Bienheureux Franz Jagerstätter 02
Franz Jagerstatter
Berlin, juillet - août 1943
Franz Jägerstätter était un jeune paysan autrichien, catholique, épousé à Franziska, père de trois enfants. Le 9 août 1943, à l'âge de 36 ans, il fut décapité dans une prison près de Berlin à cause de son opposition à la guerre et pour s'être exprimé plusieurs fois contre le Führer et le national-socialisme.
Il avait écrit peu avant de mourir: « Peut-on être en même temps soldat du Christ et soldat pour le national-socialisme, peut-on combattre pour la victoire du Christ et de son Église et en même temps pour la victoire du national-socialisme? ».
Et il avait ajouté: « Si Dieu ne m'avait pas accordé sa grâce et la force de mourir, si nécessaire, pour défendre ma foi, je ferais peut-être simplement ce que fait la majorité des gens. Dieu peut en effet accorder sa grâce à chacun comme Il le désire. Si d'autres avaient reçu les nombreuses grâces que j'ai reçu, ils auraient peut-être fait des choses bien meilleures que moi ».
« Je crois que l'on peut prêter obéissance aveugle, mais seulement si on ne cause dommage à personne »
J'écris seulement quelques mots, comme cela me sort du cœur. J'écris avec les mains liées, mais il vaut mieux ainsi que si la volonté était enchaînée. Parfois Dieu nous montre ouvertement sa force, qu'il donne aux hommes qui l'aiment et qui ne préfèrent pas la terre au ciel. Ni la prison, ni les chaînes et non plus la mort peuvent séparer un homme de l'amour de Dieu et lui voler sa libre volonté. La puissance de Dieu est invincible.
Soyez obéissants et soumettez-vous aux autorités: ces mots arrivent aujourd'hui de tout coté, même de la part de gens qui ne croient presque pas du tout en Dieu et aux écritures sacrées.
Si on se consacrait avec la même assiduité avec laquelle on a essayé de me sauver de la mort terrestre, à mettre en garde chaque homme contre le péché mortel, et donc contre la mort éternelle, il y aurait déjà le paradis en terre.
Il y a toujours ceux qui tentent de t'opprimer la conscience en te rappelant l'épouse et les enfants. Est-ce que les actions qu'on accomplit deviennent-elles plus justes seulement parce qu'on est marié et on a des enfants ? Ou alors est-ce que l'action devient-elle meilleur ou pire seulement parce que l'accomplissent d'autres milliers de catholiques? Est-ce que fumer est devenu une vertu parce que fument des milliers de catholiques? Est-ce qu'on peut donc mentir parce qu'on a femme et enfants et en outre le justifier à travers un serment? Christ lui-même a dit: "Qui aime sa femme, sa mère et ses enfants plus que moi, n'est pas digne de moi". Pour quelle raison nous prions Dieu et les sept dons de l'Esprit Saint, si nous devons de toute façon prêter une aveugle obéissance? Pour quelle raison Dieu aurait-il fourni les hommes d'une intelligence et d'une volonté libre si on ne nous accorde même pas, comme on l'affirme, de juger si cette guerre que l'Allemagne est en train de mener est-elle juste ou injuste? À quoi bon donc de savoir distinguer entre bien et mal?
Je crois que l'on peut prêter obéissance aveugle, mais seulement dans les cas où on ne cause aucun dommage à personne. Si aujourd'hui les hommes étaient un peu plus sincères, il devrait exister aussi quelques catholiques pour dire: "Oui, je me rends compte que ce que nous sommes en train d'accomplir n'est pas bien, cependant je ne me sens pas encore prêt à mourir".
Si Dieu ne m'avait pas donné la grâce et la force de mourir, si nécessaire, pour défendre ma foi, je ferais peut-être simplement ce que fait la plus grande partie des gens. Dieu peut en effet accorder sa grâce à chacun, comme il le veut. Si d'autres avaient reçu les grâces que j'ai reçu, ils auraient peut-être fait des choses bien meilleures que moi.
Peut-être nombreux sont ceux qui pensent devoir supporter le martyre et mourir pour leur foi seulement lorsqu'on prétendra d'eux d'abandonner l'Église. Je me risque à dire très ouvertement que celui qui est prêt à souffrir et à mourir, plutôt que d'offenser Dieu même avec le plus petit péché véniel, il est aussi disposé à mourir pour sa propre foi. Celui-ci aura plus de mérite que celui qui est condamné pour ne pas abjurer l'Église publiquement, parce qu'en ce dernier cas on a tout simplement le devoir de mourir plutôt qu'obéir, si on ne veut pas commettre péché grave.
Un saint a dit: "Même si un seul mensonge prononcé pour s'adapter aux circonstances, pouvait permettre d'éteindre tout le feu de l'enfer, il ne faudrait pas le prononcer parce qu'en mentant, même par nécessité, on porte offense à Dieu ». Quelqu'un pourra penser que des considérations semblables au XX° siècle peuvent sembler ridicules. Oui c'est vrai, nous les hommes nous avons changé en beaucoup de choses, mais Dieu n'a pas enlevé un iota de ses commandements. Pourquoi veut-on tâcher toujours de renvoyer la mort, comme si on ne savait pas que tôt ou tard elle devra arriver? Est-ce que nos saints se sont peut-être conduits ainsi? Je ne crois vraiment pas. Ou peut-être nous doutons de la miséricorde de Dieu, comme si vraiment pouvait nous attendre l'enfer après notre mort. En réalité je l'aurais bien mérité avec tous miens nombreux et graves péchés, mais Christ n'est pas venu dans le monde pour les justes, mais pour chercher celui qui était perdu. Et afin qu'aucun pécheur ne puisse avoir des doutes, il nous en a donné son propre exemple en point de mort, en sauvant le bon larron.
Nous n'aurions jamais aucune sérénité sur cette terre si nous savions que Dieu, le Seigneur, ne nous pardonne pas et que donc, après la mort, nous devrons pour toujours errer dans l'enfer. Si des pensées de ce genre n'emmènent pas au désespoir l'homme, c'est parce qu'il ne croit plus dans une vie au-delà de la mort, ou il s'imagine l'enfer comme une salle d'amusements où il y a toujours l'allégresse. Si un bon ami nous proposait un long voyage de plaisir, naturellement gratuit et avec traitement de première classe, est-ce que nous tâcherions de le renvoyer continuellement ou est-ce que nous le garderions pour la vieillesse? Je ne crois vraiment pas. Qu'est donc la mort si ce n'est qu'un long voyage que nous devrons faire, même si de ce voyage nous ne reviendrons plus? Est-ce qu'il peut y avoir un moment plus joyeux de celui lorsque nous apercevrons d'être arrivés sans incidents aux bords du paradis? Naturellement nous ne devons pas oublier qu'il faudra avant nous purifier dans le purgatoire, mais cela ne dure pas à jamais et celui qui en vie s'est efforcé d'aider avec ses prières les pauvres âmes des morts et est resté fidèle à la Mère du Christ, peut être sûr qu'il n'y restera pas pour longtemps. On pourrait presque s'évanouir en pensant aux joies éternelles du ciel! Comment nous rend tout de suite heureux une petite joie que nous éprouvons dans ce monde! Pourtant que sont les brèves joies terrestres par rapport à celles que nous a promis Jésus dans son royaume ! Aucun oeil n'a jamais vu, aucune oreille jamais entendu et aucun cœur d'homme n'a jamais connu ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment.
Quand Saint Augustin voulut écrire un livre sur les joies célestes, Saint Jérôme qui, comme plus tard on sut, était mort en ce même jour, lui apparut en rêve et il dit: "Comme tu ne peux contenir le monde entier dans une main, ainsi tu ne pourras pas recueillir les joies du ciel dans un livre avant de te trouver toi-même en cet endroit où tu t'efforces d'aller". Si donc les joies du Ciel sont si grandes, ne devrions-nous pas mépriser tous les plaisirs de cette terre?
Texte tiré des notes écrites en prison dans la période après sa condamnation (6 juillet 1943)
Texte extrait du site www.santegidio.org
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