Les apparitions de l'Ile Bouchard
Les Apparitions de L'Ile-Bouchard
du 8 au 14 décembre 1947
Préface
Cet opuscule n'est qu'un essai historique de reconstitution des « faits de l'Ile-Bouchard » tels qu'ils sont présentés : I° Par Jacqueline Aubry, Nicole Robin, Laura Croizon, Jeanne Aubry dont la sincérité ne paraît pas douteuse ; 2° Par des témoins qualifiés de leurs gestes et de leurs paroles dans la semaine du 8 au 14 décembre 1947 : leurs parents, leur curé, leurs institutrices, des voisins, des compagnes ; 3° Par divers enquêteurs qui, pour la plupart, interrogèrent fillettes et témoins dans les six premiers mois de 1948. Dans sa concision voulue il ne vise qu'à la précision. Quand nous écrirons « les apparitions », « la Sainte-Vierge» « l'Ange », etc., nous ne ferons que citer les expressions des enfants. Nous n'entendons pas juger du caractère surnaturel des visions qu'elles affirment avoir eues ; nous n'abordons pas même l'étude de leur réalité objective. D'avance nous tenons à assurer de notre très respectueuse soumission l'Autorité Religieuse compétente qui portera, quand il lui semblera bon, jugement sur l'ensemble des dits faits.
Notes préliminaires
L'Ile Bouchard
En Touraine, dans l'arrondissement de Chinon, à 16 km. à l'est de la ville et à 42 km. au sud-ouest de Tours, une petite île de la Vienne, où s'élevait jadis, dès le Xe siècle peut-être, la forteresse d'un puissant féodal, « Bouchard », a donné son nom, en 1832, à une commune nouvelle qui rassembla deux agglomérations, sises chacune sur une rive : Saint-Gilles au nord, Saint-Maurice au sud. Deux agglomérations depuis longtemps et encore quelque peu rivales. La superficie de l'ensemble est minime : 280 hectares. Alentour la campagne est riche : des prés, des champs, des vignobles donnant un excellent vin rouge. La petite ville a 1 255 habitants : commerçants, artisans, petits rentiers, journaliers, paysans. Les esprits sont calmes. C'est le chef-lieu du canton. Chaque mardi, le seul jour d'animation, s'y tient la foire ou le marché. Sous une apparente indifférence religieuse, derrière le respect humain, la foi subsiste. Non seulement tous les enfants sont baptisés mais presque tous les moribonds reçoivent les derniers sacrements. On prie encore. Deux écoles libres groupent 75 élèves.
L'église Saint Gilles
L'église Saint-Gilles est classée monument historique. Le collatéral nord qui longe la route de Chinon à Sainte-Maure date, avec son magnifique portail, du XIe siècle. C'est la partie la plus ancienne. Il abrite la nef de la Sainte-Vierge. A la fin du XIXe siècle les voûtes en ont été refaites, et des chapelles intérieures furent appuyées au mur. La nef principale qui remplace la nef primitive est XIIe siècle avec le portail occidental et la tour du clocher. Elle a beaucoup souffert lorsqu'en 1880 on la recouvrit, elle aussi, de voûtes de briques. Les fenêtres romanes sont cependant restées intactes. Un vaste chœur à trois vaisseaux a remplacé, au XVe, le chœur ancien, les absides et les absidioles. Il est percé, sur ses trois côtés, de hautes baies à meneaux et à remplages. Son chevet est plat. Le troisième vaisseau, débordant la grand nef, élargit l'église vers le midi.
Quatre fillettes
Jacqueline Aubry est née le 28 septembre 1935. Elle est grande. Des yeux noirs pleins de franchise. Des cheveux noirs. Elle a bon cœur. Elle est expansive et ses réactions sont vives. A la maison elle aide volontiers sa mère et a l'habitude de servir au magasin. A l'école, bien que souvent étourdie et parfois bavarde, elle est troisième sur 6. Ses compagnes l'aiment pour son entrain et son bon caractère. Elle porte des lunettes à cause de sa myopie. Jeanne, sa soeur appelée communément Jeannette, est née le 9 février 1940. C'est une blonde aux yeux bleus, pâlotte, remuante, et de prime abord peu sociable. Contre les apparences elle est réfléchie, délicate dans ses sentiments ; et c'est souvent à bon escient que se ferme son visage. Avec les fillettes de son âge elle est gaie. A peine lit-elle couramment. Elle est un peu gênée par un défaut de prononciation. Leurs parents, M. et Mme Aubry, tiennent une petite pâtisserie rue Gambetta. Ils ont la foi mais pratiquent peu. Nicole Robin appartient à une famille de terriens qui exploitent au village du Pont, sur Panzoult. Elle est née le 15 septembre 1937. Sous les cheveux châtains le visage est placide mais le regard attentif. L'enfant a du bon sens, travaille bien mais parle peu. Elle est cousine de Jacqueline et de Jeannette. De ses parents il faut dire aussi qu'ils ont la foi mais pratiquent peu. Laura Croizon, née le 3 avril 1939, accuse moins que les autres sa personnalité. Plus petite elle est apparemment plus pouponne et fréquente encore le cours élémentaire à l'école. La frimousse est d'ordinaire souriante, voire câline. Les cheveux sont châtains. Elle a la réputation d'être mignonne. Elle habite rue Gambetta, face à la pâtisserie Aubry. Une vague religiosité seulement dans le milieu familial. Toutes les quatre sont en bonne santé. Toutes donnent, dans l'ensemble, satisfaction à leurs parents et à leurs institutrices. Mais rien jusqu'ici ne les a particulièrement signalées à l'attention générale.
1947 : L'année de tous les dangers
(d'après Bernard PEYROUS, Les Evénements de L'Ile-Bouchard, Editions de l'Emmanuel, 1997)
1.- Le contexte international
Les événements survenus en France en 1947 s'insèrent dans un cadre plus large : cette année-là a été dominée, tout le monde en convient, par la radicalisation de la situation internationale et le début de la vraie guerre froide. On a maintenant la preuve que du 22 au 27 septembre 1947, se tint en Pologne, une réunion secrète des représentants de neuf partis communistes européens : soviétique, bulgare, hongrois, polonais, roumain, tchécoslovaque, yougoslave, et en plus français et italien. Il s'agissait d'une reprise en main, par les Russes, de ces partis communistes, dans l'optique d'une lutte plus accusée contre le capitalisme. Ils étaient donc appelés à rentrer dans l'ordre et à engager la lutte.
2.- La situation française
L'année 1947 a été l'une des années les plus dures de l'histoire contemporaine de la France. Certains historiens l'ont appelée "l'année terrible"; on pourrait dire aussi : "l'année de tous les dangers". La France se trouvait alors dans une situation très difficile à plusieurs points de vue. Les premiers problèmes découlaient de l'état économique et social du pays. La guerre venait de se terminer, et elle avait laissé un pays partiellement détruit et ruiné. La reconstruction n'avait pas vraiment commencé, ou du moins on n'en voyait pas les effets. Le déficit de la balance commerciale doublait de 1945 à 1947. On ne voyait vraiment pas comment le pays pourrait repartir. Tout paraissait coincé de partout. Dans cette ambiance critique, le moral de la nation flanchait. Les trafics étaient considérables et le marché noir plus florissant que jamais. Les hommes politiques devaient non seulement tenter de résoudre les difficultés internes, mais aussi externes (en Algérie, en Indochine, à Madagascar, au Maroc). Par ailleurs, devant la nouvelle politique russe, le parti communiste amorça un virage décisif. Durant les premiers mois de 1947, les parlementaires communistes s'opposent ouvertement à la politique du gouvernement dans beaucoup de domaines. Le 2 octobre, au vélodrome d'hiver, Maurice Thorez, secrétaire général du P.C.F., déclara que le moment était venu "d'imposer un gouvernement démocratique où la classe ouvrière et son parti exercent enfin un rôle dirigeant". Les grèves se déclenchèrent de tous les côtés. On arriva rapidement à trois millions de grévistes. Les voies ferrées furent bloquées. La situation économique et sociale se détériora encore. Mais ce qui fut plus important encore, ce fut la violence du conflit. On peut citer quelques exemples : des centraux téléphoniques furent attaqués à Montmartre et Marcadet à Paris, ainsi qu'à Béziers ; le 29 octobre, une véritable bataille rangée opposa les forces de l'ordre aux militants communistes dans les rues de Paris ; le déraillement provoqué de l'express Paris-Tourcoing, le 3 décembre, causa 21 morts. Durant cette période, il n'y eut pas moins de 106 condamnations pénales pour sabotage. L'état d'esprit était au conflit décisif. Les esprits étaient très montés jusque dans les sphères dirigeantes.
3.- Le revirement de décembre 1947
En quelques heures, tout va basculer dans le sens de l'apaisement et de la paix civile. Le général Maurice Catoire écrit dans son journal : "A 20 heures (ce mardi 9 décembre 1947), la radio nous annonce la capitulation du Comité National de Grève et l'ordre donné à tous, dans la France entière, de reprendre le travail normal.". Benoît Frachon, secrétaire général de la C.G.T., avait eu assez d'influence pour convaincre ses camarades d'arrêter brusquement le conflit. Que se serait-il passé s'il n'y avait pas eu cette décision ? Il est difficile de le savoir. Le gouvernement serait passé à l'offensive sur un certain nombre de fronts, car il ne pouvait plus faire autrement. Il y aurait eu forcément des affrontements armés. Jusqu'où auraient-ils été ? Y aurait-il eu une véritable guerre civile ? Cela est assez probable. Jules Moch lui-même, le ministre de l'Intérieur, estimait que son plan d'action était "désespéré". On était donc dans une perspective de conflit armé.
Extraits du 1er chapitre du livre Les Evénements de L'Ile-Bouchard de Bernard PEYROUS aux Editions de l'Emmanuel, 1997. Avec la permission de l'auteur.
Le contexte des apparitions
1.- Le contexte international
L'année 1947 a été dominée, tout le monde en convient, par la radicalisation de la situation internationale et le début de la vraie guerre froide. Les événements survenus en France s'insèrent dans ce cadre. [...] Qu'est-ce qui se préparait ? [...] En fait, l'Union Soviétique et ses dirigeants se sont sans doute crus investis d'un messianisme qui les poussait à croire qu'ils allaient, en relativement peu de temps, répandre le communisme dans le monde entier, mettant ainsi en application les enseignements de Lénine. Ce n'était plus pour eux qu'une question d'années, à condition d'y mettre le prix, sans regarder nullement aux conséquences humaines d'une telle entreprise. On sait du reste que, en interne, aucune considération de cet ordre n'était intervenue quand il s'était agi d'imposer le marxisme en Russie ou ailleurs. Les récentes découvertes d'archives semblent bien montrer que Staline espérait un jour attaquer les Nazis dans le dos, puis pousser ses armées jusqu'en Europe occidentale. [...] L'Union Soviétique terminait la guerre épuisée et elle avait besoin d'un temps pour se refaire et digérer ses nouvelles conquêtes. Mais elle pouvait nourrir l'espoir de mettre assez vite la main sur une Europe divisée et affaiblie. En effet, à Yalta, Roosevelt avait affirmé à Staline la nécessité pour les États-Unis de ramener rapidement outre-Atlantique leurs forces armées une fois la guerre finie : l'opinion publique américaine ne pouvait accepter leur présence durable au-dehors. Les États-Unis acceptèrent aussi que l'Union Soviétique s'agrandisse, au lendemain de la guerre, de territoires pris à l'Allemagne, à la Pologne, à la Roumanie, etc.., sans parler des Pays Baltes, le tout formant un ensemble plus étendu que la France. Aucune consultation des populations n'eut lieu. Au procès de Nuremberg, aucune allusion ne fut faite au pacte germano-soviétique et au dépeçage de la Pologne. Tout semblait oublié. [...] Tout cela était comme un encouragement pour l'U.R.S.S. Staline pouvait ainsi calculer que, au bout de quelques années, l'Europe n'étant plus défendue militairement par les Américains, tomberait dans ses mains comme un fruit mûr. [...] De fait, les Alliés commencèrent, une fois l'Allemagne vaincue, un désarmement rapide et le retrait de leurs troupes vers leurs pays d'origine. Les grands programmes d'armement furent interrompus pour la plupart. A l'inverse, l'Union Soviétique ne désarma pas au même rythme. Sa production militaire demeura à un niveau élevé. Elle se lança dans la recherche de nouvelles armes, recherche qui aboutit très rapidement. Nous avons maintenat beaucoup d'informations sur ces points. Dès 1943, les Russes avaient entrepris des recherches sur l'arme atomique. Elles n'avaient pas abouti. Grâce aux savants allemands récupérés et à un excellent espionnage, l'Union Soviétique était dotée de sa première bombe en 1949. Dans le même temps et grâce aux mêmes procédés, on commençait la fabrication de fusées, fabrication qui allait s'accentuer dans les décennies suivantes. L'arme aérienne était complètement renouvelée. Quand en Corée les pilotes américains se trouveront en face des MIG 15, ils se heurteront à une flotte aérienne supérieure, sans aucune comparaison possible, en matériel et aussi en entraînement, à celle de la fin de la guerre. Ajoutons que les services de renseignement russes, qui n'avaient pas très bien réussis, pendant la guerre, avec les Nazis, avaient par contre remarquablement infiltrés les États-Unis, l'Angleterre, et sans doute la France. De ce côté les archives nous apportent sans cesse des informations nouvelles. Les Russes lisaient à livre ouvert leurs adversaires, alors que l'inverse n'était pas vrai. Mais il est vrai aussi que le système mental des chefs soviétiques aboutissait souvent à lire ces informations à contresens. [...] Churchill ne s'était pas trompé sur ce qui se passait en réalité. Le 5 mars 1946, il prononçait à l'Université de Fulton, dans le Missouri, un discours dans lequel il disait : "De Stettin, dans la Baltique, à Trieste, dans l'Adriatique, un rideau de fer est descendu à travers le continent." Dean Acheson, principal conseiller de Truman, disait au Président des États-Unis le 27 février 1947 : "Si les Russes font un pas de plus, nous ne pourrons plus les arrêter… Après la Turquie, ce sera la Grèce, l'Italie… Quant à la France, les Russes n'ont qu'à secouer la branche à l'heure qu'il leur plaira pour récolter le fruit. Avec quatre communistes au gouvernement, dont un à la Défense nationale, avec des communistes à la tête des administrations..., la France est mûre pour tomber sous la coupe de Moscou." De Gaulle parlera de son côté, à Rennes, le 27 juillet, d'un " bloc de près de 400 millions d'hommes dont la frontière n'est séparée de la nôtre que par 500 km... " [...] Au début de 1947, le gouvernement américain suspendit la démobilisation et amorça un réarmement. On craignait tant une guerre que le gouvernement anglais lui-même, pourtant très conscient des limites de ses forces, décida, le 21 mai 1947, le rétablissement du service militaire obligatoire. [...] La prise de conscience de la menace soviétique sur ces deux pays [la Grèce et la Turquie] constitua un élément essentiel de la nouvelle évaluation de la menace de la part des Américains. En outre, Truman, d'abord très hostile à tout ce qui était activités de renseignement, se rendit compte peu à peu de l'avance soviétique en ce domaine, et constitua en 1946 le CIG (Central Intelligence Group), ancêtre de la CIA. Dans ce contexte intervint un événement décisif. Devant la situation économique catastrophique de l'Europe, le Secrétaire d'État Marshall, prononça à l'Université de Harvard, le 5 juin 1947, un discours proposant un plan de reconstruction économique de l'Europe, plan qui devait prendre son nom. En effet, si on laissait la situation économique se dégrader, on risquait d'aller droit à des troubles majeurs. Le plan était proposé aussi aux Pays de l'Est. C'était une dernière chance d'éviter le conflit bipolaire et la scission en deux blocs. Staline hésita à l'accepter. Mais y souscrire revenait à admettre un certain contrôle des Etats-Unis à l'intérieur des pays de l'Europe de l'Est. Cela rendrait la mainmise russe plus délicate. Il le refusa donc. Dès lors, on entrait dans une phase de radicalisation. Le gouvernement russe décidait de couper tout lien avec l'ouest, et allait s'engager dans une nouvelle étape du réarmement. [...] la priorité devait être donnée à l'industrie lourde et à l'orientation vers une économie liée à la guerre. Il y eut là une orientation décisive. La mainmise sur les pays d'Europe centrale s'accentua. Celle-ci se traduisit par la prise en mains à peu près totale des communistes sur la Roumanie, puis sur la Bulgarie, puis sur la Hongrie, puis sur la Pologne, en attendant la Tchécoslovaquie l'année suivante. C'est dans ce contexte que se tint, du 22 au 27 septembre 1947, dans la petite station touristique polonaise de Szlarska Poreba, une réunion secrète des représentants de neuf partis communistes européens : soviétique, bulgare, hongrois, polonais, roumain, tchécoslovaque, yougoslave, et en plus français et italien. Nous sommes maintenant renseignés sur ce qui s'y passa. Il s'agissait d'une reprise en main, par les Russes, de ces partis communistes, dans l'optique d'une lutte plus accusée contre le capitalisme. [...] Le monde (dit Jdanov, troisième secrétaire du PCUS) était maintenant divisé en deux camps absolument antagonistes. Plus aucune alliance n'était possible avec les autres partis politiques de gauche. Il fallait combattre à fond le nouvel ennemi : l'impérialisme américain. Ce discours fut suivi d'une violente diatribe contre les partis politiques français et italien qui, en s'alliant avec d'autres partis de gauche, avaient cédé au "crétinisme parlementaire" et " oublié " de prendre le pouvoir en 1944-1945. Ils étaient donc appelés à rentrer dans l'ordre et à engager la lutte. [...] On passait ouvertement à une situation de conflit.
2.- La situation française
L'année 1947 a été l'une des années les plus dures de l'histoire contemporaine de la France. Certains historiens l'ont appelée "l'année terrible"; on pourrait dire aussi : "l'année de tous les dangers". La France se trouvait alors dans une situation très difficile à plusieurs points de vue. Les premiers problèmes découlaient de l'état économique et social du pays. La guerre venait de se terminer, et elle avait laissé un pays partiellement détruit et ruiné. La reconstruction n'avait pas vraiment commencé, ou du moins on n'en voyait pas les effets. Les communications demeuraient très aléatoires, le manque d'argent était criant, et la production était réduite. En outre, l'hiver très dur de 1946-1947 nécessita d'une part de grandes quantités de charbon, et, d'autre part, détruisit par le gel une partie importante des récoltes. En un an, les prix de détail doublèrent. Pour pouvoir continuer à fonctionner, les entreprises publiques augmentèrent leurs tarifs dans des proportions considérables. [...] La production s'effondra. [...] La crise toucha l'alimentation elle-même. Comme durant la guerre, les cartes de rationnement existaient encore, mais elles ne permettaient d'obtenir que des quantités encore inférieures. [...] On ne trouvait plus de céréales en France. [...] Les boulangeries furent fermées d'autorité trois jours par semaine. [...] On était à la merci d'une catastrophe. Le pays ne vivait plus qu'en achetant des céréales et du charbon aux États-Unis, utilisant pour cela ses dernières réserves monétaires. Le déficit de la balance commerciale doublait de 1945 à 1947. Le stock d'or était presque épuisé : il passa de 1600 tonnes en 1944 à 400 en décembre 1947. On ne voyait vraiment pas comment le pays pourrait repartir. Tout paraissait coincé de partout. Le sous-secrétaire d'État américain au Trésor, William Clayton, envoyé par le Président Truman se rendre compte de la situation en Europe, reviendra effrayé aux États-Unis. La France, l'Angleterre, l'Italie, sont au bord de l'effondrement. [...] Dans cette ambiance critique, le moral de la nation flanchait. On en a de multiples preuves. D'abord, les trafics étaient considérables et le marché noir plus florissant que jamais. [...] Vincent Auriol écrivait le lundi 15 septembre 1947: "Ramadier vient me voir et il reconnaît que la diminution de la ration de pain est grave et risque de provoquer des conflits même sanglants... Le scepticisme s'est transformé en profond découragement et même en pessimisme noir... manque de confiance de la population... Tout le monde est mécontent." La situation politique intérieure ne facilitait pas les choses. [...] Le 16 janvier 1947 le socialiste Vincent Auriol avait été élu Président de la République. Le système politique reposait, au début de 1947, sur le partage du pouvoir entre trois partis : la SFIO socialiste, le MRP chrétien et le Parti Communiste, qui participait au gouvernement. Les hommes politiques devaient non seulement tenter de résoudre les difficultés internes, mais aussi externes (en Algérie, en Indochine, à Madagascar, au Maroc). [...] Devant la nouvelle politique russe, le parti communiste amorça un virage décisif. Les parlementaires communistes venaient de voter les crédits militaires. Or, le 18 mars 1947, le propre Ministre de la Défense Nationale, le communiste François Billoux, refusa de rendre hommage aux combattants d'Indochine, et resta assis à son banc de ministre. Il s'ensuivit à la Chambre les remous que l'on devine. Le même jour, Jacques Duclos annonçait que le PCF rejetait la politique indochinoise de Paul Ramadier. Aussitôt, les grèves commencèrent. Le 25 avril, les ouvriers de Renault se mettaient en grève contre le blocage des salaires. Le 1er mai, Maurice Thorez se désolidarisait de la politique salariale du gouvernement, auquel il participait cependant. La fin de l'année fut terrible. L'expulsion des communistes du gouvernement par Ramadier, le 5 mai 1947, officialisa le conflit. Le 2 octobre, au vélodrome d'hiver, Maurice Thorez déclara que le moment était venu "d'imposer un gouvernement démocratique où la classe ouvrière et son parti exercent enfin un rôle dirigeant". Les grèves se déclenchèrent de tous les côtés. On arriva rapidement à trois millions de grévistes. [...] Les voies ferrées furent bloquées. La situation économique et sociale se détériora encore. Mais ce qui fut plus important encore, ce fut la violence du conflit. Des centraux téléphoniques furent attaqués à Montmartre et Marcadet à Paris, ainsi qu'à Béziers. Le 29 octobre, une véritable bataille rangée opposa les forces de l'ordre aux militants communistes dans les rues de Paris. Le 12 novembre, la CGT lança une opération sur la mairie de Marseille dont le maire gaulliste, Me Carlini, injurié dans les termes "d'Hitler, fumier, saloperie", faillit être défenestré, et ne dut son salut qu'à sa démission et à son départ en ambulance. Quelques jours après, le bassin minier du Nord et du Pays de Calais entrait à son tour en grève. Le directeur adjoint des Houillères, Léon Delfosse, communiste, prenait la tête du mouvement, et assomma même un non gréviste à coup de marteau. Puis l'ensemble des bassins miniers, la métallurgie, les arsenaux, interrompaient le travail. En quinze jours, 97 sabotages furent commis. Le déraillement provoqué de l'express Paris-Tourcoing, le 3 décembre, causa 21 morts. Durant cette période, il n'y eut pas moins de 106 condamnations pénales pour sabotage. [...] L'état d'esprit était au conflit décisif. Le maire communiste d'une ville ouvrière du Gard témoigne : "Les grèves de 1947 ont été terribles. C'était une lutte armée… Les mineurs avaient gardé l'esprit maquisard... Nos gars rêvaient toujours à la libération ; ils croyaient que la révolution allait venir. Pour nous, les responsables du Parti, c'était très difficile de contenir nos camarades. Ils étaient prêts à tout foutre en l'air... Les socialistes étaient au ministère. C'était une vraie guerre entre les socialistes et nous." Tous les ouvriers ne suivaient pas. "On en arrivait, dit un historien, à une sorte de guerre civile à l'intérieur de la classe ouvrière". Les esprits étaient très montés jusque dans les sphères dirigeantes. A la Chambre, les députés communistes lançaient une offensive verbale extrêmement violente contre la SFIO et le MRP. Jacques Duclos [...] affirmait que Robert Schuman (résistant au nazisme) était un "ancien officier allemand, un boche". [...] De son côté, Léon Blum déclarait : " Le danger est double, le communisme international a ouvertement déclaré la guerre à la démocratie française." [...] Claude Mauriac écrit de son côté : "Nous sommes à la veille d'une totale interruption de la vie du pays, par suite des grèves, à la veille aussi de la chute définitive du franc ; peut-être d'une insurrection communiste. Nous connaissons une angoisse proche de celle des pires jours de l'occupation". Beaucoup d'hommes politiques cessent de dormir chez eux. [...] Le Cardinal Suhard, archevêque de Paris, écrivait le 25 novembre : "L'ampleur des grèves met en cause la vie même de la nation. " Un vent de folie, de violence et de peur souffle sur le pays. Tous les jours, la situation s'aggrave et se tend. Les esprits favorables à l'apaisement sont rares. [...] Dans cette tourmente, la France eut la chance de pouvoir compter sur des esprits sérieux et décidés. Ce fut le cas du Président du Conseil Robert Schuman (1886-1963), qui resta au pouvoir de novembre 1947 à juillet 1948. Cet homme doux et pacifique avait aussi une forte conviction intérieure, et il avait décidé de ne pas céder. Dans une autre optique philosophique, son collègue socialiste Jules Moch (1893-1985) fut Ministre de l'Intérieur de 1947 à 1950, et il décida lui aussi de résister. On s'achemina donc vers une véritable politique de défense. Mais elle comportait des risques d'effusion de sang de tous les côtés. [...] La mobilisation de 80 000 réservistes fut organisée. [...] On fut obligé de dissoudre onze compagnies de C.R.S. considérées comme peu sûres. [...]
3.- Quelques réflexions
En quelques heures, tout va basculer dans le sens de l'apaisement et de la paix civile. Maurice Catoire écrit : "A 20 heures (ce mardi 9 décembre 1947), la radio nous annonce la capitulation du Comité National de Grève et l'ordre donné à tous, dans la France entière, de reprendre le travail normal." [...] Benoît Frachon, secrétaire général de la C.G.T., avait eu assez d'influence pour convaincre ses camarades d'arrêter brusquement le conflit. Que se serait-il passé s'il n'y avait pas eu cette décision ? Il est difficile de le savoir. Le gouvernement serait passé à l'offensive sur un certain nombre de fronts, car il ne pouvait plus faire autrement. Il y aurait eu forcément des affrontements armés. Jusqu'où auraient-ils été ? Y aurait-il eu une véritable guerre civile ? Cela est assez probable. Jules Moch lui-même estimait que son plan d'action était "désespéré". Il ne pensait donc pas la partie gagnée à l'avance. [...] On était donc dans une perspective de conflit armé. Cette guerre civile ne se serait-elle pas étendue à l'Italie où le PCI était dans une situation similaire et contrôlait des régions entières, comme les Marches ? Une seconde chose peut être dite. Elle concerne un personnage que nous n'avons pas encore fait intervenir dans le débat. Il s'agit de Dieu. Dieu agit en général dans le monde de deux manières. D'abord, il soutient et inspire les hommes de bonne volonté. Dans le cas qui nous occupe, nous rangerions dans cette catégorie Jules Moch, et même Benoît Frachon, lorsqu'il poussera à l'arrêt de la grève. Puis Dieu agit à travers des hommes qui le reconnaissent comme leur Seigneur, lui donnent leur vie, acceptent d'être ses témoins et ses agents dans le monde. Il y en a aussi chez les hommes politiques et chez les hauts responsables. [particulièrement Robert Schuman et Edmond Michelet] [...] Le 28 novembre, le général Leclerc a disparu tragiquement dans un accident d'avion. Toute sa vie, la maréchale Leclerc considérera qu'il a donné sa vie pour la France et qu'il avait vraiment vécu une expérience de sainteté. Ses obsèques nationales ont lieu le 8 décembre à Paris, et émeuvent profondément toute la nation. [...] Cachée dans sa ferme du hameau des Mouilles, à Chateauneuf-de-Galaure, une mystique dont la cause de béatification est [...] introduite, Marthe Robin prie pour son pays. Le 8 décembre 1947 au matin, son confesseur, le Père Georges Finet, monte chez elle et lui dit : Marthe, la France est foutue (sic). Nous allons avoir la guerre civile. - Non mon Père, répond Marthe. La Vierge Marie va sauver la France à la prière des petits enfants.
En début d'après-midi, en Touraine, commencent les événements de L'Ile-Bouchard.
Lundi 8 décembre 1947
Le lundi 8 décembre 1947, à l'Ile-Bouchard, rue Gambetta, vers 12 h. 50, Jacqueline, Jeannette et Nicole s'en vont vers l'école. Il fait froid. Un froid sec. Pas de soleil au ciel. Les deux sœurs portent tablier noir et vareuse marron à poignets noirs. Le pantalon de ski de Jeannette descend jusqu'aux chevilles. L'aînée a sur la tête une tresse en tissu marron et un châle en pointe crème, piqué de fleurettes rouges et bordé de vert, noué sous le menton. La plus petite, une capuche bleue nouée sous le menton également. Nicole est coiffée, elle, d'un bonnet à trois pièces bleu marine, en laine tricotée. Par dessus son tablier à carreaux bleus et blancs, une vareuse de laine, verte, à rayures rouges. Toutes les trois ont chaussé leurs brodequins d'hiver. En commun elles ont pris le repas de midi chez M. et Mme Aubry (NB Les jours de classe Nicole déjeune chez ses cousines)Abordant la rue de la Liberté, à vingt mètres environ de la maison, elles décident d'entrer, sur la proposition de Jacqueline, dans l'église Saint-Gilles, qui s'élève un peu en retrait sur la gauche. Souvent, d'ailleurs, les enfants y entrent pour prier, la grande surtout. Le matin, la religieuse, directrice de l'école, avait invité ses élèves à prier pour la France. La classe ne commence qu'à 13 h. 30. S'étant signées avec l'eau bénite, près la grande cuve de pierre, ayant fait la génuflexion, les enfants montent, non pas l'allée de la nef, mais l'allée du bas-côté. Devant la statue de Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus dressée contre le mur nord, derrière l'antique portail, elles s'arrêtent. Debout, elles récitent un Je vous salue Marie puis vont s'agenouiller sur les premiers prie-Dieu, à leur droite, côté épître, devant l'autel que domine la statue de Notre-Dame des Victoires. Jeannette est au bord de l'allée ; Jacqueline près de l'harmonium ; Nicole, entre elles deux. Pour la fête de l'Immaculée Conception, célébrée avec moins de solennité que les années précédentes, l'autel est sobrement décoré. Sur le rétable, de chaque côté du tabernacle vide, deux bouquets de fleurs en papier : des lys blancs en avant et des roses. Sur le pavé, à droite et à gauche, deux sellettes portent des phormiums. Un signe de croix et immédiatement les trois fillettes récitent, sans énoncer d'ailleurs aucun mystère du rosaire, une dizaine de chapelet, suivie du Gloire au Père et de l'invocation O Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à Vous. Jeannette seule a son chapelet. Les deux autres comptent les Ave sur leurs doigts.« Alors, écrira Jacqueline, je vis tout à coup, à ma gauche, entre le vitrail (NB Ce vitrail représente l'apparition de Notre-Dame de Lourdes. Un petit médaillon, sous la Vierge, représente l'Annonciation. Ce médaillon, les enfants ne l'avaient jamais remarqué, disent-elles.) et l'autel, une grande lumière vive et non éblouissante au milieu de laquelle apparut une belle Dame se tenant dans une grotte et ayant à sa droite un Ange. » Je pousse du coude Nicole : « Regarde donc ! » Nicole et Jeannette cherchaient à ce moment, sur les dalles, le porte-chapelet de la benjamine. Les deux enfants relèvent la tête. « Oh ! » s'exclament-elles portant simultanément la main devant leur bouche. Elles regardent stupéfaites. Puis Nicole : « O la belle Dame ! » - « O le beau Ange ! » « O le beau Ange ! » fait Jeannette qui, joignant les mains, s'assied sur sa chaise. « O le beau Ange ! »Après quelques minutes, quatre ou cinq selon leurs dires, elles sortent précipitamment, comme saisies de crainte, se retournant cependant pour admirer. « Elle y est encore », dira Jeannette, au fond de la nef de la Sainte-Vierge. Les enfants sont dans la rue. Elles communiquent la nouvelle à Monique Clément, une amie, et l'invitent à venir voir. « Je n'ai pas le temps », répond Monique qui va faire une course. Au détour de la rue, voici d'autres compagnes de classe, Sergine et Laura Croizon, deux sœurs. Elles aussi ont leur tenue habituelle d'écolière. Laura porte un tablier gris et une vareuse bleu marine foncée. Sur la tête une capuche en croisé retombant en forme de grand col sur les épaules. Le fond crème foncé est orné de ramages d'un rouge lourd. « Vous ne savez pas ? On a vu une belle Dame dans l'église. »« Allons voir ». La troupe s'engouffre sous le vieux portail roman. On se dirige immédiatement vers le bas-côté. Et l'on marche très vite, « si même on ne court pas ». Jacqueline, Nicole et Jeannette, du fond de la nef, aperçoivent le merveilleux spectacle. A la hauteur de la statue de Sainte-Thérèse de l'Enfant-Jésus, la petite Laura, qui fonçait tête baissée, levant alors les yeux s'écrie : « Je vois la belle Dame et un Ange ! » Les fillettes s'approchent. Elles s'arrêtent, « en tas », debout, devant le premier rang de prie-Dieu. « Tu la vois la belle Dame ? » glisse Jacqueline à Sergine. « Non, je ne vois rien. » Nicole : « Mais dans le coin, là, devant toi. » Sergine ne verra pas. A toutes, la dame souriait, diront celles qui voyaient ; spécialement à Jeanne la benjamine. Heureuses, muettes, sans se lasser elles regardent. Voici d'après leurs témoignages - des témoignages plus ou moins explicites, s'entre-éclairant, se complétant les uns les autres, se renforçant - comment peut être décrite l'apparition. Nous citons volontiers leurs mots. Nous rassemblons les détails qu'elles ne précisèrent pas tous en ce premier jour mais seulement au fur et à mesure qu'elles eurent le loisir d'observer mieux ou de parler davantage au cours de la semaine et même plus tard. Les dimensions, qu'elles ne surent donner que par comparaisons, nous les exprimons ici en chiffres. A cette analyse minutieuse les enfants n'avaient point songé. Il fallut, au nom d'une curiosité exigeante peut-être, mais légitime, leur poser maintes questions. Tout est lumière, « grande lumière », « vive », « brillante », « éclatante » mais non éblouissante. La Dame est « belle », « gracieuse », « élégante ». « Elle paraît jeune ». Son âge ? « Seize à dix-sept ans ». Sa taille ? « Comme Mademoiselle Vallée », soit 1m.63. Son visage ? « brillant », « joli », aux traits réguliers, « allongé ». Son teint ? « blanc rosé ». Son front ? « moyen » un peu plus pâle que les joues. Ses yeux ? « bleus ». Ses sourcils ? « comme un trait ». Le nez ? « fin et long », il faut traduire effilé. La bouche ? « petite », au lèvres fines et à peine entr'ouvertes ». Le menton « arrondi ». Ce visage livre une âme. Sa beauté est faite de « bonté », de « douceur », deux mots qui reviennent sans cesse. Il respire « le bonheur ». Il y a du « sourire d'un enfant » dans son très discret sourire. Ici les fillettes touchent l'inexprimable. Sur la tête un voile blanc « non transparent » d'une étonnante blancheur. Toutes les couleurs de la terre leur paraissent d'un pâle éclat auprès des couleurs qu'elles voient. Sous le voile, au sommet du front apparaissent « quelques cheveux blonds ». « Ils forment pointe » et semblent « commencer une raie ». En longues « boucles anglaises », ils retombent « par devant », « jusqu'aux genoux » à peu près. Le voile de la Dame couvre les oreilles, cache les épaules et descend « sans raideurs », largement ouvert, jusqu'au bas de la robe. Il est orné en bordures - des bordures « ondulantes » - de légers motifs brodés que les enfants, sur demande expresse, ont pu dessiner. Ce sont, alternant, des S superposés, de 0 m.06 environ, l'un au naturel, l'autre inversé. (Note : Un historien local a fait remarquer que l'on retrouve cette décoration du voile dans les vieilles dentelles tourangelles du XVIe et du XVIIe.) La robe « brillante » est aussi « d'une étonnante blancheur ». A partir de la taille, elle va s'élargissant, formant sur les pieds « nus » qui sont apparents par devant, de nombreux « godets ». Des bandes d'or, « brillant », larges de 0 m. 02, semble-t-il, bordent « le col arrondi, juste au bas du cou » et les manches vagues qui dégagent nettement le poignet. En ceinture un ruban « bleu ciel » « un peu foncé », large de 0 m. 12, « noué sur le côté gauche ». Les deux pans étalés s'écartent et descendent jusqu'à hauteur du genou « à peu près ». Elles sauront parfaitement le reconstituer tel quel. Une brise dont elles ne sentent pas le souffle le fait « trembler », « voltiger » légèrement. Dans la pose liturgique traditionnelle - ici le geste des enfants - la Dame joint sur la poitrine ses deux mains « bien droites, au milieu ». Les doigts sont longs et fins. « Oh ! elles étaient jolies ses mains ! » A son bras droit est passé un long chapelet dont le crucifix « grand comme le vôtre, ma Soeur » (NB C'est le crucifix que portent à leur chapelet les soeurs de Sainte-Anne de la Providence, de Saumur.) et la monture sont d'or brillant, dont les « gros grains » « pas lisses », renflés, sont eux aussi « très blancs », « d'une étonnante blancheur » et « brillants ».Tout autour, émanant d'Elle, « une lumière jaune-or », immobile, dont le rayonnement affleure, déborde même ici ou là l'embrasure de la grotte « sauf sous les pieds ». Cette grotte, malgré les aspérités de son seuil, a sensiblement la forme d'une baie à plein-cintre. Sa hauteur ? 2 mètres environ ; sa largeur ? « comme cette porte-ci ». La porte a 0 m. 65. La Dame est légèrement détachée de l'âpre fond qui apparaît derrière Elle, « doré ». Sur l'intense lumière qui inonde la cavité, les enfants insistent beaucoup. Les pieds de la Dame sont posés sur une « grosse pierre » régulière, « rectangulaire », d'un « brun marron » comme le rocher. Le brun marron clair du faux-bois « un peu comme ce buffet ». Par devant, sur la surface unie qui accuse l'épaisseur - 0 m. 15 environ - une tige porte, très proches les unes des autres, cinq roses « d'un joli rose » plutôt foncé, mais sans parfum. La plus grosse au centre, « la plus lumineuse » a le volume du poing de Jacqueline. Les autres, dont la grosseur progressivement décroît, suivent approximativement la courbe d'une demi-ellipse. Chaque extrémité de la tige s'incurve soudain, ramenant vers les foyers une feuille dont la pointe s'appuie sur le dessus de la pierre. Entre chaque rose d'ailleurs, des feuilles. Un dessin de la « guirlande » sera exécutée sur leurs indications Au dessous, sur le rocher même, en deux lignes sensiblement parallèles à la courbe formée par les cinq roses, cette invocation dont les lettres peuvent avoir 0 m. 07, d'un « or brillant », « brillant comme les bordures de la robe et du voile » : O Marie conçue sans péchés, priez pour nous qui avons recours à vous. A 0 m. 40 ou 0 m. 50 sur la droite de la Dame et à une quinzaine de centimètres plus bas qu'Elle, la contemplant, un Ange, genou droit au sol, buste dressé. Son « beau » et « fin » visage de profil porte une vingtaine d'années. Œil « bleu » « plutôt grand », nez effilé, bouche « petite ». Des anglaises blondes descendent sur ses épaules, se partagent sur la poitrine et dans le dos. Par devant, elles recouvrent l'avant-bras gauche dont la main est posée « sur le coeur », en diagonale, le pouce uni aux doigts. La main droite, fermée, serre une tige de lys blancs. Trois fleurs sont ouvertes, deux de profil, celle du milieu de face ; trois boutons la terminent. Cette tige, droite, qui porte quelques feuilles et dont l'extrémité apparaît sous le poing fermé, peut avoir 0 m. 40 environ. Jeannette en montrera un jour une semblable, l'éclat en moins. L'Ange a des ailes blanches, « couleur de lumière » et dorées au pourtour. De proportions modestes : l'arrondi du sommet ne dépasse pas le cou ; la pointe rejoint le talon droit que l'on devine sous la robe. Elles sont faites de « petites plumes », « très fines », « brillantes partout », qui vibrent sous l'imperceptible brise. Sa longue robe sans ceinture est d'un « blanc rosé ». Le col est arrondi comme celui de la Dame ; mais les manches moins ouvertes que les siennes. C'est une description admirative, que font les fillettes de l'Ange. Le tressaillement des fines plumes sur les ailes provoque encore leurs exclamations. Sur un fond de lumière, sans qu'apparaisse le roc derrière lui, il se détache, lumière lui aussi, éclairant vivement la voûte assez étroite qui le domine, la pierre plate sur laquelle il est posé et quelques blocs alentour. De cette pierre à la voûte il y aurait 1m.30 à peu près. Sa hauteur, agenouillé, serait de 1 m. 10 environ. Le rocher léger qui porte les deux personnages ne touche pas le sol : Du côté de l'épître en effet la sellette de bois et le tombeau de l'autel sont en partie visibles. Dans ses contours un peu flous, il se découpe ainsi sur les murs de l'église : Base à peu près rectiligne « à la hauteur de cette table-ci », soit 0. m 75 au-dessus du dallage ; sommet plutôt « arrondi » ; côté gauche « ébréché » ; côté droit « plus ébréché » encore. Sa largeur entre le meneau du vitrail et la statue de Notre-Dame des Victoires est de 3 m. 25 ; sa hauteur approximative, de 3 m. 50. La Dame se trouve presque dans l'angle nord-est du chœur, un peu à droite cependant, vers l'autel, les pieds à 1 m. 15 du sol. Joue sur les pierres une riche gamme de nuances brunes. Selon la lumière diffusée par la Dame et par l'Ange : une vive clarté au centre et sur la gauche, des clartés atténuées vers le sommet, des ombres de plus en plus accusées sur la droite, c'est-à-dire vers l'autel. Pour les enfants, l'ensemble forme un tout lumineux. Un quart d'heure peut-être elles contempleront. Elles s'étaient agenouillées et avaient récité une dizaine de Je vous salue Marie, et 3 fois l'invocation : O Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à Vous. La Dame avec elles avait prié, le pouce faisant glisser les grains blancs du chapelet sur l'index immobile. On n'entendait pas sa voix. Ses lèvres cessaient de remuer pendant le Sainte-Marie. Il en sera ainsi durant toute la semaine. On n'entendra pas davantage la voix de l'Ange dont les lèvres au cours des Ave - des Ave seulement - remueraient aussi. A toutes, encore, Elle sourit. Puis, « dans une espèce de poussière lumineuse », progressivement, l'apparition s'évanouit. « Elle est partie. Elle ne va peut-être plus revenir », dit Laura. Et Sergine qui n'avait rien vu : « Allez, venez : c'est peut-être le diable ! » Immédiatement, Jacqueline et Jeannette suivies de Nicole se dirigent vers la rue Gambetta porter l'heureuse nouvelle à la maison : « Maman, on a vu une belle Dame ! » Mme Aubry ne veut rien entendre. Elles sortent. Près d'une voisine, Mlle Grandin, sur le seuil de sa porte, elles s'épanchent puis reviennent à la pâtisserie. Cette fois Mme Aubry se fâche. Il faut aller en classe. Devant l'église, Sergine et Laura attendaient. En arrivant sur la cour de l'école libre Saint-Gilles, rue de Beauvais, où jouent les compagnes, Jacqueline aborde Sœur Marie de l'Enfant-Jésus : « Chère Sœur, on a vu la Sainte-Vierge ! » - « Vous avez vu la Sainte-Vierge ? Ne dites pas cela ! » - « Si, ma Soeur », riposte Jeannette. - « Et que vous a-t-elle dit ? » - « Rien ! on l'a regardée. » - « Vous n'avez pas eu peur ? » - « Un petit peu au commencement mais pas après. » « Elle était si belle ! » Aussitôt un attroupement pour écouter la conversation. A ce moment, Monsieur le Doyen, venu exceptionnellement à l'école, à pareille heure, sortait de la petite classe avec la directrice. Jacqueline Cornu s'approche et lance : « A Saint-Gilles il y a des apparitions. » Et cinq ou six élèves venus à la rescousse, insistent : « Jacqueline Aubry a vu la Sainte-Vierge ! » Comme le chanoine Ségelle et Sœur Léon de la Croix, appelée par tous à l'Ile-Bouchard Sœur Saint-Léon, se moquent d'elles, les fillettes s'éloignent tandis que Jacqueline, ose s'approcher : « Oui, Monsieur le Curé, j'ai vu une belle Dame à l'église. » - « Tu es folle », cingle Sœur Saint-Léon. Et le doyen : « Tu as vu double à travers tes grandes lunettes. » Mais Jacqueline ne se démonte pas : « Je ne suis pas la seule à l'avoir vue, nous sommes quatre : Nicole Robin, Laura Croizon et ma petite soeur Jeanne. » Le prêtre et la religieuse restent sceptiques, intrigués cependant : « C'est drôle. » Après un instant de réflexion, ils convoquent séparément, dans la classe d'où ils sortent, les quatre prétendues voyantes : Jacqueline d'abord, Nicole ensuite, puis Jeannette, enfin Laura. Les récits sommaires concordent évidemment. Les enfants parlent avec assurance. Même Jeannette qui a vaincu son excessive timidité et sa crainte de Sœur Saint-Léon. A la directrice ironique qui lui disait, à propos de la ceinture bleue, qu'une si belle dame devait être à la mode des cols rouges et des gants rouges, elle a répondu frappant du pied et scandant énergiquement de l'avant bras : « C'est pas vrai », « Bleue ! Bleue ! Bleue ! ». Laura, quelque peu embarrassée dans ses descriptions, prend des comparaisons. Elle donne ainsi des détails précis sur les ailes de l'Ange qui « ressemblaient à celles qu'avaient mises les missionnaires » aux fillettes, l'année précédente, à Saint-Maurice, avec cette différence que celles de l'Ange étaient bordées de « jaune ». Le doyen, par tempérament, aime le positif. Il a en outre 73 ans. Il n'entend pas attacher grande importance à cette affaire. Il s'en va. Comme c'est la fête de l'Immaculée Conception, en passant devant les écolières groupées sur la cour il leur recommande, sans faire la moindre allusion à la prétendue apparition, « d'être sages et de bien aimer la Sainte-Vierge ». Puis il sort : « Demain il ne sera certainement plus question de cette histoire », dit-il. « Les fillettes ne tarderont probablement pas à se vendre », a ajouté la Sœur. Le signal d'entrer en classe est donné. Jacqueline s'est approchée à nouveau de la directrice : « O Chère Sœur, si vous saviez comme la Dame était belle ! » Impatientée, sentant les yeux des grandes braqués sur elle, la directrice répond : « Puisqu'elle était si belle, à ta place je serais restée à l'église. » Et elle tourne le dos. La fillette prend la Sœur au mot et au lieu de rester à la répétition de chant sort, entraînant avec elle Nicole, Laura et Jeannette. En courant, les enfants arrivent au coin de la rue de la Liberté. Malheur ! Monsieur le Doyen est là, causant, avec le pharmacien sur le milieu de la chaussée. La petite troupe rebrousse chemin. Astucieusement, par les ruelles et la rue de Madagascar, on vient déboucher sur la Grand Rue, à 20 mètres au delà du doyen qui, heureusement, tourne le dos. Et les fillettes entrent à nouveau dans l'église. Il peut être 13 h.50.
Dès le milieu de la nef latérale, les enfants aperçoivent la Dame. « Elle nous attend », dit Laura.Toutes s'approchent de la Sainte-Table et restent debout, émerveillées. Rien n'a changé depuis une heure ! Même rocher avec la Dame et l'Ange dans la lumière. Silencieuses, elles ne songent même pas à prier. La Vierge a un visage toujours plein de bonté mais il est voilé de tristesse. Soudain Elle parle. Lentement. D'une voix douce. Appuyant sur chaque mot : « Dites aux petits enfants de prier pour la France, car elle en a grand besoin » (NB Certaines ont dit : «qui en a grand besoin») Il y eut une courte pause après « France ». Jacqueline glisse alors à Laura et à Jeannette : « Demandez-lui donc si Elle ne serait pas notre Maman du Ciel ? » Laura commence, Jeannette suit, sur le ton naturel d'une conversation : « Madame, est-ce que vous êtes notre Maman du Ciel ? » La Dame les regarde et leur sourit : « Oui, je suis votre Maman du Ciel. » Aux deux derniers mots, Elle élève les yeux. Alors Jacqueline qui s'enhardit : « Quel est l'Ange qui vous accompagne ? » L'Ange tournant vers elle la tête, d'une voix plus forte que celle de la Dame, mais douce, d'une voix indéfinissable qui n'a ni le timbre d'une voix féminine ni tout à fait celui d'une voix masculine, dit, lentement, souriant : « Je suis l'Ange Gabriel » (NB Pas plus que sur le type de sa voix elles ne seront fixées sur le type de son visage.) Puis il reprend sa contemplation. Dorénavant, toujours Il sera de profil. De l'index droit levé à la hauteur du menton, sous la joue droite, la Dame, lentement, fait signe aux enfants d'approcher. Puis Elle étend vers elles, en l'abaissant, le bras qu'Elle avait levé, la paume en avant. « Donnez moi votre main à embrasser. » Les fillettes n'ont plus de crainte. Jacqueline s'approche la première, se hausse sur la pointe des pieds. La Dame a retourné sa main et l'a placée horizontalement. Sur l'index couché, la grande a posé l'extrémité de ses doigts. Très lentement, la Dame, dont la tête se penche, porte les doigts de l'aînée à ses lèvres. Vers la deuxième phalange de l'index, du médius et de l'annulaire, elle pose doucement un baiser silencieux. C'est le tour de Nicole. La Dame se penche un peu plus. Laura et Jeannette sont trop petites. Spontanément, Jacqueline les soulève sous les bras et les élève, sans aucun effort, l'une après l'autre. Toutes les quatre dans leur émotion ont senti, au contact avec leur main droite, et la douceur de la peau et la tiédeur des lèvres de la Dame. La Vierge s'est redressée. Les fillettes sont toujours debout à ses pieds. « Revenez ce soir à 5 heures et demain à 1 heure. » Puis dans un nuage de « poussière d'argent », elles disent encore : de « buée brillante », la Dame et l'Ange ont disparu en même temps. Les enfants étaient restées 8 à 10 minutes. En sortant de l'église, Jacqueline d'abord puis Laura et Jeannette, s'aperçoivent que reste sur leurs doigts un ovale blanc. C'est la trace du baiser. « Dépêchons-nous, dit l'aînée, la chère Sœur sera bien obligée de nous croire cette fois-ci. » Hélas, à proximité de l'école, les marques qu'elles regardent attentivement, s'effacent les unes après les autres. Déception ! L'accueil, en première classe, fut froid : Reproches pour l'absence ; questions ironiques : « Eh bien ! qu'est-ce que vous avez vu ? des plantes vertes ? des pierres ? » et après le rapide exposé de Jacqueline et de Nicole, devant les compagnes attentives : « C'est bien ! maintenant vous n'avez plus qu'à travailler, car vous avez un quart d'heure de retard. » C'était jour de composition, les deux « voyantes » se mirent très simplement à leur tâche. La directrice était cependant quelque peu troublée. Dans la soirée elle priait son adjointe, Sœur Marie de l'Enfant-Jésus, qui n'avait pas osé se montrer sévère pour Laura et Jeannette, d'interroger ses deux élèves tandis qu'elle-même décidait de faire rédiger séparément à Jacqueline et à Nicole, vers 16 h.15, leur travail terminé, un récit des événements.Oralement, les deux petites ne se contrediraient pas. Les grandes non plus, dans leurs narrations simples et brèves, 23 lignes pour l'aînée, 16 pour sa cousine (NB Ces deux feuilles de papier écolier seront les premiers documents écrits. Les plus précieux.) Les quatre ont fait des récits concordants.
16 h. 30 : l'heure de la sortie. « Tu ne restes pas au salut ? » a dit Jacqueline à sa cousine. Mais Nicole, qui habite à 2 km. 500, croit devoir rentrer chez elle. Mme Aubry, chez qui elle s'arrête au passage, l'écoutera sans la croire. Elle l'encouragera finalement à gagner « le Pont ». Quant à sa benjamine, qu'elle ne croit pas davantage, elle la gardera à la maison. Mme Croizon, de son côté, gardera Laura. Le récit de Sergine ne l'a pas convaincu non plus : « C'est vrai ou ce n'est pas vrai », a-t-elle simplement répondu. Laura ira rejoindre peu après Jeannette à la pâtisserie. Et les deux fillettes parleront ensemble de la belle Dame et de l'Ange. Jacqueline qui fréquente l'étude assistera donc seule au salut de 5 heures. Pour la fête de l'Immaculée Conception, la messe a été célébrée à l'autel de la Sainte-Vierge. C'est là que doit être donnée la bénédiction du Très-Saint-Sacrement, après le chapelet. Les fidèles se sont groupés dans la nef latérale. La fillette se trouve au bord de l'allée, au côté de l'Évangile, près de la marche de la chapelle Sainte-Anne. Pendant la cinquième dizaine, la Dame apparaît, Jacqueline ne l'a pas vue arriver. La Vierge lui sourit. De l'index droit, Elle lui fait signe d'approcher. Jacqueline, pour implorer du regard la permission de se déplacer, tourne la tête et cherche dans l'assistance Sœur Saint-Léon. Elle l'aperçoit enfin derrière elle, du côté de l'épître. « Moi qui croyais qu'elle allait me dire « Oui », je la regardai toujours mais au bout d'un moment, elle me fit les gros yeux. » L'enfant retourna alors la tête. La Dame n'était plus là. A ce moment, la clochette annonçait l'arrivée du Très-Saint-Sacrement que portait Monsieur le Doyen venant du maître-autel. Après la bénédiction, comme le prêtre entonnait, O Marie conçue sans péché, priez pour la France, la Dame et l'Ange réapparaissent dans la lumière. Nouveau regard suppliant de Jacqueline « vers la chère Soeur qui n'avait pas l'air contente ». « Alors, je me dis, il ne faut pas que je lui dise car elle va me disputer. » « Est-Elle là ? » « La vois-tu » lançaient à voix basse les fillettes qui se trouvaient à proximité ; on a leurs noms. Jacqueline ne répondait pas. La cérémonie terminée, Sœur Saint-Léon fit sortir la gent écolière donnant l'ordre de rentrer immédiatement chez soi. Puis, revenant vers son élève restée agenouillée à sa place : « Quand on prétend voir la Sainte-Vierge on ne tourne pas la tête à l'église. »« Chère Sœur, la Dame est là. Elle nous regarde. Que faut-il faire ? » « Mais où est-Elle ? » « Voyons, vous la voyez bien, chère Sœur, Elle est là », et de la main de Jacqueline montrait le phormium. La religieuse interloquée hésite, puis conduisant la fillette près de l'harmonium, elle récite avec elle des Je vous salue Marie.L'enfant a les yeux fixés sur l'angle nord-est du chœur. Vers la fin de la deuxième dizaine, elle dit : « Chère Sœur la Sainte-Vierge est partie. » La Dame et l'Ange s'étaient estompés dans le nuage de poussière d'argent qui se dissipa. Aucune parole n'avait été prononcée.Pendant ce temps, plusieurs enfants revenaient furtivement dans le fond de l'église « pour voir » ce qui se passait. Afin de soustraire Jacqueline aux questions des personnes restées sur la place, Sœur Saint-Léon conduisit la grande jusqu'au coin de la rue, puis revenant à l'église, elle alla trouver le doyen à la sacristie.En la voyant celui-ci lui dit : « Alors, rien de nouveau ? L'affaire est close. La nuit va venir. Demain ce sera fini ! »« Mais non ! Cela continue. » Et la Sœur raconte ce qui s'est passé depuis 13h.45. Apprenant que la Dame doit revenir le lendemain à 1 heure, le chanoine Ségelle réagit avec vivacité : Il lève les bras au ciel : « Nous n'en sortirons plus ! » « Demain à 1 heure je fermerai la porte de l'église et personne ne pourra entrer. » La Sœur, dont le scepticisme faiblissait, n'approuve pas la décision. Toutefois, pour s'y conformer, elle interdira aux enfants d'aller à l'église à 13 heures. Chez elle, Jacqueline rapporte en détail les faits à sa mère, à sa mère seulement. Mme Aubry, qui sait que sa fille ne ment pas d'ordinaire, est de plus en plus intriguée. Au Pont, Nicole a raconté - elle aussi à sa mère seulement - l'apparition de la Dame. Devant les réponses qui lui furent faites : « Ce n'est pas vrai ! » « Vous êtes folles ! » la peu loquace Nicole n'insista pas. Le soir, le chanoine Ségelle, écrivant pour affaires à un vicaire général de Tours, ne jugeait pas même utile de signaler les événements auxquels il n'attachait que peu d'importance.
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