Saint Christodule de Patmos
Saint Christodule de Patmos
+ au 11e siècle
Fêtes le 16 mars et le 21 octobre
Son enfance
Christodule naquit en 1020, dans une petite bourgade de Bythinie, près de Nicée fameuse par le concile qui condamna l'hérésie d'Arius en 324. Son père se nommait Théodose et sa mère Anne. Ils lui donnèrent au baptême le nom de Jean qui convenait très bien à celui qui devait toute sa vie aspirer à vivre dans le désert. Ce n'est que plus tard qu'il prit, par humilité, le nom de Christodule c'est-à-dire serviteur du Christ. Dès qu'il sut lire, il s'adonna entièrement à l'étude des saintes Lettres où il se forma au mépris des biens périssables pour ne s'attacher qu'aux biens qui durent toujours.
Ses parents, toutefois, voulant le garder pour eux et pour le monde, le fiancèrent malgré lui. Mais il prit la fuite, n'écoutant que la Voix de Dieu : "Sors de ta maison et de la maison de tes pères et de ta parenté et viens vers la terre que je te montrerai" (Gn 12,1).
L'entrée dans la vie monastique
Ainsi donc très jeune, ou pour mieux dire, encore enfant, il embrassa la vie monastique dans quelqu'un des nombreux monastères du mont Olympe de Mysie qui domine la ville actuelle de Brousse.1 On ne voit nulle part qu'il se soit laissé prendre au charme du paysage. Là, sous la conduite d'un pieux et sage vieillard, il se pénétra de plus en plus de l'esprit des saintes Écritures, tout en se livrant aux pratiques de l'ascèse les plus austères : jeûnes fréquents, prières continuelles et psalmodies nocturnes.
Vers Rome
Au bout de trois ans, le vieillard étant mort, il craignit que ses parents ne vinssent le réclamer et, comme il désirait beaucoup visiter les tombeaux des apôtres Pierre et Paul, il partit pour Rome. C'était en 1043, l'année de l'avènement à Constantinople du patriarche Michel Cérulaire, et le schisme allait venir. A Rome même, la situation n'avait rien de brillant. Christodule y fut témoin de la révolution qui renversa Benoît IX, créature indigne des comtes de Tuscium, pour mettre à sa place le simoniaque Sylvestre III, et de celle qui ramena sur le trône Benoît X (Janvier 1044).
En Terre Sainte
Christodule avait environ 25 ans (1045) lorsqu'il se rendit en Palestine, pour y suivre les traces du Seigneur. Après avoir pieusement visité les lieux saints, il se fixa pour un certain temps dans le désert situé sur les rives du Jourdain, en un des endroits les plus solitaires.
Sur la montagne de Latros
Mais voilà que s'abat soudain sur tout le territoire de la Palestine, l'essaim bourdonnant des Sarrasins, pareil à une grêle sifflante et meurtrière qui tombe et se dissipe au même instant. Alors, se souvenant de la parole du Christ : "Lorsqu'on vous persécute dans une ville, allez dans une autre" (Mt 10,23), il fuit devant cet orage. Il débarque en Asie Mineure et, sans s'arrêter sur la côte de Milet, il se rend tout de suite dans la montage voisine, le Latros,2 attiré là parce que des moines, chassés du Sinaï par les barbares éthiopiens, étaient venus s'y établir dès le 5e siècle. C'est une haute montagne, ornée de grands arbres, et où courent de toutes parts des eaux fraîches agréables au goût et au toucher, dont la limpidité réjouit les yeux et dont le murmure est un charme pour les oreilles.
Là, Christodule vécut avec ses compagnons à la manière des anciens moines d'Égypte, chacun s'efforçant de réaliser autant que possible la perfection des vertus chrétiennes, goûtant lui-même et faisant goûter aux autres les douceurs de la fraternité si bien chantées par David dans le psaume 132. Mais la main droite des Perses et les cruautés des Turcs vinrent bientôt ravager l'Orient. Il n'y eut pas même un trou d'aiguille qui réussit à passer inaperçu des Agaréniens athées.
Autres pérégrinations
Christodule abandonne alors le mont Latros, se demandant pourtant s'il ne valait pas mieux mourir là, fidèle à son poste où l'avait placé le patriarche Cosmas I, et il appelle cette fuite une faiblesse humaine. Le vaisseau qui le portait avec quelques fidèles compagnons, parti des environs de Milet, aborde à Strobilos, ville du littoral, en face de Cos où Arsène Skinouris lui confie le monastère de Cavalouris dont, quoique laïque, il était supérieur. Ensuite Christodule, craignant toujours une attaque des Perses se transporte en face, dans l'île de Cos, sur le Péléon, une haute colline inhabitée, agréable d'ailleurs pour son bon air et ses belles eaux. Et quand il la voit ainsi, semblable à une forteresse, séparée des lieux habités par des précipices et des excavations naturelles, il se réjouit à la pensée qu'' il va pouvoir s'y établir définitivement, y goûter jusqu'à sa mort le calme de la solitude et enfin abandonner sa boue terrestre sur ce mont Péléon. Mais Dieu avait d'autres desseins et voulait que son serviteur, après tant d'infortunes, eût Patmos pour tombeau. Sur ces entrefaites, Arsène, son meilleur compagnon, le quitte pour s'en aller à Jérusalem. Le voilà seul, supportant la fatigue et la sueur, manquant de tout en cette période difficile. Cependant, aidé du secours d'en-haut, il bâtit une très belle église dédiée à la Toute Sainte. Il construit aussi un mur d'enceinte, des cellules, - tout ce qu'il faut pour un monastère, - et il croit pouvoir demeurer quelque temps en paix. Malheureusement les moines sont trop mêlés aux gens du monde et le saint éprouve une crainte fondée : c'est que les moines ne se laissent prendre aux pièges du Méchant. Il craint aussi pour son âme qui vaut plus que le monde entier. Cette crainte s'attache à son coeur, lui brise les os, dont elle suce la moelle, lui arrache les nerfs, lui déchire les chairs, et au-dedans de lui-même, se fait entendre avec insistance la voix du prophète : "Émigre comme le passereau !" (Ps 10,1)
Projet du départ
Il tient conseil avec ses frères. Leur attention est sollicitée par une île "isolée", sans communications avec le continent ni avec les autres îles environnantes, car les vaisseaux de commerce ne la fréquentent pas. C'est Patmos. Aussitôt il se sent possédé tout entier par le désir de cette île et ce désir augmente à la pensée du séjour que fit à Patmos le disciple bien-aimé du Christ, l'évangeliste Jean le Théologien, qui eut là sa vision immortelle et la révélation de son évangile. Patmos lui apparaît donc comme un nouveau Sinaï, d'autant supérieur à l'autre que la vérité l'emporte sur les figures et l'évangile écrit sur les Tables de pierre de la Loi.
Chez l'empereur
Alors il va trouver le pieux empereur, le grand Alexis Comnène, pour lui exposer ses projets et lui demander Patmos en présent, avec exemption de toutes charges. L'empereur résiste avec douceur, mais très énergiquement, et le supplie de renoncer à Patmos pour aller à Zagora, en Thessalie, mettre un peu d'ordre - en qualité d'archimandrite - parmi des moines indisciplinés. Christodule se met en devoir d'écrire à leur intention un Manuel de Conversation avec Dieu qui leur paraît beaucoup trop difficile à suivre. Ne voyant donc aucun espoir de les réformer, il les abandonne à leur idiorythmie ou, plus simplement, à leur vie irrégulière.
Donation de Patmos
Puis il insiste encore pour avoir Patmos, recourant cette fois à l'intercession de la mère d'Alexis, Anne Delassène; et le puissant empereur se laisse enfin fléchir. A condition de renoncer à toutes les possessions qu'il avait dans l'île de Cos et à Strobilos en faveur du trésor public, exception faite pour deux propriétés situées à Léros, Christodule reçoit en présent par chrysobulle (bulle d'or) l'île de Patmos, avec toutes les immunités possibles, et les îlots voisins d'Acrite et de Lepsia. Il est enchanté de la bulle d'or qui retranche tout ce qui pourrait être une occasion de chute et il loue grandement la sages-se d'Alexis d'avoir interdit sévèrement l'entrée dans l'île des femmes et des enfants. L'empereur savait, ajoute-t-il, suivant le mot de Zénon, "tremper sa langue dans son esprit".(Plutarque, Phoc. V), et son coeur était toujours entre les mains de Dieu. Après avoir salué Alexis Comnène, Christodule s'embarque pour Cos avec le commissaire impérial à qui cession est faite des immeubles de Cos et de Strobilos et dont il reçoit officiellement l'île de Patmos en août 1088. Sa joie est débordante et il faut, ici, l'entendre lui-même : "Je sautais et je bondissais, heureux de voir la solitude et le calme de cette île". Patmos, en effet, comme dit la bulle d'Alexis, était sans doute âpre et stérile, mais apte à produire toute espèce de fruits spirituels, si l'on prenait seulement la peine d'y jeter la semence des vertus.
Le murmure de ses compagnons
Cependant ses compagnons qui avaient d'abord montré beaucoup d'enthousiasme, se refroidissent bientôt. Ils ne peuvent retenir des marques d'impatience, d'irritation et d'ennui. le souvenir surtout des délices goûtées dans l'île de Cos fait que le rocher de Patmos leur devient insupportable et il leur semble qu'il ont échangé des pièces d'or contre des pièces d'airain. Des murmures plus ou moins étouffés se font entendre, l'ardeur au travail diminue et le trouble se met dans toutes les âmes. En présence d'un tel état de choses, Christodule ne perd pas courage. Il divise ses compagnons en deux camps : celui des opposants qui demandent bientôt leur pardon et l'obtiennent tout de suite; et celui des fidèles qui l'encouragent et le pressent de bâtir : "Nous voici, lui disent-ils, nous te servirons toujours et nous obéirons à tes ordres jusqu'à la mort". Ainsi encouragé et, de plus, épris d'amour pour Patmos au souvenir de l'apôtre bien-aimé du Seigneur, Christodule décide ses compagnons fidèles à mettre enfin un terme à leurs pérégrinations en construisant un lieu de repos définitif. On en creuse les fondements; bientôt les murailles s'élèvent, des murailles qui seront solides et hautes comme celles d'une forteresse.
Entorse à la première règle
Mais il ne tarde pas à s'apercevoir qu'il a trop demandé à la faiblesse humaine et qu'avec le grand nombre d'ouvriers qu''exige la construction du monastère l'exclusion absolue des femmes est irréalisable. Il se relâche donc de sa première sévérité et consent à laisser venir les femmes des ouvriers, à condition toutefois qu'elles ne dépassent jamais, sous quelque pré-texte que ce soit, certaines limites qu'il a soin de bien déterminer, au nord de l'île. Les ouvriers travailleront cinq jours de la semaine; le soir du vendredi, ils iront dans leur famille et, après un intervalle considérable de repos, le lundi, à la pointe du jour, ils retourneront au chantier pour s'y occuper aux travaux qu'on leur as-signera. Nul d'entre les moines ne pourra, sous aucun prétexte, aller dans les familles; exception est faite seulement pour l'économe, en cas d'absolue nécessité; encore sera-t-il accompagné par deux de ses frères. Le laïque assez osé pour enfreindre ces règles sera impitoyablement chassé de l'île avec tous les siens, le monastère eût-il un extrême besoin de ses services. Et de même le moine qui se permettrait d'aller seul dans les maisons où se trouve une femme, sera soumis pendant 20 jours à la xérophagie et privé de vin. S'il recommence une seconde, une troisième fois, l'higoumène doit le retrancher du corps des frères, afin de lui apprendre que c'est une chose impie et désagréable à Dieu que de transgresser les ordonnances des anciens pères.
Continuation de la construction
Ainsi la construction du monastère se poursuit. Christodule est partout le premier, payant de sa personne et se faisant, tout vieux qu'il est, simple manoeuvre, jusqu'à porter lui-même sur ses épaules les pierres et la chaux, sans interrompre pour autant le cours de ses austérités effrayantes, puisque le soleil ne le voit jamais manger et que son maigre dîner se compose uniquement de pain et d'eau avec quelques légumes sans assaisonnement. Et la nuit, du moins, se repose-t-il ? Non. celui que l'astre du matin a vue les mains au travail, - le choeur des astres nocturnes le contemple, les mains étendues pour la prière. Et ce n'est qu'un peu avant l'aurore que cet homme de fer con-sent à prendre un léger sommeil pour recommencer presque aussitôt la série de ses travaux et de ses mortifications.
Invasion des Agaréniens
Cependant le monastère s'édifiait peu à peu et l'on y travaillait encore lorsque, au bout de quatre ans environ, apparaît de nouveau dans ces régions la nuée des Agaréniens qui vient troubler l'atmosphère jusqu'alors sereine de l'Archipel. Christodule réunit autour de lui ses moines, comme la poule fait ses poussins sous ses ailes, et leur dit : "Il n'est donc pas ici le lieu de repos que nous cherchions !" Et il se met en mesure de préparer le départ, toujours plein de confiance en la protection divine : c'est ainsi qu'il répond à des moines qui voulaient emporter avec eux les provisions de blé qu'ils avaient dans l'île : "Confiez-vous seulement à Celui qui nourrit les oiseaux du ciel".
Séjour en Eubée
En s'embarque donc pour l'Eubée dont Eumathios, autre-fois disciple du saint, était gouverneur. Eumathios les reçoit avec allégresse et leur donne tout de suite une forte cargaison de blé; ce que voyant, les moines tombent aux genoux de Christodule pour lui demander pardon du peu de foi qu'ils avaient montré d'abord. En plus, un des plus riches habitants leur cède sa maison pour qu'elle soit transformée en monastère. Là, Christodule se livre à tous les exercices les plus rigoureux de la vie monastique.
Nostalgie de Patmos
Mais Patmos demeure toujours l'objet de ses regrets et de ses plus ardentes aspirations. Aussi, dès qu'il apprend que la nuée des Agaréniens s'est dispersée, il fait venir le fidèle Sabas, lui confie tous ses livres et le charge d'aller pré-parer le retour à Patmos.
La dormition du saint
Quant à lui, pendant dix mois encore il continue sa vie mortifiée. Puis, prévoyant sa mort, il se retire dans la solitude la plus complète, afin d'être plus tranquille avec Dieu. Le lundi de la deuxième semaine de Carême, il fait ouvrir la porte de sa cellule, pour adresser à ses moines un discours d'adieu fort touchant dans lequel, entre autres choses, il leur recommande d'abandonner les lieux habités et de retourner de préférence à Patmos où ils ont tant souffert ensemble, - leur promettant que, du haut du ciel, s'il y jouit de quelque influence, il intercédera pour que le monastère de Patmos grandisse et que son nom devienne célèbre dans tout l'univers. Dès que le saint a rendu sa belle âme à Dieu, le riche personnage qui lui avait cédé sa maison, retient pour lui la dépouille mortelle et la fait déposer dans la chapelle domestique qui se remplit aussitôt d'une délicieuse odeur. Quelque jours plus tard, aux moines qui, sur le point de s'embarquer pour Patmos, viennent réclamer les restes de leur père, il refuse énergiquement et les moines sont obligés de partir les mains vides.
Transfert de ses reliques
Une année s'écoule; mais les moines n'ont pas oublié la recommandation de leur bienheureux père : "Remportez mon corps avec vous à Patmos". Ils reviennent donc, et, profitant d'une nuit que l'on passait tout entière à chanter des hymnes dans l'église où le corps sacré avait été déposé, ils réussissent à l'en-lever, accomplissant ainsi un exploit nocturne, mais éclatant. En toute hâte ils prennent la mer. Mais les habitants de l'Eubée, dès qu'ils ont connaissance du rapt, envoient à leur poursuite des vaisseaux rapides. Vains efforts; il faut renoncer à cette poursuite; et les moines abordent à Patmos avec leur religieux larcin que l'on y vénère encore.
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