Edmond Michelet 2
Le serviteur de Dieu Edmond Michelet
La politique, chemin de sainteté
1899-1970
Itinéraire humain et politique
Edmond Michelet est mort le jour anniversaire de son baptême le 9 octobre 1970, le 71e anniversaire, à Marcillac près de Brive, suite à une attaque cérébrale sur la route de Chartres. Son père était épicier. Il est le 2e garçon d'une famille de 5 enfants. Son frère aîné étant décédé très tôt, il était, de fait, l'aîné de la famille. Il est né le 8 octobre 1899 et a été baptisé le 9. Son épouse Marie, dont il disait qu'elle avait les yeux de la couleur des châtaignes du Limousin, est né le 25 janvier 1900… Ils ont eu 7 enfants. Aussitôt ses 18 ans, il s'engage volontairement jusqu'à la fin de la guerre. Il sert dans l'armée d'occupation en Allemagne. Il est affecté au 126e régiment d'infanterie basé à Brive et c'est ainsi qu'il rencontre sa fiancée. Il épouse donc Marie en 1922 et poursuit son travail de grossiste en épicerie. Il est très lié à l'Action Catholique naissante ; il est très marqué par les "équipes sociales" fondées par Robert Garric. En juin 1940, il pleure la capitulation de la France et le 17 juin 1940, il diffuse un tract appelant à la Résistance et reprenant un texte de Charles Péguy : "En temps de guerre, celui qui ne se rend pas a raison contre celui qui se rend". Mais attention, il est en guerre contre le nazisme parce que c'est un danger contre la Foi (mais il n'est pas en guerre contre les Allemands). Comme Pie XI et à sa suite, il pense que le nazisme est destructeur de la Foi. Pendant la première partie de la guerre, il est libre et agit comme chef du réseau de résistance "combat" puis prend la direction de la région 5 des Mouvements Unis de la Résistance. Il est arrêté le 25 février 1943 en partant à la messe comme chaque jour. Il est alors incarcéré 6 mois à Fresnes puis déporté à Dachau le 14 septembre 1943 où il restera jusqu'à la libération fin mai 1945. En octobre 1945, il est élu député de la Corrèze et aussitôt appelé par le général de Gaulle comme ministre des armées. Il restera dans la politique sous la 4e république mais sans poste ministériel. Appelé au gouvernement en 1958 au moment du retour du Général de Gaulle, il doit traiter la question de la mémoire du Général Pétain. Puis, il devient Ministre de la Justice. Il démissionne de ce poste le 24 août 1961. Il reviendra au gouvernement sous Pompidou en 1967. Il sera là pendant les événements de Mai 1968 et suite au référendum perdu le 22 juin 1969 par le Général de Gaulle il restera pour assurer la transition. Il est alors, dans le gouvernement de Chaban-Delmas, ministre de la culture où il succède à André Malraux. Il occupe ce poste jusqu'à sa mort le 9 octobre 1970.
Engagement politique
D'où est venu cet engagement ? Dans quel esprit ?
Il a été très marqué par l'enseignement de Jacques Maritain : "Le chrétien ne donne pas son âme au monde mais il doit aller au monde (…) pour faire aussi en chrétien son métier d'homme dans le monde et faire avancer les rivages de Dieu". Après la guerre, beaucoup de communistes sont à la chambre des députés et ils demandent des postes clés ; de Gaulle veut dans son gouvernement des chrétiens qui ont su s'entendre avec les communistes pendant la guerre, sans leur céder sur le terrain idéologique. Edmond Michelet est nommé ministre des armées tandis que Charles Tillon a aussi, avec l'armement, un poste clé. Tous deux travaillent ensemble l'un chrétien, l'autre communiste. Rapidement, Michelet est exclu du MRP, parti chrétien, pour cause de Gaullisme. Il se méfiera toute sa vie des partis politiques quand ils cherchent seulement leurs intérêts. Il ne nourrit aucune ambition personnelle mais répond à ce qu'il considère comme son devoir d'état.
Expérience spirituelle dans le combat politique
La qualité de son mariage chrétien est un élément important de cette expérience spirituelle. Dés le début de leurs fiançailles, ils choisissent de ne rien se cacher l'un à l'autre. La prière commune matin et soir – même quand ils sont séparés du fait de la captivité ou de la politique – a une grande importance dans leur vie d'époux chrétiens. On peut noter des "rayons" de la vie spirituelle du couple : décident de partager ce qui fait leur vie la plus personnelle prière et sacrements sont le ciment qui les unit Pour eux, le 1er commandement est attaché définitivement au second sans confusion. La vie spirituelle d'Edmond Michelet nourrit sa Paix intérieure et son désir de réconciliation. Dans la prison de Fresnes, il demande à sa femme de pardonner à ceux qui l'ont dénoncé à la Gestapo ; il désire que sa femme entre dans les mêmes disposition que lui ; il veut entrer dans un mouvement profond de désarmement de la haine par la grâce de la Mère de Dieu.
Des signes de sa liberté de conscience
Edmond Michelet a vécu son engagement politique dans une grande liberté intérieure. Au moment de Mai 1968, il continue de porter un regard d'Espérance sur la Jeunesse. Il accuse plutôt la démission des parents en matière d'éducation. La vie politique en général ne lui a pas épargné des blessures, notamment au moment des élections de 1967 où il est "parachuté" par le général de Gaulle dans une circonscription bretonne…et mal accueilli par des milieux chrétiens. (Il est tout de même élu député de la première circonscription du Finistère – Quimper – le 12 mars 1967). Suite au tract du 17 juin 1940 à Brive, il s'engage dans la Résistance : cache des juifs, fait des faux papiers… se pose alors une question importante : a-t-il le droit de mettre en péril sa femme et ses enfants ? C'est une décision de conscience qui se situe au plan de la sainteté ; c'est une décision d'héroïcité. Il démissionne du gouvernement Debré le 24 août 1961 du fait de la question algérienne : avant, il obtient que les prisonniers aient le statut de prisonniers politiques. Il pense que ces hommes qui sont en prison seront les dirigeants de l'Algérie de demain. Il fait tout pour éviter plusieurs condamnations à mort. Il se trouve en opposition avec le Premier ministre qui est favorable à une attitude plus ferme. C'est ainsi que le ministre de la justice Edmond Michelet est amené, pour une question de conscience, à quitter le gouvernement. Cependant il signifie au Premier ministre qu'il lui garde toute son amitié. Le 16 décembre 1960, en pleine guerre d'Algérie, il conduit une prière à Notre Dame de Paris au nom des parlementaires.
Témoignage pour une demande en Béatification
Témoignage pour la demande en béatification de notre camarade Edmond Michelet, Président fondateur de l'Amicale des anciens de Dachau et Garde des Sceaux du Général de Gaulle.
Nous avons été, mes Camarades et moi, convoyés in fine à Dachau, en wagons à marchandises et à découvert, depuis le camp de Gross Rosen sous la neige qui tombait dru, au plus fort de l'hiver 1944. Nous y sommes arrivés comme des « stuck » ainsi nous désignaient les gardes SS, c'est-à-dire des morceaux de bois aussi maigres que des tiges! Même les membres de la Hitler-Jugen que nous croisions depuis la gare nous tiraient la langue et nous faisaient des signes démonstratifs de désignés de pendaison. Nos corps glacés étaient si faibles sur le chemin menant de la gare au camp de Dachau que nous tombions fréquemment à terre! Gare à celui qui restait inanimé! Un coup de revolver accordé par un soldat SS l'achevait aussitôt. En ce qui me concerne plus ou moins, nous étions nombreux à être atteints du typhus exanthématique: un mal que les poux répandaient sur nous et autour de nous en masse. Ces bestioles nous suçaient le sang et leurs piqûres nous amenaient à l'état de vertige ( de faim) tel que le souhaitait le haut commandement nazi. Au lieu de cette désespérance qui nous attachait derrière les barbelés électrifiés, un homme habillé en bagnard s'est précipité à l'arrivée de notre convoi. Pour la première fois de notre vie concentrationnaire, quelqu'un nous accueillait avec des mots chaleureux nous apportant un peu de réconfort. Cet homme nous menait à un block et, avec des mots affectueux, nous obligeait à prendre une douche chaude! Les jours suivants, cet homme ne cessa d'aller parmi nous et de nous distribuer de l'un à l'autre des morceaux de bois provenant de châlits qu'il faisait carboniser. Il nous recommandait de les grignoter comme traitement à nous douleurs ventrales intenables qui nous vidaient de toute substance. Ensuite, cet homme qui avait réussi à s'attacher l'admiration des SS nous fit entrer dans le saint des saints d'une baraque de Dachau: le block réservé aux prêtres emprisonnés par les SS où une chapelle montée à la hâte nous assurait un peu de chaleur salvatrice. Cet homme de bien même au milieu de l'enfer, c'était Edmond Michelet, premier résistant de France, dés Juin 1940. A cette date, il transmettait des lettres dans les boîtes aux lettres des habitants pour les inciter à ne pas collaborer avec l'ennemi. D'autre part, Edmond Michelet s'est employé à sauver le camp de Dachau de la destruction totale ordonnancée par Himmler en tentant d'obtenir des autorités du camp et l'ayant obtenu, leur renonciation à le faire sauter aux explosifs. Ce qui nous aurait exterminé tous d'un coup. Je dois ajouter encore qu'Edmond Michelet m'entretenait souvent à l'abri, dans la baraque transformée en chapelle, de notre obligation : « si nous sortions vivants de Dachau, d'essayer de faire naître un symbole protecteur contre les exterminations futures… ». Ce symbole nous lui avons donné le jour avec le Général André Delpech en 1995, lors de notre congrès et pendant les exterminations au Kossovo. A cet égard, nous étions reçu par Ferenc Madl, Président de la Hongrie ainsi que le Comité et nous-même. Le but recherché était que de par son Aura, la France obtienne un consensus en faveur de la non extermination des peuples de la part de chaque chef d'Etat qui régissent politiquement sur toutes les destinées de tous les pays de la planète.
Marc Boissière
Pourquoi un procès de béatification ?
Tout simplement du fait de sa réputation de sainteté, des nombreux témoignages tout à fait après sa mort et encore jusqu'à maintenant. C'est une sainteté de laïc qui fait son devoir d'état. Reste la question de la sainteté conjugale mais la sainteté est toujours personnelle dans l'Eglise.
La cause de béatification d'Edmond Michelet a été ouverte en 1976
Il accueillait les Juifs allemands persécutés par le nazisme
Rome, Lundi 10 avril 2006 (ZENIT.org) - La cause de béatification de l'ancien Garde des Sceaux français, Edmond Michelet (1899-1970), héros de la Résistance, a été ouverte en 1976, par Mgr Brunon, alors évêque de Tulle, un diocèse confié depuis 2001 à la sollicitude pastorale de Mgr Bernard Charrier. A Brive, Edmond Michelet accueillait - entre autres - les Juifs allemands persécutés par le nazisme. Comme le rappelait le cardinal José Saraiva Martins dans l'entretien publié dans notre édition du 7 avril dernier, la cause de béatification et canonisation est d'abord ouverte dans le diocèse où est mort le baptisé ou la baptisée. Or, Edmond Michelet est né à Paris, le 8 octobre 1899, et il s'est éteint à Marcillac, près de Brive, dans le diocèse de Tulle, le 9 octobre 1970.
Mais le président des « Compagnons de la fraternité Edmond Michelet », M. Jacques Lagabrielle, soulignait, en 1999, sur le site officiel du ministère français de la Culture que c'est à Pau que se formèrent son adolescence et sa jeunesse
(cf. http://www.culture.gouv.fr:80/culture/actualites/celebrations/michelet.htm) : « C'est là qu'il prend ses premiers "engagements" à l#Association catholique de la jeunesse française. Son installation à Brive en 1925 marque le commencement de l#épanouissement de sa très riche et chaleureuse personnalité. Il y fonde un foyer rayonnant où naissent sept enfants ». Et de préciser encore : « Son insatiable curiosité intellectuelle, sa vitalité exceptionnelle, sa foi militante en font l'initiateur de plusieurs groupes d'amitié et de prière et l#organisateur de conférences aux sujets prophétiques, comme "Les périls qui menacent notre civilisation". Il accueille à Brive aussi bien les Juifs allemands persécutés par le nazisme que les républicains espagnols réfugiés. Son jugement lucide sur l'affrontement inévitable entre les fascismes et la liberté l'ont préparé à son premier acte de résistance : il fait distribuer par ses amis de tous bords dès le 17 juin 1940 dans les boîtes aux lettres ce passage de Péguy : "Celui qui ne se rend pas a raison contre celui qui se rend...". Sa Résistance active et imprudente le conduit à Dachau dès 1943 pour vingt mois. Sans relâche, il parcourt le camp, il soutient, encourage, réconforte. Après l'exécution du général Delestraint, il devient "Président du Comité patriotique français". Son courage et sa générosité sont tels qu'un ancien déporté a pu écrire : "Je suis athée, mais pour nous tous Michelet c'est l'image que nous pouvons nous faire d'un saint". » Enfin, « appelé par le général de Gaulle au gouvernement, Edmond Michelet passera les vingt-cinq dernières années de sa vie dans l'action politique et il sera cinq fois ministre ». « Même ses adversaires reconnaîtront en lui un homme désintéressé, fidèle et juste », ajoute l'auteur. Le cardinal Saraiva Martins soulignait qu'une telle démarche n'a pas son origine dans une décision de l'évêque, mais qu'il faut en amont un mouvement dans le Peuple de Dieu avec la conviction durable que le défunt en question a vécu une vie de sainteté. Le président des conseils pontificaux de la Culture et pour le Dialogue interreligieux, le cardinal Paul Poupard, évoquait cette cause, à Rome, à l'Athénée pontifical Regina Apostolorum, le 1er décembre 2001, lors d'une conférence sur le thème : « France : témoin d#espérance pour le nouveau millénaire ». « Aux côtés de Schuman, je ne peux omettre de mentionner un autre acteur politique dont j'ai eu la joie de postuler, comme pour Robert Schuman, l'ouverture de la cause de béatification, disait le cardinal Poupard : Edmond Michelet, résistant de la première heure, inspiré par Péguy, déporté à Dachau, et devenu ministre de la République. Ce n'est pas sans admiration que son ami agnostique André Malraux l'a portraituré : « Il a été toute sa vie l'aumônier de la France. » Cette confession laïque n'est-elle pas la reconnaissance, sous forme d'hommage, d'une culture politique qui depuis le baptême de Clovis porte la marque de la grâce ... Les événements tragiques qui marquent ce début de millénaire, montrent à l'évidence le besoin d'un nécessaire recours à cette manière de faire de la politique pour le bien des peuples ». A Rome, le 29 juin 1999, en la Solennité de Saint-Pierre et Saint-Paul, lors d'un colloque de la francophonie, évoquant le thème « Christianisme et francophonie », le cardinal Poupard avait rendu hommage à Edmond Michelet comme « résistant de première heure, déporté à Dachau dont il est le saint laïque ». Il ajoutait : « Ministre de la République, il concilie sans équivoque sa vie privée de chrétien et sa vie publique d'homme d'État». Mgr Benoît Rivière, nouvel évêque d'Autun, a rappelé pour sa part, en 2002, que son grand-père, Edmond Michelet, plusieurs fois ministre du Général de Gaulle, « n'a jamais eu d'ambition personnelle mais considérait sa charge comme devoir d'État ». « Il n'y a jamais eu chez lui ni confusion ni séparation entre l'amour de Dieu et l'amour du frère » chez cet « homme de réconciliation » que l'on surnommait « le ministre qui prie », soulignait Mgr Rivière.
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