015 Fête de la Très Sainte Couronne d'Épines de Notre Seigneur
Fête de la Très Sainte Couronne d'Épines de Notre Seigneur
Le vendredi après le jour de Cendres
Pilate, nous dit saint Jean, prit Jésus et le fit flageller, et les soldats tressèrent une couronne d'épines, la lui mirent sur la tête et le revêtirent ensuite d'une robe de pourpre. Alors ils venaient à lui, et disaient: « Salut, roi des Juifs ». En même temps ils lui donnaient des soufflets. Pilate sortit donc de nouveau et leur dit: « Voici que je vous l'amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun sujet de condamnation ». Jésus parut donc dehors, portant la couronne d'épines et le vêtement de pourpre.
Quand Pilate eut livré Jésus entre les mains des soldats du prétoire, ceux-ci, s'imaginant que le gouverneur l'avait appelé roi des Juifs par dérision, voulurent à leur tour se moquer de cette royauté, et revêtant le Seigneur d'insignes dérisoires, ils le dépouillèrent de ses vêtements, et le faisant asseoir sur une pierre comme sur un trône, ils simulèrent des hommages moqueurs. Une horrible pensée leur vient, la cruauté en fournit toujours de semblables, ils entrelacent et réunissent ensemble plusieurs branches de jonc marin, très-connu sur les bords de la mer Rouge. Les épines de ces joncs sont longues, solides et pointues. Une couronne affreuse est tressée et placée sur la tête de Jésus à l'aide de bâtons on frappe sur ce diadème il s'enfonce, pénètre dans le crâne et produit d'atroces déchirements et de cruelles souffrances. Le sang coule de toutes parts, son visage en est inondé; c'est en le contemplant longtemps à l'avance dans cet état que le Prophète s'écriait: « Il est sans beauté et sans éclat, nous l'avons vu et il n'avait rien qui attirât l'œil, et nous l'avons méconnu ». Il nous a paru un objet de mépris et le dernier des hommes, un homme de douleurs, qui sait ce que c'est que souffrir. Son visage était comme caché, il paraissait méprisable et nous ne l'avons pas reconnu, il a pris véritablement nos langueurs et s'est chargé lui-même de nos douleurs. Nous l'avons considéré comme un lépreux, comme un homme frappé de Dieu et humilié.
Pour comprendre le mystère du couronnement d'épines, remontons jusqu'à l'origine du monde et entendons la malédiction que Dieu prononce contre Adam devenu prévaricateur. « La terre sera maudite à cause de toi, et elle ne produira que des ronces et des épines ». Cette malédiction qui
frappait la terre était le voile d'une malédiction plus redoutable qui tombait sur le cœur de l'homme. Pendant que la terre, pour obéir à la voix de Dieu, se couvre de ronces et d'épines, notre cœur, bien autrement fécond, ne produit que des vices et des passions, et devient stérile pour tout acte de vertu et de justice. Bien que Jésus se fût substitué en notre place, il ne pouvait prendre la réalité de nos péchés il n'en pouvait prendre que le signe extérieur, et la couronne d'épines dont il se laisse couronner est, selon l'expression d'un écrivain sacré, le symbole de nos péchés dont il a pris la responsabilité et le châtiment, et qui, comme des épines aiguës, sont la seule production de notre cœur. « O sainte couronne d'épines, dit Pierre Origène, c'est à toi et par toi qu'il a détruit l'ancienne malédiction ».
C'est une bonté que nous ne saurions jamais trop admirer de la part de Dieu d'avoir choisi la tête de son Fils bien-aimé pour y placer le signe de notre malédiction et le changer en une source de bénédictions. L'onction céleste qui coule de cette source féconde opère des prodiges en nos âmes. Elle change la stérilité de notre cœur et y fait germer des plantes salutaires qui portent des fruits exquis. Notre âme peut désormais se complaire à s'humilier devant Dieu, à penser à lui, à méditer ses grandeurs et ses bontés. Notre cœur si dur est devenu sensible aux attraits de la grâce et s'épanche en œuvres de miséricorde et de salut. Notre nature est pour ainsi dire changée. L'olivier franc s'est uni à l'olivier sauvage, le sarment stérile à la vigne fertile disons à Dieu aujourd'hui en nous unissant à l'Église: « Daignez, ô Dieu tout-puissant, daignez nous accorder à nous qui, en mémoire de la passion de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ, honorons sur la terre sa couronne d'épines, que nous obtenions d'être dans le ciel, par sa miséricorde, couronnés de gloire et d'honneur ».
Texte extrait des Petits Bollandistes, tome XVI
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