Spiritualité Chrétienne

Spiritualité Chrétienne

Sainte Rosalie de Palerme

Sainte Rosalie

Patronne de Palerme


Montréal, Compagnie d'Impression et de Publication de Lovell,

John Lovell, Directeur-Gérant, 1874


Introduction


Voici une publication des plus intéressantes que nous puissions offrir à l'admiration et à l'édification dos fidèles. C'est l'histoire de Sainte Rosalie: cette jeune princesse qui quitta le monde dans la fleur de l'âge pour se donner entièrement à Dieu, laissant les délices d'un palais pour se réfugier dans un désert, renonçant aux plus brillantes destinées, pour s'offrir toute jeune, en esprit de pénitence et de sacrifice pour le salut des pécheurs. Cette vie, qui offre de si doux attraits aux congrégations de piété, de si beaux exemples aux Communautés Religieuses, répond d'une manière particulière à la vocation des âmes vouées à la contemplation des souffrances du Sauveur et c'est à ces âmes dévouées que nous l'offrons avec confiance. Cette vie ne se trouve qu'avec peu de détails dans les recueils livrés au public; nous l'avons tirée d'ouvrages anciens revêtus de toutes les approbations du St. Siège, auquel nous nous ferons toujours un devoir de soumettre finalement, notre personne et nos oeuvres.


1 Sa naissance et son enfance


Sainte Rosalie naquit à Palerme en Sicile vers le milieu du douzième siècle; c'était sous le règne de Roger 1er, descendant de cette grande famille de Chevaliers Normands, qui avaient chassé les Sarrazins de la Sicile, et depuis un siècle la défendaient contre toute attaque. Le père de Rosalie se nommait Sinibaldus, il descendait par les Rois d'Italie et les comtes des Marches du grand Empereur Charlemagne, ainsi que l'atteste le martyrologe Romain, mais de plus Rosalie était nièce du Roi; sa mère était la sœur de Roger et la princesse Béatrice épouse de Roger était elle-même la sœur de Sinibaldus et par conséquent tante de Rosalie. Vers 1152, Guillaume succéda à son père Roger; Rosalie était élevée à la cour auprès de la Souveraine Marguerite, épouse de Guillaume et fille du Roi de Navarre. La cour était alors au comble de la splendeur, ses souverains étaient alliés aux plus grandes familles de l'Europe, dont ils avaient acquis la reconnaissance en éloignant les infidèles des Côtes de l'Italie et de la Sicile. Enfin, ils faisaient le plus noble usage des trésors qu'ils avaient conquis sur les Sarrasins. Ils attiraient dans leur capitale les plus grands génies du temps. Avec leur concours, ils avaient fondé des institutions brillantes, et ils avaient élevé des couvents et des églises qui comptent encore aujourd'hui comme les plus beaux monuments des siècles de foi: la Cathédrale de Palerme, la Chapelle du Palais, la superbe Eglise de Martoraua, et enfin à l'extrémité de la ville sur une hauteur la magnifique basilique de Montréal.


Rosalie au milieu de la Cour était traitée comme l'enfant des Souverains, elle était chérie de sa tante la Reine Marguerite, elle était la compagne de la petite Princesse Constantia, sœur du Roi, et du même âge que Rosalie. Sur ces premières années, nous savons d'une manière certaine, que notre jeune sainte traversa les temps délicats de l'enfance, avec la réputation d'avoir merveilleusement conservé les grâces de son baptême, elle devait donc en avoir avec l'innocence, toutes les aimables prérogatives ; la candeur, la bonté. Ainsi que ces jeunes saints que l'Eglise honore comme les patrons de la jeunesse chrétienne, elle se faisait remarquer par une candeur et une douceur angéliques. Le mal n'avait pu lui nuire, et elle-même n'avait jamais nui à personne. Ce fut cette tendre et pure charité qui fut comme l'origine de cet esprit de dévouement et de sacrifice qui la porta à s'offrir en victime pour les pauvres pécheurs; car pour le sacrifice, s'il n'y a qu'une victime pure qui peut plaire au Seigneur, il n'y a aussi qu'une âme très-pure qui puisse comprendre et embrasser l'immolation du sacrifice. Dans un séjour si agréable pour elle, Rosalie n'abusait pas de ces faveurs et en avançant en âge, elle croissait en grâces et en vertus. Nous voyons par ses portraits, qu'elle avait en son visage la pureté et la douceur des traits de cette race du Nord à laquelle elle appartenait et qui avait paru si grande et si illustre. Son air noble et ouvert, accompagnait une apparence de fermeté et d'énergie, dont elle donna plus tard de si grandes preuves. Sous des traits d'une délicatesse remarquable,on apercevait cette force qui put supporter une vie si héroïque. On voyait donc comme elle tenait de près à ces chevaliers redoutables, qui d'un seul coup d'épée dans les batailles, terrassaient cheval et cavalier; mais quelles que fussent la grandeur de sa naissance, la richesse de sa famille et ses qualités extérieures, c'était bien plus par sa piété et ses vertus, qu'elle était l'ornement de la Cour.


Dés ses premières années, elle ferma les yeux aux espérances de la terre et elle dirigea ses pensées vers le Ciel; au milieu des grandeurs elle ne songeait qu'au Seigneur et au bonheur de se donner à lui. Elle savait quitter les fêtes et les réunions brillantes, pour se rendre à la Chapelle du Palais et répondre aux aspirations de son cœur. Là elle restait des heures entières qui passaient comme des instants. Revenue vers sa souveraine elle se conservait pieuse et recueillie, mais elle était pleine de douceur et d'aménité; inspirant l'estime par sa modestie, elle charmait par sa bonté; on admirait sa piété, sa ferveur, on admirait encore plus cette candeur inaltérable, cette égalité toujours constante qui distinguaient l'humble jeune fille. Elle avait cet esprit juste, aussi éloigné de la vanité, que de l'affectation; dans son union à Notre Seigneur, elle voyait en tous, les enfants du Sauveur; elle n'était sévère que pour elle-même. Enfin la tradition assure que telle était l'intensité de son amour, que, lorsqu'elle se regardait par nécessité dans un miroir, elle n'y voyait que l'image du Sauveur crucifié.


2 Rosalie entend l'appel de Dieu


La grâce du Seigneur répondit abondamment à de si saintes dispositions, Rosalie fut remplie de vives lumières et d'un courage généreux pour répondre à leurs inspirations, et c'est à ces clartés qu'elle sut juger l'éclat de la Cour et qu'elle en comprit les vanités. Dans ce centre de fêtes et de plaisirs, avec tant de qualités qui lui gagnaient les cœurs, et tant de glorieuses espérances que lui assuraient les richesses de son père, elle ne ferma pas l'oreille à la voix intérieure qui voulait l'attirer à une destinée plus excellente. Son aversion des vaines grandeurs augmenta encore, lorsqu'elle vit le Roi Guillaume cédant aux enivrements de la puissance, ternir les heureux commencements de sa domination, par des démêlés avec le Souverain Pontife. Guillaume avait réussi dans de glorieuses entreprises contre les Infidèles, mais arrivé au faite des prospérités, l'orgueil s'était emparé de son cœur, et tandis qu'il ne voulait rien accorder aux injonctions les plus légitimes du Chef de l'Eglise, lui-même se montrait d'une dureté implacable vis-à-vis de ses sujets. Rosalie déplorait ces fautes d'un Souverain qu'elle aimait comme un père, et gémissait de n'y pouvoir porter remède: elle déplorait les malédictions qu'il pouvait attirer sur lui et sa famille, et les tristes réflexions qu'elle faisait en voyant les malheurs auxquels étaient exposés ceux qui l'avaient comblée de bontés, contribuèrent grandement à la décision qu'elle prit bientôt. Ainsi quelles lumières Rosalie nous donne sur la vanité des grandeurs du monde, il est bien difficile de les posséder sans y attacher son cœur, et dès lors combien est-on exposé à s'en laisser enivrer. En même temps que, Rosalie fermait ses yeux aux illusions du siècle, elle considérait toutes choses dans la lumière divine; elle réfléchissait et priait. Elle vit ces âmes qu'elle aimait, en Dieu qui les avait créées et formées pour lui. Elle songea à leur destinée éternelle et aux dangers qu'elles couraient au milieu du monde: elle considéra que, s'offrant à Dieu, sa démarche serait plus efficace sur leur cœur que tous les avis qu'elle pourrait leur donner? Tandis que, si elle restait au milieu du monde, que pourrait-elle pour leur salut? et qui sait si elle-même ne serait pas victime de ces illusions qui commençaient déjà à envahir sous ces yeux, des âmes remplies des plus admirables qualités.


3 Rosalie fait connaître ses résolution


Rosalie conçut donc l'idée d'aller s'offrir en victime pour ceux qu'elle aimait si tendrement, et pour son peuple de Palerme, qui avait aussi toutes ses affections. Son cœur était aussi dévoué qu'il était pur, et l'innocence la plus parfaite, y élevait un mur infranchissable, contre les vils calculs de la mollesse et de l'égoïsme. Elle fit connaître ses intentions à ses pieux parents, qui résistèrent longtemps à ses pieux desseins, d'après le P. Cassini et Pierre de Salerne. Il paraît du reste qu'elle ne parla d'abord, que de la décision que lui avait donnée son confesseur de se présenter au Noviciat d'un Couvent de Palerme. Ses parents étaient dans la plus vive affliction; son père lui représentait les glorieuses espérances qu'il avait mises dans son établissement dans le monde, et les avantages qui en résulteraient pour sa famille; sa bonne mère trouvait encore plus facilement le chemin de son cœur, en lui parlant du besoin qu'elle avait de sa société, et des peines qu'elle éprouverait de son éloignement. Humble et soumise comme elle était, à son père et à sa mère Rosalie se sentait toute ébranlée de ces résistances; elle s'étonnait avec confusion que ces instances eussent tant de puissance sur ses sentiments, mais ensuite elle se recueillait dans la prière et alors le calme rentrait dans son cœur, elle n'entendait plus que la voix du Seigneur, ensuite elle revoyait le monde avec son éclat dangereux et trompeur, elle comptait ses tristes victimes, elle voyait ses illusions si puissantes sur tant d'âmes, et elle revenait alors à ses premiers desseins, qu'elle affermissait par des prières ferventes, des œuvres de zèle et de charité; et des pénitences effrayantes pour la nature, mais avec lesquelles elle espérait gagner le cœur de Dieu, et lui faire fléchir la résistance de ses bons parents.


4 Départ de Rosalie pour la Retraite


Enfin, malgré les larmes de sa mère, les supplications de son père, les tendresses des Augustes Princesses, ses amies, malgré les perspectives du monde, elle se décida à exécuter ses résolutions. Elle était sons la direction d'un pieux religieux nommé Guillaume, de l'ordre des Bénédictins et que l'Eglise a depuis honoré comme saint; d'après ses conseils elle ne suivit pas aussitôt les vœux le son cœur qui la portaient à mener une vie solitaire, elle se retira d'abord au couvent des Bénédictines de Santa Maria, où, elle se fit bientôt remarquer parmi les novices les plus ferventes. Mais de même que les grands exemples de piété que lui donnaient la Reine et les principales dames de la cour n'avaient pas suffi à satisfaire son cœur avide de dévouement et de sacrifice, la vie du couvent si sainte et si excellente qu'elle fût, ne lui parut pas répondre à ce que le Seigneur lui demandait. Elle passa néanmoins un certain temps dans le noviciat pour s'éprouver; mais enfin elle obtint de son pieux directeur, la permission de céder aux désirs ardents qu'elle éprouvait pour une existence encore plus séparée du monde; l'esprit de Dieu l'inspirait d'embrasser la vie la plus solitaire et la plus pénitente. Bien des auteurs nous rapportent qu'elle commença par se retirer dans une solitude située aux portes de Montréal, près de la Cathédrale que le Roi venait de terminer on 1154, et ce qui confirme leurs sentiments, c'est que les habitants de Montréal montrent encore dans un rocher une sorte de grotte qu'ils appellent l'Ermitage de la Nonne, et qu'ils regardent comme la première demeure de Rosalie. Ces auteurs disent encore que Rosalie sortait de sa retraite le Dimanche au matin et les jours de fête, se rendant à l'Eglise la plus proche, qui était probablement la Cathédrale pour y purifier son âme par le sacrement de Pénitence et recevoir dans son cœur le Dieu du salut; c'est d'ailleurs, ce qu'elle accomplit dans ses autres retraites. Elle sortait de grand matin, et se rendait à l'Eglise, habillée modestement et sans aucune particularité de vêtement, évitant d'attirer les regards par aucun signe extérieur et c'est ainsi que sauf pour quelques âme d'élite, elle passa toute sa vie ignorée et comme oubliée du monde entier.


5 Rosalie au Mont Quisquine


Cependant quel qu'isolé que fut cotte première retraite, Rosalie se rendit ensuite dans le domaine de Quisquine, qui appartenait à sa famille, et qui se trouvait à quarante milles de Palerme. Là, elle ne voulut pas consentir à habiter la demeure seigneuriale de ses ancêtres, mais elle se réfugia au milieu des montagnes de ce vaste domaine, dans un endroit complètement désert, environné de bois et de ronces, où se trouvait sur le flanc d'une colline abrupte, une caverne souterraine composée de différentes grottes d'un accès si difficile et d'une ouverture si étroite, que l'on croit qu'elle ne put y pénétrer que par un prodige de la Providence divine. Dans les anciens tableaux qui sont restés dans plusieurs sanctuaires, on a représenté le départ de Sainte Rosalie du monde, dans l'un on la voit dans le palais de Palerme environnée de toute la Cour, et faisant ses adieux à ses tendres parents, un autre tableau très-ancien, que le P. Gassini découvrit en 1630 dans l'Eglise d'Olivuzza à Palerme, représente le moment ou elle reçoit sa mission de Marie et de l'Enfant Jésus, il est très précieux à cause de sa date qui doit remonter à plus d'un siècle avant la découverte des restes de la sainte ; il fait foi de la tradition dans les années qui ont suivi sa mort. Rosalie à genoux écoute humblement l'ordre qui lui est donné l'Enfant-Jésus lui fait signe d'aller au fond des déserts: Marie la regardant avec une complaisance ravissante, semble lui promettre qu'elle ne l'abandonnera pas. Deux anges se tiennent près d'elle pour l'accompagner, l'un tient des armes pour la défendre, l'autre un livre de prières et un rosaire pour sa retraite.


Quelques auteurs ont cru pouvoir affirmer que ce tableau représentait une vision surnaturelle qu'elle avait eue dans sa jeunesse, vision qui l'avait déterminé à quitter le siècle, mais peut-être que cette image n'a été destinée qu'à exprimer d'une manière sensible les mouvements de la grâce en son jeune cœur. Voici les réflexions que l'un de ses historiens Pierre de Salerne fait à ce sujet: Il en est qui sont tellement esclaves des choses sensibles, qu'ils ne peuvent rien concevoir sans leur secours. Aussi beaucoup d'auteurs ont essayé d'expliquer par des visions le mouvement surnaturel qui fit renoncer Rosalie aux séductions mondaines. Ils ont pensé qu'ils ne pourraient faire comprendre l'impétuosité de sa démarche, qu'en faisant intervenir quelque apparition extraordinaire de Jésus ou de Marie, ou des Saints anges, Nous ne révoquons pas en doute la tradition sur ce point, mais ce qui est certain, c'est que le Seigneur eut pu entraîner cette jeune âme dans la solitude par d'autres moyens aussi efficaces qu'il est bon de ne pas laisser oublier aux fidèles; Dieu peut faire tout ce qu'il veut de notre cœur par d'autres moyens que des moyens extérieurs; il peut l'envahir et le tourner comme il veut par des moyens intérieurs; que les fidèles apprennent donc, que Dieu peut les attirer par les attraits les plus irrésistibles à son service de sorte, que l'âme ainsi saisie, embrasse amoureusement la douleur, et renonce avec élan à tous les biens et plaisir» du monde. Lorsque l'âme ne reçoit pas ces attraits, toutes les apparences sensibles sont sans effet. Mais lorsque Dieu les lui fait éprouver, l'âme peut se passer de tout appareil extérieur.


6 Son séjour dans sa première Retraite


Rosalie resta un assez long temps en cette première solitude, elle y était aussi éloignée que possible de toute approche, exposée aux intempéries et aux épreuves des démons, ayant tout à craindre du voisinage des bêtes féroces, mais elle y persévéra avec une intrépidité au-dessus de son sexe, au-dessus même du courage humain. La grotte dans laquelle elle avait établi son oratoire et son lit de repos, se trouvait en dessous d'une autre, qui servait de vestibule, et pour y parvenir comme on a pu le vérifier plus tard, il fallait se laisser glisser par un passage étroit et rapide, comme l'intérieur d'un puits. C'est pendant son séjour en cette solitude, qu'elle grava vers l'entrée de la caverne, avec un ciseau, cette inscription en lettres profondes et d'une assez grande dimension, qui a été retrouvée plusieurs siècles après et que l'on peut contempler encore, en allant au domaine de Quisquine au centre de la Sicile. C'était l'expression solennelle du vœu qu'elle avait fait de passer ses jours dans les épreuves de la vie solitaire. La forme des lettres et le langage d'un latin altéré, répondent absolument au temps de Rosalie, ce qui donne la preuve de l'authencité de cette inscription: « Ego Rosalia, de Sinibaldi, Quisquinœ et rosarum Domini filia, amore Domini mei Jesu Christi, in hoc antro habitare decrevi ». « Moi Rosalie de Sinibaldi, fille du Seigneur du domaine de Quisquina et des roses par amour pour mon Seigneur Jésus-Christ, j'ai résolu de demeurer en cette caverne ». Cette inscription est gravée si profondément et dans une pierre si dure que l'on peut penser que Rosalie a passé un temps assez considérable à la tracer, y trouvant ainsi une occasion journalière de songer au vœu qu'elle avait fait au Seigneur, et qu'elle renouvelait en même temps dans son cœur. Dans cette retraite elle vivait continuellement eu le, mais aux jours d'obligation elle se rendait aux sanctuaires les plus voisins, nul n'osait la troubler dans son recueillement, ni rompre son silence, elle traversait la foule comme une apparition du Ciel, et ce n'est que lorsqu'elle s'était éloignée, que l'admiration éclatait en louanges, en éloges, et on l'égalait aux plus grands héros de la vie solitaire des premiers siècles de l'Eglise.


Pierre de Salerne fait encore cette réflexion pieuse que nous ne voulons pas omettre: « Les auteurs spirituels ont remarqué que de même que la vigne, et le lierre ne peuvent croître et se développer sans un soutien, les âmes même susceptibles du plus grand bien, ne peuvent développer les dons qui sont en elles, ou tendre à leur but, sans un appui ou un exemple. Les âmes livrées à elles-mêmes ne se soutiennent pas dans les difficultés et elle ne peuvent poursuivre une résolution que par une impulsion extérieure; mais la jeune Rosalie s'en va seule au loin, sans secours extérieur et cependant ce n'est pas une femme d'un âge mur, mais une jeune fille ou plutôt une enfant. De plus il faut considérer qu'habituée à la vie d'un palais, elle descend les marches d'un trône pour s'en aller se retirer dans les abîmes des montagnes, c'est ce qui rends la démarche encore plus héroïque ; et comme ce changement était si sensible, il fallait qu'il fut accompli avec un mâle courage, et avec le secours céleste d'une grâce éminente ». Voici encore une autre réflexion qui nous fait mieux comprendre les mérites de cette jeune Sainte. Plusieurs se sont retirés dans le désert pour éviter la rage des tyrans, ou bien pour effacer leurs crimes sous les larmes de la pénitence; mais Rosalie entourée de personnes qui respectaient ses sentiments et qui de plus, était encore dans l'innocence d'une jeunesse sans tache, et dans l'abondance et la douceur des biens de ce monde, pour le seul amour du Seigneur Jésus elle préféra l'antre des cavernes, à la splendeur des palais. Plusieurs aussi allèrent chercher au désert la paix qu'ils ne trouvaient pas dans le monde, ce qui est encore louable. Mais elle, par l'amour du Sauveur s'en allait affronter la lutte la plus acharnée contre les ennemis du salut. Enfin ceux qui embrassèrent cette vie, n'étaient pas absolument seuls, mais entourés du concours d'une quantité innombrable de saintes âmes, qui avaient fait fleurir et avaient peuplé la solitude, sous la direction des maîtres et des patriarches de la vie religieuse; et celle-ci accomplit le même prodige, lorsque cette vie solitaire n'existait plus, et enfin, renonçant à toute nourriture et toute demeure humaine, laissant toute compagnie, elle ne s'inquiète d'aucun secours, d'aucun adoucissement et après s'être élancée à l'appel seul de son Dieu, elle persévère dans sa résolution.


7 Sa seconde Retraite


Il y avait déjà longtemps que Rosalie était à Quisquina et il est probable quelle y serait toujours restée, mais elle fut avertie par les Saints Anges qu'elle n'était pas en sûreté. En effet les Sarrasins avaient commencé à reparaître de ce côté de la Sicile, brûlant des villages, pillant les citoyens, emmenant en esclavage les femmes et les enfants. Alors, Rosalie se résolut à quitter ce pays pour se placer dans un endroit à l'abri d'un pareil danger. Elle sortit donc de cette caverne sous une inspiration divine et conduite par les Anges, elle revint vers Palerme. Ce n'était pas toutefois pour retourner à la Cour et à la maison paternelle, mais pour s'en aller à la montagne voisine, que l'on appelle le Mont Pellegrino et dont le sommet n'offre que des sentiers inaccessibles. C'est l'a qu'elle alla se retirer. Elle gagna une caverne située au Nord, plus effrayante que la caverne de Quisquina. La montagne était alors environnée d'une forêt qui la défendait moins des intempéries qu'elle ne l'y exposait ; couverte d'une neige perpétuelle elle était inhospitalière aux animaux même. La jeune fille se glissa dans la caverne par une entrée étroite et presque impénétrable. Arrivée dans cet asile, elle vit que son enceinte était occupée de roches dégouttantes d'eau qui tombait sur sa tête, à peine y avait-il une place où elle put se mettre à l'abri ; enfin, elle découvre une cavité cachée et reculée, à peine grande pour son corps, elle trouve l'espace comme d'un cercueil, plus que d'une cellule ; et là révélée seulement à son époux immortel, elle se renferme comme une colombe très-pure. On voit dans l'Eglise de Bivone, dans une très ancienne sculpture la représentation de son départ de Quisquina pour se rendre à sa nouvelle retraite près de Palerme. Elle quitte son ancienne grotte, et l'on voit dans le lointain l'autre grotte, où elle va diriger ses pas; deux anges l'accompagnent et marchent avec elle, la ville de Palerme apparaît aussi vers l'horizon et Rosalie semble toute transportée de joie, son visage est remarquable et semble un vrai portrait, où n'existe aucun trait d'imagination. Enfin, il y a encore une autre sculpture à Bivone, où l'on voit le voyage de la sainte entre deux anges.


8 Rosalie au Monte Pellegrino


Le Mont Pellegrino domine la ville de Palerme d'une hauteur de deux mille pieds, et est taillé de tous côtés comme une forteresse inaccessible. Jusqu'à Rosalie, cette montagne était réputée comme inabordable, car tandis qu'elle s'élève sur trois côtés comme une muraille de granit, de l'autre côté pour y parvenir, après la mort de Rosalie, il a fallu tailler un sentier dans le roc, si rapide et si étroit qu'il est appelé l'échelle (la Scala), il longe presque partout des gouffres effrayants. C'est là que Rosalie passa les années qui lui étaient encore réservées en ce monde. Elle priait, récitait des oraisons avec une couronne qu'elle avait composée des pierres de la caverne, puis elle entrait en méditations, qu'elle prolongeait bien avant dans la nuit. Dans l'intervalle de ses pieuses prières, elle affligeait son faible corps des rudes exercices de la pénitence ; priant pour les pécheurs, s'offrant en sacrifice pour eux, n'oubliant pas les âmes qu'elle avait connues dans le monde et qu'elle savait encore exposées à tant de dangers. Elle étanchait sa soif avec l'eau de la caverne, elle calmait sa faim avec quelques racines qu'elle recueillait sur les flancs de la montagne, ou peut-être avec ces fruits sauvages qui viennent en si grande abondance sur les sommets de la Sicile, et ensuite, elle se remettait en prières. Quelquefois elle voyait la très Sainte Vierge avec son divin Fils, qui lui faisait entendre des paroles d'encouragement. Alors elle formait des bouquets de roses qu'elle offrait à Marie, d'autre fois il est arrivé qu'elle-même dans les élans de sa piété, elle se trouva couronnée de roses par la main des anges, mais le plus souvent le Seigneur la laissait à elle-même, et lui faisait gagner sa couronne par les mérites de ses prières et de ses œuvres. Souvent elle était abandonnée comme un jouet aux démons, qui se précipitaient contre elle pour lasser son courage, éprouver sa patience et crucifier son amour; alors elle gémissait, elle se plaignait, et souffrant des douleurs intolérables dans son corps et dans son âme, se trouvant plongée dans des amertumes profondes, et comme si elle était réprouvée, il lui semblait qu'elle ne pouvait conquérir l'affection de son Dieu, ou qu'elle ne répondait pas suffisamment à l'étendue de son amour. Qui pourra dire ce qu'elle a souffert; persévérant néanmoins toujours, dans la générosité de ses premières démarches.


Ces circonstances de sa vie solitaire ont été révélées à de pieuses âmes, et le souvenir et la tradition en ont été pieusement consacrés dans des images et des tableaux, qui se sont répandus dans la Sicile et l'Italie. Il en existe encore de l'antiquité la plus reculée et qui par leur style semblent remonter aux temps mêmes qui ont suivi immédiatement la mort de Rosalie. Dans un tableau de Bivone, on la voit dans l'exercice de la prière, environnée des armes de la pénitence, des instruments de fer, des disciplines. Dans un autre tableau qui a été donné dans la vie du P. Cassini, on la voit entourée par les démons et conservant au milieu de leurs attaques une patience et un calme inaltérables, tandis que Marie descend du haut du Ciel avec l'Enfant Jésus pour la consoler et la bénir. Dans l'Eglise de l'Olivella à Palerme, elle est est représentée dans l'extase de la prière, élevée sur les nuages, environnée des anges et offrant par leurs mains au Seigneur, une corbeille de roses. Son visage est comme transfiguré et exprime admirablement les mérites et les saintes délices de son âme. Dans un autre tableau qui se trouve à l'Eglise de Bivone, elle est représentée au sommet de la Montagne Pellegrino, dans un jour sans nuage; tout éclairé des rayons du soleil; on voit au loin la mer et les belles montagnes qui environnent Palerme, que Rosalie n'oubliait jamais dans ses prières; Marie est descendue du Ciel avec l'Enfant Jésus, elle est assise avec grâce et majesté sur un trône, elle contemple avec une bonté et une complaisance ineffables sa servante fidèle, et l'Enfant Jésus place sur sa tête une couronne, symbole de la récompense de ses mérites dans le Ciel.


Nous n'avons pas à nous étonner de ces représentation merveilleuses ; pourquoi Rosalie, si sainte, si excellente, n'aurait-elle pas été entourée de la compagnie des anges et en communication avec ces purs esprits, puisque l'on reconnaît qu'il en a été ainsi de beaucoup de Saintes, ses émules, et cela même dans des temps rapprochés de nous; qu'on lise à ce sujet la vie de Sainte. Françoise Romaine, et aussi celle de la mère Agnès de Jésus; quant aux épreuves des démons, outre tout ce que nous lisons, dans l'histoire des Pères et des grands fondateurs d'ordres, nous avons vu de notre temps des choses aussi merveilleuses dans la vie de l'humble curé d'Ars. Enfin, nous pouvons aussi penser suivant la remarque du P. Cassini, que quelques unes de ces représentations expriment allégoriquement les épreuves et les mérites de la jeune Sainte. Ainsi la tradition rapporte qu'elle offrait des fleurs par le Ministère des Saints Anges, mais ces corbeilles de fleurs qu'elle offrait au Seigneur, pouvaient représenter le don infiniment plus précieux de ses oraisons, de ses prières, leur délicatesse exprimait la pureté de ses sentiments; leurs vives couleurs, la candeur de son amour et l'éclat des vertus de son cœur; leur parfum, ces saints soupirs que son affection tirait du fond de son âme pour les élever vers le trône du Seigneur et qui étaient encore plus agréables que les parfums les plus doux . enfin, on peut penser que, lors même que les démons n'auraient pas apparu d'une manière sensible pour l'effrayer, ils avaient bien des ressources pour exercer sa patience et tenter son courage. Ainsi ne pouvaient-ils pas amollir son esprit en lui représentant la distinction de su naissance, les délices de la demeure royale qu'elle avait quittée, les espérances que lui offraient sa famille, et les avantages d'une brillante jeunesse; ils pouvaient aussi, pour abattre son cœur, lui représenter la rudesse et les ennuis de cette solitude, les dangers qu'elle courait, et de plus la faiblesse de son âge, la délicatesse de sa santé, pour lui inspirer le regret de ses premières résolutions. Mais Rosalie n'opposait à leurs séductions que le dédain, et quand ils lui parlaient des peines de l'existence qu'elle avait embrassée, aussitôt pour braver ces perfides suggestions, elle redoublait de rigueur contre elle, et accablait ses sens épuisés, avec une telle énergie que le démon s'enfuyait comme épouvanté.


9 Mort de la Sainte et sa sépulture


Enfin la mort vint couronner tant de mérites. Or, dès que Rosalie comprit que son passage à une vie meilleure allait s'accomplir, de même qu'elle avait vécu pour Dieu seul dans l'horreur et la rigueur de la solitude, elle ne voulut appeler à son aide aucune assistance extérieure, semblable en cela aux plus admirables et illustres anachorètes. Elle s'étendit sur la terre appuyant sa tête languissante sur sa main droite, et de l'autre serrant contre son cœur l'image de son Rédempteur et les grains de la prière; et transpercée des flèches de l'amour, la veille des nones de Septembre suivant la tradition elle rendit son âme, épuisée, mais qui devait aller refleurir dans l'éternité, comme une fleur que l'intempérie a courbée un instant, mais qui se relève encore plus brillante, aux premiers rayons du soleil. C'est ainsi qu'elle fut trouvée cinq siècles plus tard présentant l'apparence d'un doux sommeil, plutôt que l'image d'une agonie douloureuse; mourant non de faiblesse ou d'infirmités, mais seulement des saints désirs du Ciel et de l'ardeur de son affection pour son Dieu. Elle se trouvait dans une partie reculée de la grotte, qui suintait toujours une humidité continuelle et qui revêtait tous les objets comme d'un enduit de marbre, d'où vint plus tard la croyance qu'elle avait été transformée dans son tombeau en une statue de marbre ; ceci nous est confirmé par le P. Cassini,qui rapporte que les os de Sainte Rosalie s'étaient conservés si intacts dans la terre, qu'ils étaient blancs et purs comme le plus bol ivoire, et que la moelle des os subsistait encore transparente comme un cristal, et de plus que la pierre qui avait environné ses restes et les avait pénétrés de toutes parts, les avait conservé dans leur forme et leur première beauté, comme des parfums renfermés dans un vase précieux.


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26/02/2010
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