Spiritualité Chrétienne

Spiritualité Chrétienne

Bienheureux Raphaël-Louis Rafiringa

Bienheureux Raphaël-Louis Rafiringa

Missionnaire dans son propre pays

1856-1919


Evoquer le terme « missionnaire » fait souvent penser aux annonciateurs « étrangers » de l’Evangile de Jésus-Christ dans les pays lointains, dits « pays de mission ». Or, un chrétien autochtone peut aussi « être missionnaire » dans son propre pays “, quand les autres missionnaires sont chassés de sa nation. Il doit alors faire face à l’évangélisation de son propre peuple et à la bonne marche de l’église catholique naissante. C’est l’expérience même du Frère Raphaèl-Louis Rafiringa, premier Frère des Ecoles Chrétiennes Malagasy, religieux missionnaire à Madagascar vers la fin du XIX siècle. A partir de son vécu quotidien et de ses réflexions, il définit lui-même cette mission : “ Le devoir des Missionnaires est de planter la Religion dans le pays de leur apostolat. Ils ne doivent pas compter d’avoir accompli leur Mission avant que les indigènes pratiquent la Religion comme si elle était née dans leur propre pays “. Son expérience sur la Mission, sa conception sur la place essentielle de la culture locale dans la foi chrétienne, sa conviction profonde sur le rôle primordial de l’éducation dans l’évangélisation sont mises en écrit par lui-même en 1910 dans « Fruits de trois ans de guerre », il s’agit de la première guerre franco-malagasy (1883-1886) pendant laquelle tous les missionnaires étant expulsés de la Grande Ile, le Frère Raphaèl-Louis Rafiringa fut le seul religieux malagasy au milieu de l’Eglise Catholique naissante.

Du paganisme au Christianisme


Fils de Rainiantoandro et de Rahaga, Frera Rafiringa est né le 13 Novembre 1856 à Mahamasina (Tananarive). Son père, qui était chef des forgerons de la cour royale, donnait une éducation solide au jeune Rafiringa - intégrant les coutumes, les valeurs et la Religion - selon la mentalité malagasy du XIX ème siècle. Cette éducation à la culture malagasy va le marquer ontologiquement, si bien qu’il nous en fait part dans ses écrits, voire dans sa vie de religieux éducateur. Enfant, il n’a pas encore fréquenté l’école; mais son éducation s’est faite dans trois endroits différents : la grande famille où l’oralité joue un rôle important dans la trans-mission des savoir-faire et savoir-vivre à l’enfant (contes, proverbes). l’entourage, c’est la société où l’enfant vit quotidiennement. Il passe son temps avec ses voisins à jouer au “ diamanga “ (jeu typiquement malgache à base de résistance physique, de technique et de perspicacité ). la cour royale où il suit son père. Les forgerons mettent des anneaux de fer autour du cou, des mains et des pieds des prisonniers. Le 24 Novembre 1866, les Frères Gonzalvien, Ladolien, Yon arrivaient à Madagascar pour l’implantation des Frères des Ecoles Chrétiennes. Cette venue ne laissa pas indifférent Rafiringa, s’interrogeant sur ces personnes “ étranges “ qui vivent à longueur de journée avec des enfants et des jeunes. Alors que sa sœur Ernestine étudiait déjà chez les Sœurs de Saint Joseph de Cluny en 1867, Rafiringa poursuivait son éducation à la malagasy. Le 19 Mars 1867, fête de Saint Joseph, Ernestine l’invita à la fête de l’école des filles. Cette première fréquentation de l’Eglise fut, pour ce jeune païen, le moment décisif de sa conversion. Car, suite à ses demandes, ses parents l’envoyèrent étudier à l’école des garçons de Mahamasina où il commença son catéchisme pour le Baptême. Baptisé le 07 Novembre 1869, dans l’Eglise de Mahamasina par le Père Limousin, Rafiringa continua son éducation humaine, intellectuelle et spirituelle à l’école des F.E.C. C’est lui-même qui porte témoignage sur sa jeunesse : “ Jusqu’en 1871, je n’ai connu le Cher Frère Gonzalvien qu’indirectement, par les visites qu’il faisait à notre quartier. Mais à cette époque, il me fit monter à l’école des Frères proprement dite, à Ambodinandohalo; alors là, je l’ai observé de près, le voyant chaque jour matin et soir, à l’Eglise, en classe Sa seule vue, priant à l’Eglise m’inspirait de plus en plus une conviction sérieuse de la religion chrétienne, car hélas ! Je le confesse, je n’avais pas la foi, bien que je fusse baptisé depuis l’âge de 13 à 14 ans. Le voyant toujours sérieux dans ce qu’il disait , grave dans tout ce qu’il faisait, et tout occupé aux choses de la religion, je pensais que cette religion-là devait être réellement quelque chose de grand, pour qu’un tel homme ne s’occupât que de cela. “


Du M . E . C au F . E . C


L’année 1874 marque un deuxième tournant décisif dans sa vie. En effet, le Frère Yon mourut cette année-là. Rafiringa âgé de 18 ans, ayant terminé ses études, fut choisi par le Frère Gonzalvien pour être un jeune enseignant à Andohalo. D’où le nom de Maitre d’Ecoles Chrétiennes (M.E.C) La pratique éducative, la fréquentation des Frères contribuent au mûrissement de sa vocation. Devenu officiellement postulant le 16 Avril 1876, il confirme son choix libre et personnel d’être religieux, malgré le refus de son père et devant l’offre alléchante d’un avenir assuré par sa famille. Et le M.E.C devient F.E.C le 01 Mars 1878 par la prise d’habit religieux, commencement du Noviciat. N’ayant pas pu aller à Bourbon (Ile de la Réunion ), le frère Rafiringa va faire sa formation sur place, avec l’accord du Frère Supérieur, et sous l’égide du Frère Gonzalvien. D’ ailleurs, cette formation à la vie religieuse dura plusieurs années, le formateur voulant s’assurer de la constance et de la persévérance du Novice, prémices de la Congrégation lasallienne en terre malagasy :“ (_) Notre Cher frère Raphaèl-Louis est doué de toutes les qualités désirables pour un excellent Frère des Ecoles Chrétiennes ; tout le monde le vénère et l’admire (_) Aidez-nous, mon bien Cher Frère Visiteur, à remercier le bon Dieu qui a daigné donner à notre Institut un sujet si accompli dans la personne du Cher frère Raphaèl-Louis, et prions pour sa persévérance, de laquelle dépend le salut d’un grand nombre d’âmes à Madagascar . “ ( lettre du frère Gonzalvien datée du 20 Mars 1878 au Frère Visiteur) Cette première entrée d’un Malagasy dans l’Institut des F.E.C fut une source de joie et de bonheur aussi bien pour la dite congrégation que pour sa famille. Le Frère Supérieur Général de l’époque daigna personnellement écrire au nouveau novice : une lettre qui le marquera profondément et que confirmera l’histoire:“ Il convient que l’aîné de la famille du Vénérable De La Salle à Madagascar ressemble le plus parfaitement possible à son Père .“ De 1878 en 1883, le Frère RAFIRINGA Raphaèl-Louis est toujours en formation. Il faudrait noter que l’on considère son noviciat terminé dès qu’il fit ses premiers voeux en avril 1883. Mais une autre aventure commença pour lui après ses cinq années de noviciat. Seul, il doit prendre en main sa vocation, sa tâche éducative et sa mission dans l’Eglise catholique naissante dépourvue de Missionnaires.


Missionnaire Malagasy à Madagascar


En effet, le 25 Mai 1883, en suite du bombardement de Majunga par les Français, le gouvernement malagasy proclama un décret de renvoi de tous les étrangers français résidant à Madagascar. C’est l’éclatement de la première guerre franco-malagasy. Cette situation mettra l’Eglise catholique naissante dans un grand désarroi. Tous les Missionnaires durent partir de la Grande Ile. Mais avant leur départ, au moment de la séparation avec les chrétiens catholiques Malagasy. D’un côté, un prêtre jésuite confia à Victoire Rasoamanarivo, belle fille du premier ministre Rainilaiarivony, la responsabilité de veiller sur les chrétiens : “ Le 30 Mai 1883, au départ des missionnaires, Victoire toute en larmes alla faire ses adieux au Père Caussèque . Celui-ci lui adressa ces paroles : “ Victoire, lorsque Notre Seigneur monta au ciel, Marie, sa Mère, resta sur la terre pour encourager et soutenir les apôtres et les premiers chrétiens : ainsi, durant l’absence des missionnaires, vous devez être ici l’ange gardien de la Mission Catholique et le soutien des fidèles “. Victoire répondit en sanglotant : « Mon Père, je ferai ce que je pourrai ». Cette scène eut des témoins. Aussi, à partir de ce jour, les chrétiens regardèrent Victoire comme leur mère “. Par ailleurs, au lieu de se décourager ou de délaisser son état de vie dans cette épreuve, le Frère Rafiringa Raphaèl-Louis ne fait que confirmer sa vocation et se dispose à surmonter l’obstacle en dépit de son jeune âge ( 27 ans ). Au moment de la séparation avec ses Frères : “ Ce cher enfant est disposé au martyre plutôt que d’abandonner le bon Dieu. En nous séparant, il me dit : « Je ne puis pas écrire au T.C.F Supérieur, je vous prie de lui dire de vouloir bien me compter toujours au nombre des enfants du Vénérable De La Salle. J’ai renouvelé mes voeux de trois ans il y a quelques jours, avec bonheur ; je regrette qu’ils ne soient pas perpétuels (_) Envoyez-moi en cachette les livres classiques qui n’ont pas encore été traduits en langue malgache, je les traduirai en pur langage hova et lorsque vous reviendrez tout sera prêt pour être imprimé. » “ Voilà que la chrétienté malgache naissante de Tananarive, au lieu de s’enfermer sur elle-même, devient missionnaire à son tour. Le Frère Rafiringa Raphaèl-Louis, Madame Victoire Rasoamanarivo et les jeunes de l’Union Catholique assuraient les activités pastorales et spirituelles en collaborant étroitement. Ils se sont organisés eux-mêmes pour vivre, partager et proclamer la Bonne Nouvelle. Collaborer ne veut pas forcément dire s’entendre en tout point de vue. Comme dans tout groupe engagé, il y avait convergence et divergence d’idées - succès et échecs - vives discussions et tensions - problèmes organisationnels internes . Mais aussi des moments de réconciliations - de soutien mutuel - d’encouragement apostolique - de prières ferventes. Toutes ces activités sont largement mentionnées dans Tantaran’ny Union Catholique , un document historique précieux. Le Frère Rafiringa Raphaèl-Louis, dans sa lettre au Père Cazet écrite le 20 Octobre 1884, faisait part de ses activités missionnaires pendant cette période. Il avait été élu Préfet de l’Eglise catholique de l’Imerina par les chrétiens eux-mêmes. Il s’occupait des postulantes des soeurs de Saint Joseph de Cluny en les regroupant dans une communauté, en leur donnant des conférences et retraites spirituelles. Il assurait la bonne marche des écoles de Tananarive, en les visitant hebdomadairement, en formant les maîtres d’écoles - sans oublier l’animation spirituelle des Eglises (retraites, prières, exhortations) Enfin, la visite et le réconfort aussi bien moral que spirituel des lépreux d’Ambahivoraka à partir de juillet 1884 (un village à une quinzaine de kilomètres de Tananarive = l’actuel Sabotsy Namehana ). Au retour des Missionnaires, il reprit humblement sa tâche d’éducateur à l’école Saint joseph d’Ambodinandohalo. Mais en 1894, une seconde guerre éclata entre Madagascar et la France. Tous les Missionnaires partirent de nouveau de la Grande Ile. Le Frère Rafiringa, quelques Soeurs et Laïcs Malagasy, tenant compte de l’expérience du passé, assurèrent l’organisation et l’animation de l’Eglise catholique. Le Frère Rafiringa était officiellement désigné par Monseigneur Jean Baptiste Cazet comme responsable de la Mission Catholique. Mais lui et ses Frères refusèrent ce poste, à cause des jugements téméraires et des accusations sévères de certains prêtres missionnaires à son égard, au sujet de sa responsabilité de Préfet de la Mission  pendant la première guerre franco-malagasy , comme le témoigne cette lettre : “ Lorsqu’en 1894 , Mgr Cazet voulut nommer le C.F Raphaël chef des catholiques au moment où nous allions quitter la capitale, je fis des instances auprès de Sa Grandeur pour que ce rôle fut dévolu à un autre et non au frère Raphaèl. Et j’objectai qu’il avait été injustement jugé pour la période de la première guerre, surtout par le Père Caussèque. On est revenu de tout cela, me dit Sa Grandeur. Le P. Caussèque ? Mais c’est lui-même qui demande que je nomme le F. Raphaël pour ce poste périlleux ! D’ailleurs, si je ne le nommais pas, reprit sa Grandeur, nous ne serions pas arrivés à Ambohimalaza que les chrétiens l’auraient nommé “ (Lettre écrite par le Frère Norbert au Très Cher Frère Visiteur le 03 Juillet 1937 - il se trouvait à Tananarive en 1894 ). Nul ne sait exactement qui avait été le Préfet de la Mission : Frère Rafiringa ou un laïc Paul Rafiringa, qui avait fait ses preuves en 1883-86 comme président de l’union catholique ? Mais _ Tout se déroulait normalement dans cette Eglise missionnaire dirigée et animée par les Laïcs. Le Royaume malagasy ayant été vaincu par l’armée française, les Missionnaires revinrent à Tananarive en Octobre 1895. Même si Madagascar était proclamé “ Colonie française “ en 1896, le Frère Rafiringa Raphaèl-Louis n’avait jamais accepté l’annexion culturelle et linguistique de ses compatriotes Malagasy. Soulignons aussi que les deux principaux dangers, qui ont guetté l’Eglise catholique naissante, avaient été surmontés : la dissension interne de l’Eglise catholique - la rivalité confessionnelle avec le protestantisme. Ces deux périodes de guerre n’ont pas pu ébranler le Frère Rafiringa dans sa vocation et pour le reste de sa vie.


Vers la colline bénie du peuple


Ayant assuré des petites responsabilités jusqu’à sa mort, il se consacrait entièrement à l’écriture d’ouvrages en langue française et malagasy ; à l’enseignement de la langue malgache aux résidents français tels que Hippolyte Laroche et d’autres interprètes. Membre de l’Académie Malagasy dès sa fondation en 1902, il écrivit de nombreux ouvrages littéraires (poésie, théâtre, art oratoire) et des documents chrétiens (vie des saints, prières). Accusé de conspiration avec le mouvement V.V.S contre le gouvernement colonial en 1915, il fut emprisonné avec deux autres religieux : le Prêtre Jésuite Manifatra Venance et le Frère Julien-Alexis (F.E.C). En prison, il récite la prière de communauté et le chapelet, fait le chemin de la croix avec le crucifix de sa profession religieuse. Il consacre des longues heures à l’oraison et aux méditations. Il prie beaucoup Dieu pour susciter des vocations sacerdotales et religieuses. Acquitté et innocenté, il fut libéré par le tribunal le 18 Février 1916. Il rendait grâce à Dieu qui avait exaucé sa prière de devenir un saint pour travailler à sa gloire et au salut des âmes. Ces derniers événements de sa vie ressemblent beaucoup à ceux de Saint Jean Baptiste De La Salle : une vie religieuse passée dans une grande épreuve, dans la solitude, dans la prière et dans la méditation. Le 19 Mai 1919, il mourut à Fianarantsoa et fut enterré à Kianjasoa. Les anciens, qui avaient une dévotion particulière à leur saint frère, voulaient que le Frère Rafiringa soit transféré à Tananarive. Ce souhait n’a été réalisé qu’en 1933 lors du “ Famadihana “ du Frère. D’abord réinhumé à Anjanahary, puis transféré à Soavimbahoaka qui signifie “ la colline bénie du peuple “ , le Frère Rafiringa repose en paix au milieu de ses frères. Nombreux sont ceux qui viennent visiter son tombeau, pour lui confier des intentions de prière, ou adresser des remerciements pour des faveurs obtenues. La cause de béatification a été officiellement ouverte par le Cardinal Razafimahatratra Victor le 19 Mai 1989 (70 ème anniversaire de sa mort ) lors d’une messe d’action de grâces avec la grande famille lasallienne ( frères, éducateurs laïcs, parents, anciens élèves, amis, signum fidéi, jeunes ) dans la cathédrale d’Andohalo.


Frère Ragod-Gasy, F.E.C.


Le Frère Raphaël-Louis Rafiringa a été béatifié le 8 juin 2009 a Antsonjombe (Madagascar).


Prière


O Dieu, Source de toute Sainteté, Tu as rendu le Bienheureux Raphaël, par sa docilité à l'Esprit Saint, fils de Ta Lumière et admirable guide des jeunes et des adultes sur le chemin de la Foi et de l'amour; fais que nous aussi, à son exemple et par son intercession, soyons éclairés de la splendeur de la Vérité et disponibles pour le service de nos frères. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen.

 



10/06/2009
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