Saint Martin de Porrès
Saint Martin de Porrès
Apôtre de la Charité
1579-1639
Fête le 3 novembre
Le titre d'apôtre de la charité est celui qui convient très bien à S. Martin de Porrès. C'est aussi sur la base de la charité que chacun d'entre nous sera jugé à la fin de notre séjour ici-bas. Et vous vous demandez qu'est-ce que cette charité ? Elle est à la fois simple et mal comprise de nos jours d'où son intérêt. D'abord une introduction géographique et historique de S. Martin. Martin est né dans la ville de Lima au Perou (Amérique du Sud) en 1579. On se rappellera que l'Ordre des Prêcheurs autrement connu sous le nom de Dominicains a été fondé en 1216 au sud de la France, trois siècles avant la naissance de Martin dans ce monde. En 1492, l'Italien Christophe Colomb voyagea en Amérique pour le compte de l'Espagne. L'Europe découvrait ainsi un monde qu'elle appellera le "Nouveau Monde". L'Espagne était au sommet de sa gloire et se servait de missionnaires chrétiens pour coloniser le monde. Les colonialistes et ceux qui devaient annoncer la Bonne Nouvelle de Dieu cheminaient et travaillaient côte à côte. On raconte que les Espagnols conquistadors malmenaient les Indiens Américains avec une telle cruauté, les brûlant vifs que c'est un miracle que le catholicisme ait pu transcender et survivre. Mais heureusement qu'en 1510, 12 Frères Prêcheurs (Dominicains) Espagnols débarquent dans l'île de Santo Domingo (ou Saint Domingue). Quelques jours après, un beau dimanche (on raconte) qu'un des frères Domicains, le Père Antonio de Montesino dénonce la cruauté et la barbarie des colonisateurs Espagnols envers la population indigène. Le Père Antonio de Montesino va jusqu'à menacer les colonialistes qui malmenaient les populations indigènes de ne pas leur donner l'absolution. Quelques années après un autre Dominicain Bartolomé de Las Casas arriva dans le nouveau monde. Il sera plus tard acquis à la défense des populations indigènes qui néanmoins continuaient de subir de nombreux sévices de la part des colonisateurs.
Et un saint naquit....
C'est donc dans cette atmosphère que naît le 9 Décembre 1579 Martin de Porrès. Son père Juan de Porrès était d'une noble famille espagnole, un chevalier de l'Ordre de l'Alcantara. Sa mère, Ana Velasquez était une esclave africaine affranchie, une belle danseuse de cabaret. Martin avait une sœur du nom de Juana, (ou Jeanne en français). Les parents de Martin n'étaient pas mariés et n'ont apparemment jamais vécu ensemble, ni avant, ni après la naissance des deux enfants. Ana élèvera toute seule ses deux enfants. Juan de Porrès, le père de Martin ne l'avait pas accepté à la naissance mais un peu plus tard. On raconte que l'acte de naissance de Martin à l'État Civil de Lima indique jusqu'à ce jour, "Martin, père inconnu". Un peu plus tard, le père avait non seulement reconnu son fils, mais il remplit pleinement et avec beaucoup d'affection son rôle de père, pour Martin et pour sa sœur Juana. Martin grandit près de sa mère qui était une brave dame mais financièrement démunie. Elle envoyait Martin faire les courses tous les matins [au marché public], lui remettant le peu d'argent qu'elle avait gagné la veille. Il advenait un des trois cas suivants : Martin rentrait souvent avec beaucoup de retard ; Il rentrait avec un panier [on allait faire les courses avec un panier] à moitié vide, dans le meilleur des cas ; Ou il rentrait avec un panier presque vide alors qu'il avait dépensé tout l'argent que sa mère lui avait remis. Lorsque Martin avait entre 8 et 10 ans, son père fut nommé Gouverneur de Panama. Il prit avec eux pour une courte période Martin et sa sœur Juana, ce qui leur permit de bénéficier d'une éducation élémentaire. Les deux enfants revinrent vivre avec leur mère quelque temps après. Lorsqu'il avait environ 12 ans, Martin décida de faire l'apprentissage pour devenir coiffeur, un métier qui était combiné avec celui de médecin traditionnel.
Á l'âge de 15 ans, Martin décida de se rendre au couvent des Dominicains du Saint Rosaire dans sa ville natale de Lima. Il était déjà bien connu dans Lima pour ses grandes vertus de charité et pour sa profonde vie spirituelle. Au Prieur des Dominicains, il demanda à être accepté comme un "donatus " ou "donaldo" en espagnol. Ceci correspondrait au "familier" que l'on retrouvait dans les couvents dominicains ou qu'on retrouve encore dans certains monastères de nos jours. Le "donatus" était au bas de l'échelle dans de l'Ordre des Prêcheurs. Non seulement il ne faisait aucun vœux, mais il offrait ses services en échange d'un logement au couvent et de sa prise en charge par les frères. Les "donatus" étaient membres du Tiers Ordre Dominicain aussi appelé Laïc Dominicain. Au couvent des Dominicains, Martin accomplissait des tâches variées. Il faisait la cuisine pour les frères, était le linger du couvent, l'homme de ménage [raison pour laquelle il est souvent montré avec un balai à la main.] Martin était le "One man show" du couvent des Dominicains. En dehors du couvent, il avait quelques apostolats de taille : il a continué à s'occuper des malades de la ville, un boulot qu'il pratiquait avec celui de coiffeur avant de rejoindre les Dominicains. Martin avait organisé une soupe populaire et on raconte qu'il nourrissait quelques centaines de Péruviens par jour ; il recevait un soutien financier des riches de Lima qui lui faisaient entière confiance. Martin recevait sans demander des milliers, peut-être des centaines de milliers de francs : on était au 17e siècle dans un pays pauvre. Avec l'argent que l'on lui confiait, Martin s'occupait des œuvres et des enfants de Dieu. Ainsi, il ouvrit un orphelinat et en confia la gestion à sa sœur. Pendant les cinq premières années au couvent du Saint Rosaire, Martin s'était constamment vu offrir des positions "meilleures", tel que faire les vœux et accéder au rang de "frère", mais Martin constamment refusa disant qu'il préférait être un simple objet dans la maison de son Seigneur. Cependant, à l'âge de vingt ans, Martin fut obligé par le Prieur de faire ses vœux, devenir frère coopérateur, et donc devenir membre à part entière de la famille dominicaine. Il obéit, et fit ses vœux. Pendant 40 après cela, Martin mena une vie de charité basée sur un intense prière.
Qu'est-ce que la Charité ?
C'est le Pape Jean XXIII qui, pendant la cérémonie de canonisation de Martin de Porrès le 5 mai 1963, lui donna le titre d'apôtre de la charité. Et c'est ce qu'il est en réalité. La prière fut ce que Martin découvrit très tôt dans sa vie. On se souviendra que déjà dès l'âge de sept ans, peut-être bien avant, Martin passait de longs moments dans les églises. Plus tard, lorsqu'il devint coiffeur, on l'a souvent surpris enfermé dans sa chambre qui devint son sanctuaire, absorbé par la prière. Il était souvent en extase. L'apôtre S. Paul nous enseigne en long et en large la charité à travers ses épîtres : Rom. 12 :9, Rom. 13 :10, Rom. 14 :15, Rom. 15 :30, 1Cor. 4 :21, 1Cor. 8 :1, 1Cor. 13 et suivants, 1Cor. 14 :1, 1Cor. 16 :14, etc., etc...... La charité est donc une vertu et en tant que telle, elle est une disposition à aimer, ici, aimer Dieu. Dieu appelle chacun d'entre nous à une amitié spéciale avec Lui un peu comme un parent s'attend naturellement à une certaine amitié avec son enfant. Mais c'est Dieu qui le Premier nous aime. Lorsque nous l'aimons, nous ne faisons que répondre à son amitié. Les saints sont ceux qui ont aimé Dieu de tout leur cœur et c'est aussi ce que chacun d'entre nous est appelé à faire, aimer Dieu. La charité est un amour d'amitié qui se manifeste de deux façons : nous entrons dans une amitié (ici avec Dieu). Deux personnes sont attirées l'une vers l'autre parce qu'il y a quelque chose dans l'autre qui attire et que nous aimons. ou nous entrons dans un amour d'amitié simplement parce que nous désirons le bien pour l'autre ; c'est ce qui caractérise la charité car elle nous pousse à simplement désirer le bien de l'autre, notre ami. Dans un monde où on parle beaucoup d'amour et où on se sert de ce concept pour toutes sortes d'abomination et de perversion, on comprend que le mot puisse prêter à confusion. Notre ami ici est Dieu et nous entrons dans une amitié naturelle avec Dieu. Notre amitié est plutôt une réponse à l'amour de Dieu. Or, nul n'a jamais vu Dieu qui soit encore de ce monde. Nous ne pouvons voir Dieu qu'à travers ses œuvres. Ses œuvres sont notre prochain, tous ceux qui nous entourent aussi bien que tout ce que Dieu a créé. Nous savons que ce que Dieu a créé est très bon ~Gen 1 :31. Le bien que nous voulons faire à Dieu dans notre élan de charité, nous le faisons à ses créatures : notre prochain et tout ce que Dieu a créé.
Au couvent des Dominicains, Martin était complètement dédié au service de ses frères. Il s'assurait que la cuisine était faite, bien faite et à temps. À la lingerie, Martin prenait grand soin du linge du couvent. Il était chagriné lorsque des souris entraient dans les placards et rongeaient le linge y laissant des trous. Martin aurait pu mettre du raticide pour se débarrasser des souris qui n'étaient que des parasites très nuisibles. Mais là encore, Martin avait quelque chose d'un peu franciscain en lui en ce sens qu'il se rendit compte que la souris est aussi une créature de Dieu. Il ne voulu point les détruire. "Pauvres bêtes ", s'écria t-il un jour exaspéré. "Elles n'auraient pas rongé le linge si elles avaient quelque chose à manger." Et il refusa de poser des pièges ou encore de répandre du raticide pour tuer les souris. Un jour, alors que Martin travaillait dans la lingerie, il vit une petite souris sortir d'un trou. Martin se mit à lui parler. "Va chercher toutes les autres souris et je vous ordonne de quitter cette lingerie et d'aller faire votre demeure au milieu du jardin. Là-bas, je viendrai vous apporter à manger tous les jours." Les frères qui avaient assisté au sermon de Martin à la souris racontent que le rongeur écouta Martin très attentivement les oreilles dressées vers l'avant alors que ses yeux scintillaient de peur. La bête retourna dans son trou. Quelques minutes après, les frères virent sortir de plusieurs endroits de la lingerie une légion de souris et toutes se mirent comme en rang pour se rendre dans le jardin comme Martin le leur avait demandé. Là-bas, elles creusèrent de nouveaux trous et y firent leur nouvelle demeure. Martin leur apportait à manger tous les jours comme il le leur avait promis. Martin était le coiffeur du couvent. Un jour, après avoir coupé les cheveux d'un frère, il l'entendit se plaindre de sa nouvelle coupe de cheveux à un autre frère. Martin réalisa qu'il n'avait pas bien pris soin d'une créature de Dieu [Quelqu'un d'autre se serait révolté qu'on critiquait ce qu'il pense avoir fait de bon cœur.] Martin pensa plutôt à réparer sa "faute". Il alla cueillir des fruits et vint offrir au frère mécontent de sa coupe de cheveux un panier de fruits frais et variés lui demandant pardon. Le frère en fut bouleversé. Dans la ville de Lima, il y avait beaucoup d'Indiens qui étaient déshérités et qui s'adonnaient à des substances de dépendance. Ils vivaient dans les rues. Á eux et pour les nombreux dépourvus de Lima, Martin organisait une soupe populaire. Il leur donnait à manger une fois par jour. Pour eux, Martin était une star, un vrai héros. Tous les jours lorsqu'il apparaissait pour prier avant de servir le repas, la foule jubilait. Mais Martin priait, les exhortant à "sauver leurs âmes par le sang du Christ versé pour nous." On entend ici la préoccupation du salut des âmes, cher à S. Dominique mais mieux encore. Martin aimait tellement tout le monde, surtout les déshérités. Il veut que bien au-delà de la nourriture terrestre, ces braves âmes puissent gagner le vrai combat : aller un jour au ciel. Ce n'est que la charité qui pousserait à ce désir pour l'autre. Martin voyait et aimait Dieu à travers les orphelins. Aussi il fonda un orphelinat dont il confia la gestion à sa sœur. Lui qui avait fait des vœux de pauvreté et ne possédait ni compte courant bancaire, ni quelque bien que ce soit. Ceux qui en avaient en abondance voyaient le bien fondé de l'œuvre de Martin, et y participaient. Il est dit de Martin qu'il savait aimer le pauvre sans haïr le riche, ce que certaines personnes animées d'une bonne volonté peuvent avoir du mal à concevoir. Pour Martin, nous sommes tous des enfants de Dieu, riches ou pauvres. Au couvent et pour tous ceux qui en éprouvaient le besoin, Martin était l'infirmier. Il aimait s'occuper des malades pour qui il avait une attention singulière. Pour Martin, le malade est quelqu'un qui est dans une lutte, c'est-à-dire la souffrance. Cette lutte est à la fois physique, psychique, etc. mais surtout spirituelle. Pour Martin, la malade est beaucoup plus qu'un cas médical car l'âme du malade aussi bien que le salut de l'âme sont impliquées dans la lutte spirituelle. C'est Dieu qui créa tout ce qui existe dans la nature et tout ce qu'il créa est bon. Aussi, lorsque exaspéré par l'odeur nauséabonde d'un chien sale et couvert de gale qui était tout le temps devant le couvent des Dominicains un frère le tua et l'enterra dans le jardin du couvent, Martin n'approuva pas ceci. Il alla déterrer le chien le ressuscita, soigna ses plaies, lui donna à manger et lui demanda d'aller loin, très loin du couvent. Martin respirait la charité. Il la vivait à tout moment, c'est-à-dire qu'il était arrivé à développer une vraie amitié avec Dieu. Il était constamment en présence de Dieu à travers Ses créatures. Et Dieu se manifestait constamment à travers les nombreux miracles que Martin accomplissait : "si vous ne croyez pas en lui, croyez en ses œuvres, car Dieu est sans aucun doute avec lui." La vertu de charité semble déborder sur d'autres : l'humilité : devant les merveilles de Dieu, on ne peut être que déboussolé. On reconnaît sa petitesse. Une fois, l'Archevêque de Panama voyageait au Pérou où il tomba malade d'un violent mal de tête. On consulta tous les médecins de la ville sans succès. Pris de panique, le Prieur du Couvent des Dominicains eut l'idée de faire venir le fr. Martin dans la chambre de l'archevêque. Á peine fut-il arrivé qu'il imposa les mains sur le prélat et la fièvre disparut. Après ceci, Martin fut troublé et remarqua que le prélat ne devait pas se moquer d'un pauvre mulatto de la sorte. la sagesse : Martin n'aimait pas passer jugement sur les autres[ il se sentait toujours en présence de créatures de Dieu]. S'il était amené à donner son opinion, il cherchait toujours le bon côté. l'obéissance : Martin n'aimait pas désobéir. Cela serait aller contre un de ses vœux religieux mais pire, cela vaudrait aller contre la volonté de Dieu. Au moins une fois cependant, Martin se trouva dans une situation difficile. Il amenait les malades et les blessés des rues de Lima pour les soigner dans sa cellule au couvent. Ceci indisposait les frères qui se sont plaints, auprès du Prieur. Celui-ci ordonna Martin de ne plus amener les malades ou les blessés au couvent. Martin se conforma à cet ordre. Un soir, Martin rentrait au couvent lorsqu'il aperçut un Indien qui était blessé et saignait abondamment. Martin se souvint de l'ordre d'interdiction qu'il avait reçu mais réalisa que s'il laissait le pauvre homme sur le trottoir, il allait mourir avant le lever du jour. Il prit le risque d'outrepasser l'ordre d'interdiction. Il amena une fois encore le malade dans sa cellule, pansa sa blessure, lui donna une petite douche et quelque chose à manger. Tôt le matin, pensant que personne ne l'avait vu, il congédia son hôte. Mais un frère avait aperçu Martin passer outre l'ordre du Prieur. Ce jeune frère alla en parler au Prieur qui tout furieux, appela Martin pour lui demander si c'était vrai qu'il avait désobéi. Après que Martin eut avoué sa faute, le Prieur furieux lui infligea une punition. Martin l'accomplit rapidement et surtout très gaiement. Bien après, lorsque toutes les passions étaient calmées, Martin retourna voir le Prieur pour le supplier de lui pardonner sa désobéissance. Le Prieur supplia Martin de lui expliquer ce qui s'était réellement passé, comment lui qui est un réel modèle de vie religieuse admiré par tous les frères a pu passer outre l'ordre du Prieur. Martin prit la parole et dit au Prieur que lorsqu'il s'était trouvé devant la situation, il s'était bien rappelé l'ordre d'interdiction mais qu'il avait pensé que le précepte de charité précède le précepte d'obéissance. Le Prieur n'avait jamais pensé le problème en ces termes et n'avait même pas pensé à la vie religieuse en ces termes. Il regretta avoir prêté attention au frère venu lui rapporter le fait, demanda pardon à Martin pour l'avoir puni et lui dit à la fin : "Vous avez bien agi cher frère ; la prochaine fois vous pouvez recommencer de la même façon." Pour une vie entièrement vécue dans la charité, Dieu n'abandonne pas ses amis. Mieux, Il est plus proche de Ses amis que nous ne l'imaginons. Dieu se manifestait à travers Martin par les nombreux miracles que le frère accomplissait presque tous les jours. Il m'arrive [à moi votre pauvre serviteur] de penser que Martin, tout comme beaucoup d'autres saints arrivent à avoir une vision du ciel pendant qu'ils sont encore de ce monde. Et le ciel doit être d'une certaine inimaginable beauté que personne, conscient de l'état misérable qui est le nôtre ne s'en sentirait digne. Martin était l'ami d'une multitude de gens à Lima dont au moins deux ont été canonisés : Ste Rosa de Lima et S. Juan Macias, tous trois reposant au couvent du Saint Rosaire à Lima. Le frère Martin naquit au ciel le 3 novembre dans l'année du Seigneur, 1639.
Fr. Wilfrid-Marie Houeto O.P.
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