruit se répandit que nous allions être jugés. Mon père accourut de sa petite ville (de Tuburbium), accablé de douleur ; il vint me voir afin de m'ébranler, il me disait : « Ma fille, aie pitié de mes cheveux blancs ; aie pitié de ton père, si toutefois je suis encore digne d'être appelé ton père. Si mes mains t'ont élevée, si grâce à mes soins tu es parvenue à cette fleur de la jeunesse, si je t'ai préférée à tous tes frères, ne fais pas de moi un objet de honte parmi les hommes. Songe à ta mère, à tes frères, à ta tante, songe à ton fils, qui, sans toi, ne pourra vivre. Abandonne ta résolution, qui nous perdrait, tous. Personne de nous n'osera plus élever la voix si tu es condamnée à quelque supplice. » Ainsi parlait mon père dans son affection pour moi, en même temps il me baisait les mains, se jetait à mes pieds, m'appelait non « ma fille », mais « ma dame ». Et moi j'avais pitié de ses cheveux blancs; lui, seul de toute ma famille, ne devait pas se réjouir de mes douleurs; je le rassurai en lui disant : « Il arrivera sur l'estrade du tribunal ce que Dieu voudra. Car nous savons que nous ne nous appartenons pas à nous-mêmes, mais à Dieu. » Il me quitta bien affligé.
Interrogation et condamnation
« Un autre jour, pendant notre repas, on vint nous enlever soudain pour être interrogés. Nous arrivons au forum. Le bruit s'en répandit tout de suite aux environs, et une foule immense s'attroupa. Nous montâmes sur l'estrade. »
[Le procurateur Hilarianus : « Sacrifiez aux dieux, comme l'ont ordonné les immortels empereurs. »
Saturus : « Mieux vaut sacrifier à Dieu qu'aux idoles. »
Hilarianus : « Réponds-tu en ton nom, ou au nom de tous ? »
Saturus : « Au nom de tous, car nous n'avons qu'une même volonté. »
Hilarianus (s'adressant à Saturninus, Revocatus, Félicité et Perpétue) : « Et vous, que dites-vous ? »
Tous : « C'est vrai, nous n'avons qu'une même volonté. » Le magistrat ordonna d'éloigner les femmes.
Hilarianus dit à Saturus : « Jeune homme, sacrifie ; ne te crois pas meilleur que nos princes. »
Saturus : « Je me crois leur supérieur aux yeux du vrai prince du siècle présent et futur, si j'ai mérité de lutter et de souffrir pour lui.
— Change d'avis, et sacrifie, jeune homme.
— Non pas. »
Hilarianus dit à Saturninus : « Sacrifie, jeune homme, si tu veux vivre. »
Saturninus : « Je suis chrétien, cela ne m'est pas permis. »
Hilarianus à Revocatus : « Apparemment, toi aussi, tu parleras de même. »
Revocatus : « Oui, pour l'amour de Dieu ; je n'ai pas d'autres sentiments. »
Hilarianus : « Sacrifiez pour que je ne vous fasse pas mourir. »
Revocatus : « Nous prions Dieu de mériter cette grâce. » Le procureur ordonna d'emmener ces accusés et d'introduire les deux femmes.
Hilarianus dit à Félicité : « Comment t'appelles-tu ?
— Félicité.
— As-tu un mari ?
— Oui, mais aujourd'hui, je le méprise.
— Où est-il?
— Il n'est pas ici.
— De quelle condition est-il ?
— Homme du peuple.
— As-tu des parents ?
— Non, mais Revocatus est mon frère. Et quels parents pourrais-je avoir meilleurs que ceux-ci ?
— Aie pitié de toi-même, jeune femme, et sacrifie, afin de vivre, car je vois que tu es enceinte.
— Je suis chrétienne, et il m'est commandé de mépriser tout cela pour Dieu.
— Prends souci de toi-même, car tu me fais compassion.
— Fais ce que tu voudras, tu ne pourras me persuader. »]
« Quand ( mon tour d'être interrogée fut venu, mon père apparut tout à coup, portant mon fils ; il me tira de ma place, et me dit d'un ton suppliant :
« Aie pitié de l'enfant. »
« Et le procurateur Hilarianus, qui avait reçu le droit de glaive à la place du défunt proconsul Minutius Timinianus :
« Aie pitié des cheveux blancs de ton père, aie pitié de la jeunesse de ton fils. Sacrifie pour le salut des empereurs. »
« Je répondis : « Je ne sacrifie pas. »
« Hilarianus : « Es-tu chrétienne ? »
« Je répondis : « Je suis chrétienne. »
« Et comme mon père se tenait toujours là pour me faire renier, Hilarianus commanda de le chasser, et il fut frappé d'un coup de verge. Je ressentis le coup comme si j'eusse été frappée moi-même, tant je plaignais mon pauvre vieux père. Alors le juge prononça la sentence par laquelle nous étions tous condamnés aux bêtes, et nous descendîmes joyeux dans la prison. Comme mon enfant était accoutumé à prendre le sein et à demeurer avec moi dans la prison, j'envoyai aussitôt le diacre Pomponius pour le demander à mon père, mais mon père ne voulut point le donner. Il plut à Dieu que l'enfant ne demandât plus le sein et que je ne fusse pas incommodée de mon lait, de sorte que je restai sans inquiétude et sans souffrance.
Deuxième et troisième vision
« Après peu de jours, pendant que nous étions en prière, je parlai malgré moi tout à coup, je nommai Dinocrate. Je fus stupéfaite de n'avoir pas encore pensé à lui et affligée en me rappelant son malheur. Et je reconnus que j'étais maintenant digne d'intercéder pour lui. Je commençai donc à faire pour lui beaucoup de prières et à pousser des gémissements vers le Seigneur. Pendant la nuit, j'eus une vision : je vis Dinocrate sortant d'un lieu ténébreux, où se tenaient beaucoup d'autres personnes ; son visage était triste, pâle, défiguré par la plaie qu'il avait lorsqu'il mourut. Dinocrate avait été mon frère selon la chair, mort à sept ans d'un cancer à la figure, dans des circonstances qui avaient fait horreur à tout le inonde. Entre lui et moi je voyais un grand intervalle, que ni l'un ni l'autre ne pouvions franchir. Dans le lieu où se trouvait Dinocrate il y avait une piscine pleine d'eau, dont la margelle dépassait la taille d'un enfant. Dinocrate se haussait comme pour y boire, et je m'affligeais en voyant cette piscine pleine d'eau, et cette margelle trop haute pour qu'il y pût atteindre. Je m'éveillai, et je compris que mon frère souffrait. Mais j'espérais que ma prière adoucirait ma souffrance; aussi ne cessai-je de prier pour lui chaque jour jusqu'à ce que nous fûmes transférés dans la prison Castrensis ; en effet, nous devions combattre dans les jeux que l'on donnait en l'anniversaire du César Géta (fils de l'empereur Sevère). Pendant ce temps, jour et nuit, je priais, je pleurais, je gémissais pour Dinocrate.
« Un jour que nous avions les ceps, voilà ce que je vis : Le lieu que j'avais vu plein de ténèbres était plein de lumière, et Dinocrate bien vêtu, bien soigné, joyeux. La plaie du visage semblait cicatrisée et la margelle de la piscine s'était abaissée, elle lui arrivait à mi-corps ; l'enfant y puisait librement. Sur le rebord de la margelle était un vase rempli d'eau, Dinocrate buvait de cette eau, mais elle ne diminuait pas. Quand il fut désaltéré, il s'éloigna et se mit à jouer, en enfant qu'il était. Alors je m'éveillai et je compris que mon frère avait quitté le lieu de souffrance pour une demeure de joie.
« Quelques jours après, Pudens, soldat de garde à la prison et fort bienveillant pour nous, commença à se rendre compte que nous étions comblés par Dieu d'une abondante grâce et laissa nos frères entrer en grand nombre dans la prison, afin que nous nous réconfortions mutuellement. Le jour des jeux était proche, quand mon père revint ; il était consumé de chagrin, il s'arrachait les cheveux à eux, se jetait à terre, maudissait sa vieillesse et disait des oses à émouvoir toute créature. Que de compassion m'inspirait sa vieillesse !
Quatrième vision
« La veille de notre combat, j'eus une vision. Je vis Pomponius, le diacre, venir à la porte de la prison et la heurter avec violence. J'allai lui ouvrir ; il portait un vêtement blanc, avec une quantité de ces petits ornements que l'on nomme callicules ; Pomponius me dit : « Perpétue, on t'attend, viens. » Il me prit la main, et nous voilà partis dans un chemin difficile et montueux. A peine arrivâmes-nous, tout hors d'haleine, dans l'amphithéâtre, qu'il m'entraîna au milieu de l'arène : « N'aie pas peur, me dit-il, ici je ne te quitte pas, je travaille avec toi », et il s'en alla. Je vis une nombreuse assistance qui semblait ébahie. Pour moi, me sachant condamnée aux bêtes, j'étais surprise de n'en pas voir, lorsque apparut un Egyptien d'un aspect horrible ; suivi de ses seconds, il s'apprêtait à combattre contre moi. Des jeunes gens très beaux, mes seconds à moi, vinrent à mes côtés, on me dévêtit, et voilà que j'étais un homme. Ma bande commença donc à m'oindre d'huile, ainsi que cela se pratique avant les combats d'athlètes, ensuite je me roulai sur le sable. Un homme d'une taille extraordinaire se présenta, il dépassait le toit de l'amphithéâtre, sa tunique tombait toute droite, car elle n'était pas retenue par une ceinture, il portait un vêtement de pourpre rattaché sur la poitrine par deux agrafes avec des callicules d'or et d'argent en grand nombre ; il portait la férule de laniste et en outre un rameau verdoyant sur lequel étaient attachées des pommes d'or. Il imposa silence et dit : « Si cet Egyptien est vainqueur de cette femme, on la tuera ; si c'est la femme qui est victorieuse, on lui donnera ce rameau. » Et il se retira. Nous marchâmes l'un à l'autre, et on se donna les premiers coups. L'Egyptien s'efforçait de me prendre les pieds; moi je lui labourais le visage à coups de pied, soudain je fus soulevée en l'air et je me mis à le piétiner comme si c'eût été la terre. Quand je vis qu'il y avait un instant de relâche, je joignis les mains, entrelaçant les doigts entre eux et je lui pris la tête (entre les paumes), il tomba sur la figure et vite je lui broyai la tête. « Le peuple applaudit et mes seconds chantèrent, je vins au laniste et reçus le rameau, lui m'embrassa et dit : « Ma fille, la paix soit avec toi. » Je me dirigeai triomphante vers la porte des vivants. « Quand je m'éveillai, je compris que je n'avais pas combattu contre les bêtes mais contre le diable, et je ne doutais plus que la victoire finale ne fût proche. « J'ai écrit tout ce qui précède jusqu'à la veille des jeux ; quant au récit de ce combat, s'en charge qui voudra. »
Vision de Saturus
Vision de Saturus, telle qu'il l'a écrite : « Le combat était livré, nous avions quitté notre chair, lorsque quatre anges, sans nous toucher, nous emportèrent dans la direction de l'Orient. Nous n'étions pas couchés dans la posture habituelle, mais nous paraissions gravir une côte très douce. Après que nous fûmes sortis de l'atmosphère de notre planète, nous vîmes une lumière intense, je dis : « Perpétue (il faut savoir qu'elle était à côté de moi), voilà ce que Dieu nous promettait, la promesse s'accomplit. » Tandis que nous étions portés par les quatre anges, nous pénétrâmes dans un vaste terrain qui ressemblait à un verger dont les arbres eussent porté des roses et toute sorte de fleurs. Les arbres avaient la taille du cyprès, et les feuilles faisaient entendre un perpétuel murmure. Quatre anges plus éclatants que nos conducteurs se trouvaient dans le verger ; dès qu'ils nous aperçurent, ils nous firent beaucoup de politesses, et dirent aux autres anges, d'une voix émue de plaisir : « Ce sont eux, ce sont eux. » Les anges qui nous soutenaient furent remplis d'une crainte respectueuse et ils nous mirent à terre : nous franchîmes le stade sur nos pieds, cette fois, par la route tracée. Nous y rencontrâmes Jocundus et Saturninus et Artaxius, qui, victimes de la même persécution, ont été brûlés vifs, et Quintus même, qui consomma son martyre dans la prison ; nous leur demandâmes oü étaient les autres. Les anges nous dirent : « Venez d'abord, entrez, et rendez hommage « au Seigneur. » « Nous approchâmes d'un lieu dont les murailles semblaient faites de lumière et devant la porte duquel se tenaient quatre anges qui nous revêtirent de robes blanches. Ainsi parés, nous entrâmes dans une lumière infinie, il y avait une voix qui répétait sans cesse : « Saint, Saint, Saint. » Au milieu était assis un vieillard, dont les cheveux blancs comme la neige entouraient un visage d'adolescent; ses pieds étaient cachés. A droite et à gauche venaient vingt-quatre vieillards, derrière lesquels d'autres vieillards demeuraient debout. «Nous entrâmes fort émus et nous nous arrêtâmes devant le trône ; les quatre anges nous soulevèrent, nous donnâmes le baiser au Seigneur, qui de sa main nous caressa le visage. Les vieillards nous dirent : « Debout. » Nous nous levâmes et nous donnâmes le baiser de paix. Les vieillards nous dirent alors : « Allez et soyez aux jeux. » Moi, je dis : « Perpétue, te voilà satisfaite. » Elle répondit : « Dieu soit loué, j'étais gaie autrefois, mais je le serai bien plus dans l'autre vie. » « Comme nous revenions, nous vîmes, occupant les deux côtés de la porte, l'évêque Optat et le prêtre Aspase, celui-ci à gauche, l'autre à droite. Ils paraissaient brouillés ensemble et affligés, ils se jetèrent à nos pieds et dirent : « Mettez l'union entre nous, voilà que vous partez et nous, nous restons, mais en cet état. » Nous dîmes : « Vous n'êtes donc pas, vous, notre évêque et, vous, notre prêtre, pour vous mettre ainsi à nos pieds ? » Nous les relevâmes et les embrassâmes. Perpétue entama la conversation et nous les conduisîmes dans le verger sous un rosier. Tandis que nous leur causions, les anges leur dirent : « Permettez à ceux-ci de se rafraîchir; si vous avez des difficultés entre vous, pardonnez-vous mutuellement » ; ce qui ne laissa pas de les troubler. Ils ajoutèrent, s'adressant à Optat, l'évêque : « Corrige ton peuple, tes assemblées ressemblent à la sortie du cirque où les factions se disputent. » « Voilà ce que nous vîmes, et en même temps les anges semblaient vouloir fermer les portes (du paradis devant l'évêque et le prêtre). Pour nous, nous retrouvions là un grand nombre de frères, mais les seuls martyrs. Un parfum inénarrable nous servait à tous de nourriture et nous étions rassassiés. A ce moment, je m'éveillai tout joyeux. »
Récit du compilateur
Ces remarquables visions, de Saturus et de Perpétue, sont telles qu'ils les ont écrites. Dieu appela à lui de la Prison Secundulus, dont il abrégeait l'exil et à qui il épargnait la dent des bêtes. Si son âme fut peu sensible à cette grâce, son corps du moins en profita.
Délivrance de Félicité
Quant à Félicité, elle obtint de Dieu une insigne faveur. Elle était enceinte de huit mois (son arrestation était postérieure à sa grossesse) ; à mesure que le jour des jeux approchait, son chagrin allait en augmentant, car elle craignait que son état ne la fît remettre à une autre époque : la loi, en effet, défendait l'exécution d'une femme enceinte ; elle doutait de mêler son sang très pur et très saint à celui des repris de justice. Ses compagnons de martyre n'étaient pas moins attristés qu'elle-même, à la pensée de laisser toute seule, sur le chemin de l'espérance, une compagne si agréable, une amie. Trois jours avant les jeux, tous s'unirent dans une même supplication devant Dieu. Aussitôt après, les douleurs la prirent. Comme il arrive dans les délivrances à huit mois, elle ressentit de vives douleurs. Tandis qu'elle gémissait, un geôlier lui dit : « Si tu ne peux en ce moment supporter la souffrance, que sera-ce en face des bêtes que tu as bravées cependant en refusant de sacrifier? » Félicité répondit : « Aujourd'hui, c'est moi qui souffre; mais alors il y en aura un autre en moi qui souffrira pour moi, parce que, moi aussi, je devrai souffrir pour lui. » Félicité mit au monde une petite fille qu'une chrétienne adopta.
Derniers jours
Puisque l'Esprit-Saint a permis — et en le permettant il faisait voir sa volonté à ce sujet — que le récit du combat fût écrit, bien que personnellement indigne de raconter tant de gloire, cependant, par une sorte de délégation de la très sainte Perpétue (car je ne fais en cela qu'exécuter son désir), j'ajouterai le récit authentique de sa patience et de sa force vraiment sublimes. Cependant le tribun traitait les prisonniers avec dureté. Prévenu par des gens stupides, il craignait que, grâce à quelque sortilège, ils ne parvinssent à s'échapper. Perpétue lui lança en pleine figure : «Comment refuses-tu des adoucissements à de si nobles condamnés, qui appartiennent à César et doivent combattre le jour de sa fête? N'est-ce pas ta gloire de les produire bien gras devant le public? » Le tribun frémit et rougit, et de ce jour les martyrs furent mieux traités ; leurs coreligionnaires et leurs connaissances eurent la permission de les visiter, de leur rendre quelques services. Quant au geôlier, il s'était déjà converti. La veille même des jeux, en cette orgie qu'on nommait le repas libre mais que les chrétiens transformaient en agape, les martyrs, dans leur inébranlable fermeté, adressaient quelques paroles à la foule qu'ils menaçaient du jugement de Dieu, relevaient le bonheur de leurs souffrances et gourmandaient la curiosité des assistants : « Est-ce que la journée de demain ne vous suffit pas, leur dit Saturus, pour regarder ceux que vous haïssez? Amis aujourd'hui, demain ennemis. Regardez-nous bien afin de nous reconnaître au jugement dernier. » Les païens se retirèrent confus; beaucoup furent gagnés à la foi.
Le jour du martyre
Enfin se leva le jour du triomphe. Les martyrs s'avancèrent de la prison dans l'amphithéâtre, ce fut comme une entrée dans le ciel. Ils étaient gais et leurs visages étaient beaux, émus, sans doute, non de crainte mais de joie. Perpétue suivait ses compagnons. Elle s'avança seule ; les traits étaient calmes, la démarche grave, comme il sied à une matrone chérie du Christ. Elle tenait les yeux baissés pour en dérober l'éclat aux spectateurs.Félicité, radieuse de son heureuse délivrance qui lui valait de combattre en ce jour, avide de se purifier dans un second baptême. Arrivés à la porte de l'amphithéâtre, on voulut faire revêtir aux hommes le costume des prêtres de Saturne, aux femmes celui des prêtresses de Cérès. Mais inébranlables jusqu'à la fin, ils refusèrent : « Nous sommes venus ici, disaient-ils, de notre plein gré, pour conserver notre liberté. C'est pour cela que nous vous avons livré nos vies. Voilà le seul contrat conclu entre nous. » L'injustice reconnut la justice, le tribun céda et consentit à ce qu'ils entrassent avec leurs habits. Perpétue chantait, déjà elle broyait la tête de l'Égyptien. Revocatus, Saturninus et Saturus menaçaient les spectateurs de la vengeance divine. Quand ils furent devant la loge d'Hilarianus, ils dirent : « Tu nous juges, mais Dieu te jugera.» Le peuple, exaspéré, demanda qu'on les fit passer entre l'escouade des belluaires, armés de fouets. Les martyrs rendirent grâces, parce qu'ils pouvaient participer en quelque chose aux souffrances du Christ.
L'assaut des bêtes
Mais celui qui a dit : « Demandez et vous recevrez », accorda à chacun le genre de mort qu'il avait souhaité, car quand ils causaient ensemble de la manière dont ils eussent voulu mourir, Saturninus souhaitait d'être exposé à toutes les bêtes afin que sa couronne fût plus glorieuse. Et il arriva qu'à l'ouverture des jeux, Revocatus et lui furent attaqués par un léopard; ils furent ensuite, sur l'estrade, déchirés par un ours. Saturas avait pour l'ours la plus grande horreur, aussi espérait-il déjà que d'un coup de dent le léopard lui enlèverait la vie. On fit sortir un sanglier qui se jeta sur son gardien et lui fit une blessure dont il mourut peu de jours après. Saturus fut simplement traîné sur le sable par le léopard. On l'exposa sur l'estrade à un ours, l'ours refusa de quitter sa fosse. Pour la seconde fois il fut emmené sain et sauf. On avait préparé pour les deux femmes une vache furieuse — le diable, sans doute, avait procuré cet animal inconnu d'ordinaire dans les jeux, — comme pour mieux insulter à leur sexe. On les dépouilla de leurs vêtements, on les mit dans le filet et en cet état on les exposa. Un mouvement d'horreur saisit le peuple, à la vue de ces femmes, dont l'une était si frêle et l'autre, récemment délivrée, perdait le lait de ses seins. On les fit revenir et on leur rendit leurs vêtements. Perpétue rentra la première, elle fut enlevée, lancée en l'air et retomba sur le dos. Dans la chute, sa tunique fut largement fendue, elle la rapprocha afin de se couvrir les jambes, plus attentive à la pudeur qu'à la douleur. Rappelée (par les arénaires), elle s'aperçut que sa chevelure s'était dénouée, et elle rattacha sur son front l'agrafe qui la retenait, car une martyre ne doit pas avoir les cheveux épars en mourant, afin que l'on ne croie pas qu'elle s'afflige au milieu de sa gloire. Ainsi parée, Perpétue se relève et, apercevant Félicité qui gisait, comme brisée, elle s'en approche, lui tend la main et la soulève de terre. Elles étaient là debout. Le peuple, ému de compassion, clama qu'on les fît sortir parla porte des vivants. Là, Perpétue trouva un catéchumène qui lui était fort attaché, il avait nom Rusticus ; elle semblait une personne qui sort d'un profond sommeil — l'extase lui en tenait lieu, — elle regarda autour d'elle et, à la stupeur générale, elle demanda : « Quand donc nous exposera-t-on à cette vache? n Elle, n'y pouvait croire, lorsqu'on lui dit que la passe avait eu lieu ; elle ne s'y rendit qu'en constatant sur son vêtement et sur elle-même les traces matérielles de ce qu'elle avait souffert. Ensuite, ayant fait appeler son frère et Rusticus, elle leur dit : « Soyez fermes dans la foi. Aimez-vous les uns les autres, et ne vous scandalisez pas de nos souffrances. » Pendant ce temps on avait amené Saturus à une autre porte, il causait avec le soldat Pudens, et lui disait entre autres choses : « Me voici, et, comme je te l'avais prédit. les bêtes ne m'ont pas encore touché. Mais hâte-toi de croire de tout ton coeur. Voici que d'un seul coup de dent un léopard va me tuer. » Et, à l'instant même, pour clore les jeux, on l'exposa à un léopard qui d'un coup de dent le couvrit de sang. « Il est bien lavé, le voilà sauvé ! il est bien lavé ! » dit le peuple, par allusion au baptême. En effet, il était bien lavé, celui qui donnait alors ce spectacle. Saturus dit encore à Pudens : « Adieu, ne m'oublie pas, que ce spectacle ne t'ébranle pas, mais te fortifie. » Il lui demanda alors son anneau, le trempa de sang et le lui rendit, lui donnant tout ensemble le gage et le souvenir de sa mort. Puis il s'évanouit, on le transporta dans le spoliaire, où se trouvaient déjà les autres martyrs, pour y être étranglé. Mais le peuple réclamait le retour des condamnés, il semblait vouloir se donner le régal homicide d'une épée qu'onenfonce dans le corps d'un homme. Les martyrs se levèrent et se rendirent au désir du peuple, auparavant ils se donnèrent le baiser afin de consommer leur martyre dans la paix. Puis, immobiles, silencieux, ils attendirent le fer. Saturus, qui venait en tête, mourut le premier. Perpétue était réservée à une nouvelle douleur. Frappée entre les côtes, elle poussa un cri, puis, comme son bourreau était un gladiateur novice, elle prit la main tremblante de l'apprenti et appuya elle-même la pointe du poignard sur sa gorge. Il semblait que cette vaillante femme ne pût mourir que de sa propre volonté et que l'esprit immonde qui la redoutait ne pût la toucher sans qu'elle ne l'eût permis.
Hymne à Sainte Perpétue et Félicité
" Epouse du Christ, célèbre aujourd'hui dans de pieux cantiques deux femmes au cœur invincible ; chante avec transport deux cœurs d'hommes dans le sexe le plus faible. Toutes deux nées sous le soleil de l'Afrique, toutes deux aujourd'hui, dans l'univers entier, brillent de l'éclat que leur ont acquis de sublimes combats ; le front de chacune est ceint de lauriers glorieux. La noblesse du sang recommande d'abord Perpétue ; une récente alliance l'a unie à un époux illustre ; mais il est à ses yeux une illustration plus haute encore : elle préfère à tout le service du Christ. Quoique libre, elle met sa gloire à servir un si grand roi ; quant à Félicité, la condition d'esclave est son sort ici-bas ; mais dans la lutte glorieuse elle suit d'un pas égal la noble Perpétue ; elle s'élance vers la palme avec une même ardeur. En vain le père de Perpétue emploie pour l'abattre et les menaces et les pleurs ; elle n'éprouve qu'une filiale compassion pour l'erreur du vieillard ; bientôt il lui faut donner le dernier baiser à l'enfant qu'elle allaite. Dans la prison, Félicité éprouve les douleurs dont Eve notre mère a attiré les rigueurs sur son sexe ; elle souffre et enfante en gémissant, celle qui bientôt doit souffrir pour Dieu avec allégresse. Dans une vision, Perpétue voit s'ouvrir les portes du ciel ; il lui est permis de jeter ses regards dans ce séjour de délices ; elle apprend que des combats lui sont réservés, et aussi quel repos Dieu lui prépare après ces combats. Elle voit une échelle d'or qui monte jusqu'au séjour céleste ; mais ses deux côtés sont armés de pointes menaçantes. Ceux qui viendraient à tomber de ces degrés périlleux, un affreux dragon couché au pied de l'échelle les recevrait dans sa gueule.Monte, Ô femme, ne crains pas le dragon ; pose ton pied sur sa tête humiliée, comme sur le degré d'où tu montes vaillamment jusqu'au delà des astres. Au sommet de l'échelle s'ouvre pour Perpétue un délicieux jardin : c'est là que l'aimable Pasteur comble ses brebis de caresses : " Ma fille, lui dit-il, ma fille tant désirée, te voilà donc enfin ", et il lui fait part d'un mets plein de douceur. Une autre fois, elle se sent entraînée au milieu du cirque ; là un homme repoussant, d'un aspect horrible, brandissant un glaive, s'élance sur elle ; mais bientôt il est abattu et foulé sous le pied d'une faible femme. Reçois, Ô Perpétue, le prix de tes hauts faits. Le jour de gloire, celui qui doit éclairer la victoire, se lève enfin pour les athlètes du Seigneur. Avancez, Ô martyres ! Le ciel tout entier t'attend, Ô Perpétue ! La cour des élus te désire, Ô Félicité ! Une bête farouche froisse cruellement les membres délicats de Perpétue ; bientôt c'est le tour de sa compagne ; mais, Ô Félicité, ta noble soeur se relevant de l'arène vient te tendre la main et te disposer à des luttes nouvelles. Enfin Dieu, qui du haut du ciel contemple les combats de ces deux héroïnes, les appelle à la couronne ; il est temps qu'à travers leur sang qui s'épanche sur la terre, leurs âmes s'élancent dans le sein du Christ. Bientôt le glaive d'un licteur comble le désir des martyres en les immolant. Le bras qui doit égorger Perpétue tremble en s'essayant ; mais la main de l'héroïne conduit elle-même sur sa gorge l'épée qui doit la traverser. Et maintenant, Ô femmes magnanimes, goûtez à jamais près de l'Epoux les joies qui vous sont préparées ; il vous montre à nous comme les modèles du courage ; accordez votre puissant secours à ceux qui vous implorent. Gloire éternelle au Père, louange égale au Fils et au divin Esprit qui les unit ; et vous, chrétiens, célébrez en tous lieux la force victorieuse que le ciel a donnée aux Martyrs. Amen."
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