Saint Albert de Trapani
Saint Albert de Trapani
Confesseur et Provincial de l'Ordre des Carmes
1250-1306
Fête le 7 août
Avant que Pierre le
Vieux montât sur le trône de Catalogue et de Sicile, il y avait
dans ce dernier royaume, au Mont Trapani ou Eryx, aujourd'hui mont
San Giuliano, un seigneur d'un sang très illustre et qui possédait
de fort grands biens, appelé Benoît de Abbatibus il épousa une
dame d'une naissance égale à la sienne, nommée Jeanne de Palizze.
Ils marchaient l'un et l'autre dans les voies de la crainte de Dieu
et de la véritable piété mais ils furent près de vingt ans
ensemble sans avoir d'enfants qu'ils pussent laisser héritiers de
leurs biens. Après avoir délibéré ensemble, ils résolurent tous
deux de s'adresser à la Reine des anges et des hommes, et de la
supplier, dans les sentiments d'une foi vive, de leur faire la grâce
de leur donner un enfant, ajoutant que, si c'était un fils, ils le
consacreraient pour jamais à son service dans l'Ordre des Carmes,
que l'on appelait l'Ordre de la bienheureuse Vierge.
Comme ils joignirent à ce voeu les jeûnes, les prières et les aumônes, Dieu l'écouta favorablement. Dans sa grossesse, Jeanne aperçut, ainsi que son mari, un flambeau allumé qui semblait sortir de son sein. Cette merveille lui fit juger que l'enfant qu'elle avait conçu serait un jour une lumière éclatante dont toute l'Eglise serait éclairée. Lorsqu'il fut né, on lui donna, par inspiration divine, sur les saints fonts de baptême, le nom d'Albert, qui jusqu'à lors avait été inconnu dans toute la Sicile. Quand il fut sorti de l'enfance, ses pieux parents n'oublièrent rien pour le faire instruire dans les lettres humaines et dans la science du salut. Le petit Albert y fit en peu de temps de tels progrès, que chacun était charmé de le voir si savant et si vertueux, dans un âge où les autres enfants n'ont rien que de léger et de puéril.
A peine eut-il huit
ans, qu'un des plus puissants princes de l'île le demanda à son
père pour lui faire épouser une de ses filles, quand il serait en
âge d'être marié. Benoît. différa sa réponse autant qu'il lui
fut possible; mais, ne pouvant plus résister aux pressantes
instances qu'on lui faisait, il en parla a sa femme, dans la pensée
qu'elle n'aurait nulle peine à condescendre à une alliance qui
paraissait si honorable pour eux et si avantageuse pour leur fils;
mais la pieuse dame lui ayant remis devant les yeux qu'ils avaient
voué ce fils a la sainte Vierge, et qu'ils ne pouvaient pas violer
une promesse si sacrée sans mériter un rigoureux châtiment de la
part de Dieu, il rentra en lui-même, changea de sentiment, et ne
voulut plus entendre parler de cette affaire.
Cependant Jeanne
appela son fils en particulier, et lui déclara ce que son père et
elle avaient résolu avant sa naissance. Le petit Albert, déjà
rempli de l'esprit de Dieu, eut une joie extrême de savoir qu'il
était consacré au service d'une si sainte Maîtresse. Il ratifia a
l'heure même le vœu de ses parents il témoigna être prêt à
l'exécuter, et, ayant reçu pour cela leur bénédiction, il s'en
alla au couvent des Pères Carmes de Trapani, et y demanda avec
instance le saint habit de leur Ordre. Le supérieur, admirant son
zèle et sa dévotion, désirait beaucoup le recevoir mais parce
qu'il apprit qu'il appartenait à des personnes de la première
qualité, il n'osa pas lui donner entrée sans leur en avoir parlé
auparavant. L'enfant fut donc obligé de s'en retourner chez ses
parents sans avoir pu rien obtenir mais la nuit suivante la sainte
Vierge leur apparut, et les menaça d'une mort subite et précipitée
s'ils n'accomplissaient au plus tôt ce qu'ils avaient promis à Dieu
aussi, peu de jours après, ils conduisirent eux-mêmes leur fils
dans le monastère, où il reçut le saint habit avec une ardeur et
une piété qui toucha le cœur de toute la noblesse du pays,
présente à cette sainte cérémonie.
Albert s'appliqua
d'abord avec tant de ferveur à la vie intérieure et aux exercices
de la pénitence, que le démon en fut bientôt épouvanté et, pour
étouffer dans son âme cette précieuse semence de vertu, il lui
apparut sous la figure d'une jeune personne douée de toutes les
grâces et de toutes les beautés capables de gagner les cœurs les
plus insensibles. Il ajouta à cette représentation des discours
pleins de tendresse, et il tâcha de lui persuader de ne pas demeurer
davantage dans un état qui était, disait-il, si peu con- forme à
la délicatesse de sa complexion, mais de venir plutôt goûter les
douceurs et les plaisirs de la vie du monde, qui convenaient bien
mieux à son âge et à son tempérament. Notre jeune novice fut
d'abord étonné d'une si étrange vision; mais ayant reconnu que ce
n'était qu'une illusion de Satan, il s'arma du signe de la croix,
fit sa prière, et aussitôt ce spectre se dissipa sans laisser
aucune mauvaise impression dans son esprit ni dans son cœur; et bien
loin qu'une si horrible tentation lui donnât de la froideur dans sa
vocation, elle ne servit au contraire qu'à augmenter sa ferveur. Il
ne manqua pas de faire sa profession au bout de l'année, et, depuis,
il mena dans la religion une vie très rigoureuse et très pénitente;
car, outre les austérités communes à tout le saint Ordre des
Carmes, il portait le cilice trois fois la semaine, se privait
entièrement de l'usage du vin et ne buvait que de l'eau, et même,
le vendredi, il ne prenait que du pain et de l'absinthe, pour mieux
se ressouvenir du fiel et du vinaigre dont on a abreuvé la bouche
adorable de Jésus-Christ en ce même jour.
L'oisiveté lui était
insupportable, et il ménageait si bien son temps qu'il n'avait pas
un moment qui ne fût destiné ou à la prière, ou à l'étude, ou
aux œuvres de charité, ou à quelque autre occupation conforme à
son état. Sa piété était telle qu'outre le Bréviaire ordinaire
de son Ordre, il récitait toutes les nuits le Psautier entier, à
genoux devant le crucifix; et une fois que le démon fit tous ses
efforts pour le troubler dans cette dévotion, en tâchant d'éteindre
une lampe qui l'éclairait, Notre-Seigneur Jésus-Christ lui apparut,
et, rendant inutiles tous les efforts de Satan, il ne permit pas
qu'il ressentit aucune distraction dans sa prière.
Quand il eut été
ordonné prêtre, ce qu'il ne souffrit que par pure obéissance, on
l'appliqua à la prédication. Ce fut alors qu'il fit paraître avec
plus d'éclat son zèle pour la gloire de Dieu, car il s'acquitta de
cette fonction avec tant de doctrine et de force, qu'outre le grand
fruit qu'il fit parmi les fidèles, il convertit encore quantité de
Juifs qui embrassèrent le christianisme. Notre-Seigneur, pour donner
plus de poids à ses discours, voulut le favoriser du don des
miracles. Lorsqu'il était à Messine par l'ordre de ses supérieurs,
la ville fut assiégée par Robert, roi de Naples, et ce prince la
serra si étroitement qu'il n'y pouvait entrer aucune munition de
bouche, ce qui la réduisit en peu de temps à une extrême famine.
Frédéric, roi de Sicile, voulait y mettre le feu, afin qu'elle ne
tombât pas entre les mains des ennemis mais quelques personnes de
piété ayant persuadé aux grands et au peuple de mettre leur
espérance en Dieu et d'implorer son secours par les mérites
d'Albert, ils vinrent tous trouver ce grand serviteur de Dieu. Il
n'eut pas plus tôt connu l'état déplorable dans lequel ils
étaient, qu'il offrit le saint sacrifice de la messe avec beaucoup
de gémissements et de larmes pour leur mériter l'assistance du
ciel, et alors on entendit en l'air une voix extraordinaire qui dit
ces paroles « Dieu a exaucé ta prière ». Ce qui fut
confirmé par l'événement; car, dans le même temps, il parut au
port trois galères chargées de vivres, sans qu'on ait pu savoir
d'où elles étaient venues ni comment elles avaient pu entrer, le
port étant assiégé et fermé de tous côtés. On reçut ces
munitions comme des présents du ciel on les distribua aux habitants
selon leurs besoins, et, par cette merveille, la ville fut délivrée
de la grande extrémité où elle était et elle se trouva en état
de se défendre. Le roi vint lui-même avec toute sa cour remercier
la Saint, et il n'y eut ensuite personne dans Messine qui ne le
regardât comme un excellent protecteur auprès de Dieu.
Voici une autre
merveille bien plus considérable. Ce glorieux Saint voulut un jour
chasser le démon du corps d'une jeune fille qui en était possédée
depuis longtemps. Il alla donc chez elle à la prière de sa mère;
mais aussitôt qu'il l'aborda, elle lui donna un soufflet sur la joue
droite. Le serviteur de Dieu ne s'en émut point mais comme il était
très-bien instruit à l'école de Jésus-Christ, il lui présenta
sur-le-champ l'autre joue pour en recevoir un second, ce qui
confondit si fort l'orgueil de Satan qu'il fut contraint de se
retirer du corps de cette pauvre fille. Dans la ville de Trapani,
saint Albert délivra une jeune femme qui avait déjà été six
jours en travail d'enfant sans pouvoir accoucher, en lui donnant
seulement un peu d'huile bénite, et en lui disant: « Notre-Seigneur
Jésus-Christ te guérisse par les mérites de la sainte Vierge! »
Dans un voyage que
ce saint religieux fit dans la Terre Sainte il y guérit un Juif qui
était en proie au mal caduc. Cette cure de son corps fit le salut de
son âme, car lui et tous ses parents, qui furent témoins de cette
merveille, se convertirent et reçurent de lui le Sacrement de la
régénération spirituelle. Une autre fois, étant sur le chemin
d'Agrigente en Sicile, il aperçut des Juifs, sur le bord d'un
fleuve, près de se noyer, parce que l'inondation les avait surpris
et, qu'ils ne pouvaient pas se sauver, à cause des hauteurs
inaccessibles qui étaient, le long du rivage. Albert, qui était de
l'autre côté, leur promit que, s'ils voulaient croire en
Jésus-Christ, ils seraient infailliblement Le péril les força
d'accepter la proposition du Saint, et aussitôt il passa le fleuve,
marchant à pied sec sur les eaux et ayant retiré ces infortunés de
la mort qui les menaçait, il leur donna le Sacrement de vie.
Saint Albert voyant que le grand nombre des miracles qu'il opérait lui attirait sans cesse un nouveau concours de peuples qui lui donnaient mille bénédictions et mille louanges, obtint permission de se retirer à Lentini afin de se mettre à couvert des applaudissements dos hommes mais Dieu, qui prend plaisir à ceux qui s'efforcent de s'anéantir pour le glorifier, se servit de sa retraite pour lui faire opérer des merveilles encore plus grandes car il continua de faire des miracles, non-seulement par la présence réelle de sa personne, mais encore par son ombre et par l'attouchement de ses habits. En effet, un jeune homme de grande naissance, réduit par la maladie à un état qui l'avait fait abandonner des médecins, fut guéri pendant une vision dans laquelle lui apparut saint Albert et par l'attouchement d'un de ses habits on avait, à l'instance de la mère de l'enfant, apporté cet habit du couvent, lorsque le Saint ne s'y trouvait pas. Un jeune enfant de Palerme, à qui sa sœur avait crevé un œil par un accident imprévu fut guéri de la même manière le Serviteur de Dieu lui apparut, et lui frotta cet organe avec de l'huile. A cause de ce miracle, on a toujours cru que l'eau ou l'huile où ses saintes reliques avaient été trempées était salutaire pour la guérison d'une infinité de maladies.
Ces rares vertus, ces
merveilles de saint Albert étant répandues dans tout son Ordre, le
général l'obligea d'accepter la charge de provincial de la Sicile.
Il s'acquitta de cette fonction avec toute la piété et tout le zèle
d'un digne supérieur. Il faisait toujours à pied la visite des
couvents qui étaient sous sa direction, sans autres provisions qu'un
pot de terre où il y avait un peu d'eau et du pain pour sa
nourriture. Un jour, le frère qui l'accompagnait et portait le vase,
le laissa tomber et le cassa, ce qui le rendit tout triste et tout
confus. Saint Albert s'étant aperçu de sa mélancolie et en ayant
appris le sujet, lui commanda de retourner sur ses pas et de lui
apporter les pièces du pot cassé. Ce frère retourna aussitôt par
obéissance; mais il fut bien étonné de trouver le pot tout entier
et plein d'eau. Il empêcha encore un de ses religieux de tomber dans
une action contraire à la pureté, en lui reprochant, par une
connaissance surnaturelle que Dieu lui avait donnée, sa malheureuse
résolution; car ce pauvre religieux, se voyant découvert, changea
aussitôt de dessein et en ut une très rigoureuse pénitence.
Saint Albert étant
arrivé à une extrême vieillesse, voulut enfin se dérober tout à
fait aux yeux des hommes il s'en alla donc du côté de Messine et se
retira dans une solitude voisine pour vaquer plus tranquillement à
la contemplation des choses divines. Après y avoir passé quelque
temps, il tomba dans une grande maladie; il eut révélation de
l'heure de sa mort, et de celle de sa sœur, qui devait arriver au
même jour et à la même heure que la sienne. Il en avertit ses
religieux et s'y prépara de son côté en redoublant sa ferveur, ses
pénitences et ses dévotions; il les continua jusqu'au dernier
soupir de sa vie. A cette heure suprême, faisant sa prière à
genoux, après quatre-vingts ans d'une vie innocente, il mourut le 7
août 1306, et l'on vit son âme monter au ciel sous la forme d'une
colombe. Son corps demeura sur la terre, couvert d'un cilice et
exhalant une odeur suave qui embaumait tous les assistants. Au même
moment, une cloche, qu'il avait fait faire à Messine, sonna
d'elle-même et avertit tous les habitants de ce précieux décès.
Le roi de Sicile
assista à ses funérailles avec la principale noblesse de son
royaume et plusieurs prélats suivis d'une multitude innombrable de
peuple. Pendant que l'archevêque de Messine délibérait avec le
clergé et le peuple quel office on prendrait pour célébrer les
obsèques de ce grand Serviteur de Dieu, on aperçut en l'air deux
enfants revêtus chacun d'une robe blanche, qui entonnaient la messe
d'un saint Confesseur par cet Introït Os justi meditabitur
sapientam; le peuple ayant connu par la l'intention du ciel, on
poursuivit cette messe jusqu'à la fin.
Sitôt que le
bienheureux Albert fut enterré, on vit arriver de toutes parts, à
son sépulcre, un nombre infini d'aveugles, de boiteux, de lépreux,
de paralytiques et d'autres malades, pour lui demander la santé. Ils
jeûnèrent et prièrent pendant trois jours, et au bout de ce temps,
le Saint leur apparut environné de lumière et vêtu d'un habit
d'une blancheur admirable, et il leur donna lui-même la guérison
qu'ils demandaient. Dans la suite de la même année, le fléau de la
guerre affligeant toute la Sicile, des cavaliers furent assez impies
pour aller loger, avec leurs chevaux, dans l'église où reposait le
corps de saint Albert et, comme ils désolaient tout dans ce temple
sacré, ils n'oublièrent pas le tombeau du Saint, qu'ils mirent en
pièces; mais ils furent bien surpris lorsqu'ils l'aperçurent à
genoux dans le fond de son sépulcre, comme voulant crier à Dieu
vengeance des outrages qu'ils faisaient a ses autels. En effet, tous
les chevaux moururent sur-le-champ, et les soldats, frappés aussi de
diverses maladies, expièrent leur sacrilège. Depuis ce temps-là,
les Carmes, jugeant ce lieu trop exposé aux insultes des gens de
guerre, s'établirent dans un autre endroit de Messine. Plus tard, on
laissa seulement quelques ossements de saint Albert dans ce nouveau
couvent, et la principale partie de ses dépouilles fut transportée
à Trapani, afin de satisfaire par là la dévotion des chrétiens
dans l'un et l'autre lieu dans Messine, où il avait fait longtemps
éclater une vie toute simple et toute miraculeuse dans Trapani, où
il avait pris l'habit, fait profession et passé la plus grande
partie de sa vie.
Un ecclésiastique qui parla publiquement contre la sainteté d'Albert fut sur-le-champ puni par une grave maladie il ne put guérir que par l'intercession du Saint.
Ce grand serviteur
de Dieu a encore opéré une infinité d'autres merveilles. Il a
retiré les esclaves des prisons sans en forcer les portes, délivré
des matelots du naufrage, ressuscité des morts, outre une infinité
de maladies qui se guérissent encore tous les jours par le moyen de
l'eau bénite dans laquelle on a fait tremper ses reliques sacrées.
Toutes ces merveilles sont en trop grand nombre pour les pouvoir
rapporter. Mais il y en a une que nous ne saurions taire la
bienheureuse Madeleine de Pazzi, religieuse de son Ordre et l'une des
plus brillantes étoiles de son siècle, décédée l'an 1608, se
trouvant un jour prise d'une violente tentation de quitter l'habit
religieux, eut recours à saint Albert; à l'heure même, il lui
apparut, et prenant un habit blanc dans le côté de Jésus-Christ
crucifié, l'en revêtit; et depuis elle ne ressentit jamais de
pareilles attaques.
On le représente 1°
debout, tenant un lis et un livre; 2° chassant par sa bénédiction
le démon qui s'était présenté à lui sous la, forme d'une femme.
Aussi voit-on quelquefois des pieds d'animal paraître sous la robe
de cette prétendue visiteuse; 3° avec une lampe en main, ou placée
près de lui; 4° délivrant une jeune fille possédée.
Texte extrait des Petits Bollandistes, Volume 9
Prière
Dieu qui avez fait de Saint Albert de Trapani un religieux exemplaire par sa pureté, sa vie de prière et son amour de la Vierge Marie; donnez-nous d'imiter ses vertus et de pouvoir ainsi trouver place au banquet du Royaume éternel. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen.
Oraison extraite du Missel du Carmel
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