Sainte Bernadette Soubirous 2 SUITE
Sainte Bernadette Soubirous, suite
Nevers 1866-1879
Témoignages de ses consœurs et de personnes qui ont rencontré Bernadette durant son séjour à la maison-mère de la Congrégation des sœurs de la charité de Nevers de 1866 jusqu'à sa mort, survenue le 16 avril 1879.
1866
Juillet
Sœur Émilienne Duboé: Bernadette m'a été confiée dès son arrivée au noviciat pour l'habituer… Ce qui lui faisait de la peine, c'était de ne plus voir la grotte de Lourdes. «Si tu savais», me dit-elle, «ce que j'ai vu de beau là». J'avais la tentation de le lui demander, mais elle me répondit qu'elle ne pouvait rien me dire, que notre maîtresse l'avait défendu. «Si tu savais comme la Sainte Vierge est bonne!», disait-elle. Un jour, Bernadette me fit remarquer que je faisais mal le signe de la croix. Je lui répondis qu'assurément je ne le faisais pas aussi bien qu'elle, qui avait appris à le faire de la Sainte Vierge. «Il faut faire attention», me dit-elle, «car c'est beaucoup de bien faire le signe de la croix».
Sœur Charles Ramillon: Sa manière de faire le signe de la croix me touchait profondément; plusieurs fois, nous avons essayé de le reproduire, mais en vain. Nous disions alors: «On voit bien que la Sainte Vierge elle-même le lui a enseigné».
Sœur Émilie Marcillac: Sœur Marie-Bernard avait une piété aimable, simple, sans aucune singularité. Elle était très régulière, ne manquait pas au silence, mais était aux récréations, d'une gaieté charmante. Elle n'aimait pas la piété grimacière. Un jour, elle me disait en riant, en me montrant une novice qui fermait toujours les yeux: «Voyez-vous, ma sœur unetelle, si elle n'avait pas sa compagne pour la conduire, il lui serait arrivé quelque accident. Pourquoi fermer les yeux quand il est nécessaire de les avoir ouverts?». Pendant ses crises d'asthme, des quintes de toux lui déchiraient la poitrine; malgré les vomissements de sang et les étouffements, elle ne laissait échapper aucune plainte, aucun murmure. Je l'entendais seulement prononcer le nom de Jésus. Quand elle avait dit: «Mon Jésus», elle regardait son crucifix, et il y avait dans ses yeux quelque chose d'inexprimable, mais qui disait beaucoup.
Octobre
Sœur Émilie Marcillac: En octobre, le 25, elle fut très mal… On pensait qu'elle ne passerait pas la nuit… Grande fut ma surprise le lendemain matin, lorsqu'à quatre heures et demie, je m'approchai de son lit pour demander de ses nouvelles; je la croyais en agonie. Elle me répondit d'une voix forte: «Je vais mieux, le Bon Dieu ne m'a pas voulue, je suis allée jusqu'à la porte et il m'a dit: va-t-en, c'est trop tôt».
1867
Mai
Sœur Bernard Dalias: J'étais à Nevers depuis trois jours et je dis mon étonnement de ne pas connaître Bernadette à la supérieure qui m'avait accompagnée. Elle me montra une petite novice, qui était toute souriante auprès d'elle, et me dit: «Bernadette? Mais la voilà!». Un mot très impertinent m'échappa et je m'écriai: «Ça!». «Mais oui, Mademoiselle, ce n'est que ça!». Et je puis dire qu'à partir de ce moment, elle me témoigna une véritable sympathie.
Sœur Brigitte Hostin: J'ai été compagne de noviciat de sœur Marie-Bernard; j'ai eu, en effet, cette faveur pendant sept à huit mois. J'ai pu admirer en elle une grande piété, une égalité d'humeur peu ordinaire, une simplicité d'enfant et, surtout, une grande humilité qui lui faisait dire, étant obligée de répondre à des lettres que des grands personnages lui écrivaient, au sujet des faveurs que la Sainte Vierge lui avait accordées: «Si ce n'était pas par obéissance, je ne répondrais pas».
Septembre
Sœur Joseph Caldairou a retenu des mots significatifs: «Dieu seul sait ce qu'il m'en coûte de paraître devant les évêques, les prêtres, les personnes du monde». «Je ne puis trouver aucune Vierge jolie après avoir vu l'original!».
1868
Sœur Charles Ramillon: Un jour, en ma présence, une de nos sœurs lui dit: «Avez-vous fait connaître les secrets de la Sainte Vierge à notre vénérée Mère?». «Non». «Pas même à Mère maîtresse?». «Pas davantage». Et j'ajoutais: «Mais si notre Saint Père la Pape vous les demandait?». Elle répondit: «Je réfléchirais».
Novembre
Comte Lafond: Mgr Chigi [nonce apostolique en France] fit appeler au parloir la sœur Marie-Bernard; «Ma fille», lui demanda-t-il, «n'avez-vous pas eu grand peur quand vous avez vu la Sainte Vierge?». «Oui, Monseigneur, j'ai eu bien peur; mais seulement la première fois; mais ensuite, elle était si belle!».
1869
Août
Sœur Bernard Dalias: Une seule de ses paroles faisait du bien, et elle disait à ceux qui sont dans la peine: «Je prierai pour vous». Bien des fois, je l'ai surprise inondée de larmes. Mon regard l'interrogeait: «Oh!», disait-elle très bas, «revoir la grotte, une fois, une seule, pendant la nuit, quand personne ne saurait…». J'étais chargée d'entonner le cantique avant l'offrande de la récréation. Sœur Marie-Bernard m'aborde un jour après la prière: «Entonnez quelque fois», me dit-elle, «"Je la verrai cette mère chérie"». À ce moment ses yeux prirent une expression de désir et de tristesse indéfinissable, et je vis deux larmes y rouler… On n'avait qu'à l'entendre dire avec beaucoup de conviction: «Priez pour moi pauvre pécheresse, surtout à l'heure de ma mort», pour comprendre qu'elle se rendait bien compte qu'elle devait obtenir l'effet de la promesse de la Sainte Vierge par sa fidélité.
Sœur Émilienne Robert: Elle parlait de se corriger, je lui dis que cela est difficile; alors elle m'ouvrit de grands yeux et me répondit vivement: «Comment! recevant si souvent le pain des forts et n'être pas plus courageuse!».
Octobre
Comte Lafond: Monsieur l'abbé du M. lui dit devant moi qu'il arrivait de Lourdes, et qu'il avait rencontré le Père Hermann et Monsieur Lasserre, qui tous deux avaient obtenu la guérison de leur vue. La sœur Marie-Bernard ouvrit ses grands yeux jusqu'alors abaissés. «J'ai vu», ajouta l'abbé, «la statue qu'on a placée dans la grotte. Elle a les mains jointes comme cela, est-ce bien ainsi que la Sainte Vierge vous est apparue?». «Oui, Monsieur l'abbé, mais quand elle m'a dit: "Je suis l'Immaculée Conception», elle a fait ainsi. Et elle fit un geste si beau, si noble, si gracieux, que nous en fûmes émus jusqu'aux larmes. Il nous semblait voir une copie vivante de la reine des cieux, lorsqu'elle apparut dans le rocher de Massabielle. Une dame de Nevers lui demanda un jour: «N'avez-vous jamais revu la Vierge Marie depuis les dix-huit apparitions?». De grosses larmes qui perlèrent sous ses épaisses paupières furent sa seule réponse.
Sœur Cécile Pagès: Je disais à sœur Marie-Bernard que beaucoup de personnes étaient guéries par l'eau de Lourdes après une neuvaine. «Oh!», dit-elle, «la Sainte Vierge quelque fois veut qu'on la prie longtemps, et une personne n'a été guérie qu'après neuf neuvaines».
1870
Avril
Sœur Angèle (alors postulante): Sœur Marie-Bernard me demanda: «Mademoiselle, qu'avez-vous?». Je lui répondis: «Je viens de recevoir une très mauvaise nouvelle; maman est à toute extrémité; elle est peut-être morte à cette heure». Sœur Marie-Bernard me dit avec un sourire que je n'oublierai jamais et un regard pénétrant: «Ne pleurez pas, la Sainte Vierge la guérira; je vais prier pour elle».
Août
Sœur Madeleine Bounaix: Le 15 août 1870, je me trouvais avec elle à l'infirmerie Saint-Joseph; elle m'avait donné un fruit pour le goûter de quatre heures; pendant ce temps nous causions de la fête du jour et je lui dis: «Ma chère sœur, vous prierez pour moi aujourd'hui?». «Oui, mais à une condition, c'est que vous en ferez autant pour moi, car tout le monde a besoin de prières». Sur ce, j'ajoutai: «Oh! Que la fête doit être belle au ciel et que la Sainte Vierge doit l'être aussi». «Ah! oui», dit-elle, «quand on l'a vue, on n'aime plus jamais la terre». À quelque temps de là, Sœur Marie-Bernard reçut une lettre de M. Peyramale, curé de Lourdes, dans laquelle se trouvait une photo de la basilique. En la regardant, elle me demanda: «Connaissez-vous Lourdes?». Sur ma réponse négative, elle me dit: «Tenez, voici la photographie de la basilique», et du doigt, me montra la grotte. Je demandai: «Où étiez-vous quand la Sainte Vierge vous a apparu?». Elle désigna simplement l'endroit. J'ajoutai: «C'est un bien doux souvenir pour vous, ma chère sœur». Elle prit un air grave, presque triste: «Oh oui, mais je n'avais aucun droit à cette grâce».
Décembre
Comte Lafond: Sœur Marie-Bernard… cette sœur qui n'est bonne à rien est pourtant considérée comme le trésor de Saint-Gildard; on la regarde comme le palladium de la ville épiscopale, et on lui attribue son salut pendant l'invasion de 1870: les Prussiens étaient dans tous les départements voisins et presque aux portes de Nevers. Le chevalier Gougenot des Mousseaux qui vit Bernadette à cette époque, lui fit les questions suivantes: «Avez-vous eu dans la grotte de Lourdes, ou depuis cette époque, quelques révélations relatives à l'avenir et aux destinées de la France? La Sainte Vierge ne vous aurait-elle point chargée pour la France de quelque avertissement, de quelque menace?». «Non». «Les Prussiens sont à nos portes; est-ce qu'ils ne vous inspirent pas quelque frayeur?». «Non». «Il n'y aurait donc rien à craindre?». «Je ne crains que les mauvais catholiques». «Ne craignez-vous rien autre chose?». «Non, rien».
1871
Mère Marie-Thérèse Bordenave: Vers la fin de 1870 ou au commencement de 1871, des ambulances étaient encore installées à la maison-mère; le feu prit un soir à la pharmacie; la sœur novice qui en était chargée fut si impressionnée qu'elle ressentit de violentes douleurs pendant vingt-quatre heures. Sœur Marie-Bernard, prise de compassion, dit à une sœur, après avoir épuisé tous les remèdes: «Je vais lui donner de l'eau de Lourdes; priez avec moi et soyez ferventes. «Elles le firent: quelques minutes après, les douleurs de la sœur avaient disparu.
Avant Août
Sœur Madeleine Bounaix: J'étais frappée de sa droiture et de sa sincérité. Je ne crois pas qu'elle ait jamais menti et je me souviens à ce propos d'un fait qui m'a confirmée dans mon idée. Un jour où nous causions de Lourdes et de Bartrès, elle me dit: «Vous n'avez pas idée de ce que j'étais ignorante. Imaginez que mon père venant me voir me trouva gardant mes moutons et toute triste. Comme il m'en demandait la cause, je lui dis: «Regarde donc mes moutons, il y en a plusieurs qui ont le dos tout vert. Il me répondit en riant: "C'est l'herbe qu'ils ont mangée qui est remontée sur le dos, ils vont peut-être mourir". Sur ce, je me mis à pleurer à chaudes larmes. Mon père voyant mon chagrin me consola et m'expliqua que c'était la marque du marchand auquel ils avaient été vendus». En entendant l'histoire, je me mis à rire et lui dis: «Comment! Vous étiez assez naïve pour croire cela?». Elle me répondit: ««Mais ma chère, comme je ne savais pas ce que c'était que mentir, je croyais tout ce qu'on me disait». Un jour, nous parlions des pratiques de piété envers la Sainte Vierge. Je lui dis que j'en avais une à laquelle je tenais beaucoup: c'était de réciter douze Ave Maria, en l'honneur des douze privilèges de la Mère de Dieu. Elle me répondit d'un air heureux et satisfait: «Continuez cette pratique, elle est très agréable à la Sainte Vierge».
Août
Sœur Vincent Garros, au siècle Julie Garros, amie d'enfance de Bernadette: Il y avait à Lourdes une congréganiste connue sous le nom de mademoiselle Claire, très pieuse, et qui souffrait depuis longtemps. À mon arrivée à la maison-mère, sœur Marie-Bernard me demanda de ses nouvelles et je lui dis: «Non seulement elle souffre patiemment, mais elle dit ces paroles qui m'étonnent beaucoup: "Je souffre beaucoup, mais si ce n'est pas assez, que le Bon Dieu en ajoute encore"». Sœur Marie-Bernard fit cette réflexion: «Elle est bien généreuse, moi je n'en ferais pas autant. Je me contente de celles qui me sont envoyées». Elle se plaisait aussi à me raconter que dans le troupeau qui lui était confié, elle aimait tout particulièrement un agneau tout blanc. Quand sa petite chapelle était faite dans les champs, cet agneau venait la démolir d'un coup de corne, et lorsqu'elle conduisait le troupeau, cet agneau prenait la course et d'un coup de corne sous les genoux la faisait tomber, ce qui l'amusait fort. Pour le punir, Bernadette lui donnait du pain et du sel, ce dont il était très gourmand. Étant au noviciat, je disais à Bernadette qui était malade à l'infirmerie; «Vous souffrez beaucoup, n'est-ce pas?». Elle me répondit: «Hé! Que veux-tu? La Sainte Vierge m'a dit que je ne serais pas heureuse en ce monde, mais dans l'autre». Souvent elle donnait le conseil de pardonner, de ne pas oublier la demande du Pater: «Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons». Elle me dit aussi: «Quand tu passes devant la chapelle, n'ayant pas le temps de t'arrêter, charge ton ange gardien de porter tes commissions à Notre-Seigneur au tabernacle. Il les portera et ensuite aura le temps de te rattraper». Je crois que Bernadette méditait sur les mystères, parce qu'un jour, lui disant que je ne pouvais pas prier, pas méditer, elle me donna ce moyen: «Transporte-toi au jardin des olives ou au pied de la croix et restes-y. Notre Seigneur te parlera, tu l'écouteras». Quelquefois, je lui disais: «J'y suis allée, mais Notre-Seigneur ne m'a rien dit». Cependant, je continuais à prier. Je lui dis un jour: «Comment faites-vous pour rester si longtemps en action de grâces?». Elle me répondit: «Je considère que c'est la Sainte Vierge qui me donne l'Enfant Jésus. Je le reçois. Je lui parle et il me parle». Je sais que, parmi les saints, Bernadette avait une dévotion particulière à Saint-Joseph. Elle redisait ces invocations: «Faites-moi la grâce d'aimer Jésus et Marie comme ils veulent être aimés. Saint Joseph, priez pour moi. Saint Joseph, apprenez-moi à prier». Elle me disait à moi: «Quand on ne peut pas prier, on s'adresse à saint Joseph». Elle me disait aussi. «Quand tu es devant le Saint-Sacrement, tu as près de toi d'un côté la sainte Vierge qui t'inspire ce que tu dois dire à Notre-Seigneur, et de l'autre côté ton ange gardien qui marque tes distractions». Elle disait: «Il faut bien recevoir le Bon Dieu: nous avons tout intérêt à lui faire un bon accueil, un gracieux accueil; car alors il faut qu'il paye le loyer». Elle me disait qu'avant chaque action, il faut purifier son intention. Je lui disais que c'était difficile. Elle me répondit: «Il faut le faire parce qu'on les fait mieux et elles coûtent moins à faire». Elle disait: «Si tu travailles pour la créature, tu n'auras pas de récompense et tu te fatigueras beaucoup plus». Une autre fois, à l'infirmerie, elle me dit: «Je vais te donner un bon goûter». Il y avait des fruits confits. Elle m'en présente un et me dit: «C'est aujourd'hui samedi, nous n'en mangerons pas; nous ferons cette petite mortification pour la Sainte Vierge». Bernadette a toujours réprimé, j'en suis convaincue, les mouvements de son âme et, à ce sujet, elle me disait: «Le premier mouvement ne nous appartient pas, mais le second nous appartient». Quand elle avait ses crises d'asthme, lesquelles arrivaient souvent, elle faisait pitié. Jamais elle ne s'est plainte; les crises passées, elle disait: «Merci, mon Dieu!». La Sainte Vierge lui avait dit de prier pour les pécheurs, elle devait le faire. A diverses reprises, elle m'a dit: «Prions pour telle famille pour que la Sainte Vierge la convertisse». Souvent après ses prières, Bernadette ajoutait: «Seigneur, délivrez les âmes du purgatoire». Nous récitions ensemble de temps en temps le chapelet des morts et nous ajoutions à la fin: «Doux cœur de Jésus soyez mon amour, Doux cœur de Marie soyez mon salut. Mon Jésus, Miséricorde! Donnez aux âmes des fidèles trépassés le repos éternel».
Novembre
Sœur Éléonore Bonnet: Un jour de Toussaint…, j'appris que Bernadette était malade… Comme je connaissais son goût pour les fleurs, je cueillis quelques violettes qui avaient fleuri malgré la saison le long du mur de la cuisine et je les lui envoyai par une novice qui travaillait à l'infirmerie».
Mère Marie-Thérèse Bordenave: Une supérieure lui demandait un jour si elle n'avait pas éprouvé quelques sentiments de complaisance en voyant les faveurs que lui avaient faites la Sainte Vierge. «Que pensez-vous de moi? Est-ce que je ne sais pas que si la Sainte Vierge m'a choisie c'est parce que j'étais la plus ignorante? Si elle en avait trouvé une plus ignorante que moi, c'est elle qu'elle aurait prise».
Sœur Joseph Ducout: Je l'ai vue souffrir moralement et physiquement. Dans ses souffrances, elle n'avait jamais un mot pour exprimer de la peine. Elle prenait son crucifix, le regardait et c'était tout.
Sœur Madeleine Bounaix: «Que faites-vous là?», me dit-elle. Je répondis: «Je vais partir et j'attends notre Mère». Elle reprit: «Où allez-vous?». «À Beaumont». «Eh bien, ma sœur, n'oubliez pas ce que je vais vous dire: n'importe où vous serez, rappelez-vous toujours de ne travailler que pour le Bon Dieu. Vous entendez bien, n'est-ce pas? Pour le Bon Dieu».
Décembre
Soeur Victoire Cassou:Bernadette me dit: «Pour la messe de minuit, vous vous mettrez à côté de moi. Il y a de la place». J'en fus très heureuse. Il me fut donné alors de constater combien elle était pieuse et recueillie. Renfermée dans son voile, rien ne put la distraire. Après la sainte communion, elle entra dans un recueillement si profond que tout le monde sortit sans qu'elle parût s'en apercevoir. Je restai à côté d'elle car je n'avais aucune envie d'aller au réfectoire avec mes compagnes. Je la contemplai longuement sans qu'elle s'en aperçût. Sa figure était rayonnante et céleste comme pendant l'extase des apparitions. Lorsque la sœur chargée de fermer les portes de l'église vint remplir son office, elle agita les verrous avec force. C'est alors que Bernadette sortit de cet état qui ressemblait à celui de l'extase. Elle quitta la chapelle et je la suivis. Et sous le cloître, elle se pencha vers moi et me dit doucement: «Vous n'avez rien pris (au réfectoire)?». Je lui répondis: «Vous non plus». Et elle se retira silencieusement et nous nous séparâmes.
1872
Août
Sœur Eudoxie Chatelain: Elle avait une dévotion spéciale pour saint Joseph, ce qui m'étonnait un peu, ayant été l'enfant privilégiée de la Sainte Vierge. Un jour je l'ai entendue dire: «Je vais faire une visite à mon père». C'était saint Joseph: elle allait souvent le prier dans sa chapelle. Elle disait: «Aimez bien le Bon Dieu, mes enfants. Tout est là».
Août-Octobre
Pendant une récréation, une novice prend dans les mains une chauve-souris tombée à terre. On se récrie. Bernadette est présente. Sœur Julienne Capmartin: «Oh! pouvez-vous tenir une bête si affreuse!», dis-je, «mais elle est l'image du diable!». Mais sœur Marie-Bernard prit son sérieux et se tournant de mon côté: «Apprenez, ma sœur, me dit-elle, que n'importe quelle bête n'est pas l'image du diable; il n'y a que l'offense de Dieu qui le soit». Elle dit: «Quand nous aimons trop quelque chose, le Bon Dieu, Lui, ne l'aime pas». Une fois, elle me surprit lisant dans mon livre d'enfant de Marie, lorsqu'elle m'avait recommandé de rester bien enveloppée dans mon lit… Alors, elle me prit brusquement le livre en disant: «En voilà une ferveur cousue de désobéissance, vous pouvez vous en croire!». J'eus beau demander mon livre, je ne le revis plus…
1873
Mai
Élisa (orpheline de Varennes): C'était en 1873 (le 12 mai). Bernadette, en visite à Varennes (orphelinat tenu par les sœurs) s'était rendue jusqu'à la Vierge du bosquet avec une vingtaine d'orphelines. Elle relevait de maladie et se soutenait à peine… Arrivée au terme du petit pèlerinage, Bernadette s'assit, et là, devant le gracieux oratoire, elle… adressa une exhortation aux enfants dans ce style bref qui fut toujours le sien…: «Mes enfants, aimez bien la Sainte Vierge, et priez-la bien. Elle vous protégera…». Puis elle invita son jeune auditoire à chanter un cantique. On chanta: «J'irai la voir un jour…».
Juin
Jeanne Jardet (employée à la cuisine) : Je me souviens qu'une année, elle fit une très grave maladie pendant laquelle nous fûmes privées de ses visites. Quand elle revint, sœur Cécile (Fauron, économe chargée des domestiques) la complimenta sur sa guérison: Bernadette répondit: «On n'a pas voulu de moi là-haut…». Cela fut dit si gentiment que j'en avais les larmes aux yeux.
Sœur Eudoxie Chatelain:Un dimanche, notre maîtresse, Mère Thérèse Vauzou, nous permit d'aller la voir par groupes de douze ou quinze. Elle nous reçut très gentiment comme ses petites sœurs… Nous nous sommes mises en cercle autour de son lit, et chacune a dit son mot. …Une d'entre nous qui était grande et forte, lui demanda si elle n'avait pas eu peur en recevant l'extrême-onction. «Peur de quoi?», dit Bernadette. «De mourir! Moi, j'aurais tellement peur si je voyais venir le dernier moment!». «Oh! Ce moment-là, on ne le connaît jamais. Et quand il arrive, le Bon Dieu nous donne la force».
Sœur Gonzague Cointe: J'étais à l'infirmerie. Une sœur lui apporta sur son lit la photographie d'un pèlerinage ou de la basilique de Lourdes: «Combien vous seriez heureuse, n'est-ce pas, d'aller à la grotte de Massabielle?». Toute souriante, elle jette un regard au ciel, et malgré la crise d'asthme qui la faisait beaucoup souffrir, elle répondit: «Non, cela ne me fait pas envie. Je fais généreusement le sacrifice de ne plus revoir Lourdes. Je n'ai qu'une seule ambition, celle de voir la Sainte Vierge glorifiée et aimée».
Mère Henri Fabre: Comme l'évêque de Nevers, sur le point de partir à Lourdes, demandait à Sœur Marie-Bernard si elle ne désirait pas y aller, elle répondit: «J'ai fait le sacrifice de Lourdes, je verrai la Sainte Vierge au ciel, ce sera bien plus beau».
1874
Juillet
Sœur Vincent Garros:Un jour, à la sacristie, je voulus toucher à un purificatoire, elle m'arrêta et me dit: «Tu n'en es pas encore là». Et je la vis prendre ce purificatoire avec un grand respect et le remettre dans la bourse; on aurait dit qu'en touchant ces objets, elle priait tant elle y mettait de respect.
1875
Sœur Julie Ramplou: Sœur Marie (Mespoulhé)… récitait quelquefois son chapelet dans l'emploi, en travaillant avec les sœurs. Or, sœur Marie-Bernard, en répondant, appuyait beaucoup sur "pauvres pécheurs". Un jour, quelqu'un lui en fit la remarque. Elle répondit: «Oh! oui, il faut beaucoup prier pour les pécheurs». C'est une recommandation de la Sainte Vierge.
1876
Avant Juin
Sœur Marcelline Durand: Il lui était pénible de rester dans l'inaction. Aussi, un jour, elle dit à une de ses compagnes qui était malade: «Vous vous en tirerez avec trois vésicatoires; mais moi, rien ne me sort de là». Aussitôt, elle leva son regard vers le ciel et dit: «Mon Dieu, soyez béni de tout. Nous avons chacun notre manière, notre voie, pour aller à vous».
Juin
Soeur Ambroise Fenasse: Au moment du couronnement, à Lourdes, de la statue de Notre-Dame, sœur Ursule parle de la grotte à Bernadette; «Seriez-vous heureuse de la revoir?». «Ma mission est finie à Lourdes. Qu'irais-je y faire?». «Il se prépare à Lourdes une bien grande fête où il y aura plusieurs évêques, ne seriez-vous pas bien aise d'y assister?». «Oh! non, je préfère mille fois mon petit coin d'infirmerie que de me trouver à cette fête qui, cependant, me fait très plaisir». Elle parut réfléchir un instant, puis elle ajouta: «Si je pouvais en ballon me transporter à la grotte et y prier quelques instants lorsqu'il n'y a personne, j'irais avec plaisir, mais s'il faut voyager comme tout le monde et me trouver au milieu de la foule, j'aime mieux rester ici».
Abbé Perreau: Un jour quelqu'un lui disait: «Vous devez bien regretter de n'avoir pas vu ces splendeurs». «Ne me plaignez pas», répondit-elle, «j'ai vu plus beau».
Juillet
Abbé Perreau: Bernadette m'a dit à moi-même, en parlant des membres de sa famille qui obtenaient une certaine aisance de fortune: «Pourvu qu'ils ne s'enrichissent pas. Dites-leur bien de ne pas s'enrichir».
Sœur Claire Salvy: Je me rendais un jour à l'infirmerie, très triste et les larmes aux yeux, pour porter à boire aux malades. Ses yeux qui pénétraient, je crois, jusque dans l'intime, eurent vite vu la tristesse peinte sur mon visage. Elle en demanda la cause. Je lui dis qu'après une étourderie dans mon emploi, une bonne sœur ancienne m'avait dit que je ne serais jamais capable d'être religieuse. Elle sourit et parut fermer les yeux comme si elle ne voulait pas me répondre ou comme si elle se recueillait, puis me regardant, elle me dit: «Puisque vous voulez bien faire la volonté du Bon Dieu, vous serez sœur de Nevers, ne vous chagrinez pas, mais il faudra savoir supporter des petites croix».
Sœur Agathe de Filiquier: En rentrant à l'infirmerie, nous trouvâmes notre chère compagne assise sur son lit, faisant de la charpie. Un petit bonjour affectueux et nous lui demandâmes de nous embrasser: elle le fit gracieusement. Puis ma compagne, apercevant auprès d'elle l'image de saint Bernard, lui dit: «Vous priez donc votre patron?». «Je le prie bien; mais je ne l'imite guère: saint Bernard aimait la souffrance, et moi, je l'évite tant que je peux».
Mère Marie-Thérèse Bordenave: Au cours d'une visite que lui faisait une partie du noviciat, un jour de fête, Sœur Marie-Bernard exprima le bonheur qu'elle éprouvait pendant ses heures d'insomnie qui lui permettaient de s'unir à Notre-Seigneur. Puis, montrant un petit ostensoir doré attaché à ses rideaux: «Sa vue», dit-elle, «me donne le désir et la force même de m'immoler, lorsque je sens davantage l'isolement et la souffrance».
Sœur Joseph Biermann: La voyant, un jour, balayer son infirmerie, je me précipitai pour la remplacer; elle me fit observer que je n'étais pas en règle, et m'arrachant le balai des mains, avec une certaine énergie, car il y avait un petit débat entre nous, elle me dit plaisamment: «Vous ne l'aurez pas. Vaincre ou mourir».
Mère Joseph Cassagnes: Je la vois encore… Elle avait alors trente-deux ans, mais elle me parut toute jeune. Je vois ses yeux noirs et vifs, avec un petit air lutin dans leur profondeur. Son visage ne portait pas les traces de la maladie, encore moins celles de la tristesse. Je la trouvai calme et même gaie, et j'admirai cette sérénité dans la souffrance. Aucune gêne. Aucun malaise entre elle et son ancienne maîtresse, mais de part et d'autre, la confiance et la simplicité. Lorsque mère maîtresse lui eut dit que j'avais de l'ennui, elle fixa sur moi son doux et profond regard. Puis elle me dit: «Vous ne voyez donc pas que c'est le vilain grappin?». Elle fit une pause et reprit sur un ton enjoué: «Quand il s'approche de vous, il faut lui cracher au nez».
Septembre
Sœur Casimir Callery: Sœur Marie-Bernard aimait beaucoup sœur Claire Lecocq et lorsque cette dernière fut sur le point de mourir, elle lui enviait son bonheur. Sans cesse, on les entendait répéter: «Mon Dieu, je crois en vous, j'espère en vous, je vous aime, je m'abandonne». Elle donnait à la mourante ses commissions pour le ciel; elles s'encourageaient à la souffrance.
Octobre
Sœur Casimir Callery: Vers la fin d'octobre 1876, l'abbé Febvre avait prêché sur le péché. Comme je me trouvais à l'infirmerie avec Sœur Marie-Bernard, elle me dit: «Oh! Séraphin (sœur Marie-Bernard m'appelait "Séraphin" parce que dans le dialogue récité pour la fête de notre maîtresse, j'étais le séraphin. Le nom de Casimir ne lui venait pas, elle n'en avait pas connu d'autre avant moi), que je suis contente!». «Qu'avez-vous donc?», lui dis-je. «Vous n'avez pas entendu le sermon?». «Mais si». «Eh bien, Monsieur l'aumônier a dit que lorsqu'on ne veut pas faire de péché, on n'en fait point». «Oui, j'ai entendu cela. Et alors?». «Alors, je n'ai jamais voulu commettre un péché, donc je n'en ai jamais commis». La joie rayonnait sur son visage.
Décembre
Sœur Athanase Baleynaud: Une veille de premier janvier, je suis allée, avec deux compagnes, dans la chambre de sœur Marie-Bernard, pour lui présenter nos vieux de nouvel an. La visite achevée, je laissai partir les deux autres et je dis à Bernadette: «Chère sœur, vous me feriez plaisir en me souhaitant quelque chose pour cette année». Bernadette réfléchit et me dit: «Je vous souhaite le pur amour et la pure souffrance». «Oh! non», lui dis-je, «pas cela!». Mais elle maintint sa formule. Eh bien! cette formule qui me faisait peur, je m'en suis souvenue bien des fois dans ma vie et elle m'a donné du courage.
1877
Sœur Casimir Callery a soigné Bernadette entre septembre 1876 et mars 1877:
Mars
Ma chère sœur Hélène m'avait donné des œufs de Pâques à orner au canif. Je dessinais. Sœur Marie-Bernard grattait, produisant ainsi les modèles. Je me plaignais un jour de ce que ce travail m'énervait. «Qu'importe», me dit-elle, «de gagner le ciel en grattant des œufs ou en faisant autre chose». On parlait un jour de la vie des saints: «Je voudrais», me disait-elle, «qu'on dise les défauts des saints et ce qu'ils ont fait pour se corriger, cela nous servirait bien plus que leurs miracles et leurs extases». e l'ai vue souffrir horriblement; alors, il lui échappait de petits cris, mais aussitôt elle se ressaisissait, se mettait à sourire et me disait: «Voyez comme je suis peu généreuse!». J'ai souvent récité avec elle les prières vocales de règle, et même d'autres prières. Je crois qu'elle récitait tous les jours le rosaire et j'ai remarqué qu'ordinairement, elle appelait la Sainte Vierge: «Ma bonne Mère». Bernadette était pleine de compassion pour son prochain. Une nuit que, dévorée par la fièvre, elle avait appelé la jeune novice chargée de donner à boire et n'avait pu la réveiller, elle se leva et but quelques gouttes du pot à eau. Comme je me récriais: «Chut! Taisez-vous. Cela fera le même effet. Ne réveillez pas la pauvre sœur. Elle dort si bien».
Juin
Sœur Casimir Callery: Le soir de la fête du Sacré-Cœur, en juin 1877, violent orage. La foudre tombe le long de la persienne près de laquelle se trouve sœur Marie-Bernard, qui prie avec ferveur. La persienne est roussie, un mètre de tuyau de gaz est fondu et une grande flamme s'élève à la sacristie Saint-Luc où se trouvent les tentures et les tapis de la chapelle. «Le feu!», me dit la sœur infirmière. Je me lève et vais près de sœur Marie-Bernard: «Oh», me dit-elle, «c'est le grappin qui n'est pas content de notre belle fête». Le compteur bien vite fermé, il n'y eut aucun accident et nous l'attribuâmes aux prières de sœur Marie-Bernard.
Sœur Bernard Dalias: Un jour, après la procession du Sacré-Cœur, la foule se plaçait comme elle pouvait dans la chapelle, et Madame de Falaiseau se trouva placée entre Bernadette et moi. Elle me dit en regardant Bernadette: «Que je suis heureuse!». Bernadette l'entendit et mâ dit tout bas: «Je vais bien l'attraper». Elle passe alors entre le mur et le banc et disparaît au fond de la chapelle. La vieille dame s'en aperçoit et me dit avec regret: «Oh! Oh!». Je lui répondis: «Vous avez trop parlé».
Juillet
Sœur Valentine Borot:Elle était assise sur son lit, au fond de la salle, près d'une fenêtre, l'air souriant et reposé. Son visage n'était pas encore amaigri à cette date: c'était en juillet 77, et je n'ai pas souvenir qu'elle ait paru oppressée. Quand elle nous vit entrer, elle dit à Mère Nathalie: «Ma chère Mère, je devine que vous m'amenez une petite postulante». Et comme je me tenais un peu en arrière par timidité et respect, elle ajouta: «Venez ici, Mademoiselle, que je vous embrasse». Je m'approchai. Elle me regarda longuement avant de m'embrasser… Elle me demanda si je m'ennuyais. Je lui répondis tout naïvement que j'étais au comble de mes désirs. «Oh», dit-elle, «moi, je me suis bien ennuyée au commencement. Quand je recevais une lettre de chez nous, j'attendais d'être seule pour l'ouvrir, parce que je me sentais incapable de la lire sans pleurer toutes mes larmes».
Août
Sœur Alphonse Barat:Une supérieure mena un jour trois postulantes, dont mademoiselle Barat. Comme elles arrivaient, Bernadette descendant du premier arrivait par la grande porte vitrée. Elle fit le geste de s'esquiver, mais en reconnaissant cette supérieure, elle s'approcha, salua gentiment et après avoir embrassé les trois jeunes filles, leur dit: «Mesdemoiselles, vous ne regretterez jamais de vous être données au Bon Dieu».
Sœur Jeanne Jardet: Elle me dit: «Oui, c'est vrai, j'ai eu bien des grâces». Elle venait me voir, la chère petite, par la seule bonté de son cœur… Tout en me donnant des soins, elle me disait un mot de piété, par exemple celui dont je me souviens: «Il faut bien souffrir un peu pour le Bon Dieu, mon enfant. Il a tant souffert pour nous!». Elle me disait encore: «Quand on est au ciel, on est heureux, mais ici-bas…». Elle achevait sa phrase d'un geste qui voulait dire: «Ne comptez pas sur cette vie». Un jour, je luis disais mon chagrin d'être malade loin de ma mère. Alors… me montrant la Vierge du placard, elle me dit: «Votre mère, mon enfant, la voilà. C'est notre mère à tous…».
Septembre
Sœur Victoire Cassou: L'évêque de Rodez en visite à la communauté passe dans les rangs des sœurs et fait baiser son anneau. Il voulait voir sœur Marie-Bernard, qui le devine et s'esquive. J'étais à côté d'elle, elle me dit tout bas: «Soyez tranquille, je sais bien ce que je vais faire». Et aussitôt elle s'esquiva par une petite porte qui n'était pas loin d'elle. Je lui dis: «Et les quarante jours d'indulgence?». Elle me répondit: «Mon Jésus, Miséricorde! Il y en a trois cents».
Octobre
Sœur Casimir Callery: La dernière recommandation qu'elle me fit, lorsque je quittai le noviciat, fut de prier pour elle, lorsque j'apprendrais sa mort: «On dira: cette sœur Marie-Bernard était une saintoune et on me laissera brûler en purgatoire».
Sœur Marie-Joséphine Durin:Devant la première statue de Notre-Dame de Lourdes arrivée à la maison-mère: «Ma chère sœur, est-ce qu'elle lui ressemble?». Bernadette n'a pas répondu, mais deux grosses larmes ont coulé de ses yeux. Elle a joint les mains et elle a dit en regardant la statue: «Oh! Bonne Mère, comme on vous défigure!».
Décembre
Sœur Véronique Crillon: Elle nous montra aussi un crucifix que le Saint Père lui avait envoyé. Elle le baisa avec une grande piété en nous disant: «C'est là que je puise toute ma force».
Sœur Claire Bordes: Je me souviens qu'une veille de Noël, nous arrangions une petite crèche sur la cheminée de l'infirmerie. Quand elle fut faite, Sœur Marie-Bernard prit l'Enfant Jésus, et en l'y posant, elle dit: «Vous deviez avoir bien froid, mon pauvre petit Jésus, dans l'étable de Bethléem!». Et elle se retourna vers nous en nous disant: «Ils étaient sans cœur ces habitants de Bethléem, pour ne pas donner l'hospitalité à l'Enfant Jésus».
1878
Sœur Claire Bordes: J'ai entendu souvent Bernadette dire quand elle souffrait: «Mon Dieu, je vous aime…». À l'infirmerie… quand quelque chose nous coûtait, ou bien que nous étions souffrantes, elle nous disait: «Offrez cela pour les pécheurs».
Janvier
Mère Ambroise Fenasse, qui se trouve à Nevers pour un chapitre général, va rendre visite à Bernadette, immobilisée au lit par une tumeur au genou: «Vous êtes donc toujours à l'infirmerie?». «Oui (et avec un gracieux sourire), toujours à l'infirmerie, toujours bonne à rien. Le Bon Dieu a bien fait de ne pas me donner le choix de mon genre de vie. Assurément, je n'aurais pas choisi cette inaction où je suis réduite, j'aurais tant aimé faire un emploi». «Les longues maladies qui se succèdent vous imposent bien des sacrifices», lui dis-je. «Oui, car bien que très près de la chapelle, je suis privée depuis fort longtemps d'assister à la sainte messe, mais pour me dédommager j'assiste nuit et jour à celle qui se dit là continuellement». Et disant ces mots, elle montrait, attachée au rideau du lit avec un épingle, une image représentant l'offrande du saint sacrifice au moment de l'élévation de l'hostie. «Des messes sont célébrées perpétuellement sur l'un ou l'autre point du globe, je m'unis à toutes ces messes, surtout pendant les nuits que je passe quelquefois sans sommeil». Elle dit cela avec un grand sérieux, puis reprenant un air enjoué elle ajouta: «Ce qui me contrarie, c'est ce petit enfant de chœur qui n'agite jamais sa sonnette». Et, montrant du doigt le servant sur l'image: «Il me prend parfois l'envie de le secouer».
Mai
Sœur Julie Durand: Ayant passé la nuit auprès d'elle, au commencement de mai 1878, la malade me fit ouvrir la fenêtre de bon matin. Je vis arriver à cinq heures et demie Mère Marie-Thérèse Vauzou qui lui dit: «Imprudente, c'est bien vous! Pourquoi avez-vous fait ouvrir la croisée? Pour vous enrhumer un peu plus». Sur cela je ferme, quand j'entends: «Chut, chut, notre Mère n'a pas dit de fermer. Elle me gronde seulement d'avoir fait ouvrir».
Septembre
Sœur Victoire Cassou:Je lui disais: «Vous priez pour ceux qui ne prient pas». Et elle me répondait: «Je n'ai que cela à faire. Je ne suis bonne à rien. Ma prière est ma seule arme. Je ne peux que prier et souffrir».
Sœur Marthe du Rais: Sœur Marie-Bernard a prononcé ses vœux perpétuels, si je me rappelle, en 1877 [sic pour 1878]. Sa joie fut grande; elle était si heureuse qu'elle eût voulu mourir ce jour-là. «Je me croyais au ciel, me disait-elle; si j'étais morte, j'étais sûre de mon affaire, car les vœux sont un second baptême».
Sœur Marcelline Lannessans: En 1878… je lui dis que j'allais à Lourdes et si elle voulait me suivre. «Non», me dit-elle, «on me regarderait comme une bête curieuse. De plus, on quitterait la Sainte Vierge pour me suivre. Priez pour moi à la grotte. Je prierai pour vous, afin que vous fassiez bon voyage».
Sœur Stanislas Tourriol: Je me recommandai à ses prières: «Oui, oui, je prierai, me dit-elle; mais pas en ce monde. J'ai si peu de temps à vivre, je suis si malade».
Octobre
L'abbé Febvre, alors élève de 4e au petit Séminaire de Pignelin, près de Nevers, voit Bernadette: «Petit gars», me dit-elle, «vous êtes au séminaire, vous voulez faire un prêtre?». «Oui, ma sœur, si Dieu m'appelle». «Oui, tu seras prêtre. Oh! que c'est beau un prêtre à l'autel. Mais tu sais», dit-elle en regardant le clocher de la communauté, «le prêtre à l'autel, c'est toujours Jésus-Christ sur la Croix. Tu auras à travailler et à souffrir. Bon courage!».
Sœur Thérèse Lacoste: Elle me dit: ««Si vous voulez être religieuse, Mademoiselle, il faudra apprendre à aimer la souffrance. Notre-Seigneur donne sa couronne d'épines à ses amis sur la terre, ne cherchez pas mieux».
1879
Mars
Le terme approche.
Henri Lasserre: «Ce que Dieu veut», disait-elle au milieu de ses douleurs… «comme il le veut et autant qu'il le veut. Je m'abandonne à Lui et je mets ma joie à être la victime du Cœur de Jésus…». Les souffrances de sa dernière maladie étaient atroces. La poitrine épuisée était toute en feu, les os du genou étaient rongés par une carie dévorante…
Sœur Émilie Marcillac: Les crises d'asthme devinrent plus fréquentes. Une tumeur énorme enveloppa son genou droit, enfin la carie dévorait ses os… La violence de la douleur lui arrachait des cris qu'elle changeait en prières: «Mon Dieu, je vous l'offre. Mon Dieu, je vous aime!».
Sœur Saint-Cyr Jollet: Elle disait: «Mon Dieu, je veux, je désire souffrir, mais donnez-moi la grâce de la patience dont j'ai tant besoin».
Abbé Perreau: À la fin de sa vie, attristée de ne plus pouvoir suivre l'exercice de l'oraison, elle fit part de sa tristesse à M. l'aumônier qui lui dit: «Consolez-vous, faites oraison au pied de la croix en vous plongeant dans les blessures de Notre-Seigneur». Bernadette dit: «Oh! Que ces paroles me font du bien!».
Abbé Febvre: Je crois que Dieu lui donna un certain pressentiment de sa mort prochaine, car, dans une visite que je lui fis après la fête de saint Joseph, comme je lui demandais quelle grâce elle avait sollicitée de ce grand saint, elle répondit d'un ton énergique: «Je lui ai demandé la grâce d'une bonne mort». Sœur Marie-Bernard reçoit l'extrême-onction le vendredi 28 mars. Après la cérémonie, elle dit: «Ma chère Mère, je vous demande pardon de toutes les peines que je vous ai faites par mes infidélités dans la vie religieuse et je demande aussi pardon à mes compagnes des mauvais exemples que je leur ai donnés».
Abbé Perreau: Les sœurs, à tour de rôle, lui demandèrent alors de se souvenir d'elles et d'emporter leurs commissions au ciel. Bernadette répondit: «Oui, je n'oublierai personne».
Avril
Mère Éléonore Cassagnes:Elle disait: «Quand je lis la Passion, je suis plus touchée que quand on l'explique».
Abbé Perreau: À ses derniers moments, comme l'aumônier lui disait: «Souvenez-vous des promesses de Marie, le ciel est au bout», elle répondit: «Oui, mais le bout est long à venir».
Mère Éléonore Cassagnes: Pour l'aider à souffrir et à mourir, l'abbé Febvre lui rappelle la beauté de la Sainte Vierge. «Oh! oui, que cette pensée me fait du bien!». Très peu de temps avant sa mort, elle avait fait enlever toutes les images qui étaient fixées à son lit… Interrogée, elle répondit: «Celui-ci me suffit». Elle montrait son crucifix.
15 Avril (Veille de sa mort)
Abbé Lefebvre: Sœur Marie-Bernard, comme Notre-Seigneur, eut, la veille de sa mort, une agonie spirituelle. Dans la nuit du lundi de Pâques, on l'entendit répéter plusieurs fois ces paroles: «Va-t-en, Satan!». Le mardi matin, elle me dit que le démon avait cherché à l'effrayer, mais qu'elle avait invoqué le saint nom de Jésus et que tout avait disparu.
16 Avril (Jour de sa mort)
Sœur Nathalie Portat: «À ces paroles de la salutation angélique: «Sainte Marie, Mère de Dieu…», Bernadette se ranime et, avec un accent pénétré qui révélait à ce moment suprême son humilité profonde et sa confiance filiale envers la Vierge Immaculée, elle répète deux fois: Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour moi pauvre pécheresse». Vers trois heures de l'après-midi, Bernadette dit: «J'ai soif». On lui présenta une boisson, elle y trempa les lèvres, après avoir fait son signe de croix «d'une manière admirable». Elle inclina la tête et rendit son âme à Dieu.
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