Notre Dame des Eaux d'Aix les Bains
Notre Dame des Eaux d'Aix les Bains
En présentant cette petite brochure nous désirons dire immédiatement quel est le sentiment qui nous guide. C'est de pouvoir montrer que dans cette importante ville thermale qu'est Aix-les-Bains, en Savoie, Marie est tout comme ailleurs, celle qui peut porter le titre de "Santé des infirmes", et de "Consolatrice des affligés". Ces lignes s'adressent évidemment à des Chrétiens, à des âmes qui croient, et qui savent d'une science certaine, d'une science expérimentale, que Dieu attend souvent pour bénir les choses de ce monde et féconder les moyens humains, que nous lui en fassions humblement la demande. Si Notre Dame fait éclater par des miracles, sa puissance sur l'élément de l'eau, comme à Lourdes, comme à la Saiette, comme en Belgique à Banneux, elle l'a fait éclater cette grande puissance surnaturelle, auprès de sources déjà oubliées. Comme cela fut à Garaison au XVIe siècle dans le département des Hautes-Pyrénées, dans un lieu assez proche de Lourdes. A Aix-les-Bains, on rencontre les malades perdus dans la foule des estivants, qui circulent parfois pour leur simple plaisir, ou pour chercher les nombreuses distractions qui s'offrent à eux. L'opposition en est plus cruelle encore, bien que les processions des grands malades de Lourdes soit une chose très bouleversante. A Aix, on peut côtoyer à chaque instant, des êtres courbés en deux, tordus, pliés, penchés sur leurs cannes ou leurs béquilles. Certains infirmes passent silencieux, dans leurs petites voitures. Mais ceux dont les souffrances sont moins apparentes, se comptent par milliers chaque année. Ces êtres attendent des soulagements, des guérisons, des améliorations de leur sort. Ils viennent ici dirigés par le corps médical de leur ville ou de leur village; ils viennent pour s'adresser à Aix à la véritable élite de docteurs des eaux, qui sont des spécialistes au dévouement admirable. Mais ces êtres, remplis de souffrances et de maux de toutes sortes, songent-ils vraiment à prier? Si toutes ces âmes accablées, viennent chercher le secours médical, songent-elles également à demander à la Reine des Cieux, les Grâces de soulagement et de bénédictions? Nous savons que la discipline de la prière et de la méditation est difficile lorsqu'on est pris dans l'étau de la souffrance, et que l'offrande même de cette souffrance est impossible à beaucoup d'êtres. Pour comprendre certains mystères ne faut-il pas mieux connaître la Divine Mère de Miséricorde, et lever un instant les yeux vers Elle? Pour cette raison, il faut étudier l'action, les attributs, et la puissance de Notre Dame en tant que souveraine des eaux. Cette étude mérite donc une attention particulière, et si nous écrivons ces lignes, c'est que nous avons pu constater en ce pays d'Aix si plein de douceur, que la dévotion à Notre Daine des Eaux, devrait toucher bien davantage les coeurs, surtout pour ceux qui cherchent la guérison du corps, et peut-être la guérison de l'âme. Il nous apparaît donc nécessaire de présenter cette belle dévotion sous une forme nouvelle, et de montrer aux esprits assez indifférents, qu'elle n'est pas une simple dévotionnette sans histoire. Si nous réussissons, nous n'aurons que le seul mérite, pour mettre en valeur cette pieuse tradition mariale, d'avoir le bonheur de faire ressusciter un touchant Manuel de Piété qui a été dédicacé à Notre Dame des Eaux à Aix, par le Chanoine Chéry, en 1867, Manuel qui nous a servi d'inspiration. Ce petit livre nous a aidé à remonter aux origines de cette dévotion pleine de poésie, pour en dégager la véritable action bienfaisante, et la replacer sur le plan, et à la place qu'elle mérite. Cette dévotion nous en sommes certains, mérite plus et mieux que quelques prières du passant, et si nous pouvons attirer plus de confiance et plus de ferveur auprès de la Mère de Miséricorde, Mère de Dieu, c'est que notre tentative n'aura pas été inutile.
Isabelle Couturier de Chef dubois
La dévotion à Notre Dame des Eaux
La dévotion à Notre Dame des Eaux à Aix-les-Bains, se situe en dehors des grands centres de pèlerinages. Elle n'en existe pas moins pour toute la population de la région, comme une dévotion qui règne depuis fort longtemps en ce lieu, puisque de mémoire d'homme on l'a toujours connue. Tout ceci n'empêche pas que pour la population de la Savoie, le plus célèbre sanctuaire soit celui de Notre Dame de Myans, Vierge noire réputée, très vénérée, qui est situé à 20 kilomètres d'Aix. Est-ce faiblesse ou inconstance des hommes qui vont prier dans un lieu et ne pensent pas à prier dans un autre? Autant que partout ailleurs Marie se montre sous le vocable de Notre Dame des Eaux, la source de vie, et l'eau sainte de la grâce. Il nous apparaît logique d'en profiter au moins pour le besoin de nos corps et le bienfait de nos âmes. Cette évidence a dû certainement venir à l'esprit du pieux Abbé Monsieur Humbert Pillet, qui était en 1852, Chanoine de la Métropole de Chambéry. Il était à cette époque précepteur des princes de la Maison de Savoie. Avec un ami Monsieur Jacques d'Orsel de Lyon, il conçut l'heureuse idée d'établir à Aix, une dévotion toute spéciale à Notre Dame des Eaux. Monsieur le Marquis d'Aix a bien voulu prendre part à l'oeuvre en cédant ses droits sur sa propre chapelle, qui était dédiée à Saint Martin, et qui touchait à la paroisse d'Aix. Ce fut cette première et antique Chapelle, qui servit de tout premier sanctuaire à la dévotion de Notre Dame des Eaux. L'inauguration en fut faite très solennellement le 27 Juillet 1856, par Monseigneur Marilley, Evêque de Lausanne et de Genève, et avec le concours de l'éloquent abbé Duquenay qui était à cette époque Chanoine de Notre Dame de Paris. Notre Dame des Eaux est donc bien chez elle à Aix. Observons maintenant toute la richesse de son vocable. L'eau est le symbole de l'abondance, et le principe de la fécondité dans la nature. Dans certains pays s'est conservé l'usage de bénir les sources et les fontaines, afin que leurs eaux soient plus salutaires et plus puissantes. Autrefois le prêtre parcourait sa paroisse, visitait les maisons de ses hameaux, bénissait solennellement les puits, prenant ensuite de cette eau, et la répandant dans les champs, il disait cette belle prière tirée des anciens rituels de l'Eglise de France : "Abaissez, nous vous en prions Seigneur, votre regard sur ces champs, et accordez-leur l'abondance de votre féconde rosée." "Amenez sur eux, en temps favorable, l'eau et les pluies de votre bénédiction." "Que la grêle, la tempête, l'inondation, l'inclémence du Ciel et aucune bête dangereuse ne leur nuisent, mais que la bénédiction de votre main descende sur eux avec abondance, les féconde, les engraisse, et leur fasse rendre cent pour un." Or ce que l'eau est encore dans l'ordre naturel, la très Sainte Vierge ne l'est-elle pas dans l'ordre surnaturel? Elle est le principe de la fécondité, et la source de la vie pour les âmes. Dans bien des passages des Ecritures, Marie se révèle comme Reine des Eaux. Parmi ces passages, celui de l'Ecclé siastique chap. XXIV, versets 30, 31, que les théologiens n'hésitent pas à appliquer à la Très Sainte Vierge. 30—Et moi, tel un canal dérivé d'un fleuve, et comme un conduit d'eau ayant son issue dans un jardin de plaisance; 31—J'ai dit "J'abreuverai mon jardin et je saturerai d'eau mon parterre", voici que mon canal est devenu un fleuve, et que mon fleuve est devenu une mer. Le nom de Notre Dame des Eaux, il faut y réfléchir, n'est pas toujours resté dans la pénombre. Dès les premiers siècles de l'Eglise, il a été mis en pleine lumière. Rien n'est plus commun dans l'histoire chrétienne que ces vocables qui font remarquer le grand pouvoir de Notre Dame sur les eaux du Ciel et de la terre. Par l'élément de l'eau on retrouve à travers toutes les appellations populaires, les vocables symboliques, ainsi que les très belles légendes qui se répètent de siècle en siècle, soit par la tradition orale, soit par la tradition écrite. Notre Dame de la Source, Notre Dame de la Fontaine, Notre Dame de la Citerne, Notre Dame du Puits, Notre Dame d'Etang. De nombreux chercheurs folkloristes, ont consacrés des études spéciales sur les cultes populaires des sources. Parmi les cultes préhistoriques, on sait que le culte des eaux tenait une place importante. Il se manifestait par des honneurs rendus par les populations païennes aux divinités des eaux. Les premiers évêques qui ont évangélisé nos pays d'Europe, ont chassé ces cultes préhistoriques, et ont exposé les raisons de la bienfaisante protection de notre Mère du Ciel comme souveraine des eaux. On retrouve dans certains anciens traités, les explications exposées clairement sur cette grande dévotion. Dans une partie importante de son ouvrage (le volume IX) Albert le Grand consacre un livre sur le développement des considérations qui font comparer Marie aux réceptacles d'eau qui la figurent. "De receptaculis aquarum! Quoe figurant Mariam!" Ce traité comprend à lui seul plus de vingt chapitres, et nous ne pouvons manquer d'en donner un sommaire résumé ici. Pour certains esprits cette nomenclature peut sembler naïve, mais elle nous paraît au contraire établie avec un caractère ferme, parce que son auteur s'est appuyé sur l'Ecriture et sur la tradition. Albert le Grand nous montre que Marie est la fontaine de miséricorde, le puits de bénédiction, le flot de notre sanctification, le fleuve de vie, le torrent de la grâce, l'eau sainte de la justice, l'étang des vertus, le courant qui nous apporte les dons de Dieu, le ruisseau qui purifie et féconde, le lac qui a reçu pour nous les grandes eaux de la tribulation, l'urne qui nous verse les célestes faveurs, la rigole qui communique avec celui qui est la source de tout bien, le canal qui nous transmet la grâce, la rivière qui nous conduit à Dieu, l'aqueduc dont l'eau nous rafraîchit, nous désaltère et nous enivre, le bassin où nous trouvons la pureté, la piscine où nous devons chercher la guérison, le réservoir qui répand sur nous la grâce au temps favorable, la veine, l'artère qui conduit en nous le sang et la vie du Christ, la source où il faut aller puiser la vertu de sainteté, la citerne dont l'onde fraîche apaise les ardeurs de la soif. On peut admirer le lyrisme, l'envolée de l'inspiration, à la hauteur du symbolisme marial d'Albert le Grand, ses comparaisons mystiques, mais il n'est pas le seul qui ait écrit pour l'extension de la dévotion à Notre Dame des Eaux. Jacques de Voragine le Bienheureux hagiographeltalien, né à Voragine près de Gênes, auteur de la Légende dorée, qui appartenait comme Albert le Grand à l'ordre des frères prêcheurs, composa dix sermons à la dévotion de Notre Dame des Eaux. Souvenons-nous également des sermons du grand Saint Bernard, et de ses comparaisons symboliques sur Notre Dame. Ne l'a-t-il pas présentée comme "l'aqueduc", parmi tant d'autres expressions imagées? Dans les très récents ouvrages du R. P. Hubert du Manoir, qui ont pour titre "Maria", (4 volumes éditions Beauchesne), on s'aperçoit que la Mère de Dieu s'est révélée dans l'Eglise sous différents aspects. Cela suivant les situations et les besoins des temps. Si la piété chrétienne elle-même a varié et évolué dans son expression suivant les différentes phases du christianisme, on peut observer que chaque siècle, a tenu à apporter sa fleur à la couronne des litanies de la Très Sainte Vierge, si l'on peut dire. Telle invocation que nous disons et redisons aujourd'hui avec plus ou moins d'indifférence, était pourtant une invocation très familière aux plus grands esprits de telle ou telle époque. Dans la nouvelle église d'Aix dédiée à Notre Dame sous le vocable de l'Assomption, si les exvoto ne couvrent pas les murs, ceux de la vieille église démolie auraient pu parler pour dire ce qu'ils avaient vu et entendu, s'ils avaient pu le faire. Si l'on avait pu écouter de vieux prêtres d'autrefois, témoins eux aussi de faits que l'on n'ose pas appeler miraculeux, alors on serait convaincu sur les merveilles de Notre Dame des Eaux. La Mère de Miséricorde a toujours été présente en cette mondaine ville thermale mais combien peu de personnes savent en séjournant à Aix, qu'un petit oratoire existe au dessus d'Aix, qu'il supporte une grande statue de Notre Dame des Eaux, et qu'il domine exactement la sortie de la plus grande source sulfureuse qui chaque jour est répandue sur les malades. Cet oratoire se trouve à environ un kilomètre du centre de la ville, il est dissimulé entre de vieux sapins qui lui font un beau décor. Quelques âmes pieuses y vont isolément en pèlerinage, et portent des fleurs. Pour ces âmes pieuses, Notre Dame n'est-elle pas ici la toute puissante et symbolique image de la Vierge qui domine l'étang de soufre? Près de cette statue de Notre Dame, existe en effet la place où ces sources jaillissent du sol. Elles vont porter la fraîcheur et la vie, ces eaux chaudes qui sortent de la terre en ébullition, et qui nous arrivent enrichies de toutes les propriétés des couches terrestres par où elles ont passé. Elles sont destinées à guérir nos douleurs physiques, et à rendre la souplesse et la santé à nos membres. Notre Dame veille sur toutes ces eaux de la terre, et à Aix des dizaines de sources se rejoignent, chaudes et froides. La Très Sainte Vierge se plaît à doubler quelquefois la puissance des forces surnaturelles. Elle accroît leur énergie et leurs propriétés, aide mystérieusement leur action bienfaisante, et leur communique une vertu merveilleuse. C'est pour montrer au monde qu'Elle est véritablement souveraine des eaux, que Marie quand Elle daigne apparaître aux hommes, choisit souvent pour théâtre de ses miracles, le bord d'une fontaine qui était parfois à sec. Elle donne à ses eaux, le pouvoir de guérir ceux qui la boivent avec foi. Notre Dame a prouvé sa puissance et sa souveraineté sur cet élément de l'eau, Elle en a fait un emblème et un symbole. Que le nom de Notre Dame des Eaux soit donc cher à tous les chrétiens, à tous ceux qui ont besoin de grâces, de consolation dans les détresses physiques et les blessures morales, de vie pour le corps et pour l'âme. Que cette dévotion soit le chemin de la guérison, pour tous les pauvres malades qui viennent à Aix, chercher un soulagement à de cruelles douleurs, et trouver de nouveau la force et la santé.
Honneurs et regards de l'Eglise sur Notre Dame des Eaux
Cette dévotion belle et touchante, n'a pas manqué d'attirer le regard de l'Eglise et de conquérir son glorieux patronage. Une confrérie sous le nom de Notre Dame des Eaux a été fondée à Aix en 1857. Le but charitable de l'oeuvre était de venir au secours des malades indigents. La fête patronale de cette Association était fixée au 2 Juillet, jour de la Visitation. Le Saint Père Pie IX lui avait accordé des indulgences. Les quatre autres fêtes de l'Association étaient : Notre Dame du Mont Carmel, le 16 Juillet, Notre Dame des Neiges, le S Août, Le dimanche dans l'octave de l'Assomption, La Nativité, le 8 Septembre. Pendant toute la saison thermale on célébrait chaque jour une messe spéciale.
La statue moderne de Notre Dame des Eaux dans l'Eglise d'Aix
Selon les renseignements de Monsieur le Curé, Chanoine Denarié, cette statue n'a pas une valeur artistique de premier ordre. Elle n'a même pas le mérite de l'antiquité. Pour notre appréciation personnelle il nous semble que le mouvement de la draperie de la robe ainsi que celle du voile, le geste du bras qui tient la coquille, de même que le geste du bras qui tient l'Enfant Jésus, dénote une Vierge du XVIIIe siècle. Il est fort possible qu'elle ait été offerte à la chapelle de Notre Dame des Eaux au moment de la fondation de la dévotion. Il serait pourtant intéressant de savoir si la Vierge de l'oratoire au-dessus d'Aix a précédée celle de l'Eglise?
Prière à Notre Dame des Eaux
O Marie, Mère de Miséricorde, source de vie et de douceur, du haut du Ciel où votre Fils vous inonde des ineffables délices de la gloire, fruit et récompense de vos inénarrables douleurs, daignez écouter nos voix suppliantes et nos gémissements; abaissez un regard maternel et compatissant sur les peines et les angoisses qui nous assiègent dans cette vallée de larmes. Nous buvons les eaux amères du torrent; nous vous en supplions, tempérez-en l'amertume par quelques gouttes des eaux douces et salutaires, puisées aux sources du Sauveur. Tout pouvoir vous est donné : les cieux vous obéissent. Commandez qu'ils s'ouvrent et laissent tomber sur nous, la rosée rafraîchissante des divines consolations. O bonne Dame des Eaux! vous êtes notre espérance : écartez de nous les dangereuses inquiétudes, les frayeurs exagérées, le noir du désespoir, les plaintes injustes, les murmures blasphémateurs. Nous sommes les enfants de vos douleurs, obtenez que, par notre résignation et notre confiance, nous méritions votre d'être un jour, les joyeux co-héritiers de votre gloire et de votre bonheur. Ainsi soit-il.
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