Spiritualité Chrétienne

Spiritualité Chrétienne

Chiara Lubich

Chiara Lubich

Le charisme de la fraternité et de l’unité

1920-2008


Le 14 mars 2008, s’éteignait Chiara Lubich, l’un des phares charismatiques de l’Eglise contemporaine. Il n’est pas sans intérêt de dégager les linéaments et enseignements d’une vie tout entière vécue au service de l’Eglise et du prochain, sous sept papes, surtout Jean-Paul II, le pontificat le plus long.


Une lente gestation (1943-62)


Une âme choisie


Chiara Lubich est l’une des grandes figures spirituelles de notre époque. Elle s’insère dans un vaste mouvement charismatique qui a pris corps sous Paul VI et s’est épanoui sous Jean-Paul II, pape particulièrement attentif aux signes de l’Esprit. D’aucuns pensent, en effet, qu’après l’ère du Père, puis du Fils, nous sommes parvenus à celle de l’Esprit-Saint, qui parle par l’Eglise, ses prophètes et ses saints. De son prénom de baptême, Silvia Lubich naît à Trente le 22 janvier 1920, d’un père négociant et socialiste, et d’une mère ménagère et très chrétienne. Elle est la deuxième de quatre enfants. Son frère aîné deviendra journaliste très engagé. Silvia s’engagera aussi, mais autrement. Dans ses secrets desseins, Dieu aime choisir des humbles. Ainsi va commencer chez elle un lent mais dense cheminement spirituel. A 7 ans, elle demande au Christ «sa lumière et sa flamme». A 19, au cours d’un congrès à Lorette, il lui fait entrevoir sa mission future: «un jour, une armée de personnes vierges te suivra.» Pour l’instant, faute de moyens matériels, elle ne fera pas d’études supérieures, mais devient institutrice privée, et se penche sur ses premières âmes. Elle impressionne déjà par son calme, sa douce fermeté, son intelligence. Elle a compris le précepte du Christ: «se sanctifier pour sanctifier autrui».


L’émergence d’une vocation


Durant la guerre, elle poursuit sa tâche et se met au service de l’Eglise quand elle décide de s’appeler Chiara (elle admire saint François qui avait «refait» l’Eglise de son temps), et surtout, lorsque, sur l’appel de Jésus, elle se consacre à Lui, le 7 décembre 1943. Ses historiens considèrent que le Mouvement des Focolari est né là, quand elle a «épousé Dieu, dans une joie intérieure incomparable et contagieuse». Contagieuse, parce qu’en effet, un feu inexplicable est né en elle, à la manière de la consécration de Thérèse de Lisieux. Et le feu spirituel ne peut que se propager. Un groupe de jeunes filles se crée spontanément autour d’elle et vit l’amour divin plus fort que les bombes qui pleuvent sur la ville de Trente. Dès lors les choses s’accélèrent et la vocation de Chiara se précise. L’Idéal recherché est Dieu dans son mystère d’amour pour chacun et d’unité pour tous, selon la prière de Jésus «Père, que tous soient un…» Ce diptyque d’amour et de fraternité va devenir la base de son charisme et tout le reste s’ordonnera autour.


La naissance des foyers (focolari) d’amour dans l’unité


Charisme brûlant, mais non sans épreuve, qui purifie, authentifie et sanctifie, jusqu’au bout, comme il sied à tout apostolat, selon l’exemple du Christ. Chiara vivra intensément cette vérité, fécondatrice de vie, lorsqu’un prêtre lui dira: «la plus grande souffrance de Jésus a été l’abandon du Père sur la Croix, qui s’est ajouté à celui des hommes.» Cet abandon — qu’il faut voir sous toutes ses formes — sera pour elle la clé de sa mission: réunir ses semblables autour de Jésus dans un amour partagé. Les gens ne tardent pas à entourer Chiara, qui illumine son prochain de ses lumières puisées en Dieu. Comme la Maison de Nazareth entrevue à Lorette, la sienne devient ce lieu, ce foyer où brûle le feu de l’amour divin, selon la parole de Jésus «là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux.» Le premier «focolare» est né: le Mouvement (car le feu trinitaire est dynamique) où se partagent les expériences d’Evangile vécues par toutes sortes de gens, pour répandre l’Amour qui unifie et fortifie. Cette genèse s’opère dans les années 44-45.


Le sceau du Saint-Siège (1962)


L’intuition favorable de son évêque


Mais, pour savoir si tout vient de Dieu et est bien à son service, il faut l’avis et l’aval de l’Eglise. Dieu va manifester peu à peu sa volonté. Mouvement de laïcs, créé par une femme, une laïque, jeune, qui veut vivre sa vocation dans la virginité, elle a besoin d’appuis. Ils s’offrent à elle, au gré de la providence.Un des premiers signes ne trompe pas: son évêque, qui voit cette «révolution», les fait appeler et déclare: «Ici, on voit le doigt de Dieu.» Et un évêque, l’Ordinaire, c’est l’Eglise. Les confirmations de cette intuition suivent: en 1948, l’appui de l’écrivain et député Igino Giordani, lui permet d’œuvrer jusqu’à Rome et de rencontrer des personnalités influentes, comme Alcide de Gasperi, chef du Gouvernement, qui dit, lui aussi: «Sous réserve du jugement de l’Eglise, pour moi, c’est quelque chose de magnifique.» En 1950, sur le plan purement religieux, elle rencontre le père Pasquale Foresi, qui accompagnera le Mouvement naissant comme théologien et pasteur, lui permettant ainsi d’aller vers l’approbation officielle et de s’adapter aux besoins de l’Eglise. Le premier et le troisième sont comme les co-fondateurs des Focolari. De sorte qu’avec de tels soutiens, le Mouvement s’étend effectivement, non seulement en Italie mais vers l’extérieur dès 1958, par exemple en Europe de l’Est, l’«un des visages particuliers de Jésus abandonné», dit-elle.


La reconnaissance de l’Eglise


Ne serait-ce qu’à cause de l’ampleur grandissante du Mouvement, l’acceptation tacite des évêques de Chiara ne pouvait se prévaloir de celle de Rome, d’autant plus que nombre d’évêques d’Italie étaient perplexes, pour ne pas dire dubitatifs. Cependant, avant de mourir, Pie XII fit connaître à Chiara qu’il approuvait son action. Après une longue étude et beaucoup de souffrances pour elle, Jean XXIII, le 23 mars 1962, approuve son Mouvement, pour la joie et le bien de toute l’Eglise. Paul VI reconnaît lui aussi, en 1965, la valeur des Focolari. Dès lors, avec l’appui le plus fort, celui de la Papauté, le Mouvement a les coudées franches pour agir; son autorité et son efficacité s’en trouvent considérablement accrues.


L’épanouissement sous Jean-Paul II (1978-2005)


Si le Concile et Paul VI ont favorisé grandement l’œuvre des Focolari du fait de l’essor des mouvements authentiquement charismatiques et du laïcat, c’est à partir de Jean-Paul II que le Mouvement est devenu planétaire. Le Pape avait une grande confiance en Chiara, qui l’accompagnait souvent, lui-même se rendant au centre des Focolari, près de Rome (ex. en 1984). Après Paul VI, il l’a reçue en audiences, elle a assisté à nombre de rencontres en sa présence, comme la grandiose Assemblée des Mouvements ecclésiaux pour la Pentecôte 1998, qui représente le sommet des œuvres charismatiques. Elle a assisté en face de lui à la VIe Conférence Mondiale des Religions, etc. D’une part, le Mouvement, comme tant d’autres, a été renforcé par la promotion du laïcat (elle a participé activement, à ses côtés, au Synode de 1987 sur les laïcs d’où est sortie l’Exhortation Apostolique Christifideles laïci de 1988, charte du Laïcat contemporain et des Nouvelles Communautés). De l’autre, le Saint-Père avait besoin de ces mouvements, qui enracinaient son action pastorale parmi les peuples, tout comme Mère Térésa ou Jean Vanier. Il a fait en sorte que ce soit «toujours une femme qui soit à la tête de son œuvre».


Un charisme d’Eglise (…1962-2008)


L’œuvre des Focolari


Il est certain que Chiara n’a rien fait seule. Elle a déclaré un jour: «Quelqu’un agit qui nous dépasse tous, c’est l’Esprit-Saint…». Il l’a inspirée, guidée, accompagnée et conduite sur les chemins de l’Eglise et du monde — avec les autres mouvements — pour tous ces hommes dont Jean-Paul II a justement dit qu’ils étaient «la route de l’Eglise». Par sa parole, sa prière, ses meetings, ses voyages, ses rencontres multiples et incessantes, telles les fameuses Mariapolis(1), elle a fait œuvre d’amour, de fraternité et d’unité en lien avec son temps, les exigences de celui-ci et de Vatican II, et l’«explosion» des sociétés. Elle a été elle-même «un signe des temps». Avec ses aides féminines et ses conseillers, elle a non seulement créé ces innombrables foyers d’amour, qui sont autant de micro-communautés évangéliques, caritativement et catéchétiquement actives, mais le rayonnement de son intelligence et de sa charité lui ont fait collectivement s’occuper des jeunes, des familles, ceci, pas seulement en Italie ou en Europe, mais jusque dans le Tiers-Monde où le nombre, les besoins, l’espérance requièrent toutes les bonnes volontés. Concrètement, elle a encouragé, aidé les démunis en envoyant des équipes de tous ordres (médecins, infirmiers, assistants, enseignants, etc.), en allant elle-même sur le terrain. Il n’y a pas de secteurs de la pensée, de la religion, de la culture qu’elle n’ait touchés par ses initiatives aussi hardies que prophétiques. Elle lance la «Culture du don», au Brésil l’«Economie de Communion» pour insérer la fraternité au sein de la culture actuelle. D’ailleurs, elle qui n’avait pu étudier en facultés, a été faite 16 fois docteur honoris causa. Elle a parlé devant nombre d’instances internationales, comme l’Unesco (1996). Et plus que de parler, elle s’est engagée. Cet apostolat caritatif et humain s’est doublé d’une action universelle à travers son souci œcuménique et interreligieux profond. Chiara a rencontré et touché des communautés comme Taizé (frère Roger), des chefs anglicans, protestants, des patriarches orthodoxes, tel Athénagoras, apôtre comme elle de l’unité, et quantité d’imams et d’autres chefs religieux, des personnalités politiques et culturelles de tous horizons, chefs africains, etc. Elle a rendu grâce pour les rencontres d’Assise. Bref, elle a eu un rayonnement extraordinaire, qui avait quelque chose de celui de Jean-Paul II.


Sa fin et son héritage


Entre 1995 et 2004, date de sa dernière apparition publique, Chiara a multiplié ses voyages, de Taïwan aux Etats-Unis, répandant l’amour, le dialogue et la communion, de conférences en célébrations, de festivals en congrès, notamment pour la jeunesse qu’elle voyait, comme Karol Wojtyla, l’avenir de l’Eglise et du monde. En 2003, elle a célébré les 60 ans des Focolari. Usée, mais non pas éteinte, elle a dû consentir au suprême sacrifice du retrait. Née la même année que Jean-Paul II, elle ne lui a survécu que de 3 ans, décédant le 14 mars 2008. Ses obsèques, présidées par le cardinal Bertone, ont été célébrées le 18 mars en la basilique de Saint-Paul-Hors–Les-Murs, en présence d’un vrai kaléidoscope mondial. Son héritage reste celui de sa présence, de son espérance, de ses écrits. Son ultime témoignage peut se résumer dans l’un d’eux, sorte de testament spirituel (extraits): «Jeunes, laissez le Christ agir dans votre vie; vous, chrétiens, allez de l’avant; vous qui avez une autre religion, allez de l’avant; vous qui vous réclamez d’une autre culture, allez de l’avant! Vous ne connaissez pas Dieu, mais vous sentez l’idéal d’un monde uni. Tous, main dans la main, soyez-en sûrs: la victoire vous appartient.»


Article de Mr Bernard Balayn paru dans le Stella Maris, n°456 de mars 2009


Pour approfondir

Site du Mouvement des Focolari

www.focolari.fr




15/01/2010
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