Le serviteur de Dieu Marie-Antoine de Lavaur 02
Le Père Antoine Marie de Lavaur
Un apôtre de l’amour sous la bannière de l’Immaculée
1825-1907
«Ta vie me prend et m’emporte joyeux.»«Mon cœur brûlait en moi, au cours de la prière ce feu s’est mis à flamber.»«Chaque mission est un combat. Aussi ai-je senti le besoin de les mettre toujours sous la bannière de la Reine des combats.»
Curieuse histoire, étonnante destinée, que celles de ce capucin que le bon peuple de Toulouse a canonisé de son vivant. À ses funérailles, ils sont venus à quarante, à cinquante mille – fait unique dans l’histoire de la ville – pour suivre le cortège en rangs serrés, au milieu d’une haie humaine, silencieuse, de ceux qui attendent le long des trottoirs, du couvent à la cathédrale, de la cathédrale au cimetière. Sur le passage du cercueil, les têtes se découvrent, les fronts s’inclinent. Au même moment, les cloches sonnent les premières vêpres de Notre-Dame-de-Lourdes pour célébrer l’anniversaire de l’apparition. Nous sommes le 10 février 1907, et c’est un dimanche.
Le pape Pie IX proclame le dogme de l’Immaculée Conception par sa bulle Ineffabilis le 8 décembre 1854. Bernadette en a, de la Vierge Marie, la révélation à Lourdes le 25 mars 1858, lors de sa seizième apparition. Déjà, bien avant, le 27 novembre 1830, à Catherine Labouré la Vierge Immaculée confie la mission de frapper une médaille dont Elle lui révèle le modèle, mais aussi le secret: «Ô Marie conçue sans péché!» Marie, envoyée par Dieu, veut que les hommes sachent. Parce que c’est le moment, le moment de nous faire «pénétrer davantage le Mystère de Dieu, et son dessein sur les hommes, Mystère dans lequel se trouvent, cachés, tous les trésors de la sagesse et de la connaissance, et ainsi nous faire connaître son amour qui surpasse toute connaissance». Que de miracles, depuis, au nom de l’Immaculée! Miracles patentés, miracles innombrables dans notre vie quotidienne et celle de l’Église. À Lourdes, par exemple, quand un humble capucin inspiré, devenu «le grand ouvrier de Marie» vient – les Annales de Lourdes mentionne sa présence active, directeur ou prédicateur de pèlerinage, pas moins de quatre vingt dix sept fois! – «aider la sainte Vierge à faire ses miracles». C’est qu’il sait si bien parler d’elle, s’adresser publiquement à elle, qu’elle ne saurait rien lui refuser pour ses frères souffrants: «Entendre parler le P. Marie-Antoine de la Vierge, avec tant d’onction, une admiration aussi convaincue et cet amour contagieux! Je n’avais jamais entendu semblable éloquence, jamais une telle familiarité avec tant d’éclat, une telle naïveté, une si brillante et si originale poésie. Avec lui on ne sait où on va, on se laisse emporter à ce vol qui monte, qui monte toujours.» Et puis, ce cœur de Marie «notre Mère bien-aimée» martyre dans son âme, ce cœur n’est-il pas Jésus lui-même? Marie, martyre avec Lui qui est mort dans son corps, morte avec Lui dans son cœur? Oui, une immense histoire d’amour, du tout amour, qui inclut merveilleusement, et par grâce, le P. Marie-Antoine.
«Une mission, c’est une pluie de grâces sur une paroisse, un poème divin», disait-il.
Cette manifestation surnaturelle de la volonté divine va entraîner un renouveau religieux profond dans les villes et les campagnes françaises que la dévotion à Marie fortifie après un siècle de déchristianisation lente mais sûre. D’où la multiplication des missions, mois de Marie ou avents et carêmes prêchés, retraites, triduums, pèlerinages. Et aussi, construction de nouvelles églises, érection de croix, de statues de la Vierge. Durant quarante ans sans interruption, après des pauses de trois semaines au couvent, le P. Marie-Antoine, seul ou avec plusieurs frères, commence une nouvelle mission, qui peut durer jusqu’à deux mois. Chacune a son histoire, étonnante d’humanité, avec des conversions, nombreuses, parfois bouleversantes.
En 1865, le P. Marie-Antoine choisit l’église toulousaine de l’Immaculée Conception en construction, pour prêcher une mission à l’occasion du Jubilé. Ils la lui devront un peu, leur église, les paroissiens du faubourg Bonnefoy. En 1870, en plein désastre, les dons ont tari, à peine le tiers du chantier est réalisé. Le curé Ravary s’en confie à lui. Derechef, le père écrit à la Semaine Catholique: «Langres, Cherbourg construisent leur église consacrée à l’Immaculée, Toulouse n’aurait pas la sienne? Lancez une souscription.» En un mois, plus de dix mille francs affluent, qui permettent, sinon de réaliser le projet initial, ambitieux, du moins de lui donner toit et clocher.
«Je vous donne mon amour et la croix de mon divin Fils.»
La mission se termine, tout le faubourg Bonnefoy est en fête, les chants éclatent dans la rue. Mille hommes se sont approchés des sacrements, ce qui ne s’est jamais vu. Plus de deux cents cheminots, leurs chefs en tête, mêlés aux jeunes jardiniers, le visage frais, épanoui: ils sont tous là, ce soir, pour entourer la croix qui va être plantée près de leur église. Le P. Marie-Antoine – haute taille, traits ascétiques, regard inspiré, robe de bure défraîchie – ne fera pas de discours. Il a assez électrisé, durant un mois, les trois mille âmes qui sont maintenant là, au pied du Christ. À eux de parler, de témoigner qu’avec Marie, le mal, sous toutes ses formes, peut être vaincu dans une société plus fraternelle: une série d’acclamations fusent, à la Croix, à l’Église, à l’Immaculée, au pape, à leur cher capucin.
Dix ans plus tard, pour le jubilé de 1875, le P. Marie-Antoine revient au faubourg Bonnefoy pour une nouvelle mission, hélas plus dramatique, au moment de la grande inondation de juin qui fera des centaines de victimes et d’innombrables sans-logis. C’est une messe des morts, solennelle, que l’on chantera en clôture, elle provoque une communion générale des fidèles.
«Il faut que ces cierges marchent et chantent»
Le grand bonheur des dernières années de sa vie, assombrie par l’exil de ses frères expulsés du couvent – lui seul y est demeuré avec un vieux frère, aucune autorité n’osant l’en déloger malgré les décrets – sera la construction dans sa ville natale, Lavaur, d’une chapelle dédiée à Notre-Dame de Consolation, au sommet du Pech. Lavaur qu’il a tant aimée après Toulouse et Lourdes, où il a célébré sa première messe, et où il vient se préparer au grand passage, sous le manteau de Marie, en de longs moments, des nuits de prière, dans une cellule minuscule aménagée dans le clocher au-dessus de la sacristie, durant les travaux entre 1901 et 1904. Et bonheur dans ce bonheur, un magnifique cadeau parmi bien d’autres dons, de Mgr Schoeffer, évêque de Lourdes et du baron de Malet, président des Brancardiers de la Grotte, en reconnaissance des immenses services rendus: la très grande statue de Notre-Dame de Lourdes, qui était sur l’autel de la basilique du Rosaire depuis 1889, remplacée ensuite en même temps que l’autel en 1897.
Pour services rendus. Comment parler du P. Marie-Antoine sans se souvenir, comme le font d’éminentes personnalités, du rôle du capucin, aujourd’hui tellement oublié, pour réaliser ce désir de Marie disant à Bernadette: «Je veux qu’il vienne ici du monde.» Combien de pèlerinages il mènera, de ces paroissiens de tout le sud de la France qu’il connaît par ses missions! Bernadette assiste à sa messe, communie de sa main, et il aura avec elle de longs entretiens qu’il narrera dans son livre Le Lys Immaculé. Presque toute la liturgie spéciale et populaire de Lourdes est son œuvre, depuis les processions aux flambeaux qu’il a inaugurées lors d’une mission à Rocamadour, l’adoration nocturne qu’il met en place à l’occasion du Congrès Eucharistique de Toulouse de 1886, jusqu’à la procession du très Saint Sacrement lors du pèlerinage du Quercy. «Le P. Marie-Antoine est à Lourdes» annonce le Journal de la Grotte. «Il est partout, à la grotte, au Rosaire, au confessionnal, aux piscines, à l’hospitalité des malades… Là ou d’instinct il sent sa présence nécessaire. Sans cesse dérangé, sollicité… Et la nuit? Ah! la nuit souvent agenouillé, les bras en croix devant la grotte. Ce sont là ses bonnes heures. Mais plus souvent encore, dans un confessionnal assiégé dès 8h du soir, jusqu’à plus de minuit.»
Un confessionnal lui est réservé à l’église du Rosaire où il dort aussi, dans un réduit obscur au-dessus de la sacristie. En fait, il confesse partout, dans un coin de sacristie, dans un escalier, sur un banc de l’esplanade. Et à la gare, dans un compartiment, dans le bureau du chef de gare, même à la salle des bagages, assis sur une caisse entre deux colis. Chacun le cherche, veut le voir. C’est qu’il a le don de ramener la paix dans les cœurs. Son amour miséricordieux pour les hommes ses frères scandalise presque les confesseurs d’alors aux rigueurs toutes jansénistes. Et puis, ne dit-on pas qu’il lit dans les âmes comme dans un livre ouvert?
« Le Saint de Toulouse »
L’année 2007 marquera le centenaire de sa mort. L’association des «Amis du P. Marie-Antoine» est en voie de création pour préparer ce rendez-vous, et réanimer sa mémoire. Pour ceux qui souhaitent les rejoindre, apporter leur témoignage, leur concours ou leur participation:
- Ils peuvent réagir sur le site Internet de la Revue du Rosaire: www.rosaire.org
- Ils peuvent écrire directement à l’association: 25 rue de la Concorde 31000 Toulouse. Le couvent des Capucins est devenu depuis 1999 le couvent des Frères Carmes de Toulouse. Le corps du P. Marie-Antoine repose dans la chapelle du couvent: 33 avenue Jean Rieux 31500 Toulouse. Le procès de béatification, introduit à Rome par le cardinal Saliège, archevêque de Toulouse et Mgr Cazerac, archevêque d’Albi, Castres et Lavaur en 1928 n’a pas abouti à ce jour. Un livre sur le P. Marie-Antoine est en préparation.
Extrait du site www.rosaire.org
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