La Vénérable Elena Aiello
Vénérable Mère Elena Aiello
Religieuse, Fondatrice et Stigmatisée
1895-1961
Elena Aiello naquit à Montalto Uffugo, province de Cosenza, le 10 avril 1895, mercredi de la Semaine Sainte. Elle était la fille de Pasquale Aiello et de Teresa Paglilla. La petite Elena vécut dans un milieu familial très chrétien et exemplaire. Pasquale Aiello était considéré comme l’un des meilleures couturiers de la région. Il était décrit comme un homme d'une honnêteté exceptionnelle, exquise dans les modalités, apparaissait et était un parfait gentilhomme, respectait et était respecté. Il mourut en 1905, encore jeune, laissant à sa bonne épouse huit enfants : Emma, Ida, Elena, Evangelina, Elisa, Riccardo, Giovannina et Francesco ; une autre fille prénommée Maria Elena était morte, un an avant son père, âgée d’à peine un an. Chacun, selon son âge, aidait aux travaux de la maison et aux affaires des parents. Elena avait bien vite démontré une vive intelligence : âgé de quatre ans, elle répondait déjà à un certain nombre de questions de catéchisme. En 1901, alors qu’elle n’avait que six ans, elle fut envoyée chez les Sœurs du Très Précieux Sang, pour y fréquenter l’école élémentaire et continuer son instruction religieuse. A l’Institut des Soeurs, la petite, après la prière, exprimait toujours le désir de vouloir assister à la sainte Messe ; mais à l’Institut la Messe n'était pas célébrée chaque matin, alors la petite Elena, lorsqu’elle le pouvait, allait dans l'église voisine pour satisfaire son ardent désir. Rentrée à la maison, après l’école, elle aidait encore, sous la surveillance de la sœur, à préparer le repas. Les sœurs de l’Institut, constatant son progrès et avancement dans la connaissance du catéchisme, commencèrent ― et cela pendant huit ans ― à la prendre avec elles, pour l'habituer à enseigner à de plus petits la doctrine chrétienne. Ses temps libres elle les consacrait aux autres travaux domestiques et aux immanquables prières quotidiennes.
La Calabre, pendant la Première Guerre Mondiale, subit, comme et peut-être plus les autres régions, des carences hygiéniques et sanitaires, ce qui favorisa la propagation de la « grippe espagnole », laquelle sema sur son passage, dans la région calabraise et dans tout le pays, désolation et mort. Elena, en cette période, passait sa journée à assister les infirmes, s'occupant même de la confection de caisses en bois pour enterrer « chrétiennement » ― comme elle-même disait ― les malheureuses victimes de l’épidémie. Pendant la période de l'épidémie, maître Pasquale permit même qu'Elena passa la nuit à l’Institut avec les Soeurs, par crainte qu’elle puisse transmette l’épidémie à toute la famille. Et les Soeurs commencèrent à la considérer comme une des leurs, caressant l’idée de l'accueillir au plus vite dans leur congrégation. Et le père, vu la décision et l'insistance d'Elena, maintenant que la tempête de l'après-guerre était finie, lui accorda la permission d’embrasser la vie religieuse. Et ce fut ainsi que le 18 août 1920, Elena fit son entrée officielle chez les Sœur du très Précieux Sang. Mais le séjour d’Elena à l’Institut des sœurs fut de courte durée. En effet, un jour la Mère Générale, alors qu’elle descendait les escaliers, aperçut Elena étendue par terre dans la laverie. Vite on la souleva et on la mit au lit. On constata ensuite que l’épaule gauche était noire jusqu’au cou. Le médecin fut appelé et celui-ci suggéra une intervention chirurgicale. Mais on tarda à l’opérer, à cause d’une fièvre persistante. Les sœurs décidèrent alors de faire intervenir le médecin de la Communauté, en assumant toute responsabilité.
Le 25 mars 1921 (mardi saint), dans le dortoir même, attachée à une chaise, Elena subit, sans anesthésie, pas même locale, l’ablation de la chaire noircie, tenant dans ses mains, pour garder le courage, un crucifix en bois et sur son front une image de la Vierge des Douleurs. En même temps que de la chair noircie, le médecin coupa aussi des nerfs, ce qui eut pour résultat de paralyser l’épaule ainsi que la bouche qui restait serrée. L'impression laissée sur la patiente fut terrible ; pendant environ quarante jours elle fut tourmentée par des vomissements. Mais le temps de la prise d’habits approchait et Elena, au prix d’un grand effort et la blessure encore ouverte, voulut se lever afin de suivre les exercices spirituels, dans l'espoir de vêtir l’habit religieux. Pour corriger le défaut de l’épaule, elle réussi à se mettre un bustier qui lui permettait de se redresser. Mais, vu sa condition physique déplorable, le Père Directeur ne rien faire d’autre que de lui conseiller de rentrer chez elle, au sein de sa famille, afin de se soigner convenablement, avant de revenir dans la Communauté. Pendant cette période Elena nota dans son cahier avoir reçu deux fois, peu de jours avant de quitter le monastère, de la part du Seigneur, une invitation à la résignation, et d’accepter ce que Lui, Il avait disposé pour elle, ainsi qu’une invitation à embrasser fermement la croix qu’Il lui préparait. Elena, entre-temps, avait grandement dépérit, au point d’être méconnaissable. Elle ne pouvait ni se laver, ni se coiffer : son bras gauche était paralysé et sur son épaule il y avait une plaie qui bien vite commença à se remplir de vermine. Le père, très préoccupé de l’état de sa fille, la conduisit à Cosenza chez un spécialiste. Le professeur qui l'examina dit alors à la jeune demoiselle : « Je ne peux rien faire, ma fille, parce que tu as été saccagée : le médical qui t'a opérée... n'est pas un chirurgien ; il t’a coupé des nerfs... ; seul un miracle pourra résoudre ton état de santé ; maintenant ta plaie risque d’être atteinte par la gangrène ! » Quelque temps après, les médecins imposèrent à Elena une visite soignée et une radiographie pour vérifier la cause des graves dérangements gastriques qui continuaient à tourmenter la pauvre fille. Elle fut reconduite par conséquent à l’Hôpital Civil de Cosenza, où un cancer à l'estomac fut diagnostiqué.
Elena adressa alors une fervente prière à sainte Rita ― la sainte des impossibles ! ― lui demandant la guérison de cette nouvelle maladie qui avait frappé son l'estomac. Pendant qu’elle priait, elle vit la statue de la Sainte s’entourer d’une éblouissante lumière. Dans la nuit, la Sainte lui apparut pour lui dire qu’elle aimerait que l’on institue son culte pour raviver la foi des gens et demanda à Elena de commencer un triduum en son honneur. Le lendemain, Elena revint à Montalto et commença un triduum à sainte Rita. Celui-ci terminé, la vision se renouvela : le triduum, disait la Sainte, devait être répété et qu’alors elle serait guérie de son mal d’estomac. Pour ce qui était de l’épaule, elle devait garde ce mal et souffrir pour réparer pour les péchés des hommes. En effet, le 21 octobre 1921, Elena eut la grâce de la guérison complète de sa tumeur gastrique. Evangelina, la sœur, couchée dans la chambre contiguë, vit, pendant cette nuit-là, par la fente de la porte entrouverte, s’échapper une lumière éclatante. Croyant qu’il s’agissait d’un incendie, elle accourut aussitôt dans la chambre d’Elena. Elle s’assit sur le bord du lit et remarqua que sa sœur qui paraissait assoupie, s’était plutôt évanouie. Alors, affligée, elle appela les autres membres de la famille, car elle craint aussi qu’elle ne soit morte. Lorsque les autres membres de la famille entrèrent dans la chambre, Elena avait complètement éveillée et en pleine santé. Elle leur raconta alors la visite de sainte Rita, la guérison, les paroles de la vision ; ensuite, elle leur demanda quelque chose à manger.
Le 2 Mars 1923, premier vendredi du mois, se produisit, pour la première fois, ce phénomène extraordinaire qui attraira sur Elena l'attention de tant de gens, de régions même très lointaines, et qu'il se répétera tous les ans, jusqu'à sa mort. Le matin, après la communion, une voix interne lui annonçait à l'avance l’imminence d’un nouveau genre de souffrance choisi pour elle par le Seigneur. Vers quinze heures, elle était au lit souffrant beaucoup à cause de la plaie carcinomateuse de son épaule gauche ; le Seigneur, vêtu de blanc et portant la couronne d'épines lui apparut. L’ayant invitée à participer à ses souffrances, Elena répondit affirmativement ; alors le Seigneur enleva de son Chef la couronne et la posa sur la tête d’Elena. À son contacte, une abondante effusion de sang sortit. Le Seigneur lui indiqua qu'Il avait besoin de cette souffrance pour convertir les pécheurs ; pour beaucoup de péchés d'impureté, et qu’elle devait être victime pour satisfaire la Divine Justice. Une certaine femme nommée Rosaria, domestique de la famille, après avoir terminé son service s’apprêtait à partir ; ayant entendu des bruits suspects qui venaient de la chambrette d'Elena, elle monta prudemment pour se rendre compte de ce qui se passait. Surprise, à la vision de tant de sang, elle partit de suite prévenir la famille, croyant qu'Elena avait été tuée. Dès leur arrivée dans la chambre, et devant ce spectacle étonnant, ils purent constaté la véracité des dires de la domestique. Ils appelèrent alors les médecins et les prêtres du pays. Le docteur Adolfo Turano essaya des lavages, mais le sang continuait de couler de la tête d’Elena. Après trois heures de saignements continus, le phénomène s’arrêta de lui-même. Tous restèrent surpris, confondus, impressionnés parce qu'ils ne savaient pas expliquer, d’aucune manière ce qui s'était produit. Le deuxième vendredi de mars avant quinze heures on fit venir le docteur Turano à la maison, ainsi que d’autres personnes, afin de constater si le même phénomène allait se répéter. Et en effet, exactement à la même heure le même phénomène se reproduisit. Alors, le Docteur chercha à arrêter le sang avec un mouchoir, mais à ce contacte, la peau de la partie blessée s’irritait au point de faire grossir et s’élargir les pores, ce qui causait de grandes douleurs à Elena.
Le troisième vendredi du même mois, une dame de San Benedetto Ullano (D. Virginia Manes), mère du docteur Aristodemo Milano, fut envoyé par son fils pour constater le fait et tremper un mouchoir dans le sang. La femme, restée seule dans la petite cellule d'Elena, lui sécha le front avec un mouchoir, qu’elle plia ensuite et conserva. Revenue à San Bénedetto elle trouva inexplicablement le mouchoir complètement propre et sans la moindre trace de sang. Le fils, après avoir écouté le récit de sa maman se convertit et demanda à recevoir le baptême. Dans une vision, le Seigneur, répondant aux plaintes d'Elena pour tout ce qu’on lui faisait subir à cause de la sueur de sang, lui expliqua que c’était Lui que la faisait souffrir ; qu’elle devait être sa victime pour le monde ; qu'elle ne devait pas s’affliger à cause du crucifix qui lui avait été enlevé et que de toute manière elle l’avait toujours présent en son cœur et que pour le confirmer Il lui donnerait les plaies de sa Passion, qui seraient visibles aux yeux de tous.
En effet, lors du quatrième vendredi du mois de mars, Elena retrouva dans son corps ces mêmes plaies. Jésus lui dit alors : « Toi aussi, tu dois me ressembler, car tu dois être la victime pour tant de pécheurs et satisfaire à la justice de mon Père pour qu'ils soient sauvés ». Vers cinq heures (dix-sept heures), Jésus lui dit : « Ma fille, regarde comme je souffre ! J'ai versé tout mon sang pour le monde et maintenant il s’en va en ruine ; personne ne se rend compte des perfidies dont il est recouvert. Considère l'acerbité de ma douleur causée par un si grand nombre d’injures et de mépris que je reçois de tant de provocateurs et de libertins... ». Le vendredi suivant, à toutes les autres plaies des mains et des pieds s'ajouta la blessure du côté. Le jour du Corpus Domini la douleur aux plaies se renouvela avec une nouvelle effusion de sang et, chose remarquable, les plaies, à la fin de l’extase, se cicatrisaient parfaitement. Les phénomènes cités ci-dessus, n’affectaient en rien l’extraordinaire activité d’Elena, ni la normalité de sa vie religieuse, ni l’accomplissement de ses fonctions de fondatrice et de supérieure d’une nouvelle congrégation. Les souffrances du vendredi saint se produisaient habituellement avec l'absolue exclusion de tout curieux : les portes de la maison restaient complètement closes. Le matin du samedi saint sœur Elena était déjà, comme d’habitude, à sa place de prière, de travail, de responsabilité, comme si rien n’était arrivé. Il faut dire que ces phénomènes ne facilitèrent en rien ses rapports avec les autorités ecclésiastiques, bien au contraire, ils furent parfois source de chagrins et d’humiliations. Mais, les gens du peuple — et pas seulement du peuple — venaient vers elle pour lui demander de l’aide dans leurs tribulations et lui demander conseil avant des décisions importantes.
Quand quelqu’un demandait après « Sœur Elena Aiello », pour en demander l’adresse, voyait sur le visage de l’interpellé comme une expression de méconnaisse, comme quelqu’un qui entend un tel nom pour la première fois. Par contre, quand on demandait où habitait la « sœur qui sue du sang », s’entendait répondre bien vite : « Ah ! oui, vous cherchez la sainte moniale ? » Alors, la réponse était immédiate et précise. Et les années durant, jusqu’à sa mort, elle fut connu sous ce nom : “la sainte moniale“.
Elena annonça plusieurs fois qu’elle serait guérie de son mal d’épaule. Dans une lettre datée du 10 mai 1924 et adressée à Monseigneur Mauro, elle disait : « Révérend Père, hier vers quinze heures, Jésus m’est apparu et m’a dit : “Ma chère fille, veux-tu guérir ou bien veux-tu souffrir ?” Alors j’ai répondu : “Souffrant avec vous, mon Jésus, on peut tout souffrir”. Et Jésus me dit encore : “Eh ! bien, je te guérirai, mais chaque vendredi, je te ferai entrer dans les ténèbres ; tu me seras ainsi plus proche”. Après m’avoir dit cela, Il disparu. De même au docteur Adolfo Turano appelé par la famille suite à l’aggravation de l’état de l’infirme, Elena raconta que quelques jours auparavant, lors d’une vision où elle vit saint Rita, celle-ci lui annonçait sa guérison pour le 22 mai, dans le courrant de l’après-midi. Le Docteur, étant donné l’état de sa patiente, pensa qu’elle délirait, et en fit part de ses doutes à la famille réunie. Le 22, alors qu'Elena avec grande force d'esprit, essayait, s’aidant d’un miroir, d’enlever la vermine qui fourmillait dans la plaie de son épaule gauche, le miracle se produisit. Voici la description qu’en fit Emma, la sœur d’Elena : « … Quand j’ai entrepris d’extraire [la vermine de son épaule], j’ai utilisé la même méthode qu’Elena : le cure-dents. J’écartais la peau qui entourait les plaies profondes et je les faisais sauter avec le cure-dents, mais plus j'en enlevais, plus il y en avait ! Ensuite je vous déposais une poudre jaune que l’on m'avaient conseillée, mais sans aucun résultat. Elena supportait avec résignation ce tourment, mais sa foi en sainte Rita était incalculable. Elle avait la certitude de guérir ; mais tous n’étaient pas prêts à le croire. Cela faisait déjà trois ans ! Dans la nuit du 21 mai 1924, Elena rêva que sainte Rita lui disait qu’elle serait guérie le lendemain à quinze 15 heures.
En ce mois de Marie-là, comme dans les précédents jours nous récitions le Rosaire… Le Rosaire terminé, Elena commença à prier devant la statue dont la porte qui la protégeait était ouverte. Aidée par moi, elle se leva et s’approcha de la statue. Nous eûmes l'impression que la main tendue de sainte Rita – celle qui tenait le crucifix – s'était écartée pour rejoindre la main du côté blessé d'Elena et la lui soulever, et qu'une vibration secouait la statue et sa protection. Elena, devant notre étonnement et notre incrédulité, répétait : « Je suis guérie ! Je suis guérie ! »… Lorsque je me suis penchée pour voir la plaie, elle était fermée, ne restant plus qu’une simple cicatrice. En 1926 les souffrances des vendredis du mois de mars et du vendredi saint se répétèrent régulièrement. Le Seigneur, dans les visions, manifestait clairement à Elena qu’Il voulait que l’Oeuvre soit commencée.
En 1928, âgée alors de 33 ans, elle fonda l’Ordre des Sœurs Minimes de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ. A ce temps-là, même si tous l’appelaient sœur, elle ne l’était pas encore canoniquement. Mère Elena n’a pas connut les étapes canoniques qui aujourd'hui règlent le chemin de la formation à la vie religieuse. Ce ne fut que 3 octobre 1949, alors qu’elle comptait déjà 54 ans, qu’elle fit les vœux perpétuels, entre les mains de Monseigneur Aniello Chaufour, Archevêque de Cosenza. Le premier travail fut celui de l’éducation des enfants du peuple. On en recueillit une centaine, que l’on instruisit, éduqua à l’asile ou à l’école de broderie et que l’on prépara pour la première Communion. Dans un premier temps, sœur Elena, aidée par sœur Gigia, ramassaient dans les maisons les enfants et les jeunes filles, les rassemblaient dans l’église de Notre-Dame de Lorette et les instruisaient des vérités religieuses et les préparaient pour la Première Communion. L’œuvre, bénie par Dieu et encouragée par les autorités ecclésiastiques, fut applaudie par toute la ville de Cosenza qui ne manqua pas de l'encourager et de la soutenir avec la coopération de la charité chrétienne. Un an plus tard, 24 enfants étaient déjà hébergés.
Ce fut ainsi que, faisant confiance à la Providence, Elena fonda l’ordre demandée par le Seigneur et, avec la plus grande tranquillité, elle s’occupait, jour après jour à accomplir ses devoirs de religieuse et de Supérieure, vis-à-vis des petits et de la communauté. Toute la vie d'Elena fut une démonstration continue de cette foi ardente, de cette tranquillité inaltérable de caractère, qui provenaient de l’abandon complet à Dieu. Foi opérante et continuellement encrée sur la charité du Christ. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus montra parfois sa complaisance envers la petite communauté qui lui était confiée. Elle se montra même un jour, toute souriante, à toutes les petites qui travaillaient dans l’atelier, tout en récitant des prières. Le tapage qui s’en suivi fit accourir sœur Elena qui se trouvait alors à l’étage. Les fillettes étaient toutes excitées parce qu’elles « avaient vu » la sainte Carmélite. Remontant à l’étage, Elena reçut la grâce d’un sourire tendre et céleste de la part de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.
La pauvreté de la maison et son délabrement n’était pas chose indifférente à Elena ; mais là encore, une aide inattendue vint récompenser son indéfectible confiance en la divine Miséricorde. En effet, le fondateur et directeur de la Caisse Rurale locale, mit à sa disposition les vieux locaux de sa banque. Sœur Elena et sœur Gigia, transférèrent alors leur l’Institut dans ces locaux, beaucoup plus vastes, ce qui leur permit d’accueillir, par la même occasion, un plus grand nombre d’orphelins et de sœurs. Mais ce qui est le plus frappant, c’est l’aide apportée à l’œuvre par les petites gens, c’est-à-dire, les plus pauvres. Toutefois, il en fallait d’avantage pour équilibrer et assurer un budget malgré tout insuffisant pour couvrir les charges incompressibles et quotidiennes ; mais la Providence veillait et, rien de ce qui était indispensable au besoins quotidiens n’a jamais manqué.
Les billets de cinquante lires…
Le 11 septembre 1935, il n'y avait vraiment rien en cuisine pour le déjeuner… Pendant que sœur Angéla venait demander de l’argent à la Supérieure, un prêtre entra dans la maison et demanda à célébrer la Messe, se rendant de suite dans la sacristie. Sœur Elena qui n’avait pas le moindre sou, demanda à sœur Angéla d’aller assister à la Messe, que le Seigneur, de quelque façon que ce soit, pourvoirait à ce problème du moment. La prière fervente d’Elena, des sœurs et des orphelins fut vite exaucée par le Seigneur : après l’élévation, un parfum exquis se répandit dans toute la chapelle, comme si le bon Dieu voulait ainsi signaler l’obtention de la grâce demandée. Elena récitait alors l’Office de la Vierge et dans son livret, entre deux images pieuses ― celle de la Madone des Douleurs et celle de saint Thérèse de l’Enfant-Jésus ―, elle trouva un billet de 50 lires. Or, elle était sûre qu’elle ne l’y avait jamais placé elle-même, depuis qu’elle s’en était servie le soir précédent. La Messe terminée, elle remis à sœur Angéla les 50 lires, pour les dépenses de la journée. Puis, elle retourna dans la chapelle, avec les sœurs et les enfants, pour remercier le Seigneur de les avoir exaucé et de « refaire le même prodige le lendemain, afin de prouver qu’il ne s’agissait aucunement d’un oubli, mais d’une vraie grâce accordée et, que les 50 lires avaient été réellement envoyées par la Providence ». Le soir même, lorsque la Communauté se réuni pour les dernières prières, le même parfum se répandit dans la chapelle. Les sœurs ― avec foi, mais aussi quelque curieusité naturelle ― ouvrirent de nouveau le livret et entre les deux images pieuses elles trouvèrent un autre billet de cinquante lires, avec un petit message, écrit au crayon vert dans le rond blanc : « 50+50=100 » et quelques lettres de l'alphabet grec. Le lendemain matin, Elena raconta l’épisode à son confesseur, le chanoine Mazzuca, lequel voulut examiner le billet de cinquante lires, mais le message de la veille avait disparu. En 1934, à la veille de la fête de saint Joseph, on devait payer l’achat d’un quintal d’huile. Sœur Elena ― qui n’avait pas la somme requise pour cet achat ― rassembla ses orphelins autour de l’autel et, ensemble, ils prièrent ce grand Saint, Chef de la Sainte Famille de Nazareth, de venir à leur aide. Et, cette foi ― qui « ferait déplacer les montagnes» ― fut exaucée. En effet, le soir même, un bienfaiteur se présenta à l’Institut et offrit à Elena la somme exacte dont elle avait besoin pour s’acquitter de sa dette. Mais, ces faits sont courants au sein de cette « Maison demandée par le Seigneur ». Un jour ― cela se passa dans l’actuelle Maison Généralice, en 1937 ― Elena se rendit compte qu’il manquait du pain et, mentalement elle adressa une prière fervente au Seigneur : au même moment un garde municipal frappa à la porte et remit gracieusement à l’Institut 36 kg de pain, réquisitionné le matin même.
En janvier 1948, par un décret émanant du Secrétariat de la Sacrée Congrégation pour les Religieux, l’Institut des Sœurs Minimes de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ fut élevé au rang de Congrégation de Droit Pontifical. L’Institut obtînt ainsi la reconnaissance juridique, par un Décret Présidentiel du 8 juillet 1949. Sœur Elena ouvrit ― à divers endroits, en Italie ― dix-huit maisons. Pendant plusieurs années les Sœurs eurent une Maison à Pentone (Catanzaro), ouverte le 10 février 1952, avec asile enfantin et laboratoire de coupe, couture et broderie. Elles en eurent une autre ― pendant peu de temps ― à Pietrapaola, qu’elles quittèrent le 31 août 1953. Partout, aux activités spécifiques de la Congrégation (éducation des enfants), les Sœurs, toujours unies à la Maison Généralice, oeuvraient dans les paroisses, enseignant le catéchisme, participant à l’action catholique et favorisant la « Messe de l’enfant ».
La renommée de sainteté de la « sainte moniale » était telle que le Préfet Guido Palmardita parla de sœur Elena à Benito Mussolini, qui s'en intéressa vivement et envoya même une aide sensible à la Maison de Cosenza. Ceci est un précédent qui explique la perplexité créée chez le Duce par la lettre que sœur Elena lui fit parvenir à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Cette lettre fut publiée le 19 Mars 1956 par le « Journal d'Italie ». « Cosenza, 23 Avril 1940. « Au Chef du Gouvernement Benito Mussolini, Duce, Je viens à Vous au nom de Dieu pour vous dire ce que le Seigneur m'a révélé et qu'il veut de vous. Je ne voulais pas écrire, mais hier, 22, le Seigneur m'est apparu de nouveau en m'imposant de vous faire savoir ce qui suit : “Le monde est en ruine à cause du grand nombre de péchés et particulièrement ceux d’impureté qui sont arrivés à leur comble devant la Justice de mon Père céleste. Donc, tu devras souffrir et être victime expiatrice pour le monde et particulièrement pour l’Italie, où se trouve le siège de mon Vicaire. Mon Règne est un règne de paix ; le monde, quant à lui, est en guerre. Ceux qui gouvernent les peuples sont obnubilés par l’acquisition de nouveaux territoires ! Pauvres aveugles !... Ils ne savent pas que là où Dieu est mise à l’écart il ne peut y avoir de conquête ! Dans leur cœur il n’y a que méchanceté et ils ne font que m’outrager et me mépriser ! Ils sont des démons de discorde, des destructeurs des peuples et cherchent à renverser, dans ce terrible flagelle l’Italie, où Dieu se trouve au milieu de tant d’âmes et où réside son Vicaire, le Pasteur Angélique. La France, très chère à mon Cœur, à cause de ses si nombreux péchés, tombera vite en ruines et sera à son tour ravagée comme Jérusalem ingrate. En Italie, parce que le siège de mon Vicaire s’y trouve, j’ai envoyé Benito Mussolini, pour la sauver de l’abîme vers lequel elle se précipitait, autrement, elle se trouverait dans les mêmes conditions que la Russie. Au milieu de tant de dangers je l’ai toujours sauvé ; maintenant il doit maintenir l’Italie hors de la guerre, parce que l'Italie est civile et est le siège de mon Vicaire sur la terre. S’il fait cela je lui accorderai des faveurs extraordinaires et je ferai que toutes les autres Nations s’allient à lui. Il a par contre décidé de déclarer la guerre, mais il faut qu’il sache que s’il ne l’empêche pas, il sera puni par ma Justice !”. Voilà ce que m’a dit le Seigneur. Ne pensez surtout pas, ô Duce, que je m’occupe de politique. Je ne suis qu’une pauvre sœur occupée à l’éducation des petits abandonnés et qui prie beaucoup pour votre salut et le salut de notre Patrie. Je suis, avec une sincère estime, Sœur Elena Aiello ».
La lettre fut remise à la sœur du Duce, Edwige Mancin Mussolini, le 6 mai 1940 ; et elle-même la remit à Mussolini quelques jours plus tard. Le 15 mai 1943, Mère Elena envoya à Edwige Mussolini la lettre suivante : « Excellence, Mon long silence vous a peut-être fait penser que je vous avais oubliée, alors que je pense à vous chaque jour dans mes pauvres prières, en suivant toujours les douloureux événements de notre belle Italie. Nous nous trouvons hors de Cosenza, à cause des bombardements. La barbarie ennemie a épanché sa haine, en lâchant des bombes sur la ville de Cosenza, causant dévastation, douleur et morts parmi la population civile. Je me trouvais au lit, prise de souffrances : trois bombes sont tombées près de notre Institut, mais le Seigneur, par son infinie bonté et par sa miséricorde, nous a sauvées. Afin de tenir les enfants éloignés du dangers de nouvelles incursions, nous nous sommes réfugiés à Montalto Uffugo, mon pays natal, où nous ne sommes certes pas à l’aise, mais nous offrons tout cela au Seigneur, pour le salut de l’Italie. La raison de cette lettre et celle de me tourner une nouvelle fois vers vous, comme au mois de mai 1940, lorsque lors ce que je vins à Rome, présentée par la Baronne Ruggi, pour vous délivrer, dans un écrit, les révélations que j’ai eues du Seigneur, en ce qui concerne le Duce. Rappelez-vous, quand le 6 mai de 1940 nous disions que le Duce avait prit la décision de faire la guerre, alors que le Seigneur, par ma lettre, lui faisait savoir qu’il devait sauver l’Italie de la guerre, autrement il subirait les rigueurs de la divine Justice ? “Au milieu de tant de dangers ― disait Jésus ― je l’ai toujours sauvé ; maintenant il doit maintenir l’Italie hors de la guerre, parce que l'Italie est civile et est le siège de mon Vicaire sur la terre. S’il fait cela je lui accorderai des faveurs extraordinaires et je ferai que toutes les autres Nations s’allient à lui. Il a par contre décidé de déclarer la guerre, mais il faut qu’il sache que s’il ne l’empêche pas, il sera puni par ma Justice !” Ah !... si le Duce avait écouté les mots de Jésus, l'Italie ne se serait pas trouvée maintenant dans une aussi triste situation ! ... Je pense que le Duce doit être très attristé de voir l’Italie, un jardin fleuri, transformée en désert, bondé de souffrances et de morts. Mais pourquoi continuer cette guerre terriblement cruelle, si Jésus a dit que personne n’aurait la vraie victoire ? C’est pourquoi, ma très chère Donna Edwige, je vous demande de dire en mon nom au Duce que celui-ci est le dernier avertissement que le Seigneur lui envoie. Il pourra encore se sauver s’il met tout entre les mains du Saint-Père. S’il ne fait pas cela ― disait le Seigneur ― bientôt la divine Justice tombera sur lui. Même les autres Chefs d’État qui n'écouteront pas les avis et les directives de mon Vicaire seront atteints et punis de ma Justice. Vous souvenez-vous, quand le 7 juillet de l’année dernière vous me demandiez ce qu’il adviendrait au Duce. Et je vous ai répondu que s’il ne se maintenait pas allié au Pape, il finirait pire encore que Napoléon ? Maintenant je vous répète les mêmes mots : Si le Duce ne sauve pas l'Italie en se remettant à ce que lui conseillera et dira de faire le Saint-Père, bien vite il tombera. Même Bruno demande le salut de l’Italie et celui de votre frère. Le Seigneur dit souvent que l'Italie sera sauvée par le Pape, victime expiatrice de ce flagelle, et qu’il n’y aura pas d’autre voie pour la paix et le salut des peuples en dehors de ce qui sera tracé par le Saint-Père. Chère Donna Edwige, réfléchissez bien à tout ce qu’a dit le Seigneur et qui s’est parfaitement réalisé. Qui a causé la ruine de l’Italie ? N’est-ce pas le Duce qui n’a pas voulu écouter les paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ ? Il pourra encore y remédier, en faisant ce que dit le Seigneur. Quant à moi, je continuerai de prier ».
Les visiteurs… vivants et morts
Les personnes qui venaient voir Mère Elena, étaient de plus en plus nombreuses et venaient de plus en plus loin. Elles venait cherchez auprès d’elle un rayon de lumière à leurs angoisses, un soulagement à leurs douleurs, une parole de foi à leur abattement apparemment sans issu. Elle savait écouter silencieuse la manifestation des âmes en peine, et savait à quel moment et comment leur parler. Elle ne cherchait point à enfermer ou à noyer la peine dans l’oubli, mais plutôt à lui donner une assise et à l'anoblir par la foi et par l'espérance. Le plus souvent on recourait à sœur Elena alors que la mésaventure n’était encore qu’une menace. Alors elle priait et promettait les prières de ses enfants, disposant les esprits tourmentés à l’espérance ou à la résignation. Voilà pourquoi les bienfaiteurs se sentaient toujours des débiteurs envers « 'la sainte moniale » : ils recevaient d’elle bien plus qu’ils ne pourraient jamais lui offrir, ou offrir à l’Institut. Combien de familles confiaient à sœur Elena, comme s’il s’agissait d’un paratonnerre, leurs souffrances et leurs problèmes ! Combien grande était la confiance qu’ils déposaient en elle et dans la valeur inestimable de ses humbles prières ! Il n’était pas rare qu’elle parle des visites, des entretiens ou des colloques qu’elle avait eus pendant la nuit, avec des défunts qui de leur vivant avaient eu des rapports particuliers avec elle ou avec l’Institut. Ce fut ainsi que, vingt jours après le décès d’une personne de sa connaissance ― la mère du prêtre don Franco ― et qu’elle trouva assise dans sa chambre, elle parla tranquillement pendant environ une vingtaine de minutes. Un matin, très tôt, toute la Maison Mère fut réveillée par un grand bruit, comme un grand coup qui aurait ouvert la porte de la chambre de sœur Elena. Accourus en hâte, ils trouvèrent la mère très calme, comme habituellement qui se mit à leur raconter la visite qu’elle venait de recevoir : Il s’agissait de feu don Vincenzo Donnarumma, ex-directeur spirituel de la Congrégation, qui était venu la remercier, ainsi que toute la Communauté, pour les intenses prières adressées à Dieu pour le salut de son âme. La pensée de la patrie céleste était continue chez sœur Elena qui parlait souvent de sa propre mort. En 1961 aux habituelles souffrances physiques vint s’ajouter une forte fièvre continue, que les médecins ne réussirent pas à expliquer et à éliminer.
Le 12 juin 1961 Mère Elena fut transportée à l’Hôpital San Giovanni, à Rome. Dans la nuit du 12 au 13 juin, les infirmières remarquèrent une forte odeur parfumée dans la chambre où elle était internée. Alors on lui dit : « Mère, demain c’est la fête de saint Antoine et, certainement obtiendra-t-il votre guérison ». Avec une grande sérénité, la malade répondit : « Demain, ni saint Antoine ni sainte Rita ni même la Madone ne feront de miracle. Dimanche, 18 juin, vers deux heures environ, le Curé assisté de don Franco administra à sœur Elena l’Onction des infirmes, et ensemble récitèrent les prières pour les moribonds. Vers 5 heures 30 don Franco célébra la sainte Messe dans la Chapelle qui se trouvait presque face de la chambre de la Mère. La sainte Messe terminée, sœur Elena cessa de souffrir. Il était alors six heures dix-neuf du lundi 19 juin 1961. Elle avait alors soixante-six ans et sa mort surprit tout le monde. Le dépouille mortelle fut affectueusement transféré dans la Chapelle, toute ornée de fleurs blanches. Puis, le 21 juin le corps arriva à Cosenza. La nouvelle de la mort d’Elena s’était très vite répandue et la foule nombreuse vint rendre un dernier hommage à celle qu’ils aimaient si tendrement et la prier, car ils savaient bien que son intercession trouvait toujours auprès du Seigneur une issue favorablement.
Texte extrait du site http://voiemystique.free.fr
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 752 autres membres